Prise d’acte valant démission : pas d’indemnité de préavis en cas d’arrêt maladie

Prise d’acte valant démission : pas d’indemnité de préavis en cas d’arrêt maladie

Prise d’acte valant démission : pas d’indemnité de préavis en cas d’arrêt maladie 2560 1702 sancy-avocats.com

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La Cour de cassation vient de rappeler une solution établie en matière de prise d’acte de la rupture du contrat de travail dans un arrêt du 25 juin 2025 (Cass. soc. 25 juin 2025, n° 21-16745 FD).

Cette décision confirme qu’un salarié en arrêt maladie au moment de sa prise d’acte ne peut être condamné au versement d’une indemnité compensatrice de préavis, même lorsque celle-ci produit les effets d’une démission.

1. Le mécanisme de la prise d’acte de la rupture et ses conséquences variables

1.1. Les principes généraux de la prise d’acte

La prise d’acte de la rupture constitue un mode particulier de rupture du contrat de travail permettant au salarié de rompre immédiatement son contrat en invoquant des manquements de l’employeur à ses obligations (C. trav. art. L 1235-3-2).

Cette rupture unilatérale entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, de sorte que le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis (Cass. soc. 28-9-2011 n° 09-67.510 FS-PB ; Cass. soc. 20-11-2024 n° 23-19.988 F-D).

Le salarié qui prend acte de la rupture peut saisir le juge prud’homal pour qu’il statue, dans le délai d’un mois, sur les effets de cette rupture (C. trav. art. L 1451-1).

1.2. La qualification judiciaire de la prise d’acte

L’appréciation judiciaire de la prise d’acte détermine ses conséquences financières selon une logique binaire particulièrement rigoureuse.

Lorsque la prise d’acte est justifiée par des manquements suffisamment graves de l’employeur pour empêcher la poursuite du contrat, elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 19-1-2005 n° 03-45.018 FS-PBRI).

En revanche, lorsque les manquements reprochés à l’employeur ne sont pas établis ou ne sont pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la prise d’acte produit les effets d’une démission (Cass. soc. 25-6-2003 n° 01-42.335 FS-PBRI).

2. Les conséquences financières de la prise d’acte valant démission

2.1. Le principe de l’indemnité compensatrice de préavis

Lorsque la prise d’acte produit les effets d’une démission, le salarié considéré comme démissionnaire ne peut prétendre à aucune indemnité de rupture.

Plus contraignant encore, il peut être condamné à verser à l’employeur une indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc. 4-2-2009 n° 07-44.142 F-D ; Cass. soc. 15-4-2015 n° 13-25.815 F-D).

Cette obligation résulte de l’application de l’article L 1237-1 du Code du travail selon lequel le salarié doit à l’employeur le montant de l’indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc. 8-6-2011 n° 09-43.208 FS-PB).

2.2. Les exceptions au principe

Cependant, plusieurs exceptions tempèrent cette règle stricte en faveur du salarié.

Le salarié échappe au versement de l’indemnité compensatrice de préavis s’il a proposé d’effectuer son préavis et que l’employeur l’en a dispensé (Cass. soc. 19-5-2015 n° 13-25.615 FS-D).

De même, aucune indemnité compensatrice ne peut être exigée si le salarié se trouve, du fait de sa maladie, dans l’impossibilité physique d’exécuter le préavis (Cass. soc. 15-1-2014 n° 11-21.907 FS-PB ; Cass. soc. 24-11-2021 n° 20-13.502 F-D).

3. L’apport de l’arrêt du 25 juin 2025 : la protection du salarié malade

3.1. Les faits de l’espèce

Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation, un salarié consultant avait été placé en arrêt maladie le 29 mai 2017.

Le 18 décembre de la même année, alors qu’il était toujours en arrêt maladie, il avait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Les juges du fond avaient considéré que cette prise d’acte n’était pas justifiée et qu’elle produisait donc les effets d’une démission, condamnant le salarié à payer une indemnité compensatrice de préavis de trois mois.

3.2. La solution de la Cour de cassation

La Haute juridiction a censuré cette décision en rappelant un principe protecteur déjà établi dans sa jurisprudence antérieure.

Aucune indemnité compensatrice de préavis ne peut être mise à la charge du salarié s’étant trouvé, du fait de sa maladie, dans l’incapacité d’effectuer le préavis au moment de la prise d’acte.

Cette solution s’impose même si l’arrêt de travail prend fin postérieurement à la prise d’acte et que le salarié reprend une activité professionnelle chez un autre employeur, comme c’était le cas en l’espèce où le salarié avait travaillé pour une autre société à compter de janvier 2018.

4. La portée pratique de cette jurisprudence

4.1. Une protection cohérente du salarié malade

Cette jurisprudence s’inscrit dans une logique de protection cohérente du salarié en situation de vulnérabilité sanitaire.

Elle évite qu’un salarié en arrêt maladie soit doublement pénalisé : d’une part par l’échec de sa prise d’acte, d’autre part par une condamnation financière pour non-respect du préavis alors même qu’il était dans l’impossibilité physique de l’exécuter.

La solution respecte également le principe selon lequel l’obligation de préavis ne peut s’imposer qu’à celui qui est en mesure de l’accomplir.

4.2. Les implications pour la pratique juridique

Cette jurisprudence invite les praticiens à une analyse circonstanciée de la situation du salarié au moment précis de la prise d’acte.

L’état de santé du salarié à cette date constitue un élément déterminant pour l’appréciation de ses obligations financières, indépendamment de son évolution ultérieure.

Cette approche protectrice s’applique de manière symétrique lorsque la prise d’acte est justifiée, le salarié ayant alors droit à l’indemnité compensatrice de préavis même s’il était en arrêt de travail pour maladie au moment de la prise d’acte et dans l’incapacité physique de l’exécuter (Cass. soc. 20-1-2010 n° 08-43.476 FS-PB ; Cass. soc. 11-12-2015 n° 14-15.670 F-D).

Cette jurisprudence constante de la Cour de cassation offre ainsi une sécurité juridique appréciable tant pour les salariés que pour leurs conseils dans l’évaluation des risques liés à une prise d’acte de la rupture.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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