Vote électronique : l’accord doit être en vigueur avant la signature du protocole préélectoral

Vote électronique : l’accord doit être en vigueur avant la signature du protocole préélectoral

Vote électronique : l’accord doit être en vigueur avant la signature du protocole préélectoral 2560 1441 sancy-avocats.com

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Par un arrêt du 5 novembre 2025, la Cour de cassation rappelle une exigence fondamentale en matière d’élections professionnelles par vote électronique : le protocole d’accord préélectoral ne peut être valablement signé qu’après l’entrée en vigueur de l’accord collectif autorisant ce mode de scrutin (Cass. soc. 5-11-2025, n° 24-60.169 F-D). Cette décision confirme une jurisprudence constante et précise les conséquences d’un calendrier inadapté, susceptible d’entraîner l’annulation pure et simple des élections.

1. Le cadre juridique du vote électronique

1.1. Les conditions de mise en œuvre du vote électronique

L’élection des membres de la délégation du personnel du comité social et économique peut avoir lieu par vote électronique sur la base d’un accord de groupe ou d’entreprise ou, à défaut, d’une décision unilatérale de l’employeur (C. trav. art. L 2314-26, alinéa 2 et R 2314-5, alinéa 1).

Cette possibilité offerte par la loi du 21 juin 2004 doit respecter des modalités précises fixées par le décret du 25 avril 2007, complété par un arrêté de la même date.

Le système retenu doit notamment assurer la confidentialité des données transmises et la sécurité de l’ensemble du processus électoral, de l’adressage des moyens d’authentification jusqu’au dépouillement des votes (C. trav. art. R 2314-9 et R 2324-5).

1.2. Le protocole d’accord préélectoral et sa place dans le processus

Une fois l’accord d’entreprise ou de groupe conclu, le protocole d’accord préélectoral vient préciser les modalités concrètes de mise en œuvre du vote électronique.

Ce protocole doit mentionner la conclusion de l’accord d’entreprise ou de groupe autorisant le recours au vote électronique et, s’il est déjà arrêté, le nom du prestataire choisi pour le mettre en place (C. trav. art. R 2314-16 et R 2324-12).

Il comporte en annexe la description détaillée du fonctionnement du système retenu et du déroulement des opérations électorales.

2. L’exigence d’antériorité de l’accord collectif

2.1. Le principe posé par la jurisprudence

La Cour de cassation a établi dès 2011 que la signature du protocole préélectoral prévoyant les modalités concrètes de mise en œuvre du vote électronique ne peut intervenir qu’après l’entrée en vigueur de l’accord collectif autorisant un tel vote (Cass. soc. 28-9-2011, n° 11-60.028 FS-PB).

Cette exigence découle de la hiérarchie des normes applicables : l’accord collectif fixe le cadre général du recours au vote électronique, tandis que le protocole préélectoral en détermine les modalités pratiques.

Le protocole ne saurait donc anticiper sur un accord qui ne serait pas encore juridiquement applicable.

2.2. Les règles d’entrée en vigueur des accords collectifs

En principe, un accord collectif est applicable à compter du jour qui suit son dépôt auprès de l’administration (C. trav. art. L 2261-1).

Toutefois, l’accord peut comporter des stipulations contraires prévoyant une date d’entrée en vigueur différente, notamment antérieure à celle du dépôt.

Cette possibilité offre une certaine souplesse aux partenaires sociaux dans la gestion du calendrier électoral, à condition que cette date d’entrée en vigueur anticipée soit expressément prévue dans l’accord lui-même.

3. L’application du principe dans l’arrêt du 5 novembre 2025

3.1. Les faits de l’espèce

Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation, une association avait organisé des élections professionnelles pour le renouvellement de son comité social et économique.

Un accord collectif relatif au vote électronique avait été conclu le 2 mars 2023 avec le syndicat CFTC, puis déposé au greffe du conseil de prud’hommes le 7 avril 2023.

Le protocole d’accord préélectoral prévoyant le recours au vote électronique avait été signé le 28 mars 2023 avec les syndicats CFTC et CFDT, puis modifié par un avenant du 7 avril suivant.

Les élections avaient eu lieu en deux tours, du 15 au 17 mai 2023 pour le premier tour et du 29 au 31 mai 2023 pour le second tour.

3.2. La contestation de la validité des élections

Une salariée de l’association a saisi le tribunal judiciaire le 22 mai 2023 pour demander l’annulation des élections.

Elle soutenait que le protocole d’accord préélectoral avait été signé avant le dépôt et donc avant l’entrée en vigueur de l’accord d’entreprise prévoyant la possibilité de recourir au vote électronique.

Le tribunal judiciaire avait rejeté cette demande, considérant que l’accord d’entreprise avait été conclu avant la signature du protocole préélectoral.

3.3. La solution de la Cour de cassation

La Haute juridiction censure le raisonnement des premiers juges et rappelle que la validité du protocole préélectoral prévoyant la mise en œuvre du vote électronique est subordonnée à l’entrée en vigueur de l’accord d’entreprise conclu à cet effet (Cass. soc. 5-11-2025, n° 24-60.169 F-D).

En l’espèce, le protocole préélectoral avait certes été conclu après la signature de l’accord d’entreprise relatif au vote électronique, mais avant le dépôt de celui-ci.

Or, il ne ressortait pas des constatations du tribunal judiciaire que l’accord d’entreprise prévoyait une date d’entrée en vigueur antérieure à celle de son dépôt.

Par conséquent, à la date de signature du protocole préélectoral (28 mars 2023), l’accord d’entreprise n’avait pas encore été déposé (dépôt le 7 avril 2023) et n’était donc pas encore entré en vigueur.

Dans ces conditions, les élections devaient être annulées.

4. Les enseignements pratiques de cette décision

4.1. La chronologie impérative à respecter

L’arrêt du 5 novembre 2025 met en évidence la chronologie stricte que doivent respecter les employeurs et les organisations syndicales dans l’organisation d’élections professionnelles par vote électronique.

Cette chronologie s’articule en quatre étapes successives : la signature de l’accord collectif autorisant le vote électronique, le dépôt de cet accord auprès de l’administration compétente (sauf stipulation contraire sur l’entrée en vigueur), l’entrée en vigueur effective de l’accord (le lendemain du dépôt en principe), et enfin la signature du protocole d’accord préélectoral.

Le non-respect de cet ordonnancement entraîne l’annulation des élections, quand bien même celles-ci se seraient déroulées dans de bonnes conditions matérielles.

4.2. La possibilité d’anticiper l’entrée en vigueur

La Cour de cassation souligne expressément qu’il aurait pu en être autrement si l’accord d’entreprise avait, par une stipulation spécifique, prévu une date d’entrée en vigueur antérieure à celle de son dépôt (Cass. soc. 5-11-2025, n° 24-60.169 F-D).

Cette précision revêt une importance pratique considérable pour les acteurs du dialogue social.

En effet, elle leur permet d’organiser plus efficacement le calendrier électoral en prévoyant expressément dans l’accord collectif une clause fixant son entrée en vigueur à une date déterminée, notamment à la date de sa signature.

Une telle clause permettrait de signer immédiatement le protocole préélectoral après la conclusion de l’accord, sans attendre les délais de dépôt administratif.

4.3. Les précautions à prendre en pratique

Au vu de cette jurisprudence constante, plusieurs précautions s’imposent aux employeurs et aux organisations syndicales.

En premier lieu, il convient de prévoir systématiquement dans tout accord collectif relatif au vote électronique une clause expresse fixant sa date d’entrée en vigueur, idéalement à la date de sa signature.

En deuxième lieu, il est recommandé de mentionner expressément dans le protocole d’accord préélectoral la date de conclusion et la date d’entrée en vigueur de l’accord collectif autorisant le vote électronique, afin de démontrer le respect de la chronologie requise.

En troisième lieu, en cas de doute sur l’entrée en vigueur de l’accord collectif, il est préférable d’attendre le lendemain du dépôt administratif avant de signer le protocole préélectoral, afin de sécuriser juridiquement le processus électoral.

Ces précautions, bien que contraignantes sur le plan organisationnel, permettent d’éviter l’annulation des élections et les contentieux qui en découlent, sources de coûts et de tensions sociales pour l’entreprise.

5. La portée générale du principe de hiérarchie des normes

L’exigence posée par la Cour de cassation s’inscrit dans une logique plus générale de respect de la hiérarchie des normes en droit du travail.

Si le protocole d’accord préélectoral fixant les modalités de mise en œuvre du vote électronique doit, pour être valable, satisfaire aux conditions de majorité prévues par le Code du travail, l’accord d’entreprise autorisant le recours au vote électronique est quant à lui soumis aux conditions de validité propres aux accords collectifs (Cass. soc. 28-9-2011, n° 10-27.370 FS-PB).

Cette distinction illustre la nature différente de ces deux instruments juridiques : l’accord collectif relève du droit de la négociation collective, tandis que le protocole préélectoral s’apparente davantage à un acte de procédure électorale.

La subordination du protocole à l’accord en vigueur garantit ainsi la cohérence du système normatif et le respect des droits fondamentaux des salariés en matière de représentation du personnel.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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