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Réouverture des restaurants, cafés et bars : les enjeux vis-à-vis du personnel

Réouverture des restaurants, cafés et bars : les enjeux vis-à-vis du personnel 2560 1730 sancy-avocats.com

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Comme l’a annoncé le Premier ministre Edouard Philippe le 28 mai, les restaurants, cafés et bars vont pouvoir rouvrir à compter du mardi 2 juin, dans tous les départements mais avec des restrictions, notamment à Paris. Dans tous les cas, les acteurs du secteur doivent assurer la sécurité du personnel.

Remarque préalable : le présent article ne traite pas de la question des règles applicables à la clientèle. 

1/ Actualiser le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)

La mise à jour du DUERP doit être réalisée notamment lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité et lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie (C. trav. art. R. 4121-2).

Le Covid-19 impose évidemment l’actualisation du DUERP et son défaut de mise à jour engage la responsabilité de l’employeur, sur le terrain de la faute inexcusable voire sur le terrain pénal.

L’évaluation  des  risques doit viser à identifier les situations de travail pour lesquelles les conditions de transmission du Covid-19 peuvent se trouver réunies (même lieu de vie, contact direct à moins d’un mètre lors d’une toux, d’un éternuement, mains non lavées, etc.).

Le DUERP doit s’adapter à chaque unité de travail (ex. « la cuisine », « le service en salle ou en terrasse », « les services administratifs », « l’approvisionnement des matières premières », etc.).

2/ Mettre en place un plan de continuité d’activité (PCA)

Ce document n’est pas prévu par le Code du travail mais il est pourtant essentiel.

Son objectif est de permettre la reprise des activités des restaurants, cafés et bars en entreprenant les actions suivantes :

– Définir les principales dispositions  à respecter pour assurer la continuité du service en sécurité pour les salariés, les clients, les fournisseurs, etc.

– Anticiper un éventuel arrêt en sécurité du service et organiser les tâches essentielles qui doivent pourvoir être maintenues.

– Assurer une reprise partielle en sécurité en période de déconfinement progressif.

– Anticiper la reprise en sécurité de l’activité pour pouvoir redémarrer rapidement.

– Prévoir le retour d’expérience de la crise.

Le PCA est très important, notamment pour les professionnels du secteur HCR qui n’auraient pas encore élaboré un DUERP.

3/ Respecter les mesures préconisées par l’UMIH (Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie) 

Le 28 mai 2020, l’UMIH et ses syndicats associés ont mis à disposition un guide sanitaire CHRD (« cafés, hôtels, restaurants et discothèques »), à l’image de nombreux autres secteurs professionnels.

Des préconisations très pertinentes ont été retenues pour assurer la sécurité du personnel, notamment celles-ci :

– Assurer une information et communication de qualité avec les personnels.

– Associer étroitement les instances représentatives s’il en existe, CSE et CSSCT en particulier.

– Désigner un référent Covid-19 chargé de prévention, par exemple, qui peut coordonner les mesures à mettre en œuvre et à faire respecter.

– Organiser des réunions régulières voire quotidiennes avec le personnel pour faire connaitre les consignes et obtenir l’adhésion (en respectant la distance minimale de 1m), ou assurer un contact téléphonique. Les réunions à l’air libre doivent être privilégiées.

– Présenter l’organisation exceptionnelle des tâches avant chaque prise de poste.

– Rappeler aux personnels la nécessité d’éviter de se toucher le visage avec ou sans gants et sans nettoyage préalable des mains.

– Il est recommandé également de questionner les salariés lors de la prise de poste pour s’assurer de la bonne connaissance des mesures.

– Porter une attention particulière aux salariés fragiles.

– Refuser l’accès – avec le port d’un masque chirurgical – en cas de symptômes de maladie, en particulier toux, température, perte d’odorat et/ou du goût.

– Privilégier les modes de transport individuels. En cas d’utilisation des transports en commun : respect de la distance minimale de 1m et lavage des mains obligatoire à l’arrivée dans l’entreprise. 

4/ Revoir et ajuster l’organisation du travail 

Par nature, le secteur HCR implique une certaine polyvalence. Comme l’indique l’article 34 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 :

– « L’organisation du travail tient compte de la nécessité d’emplois utilisant la plurivalence et la pluri aptitude des salariés.

Chaque employé participe aux travaux communs, et peut être amené à effectuer des travaux annexes tenant compte du caractère spécifique de chacun des établissements l’activité de service ayant cette particularité de devoir, avant tout, s’adapter aux besoins du client. »

Ainsi, comme le recommande à juste titre l’UMIH, les mesures suivantes peuvent utilement être adoptées :

– Ajuster les plages horaires en fonction de l’évolution de l’activité, de l’ouverture hebdomadaire, en tenant compte des contraintes du personnel et du renforcement des mesures d’hygiène.

– Travailler autant que possible en équipes fixes.

– Partager strictement les équipes de travail afin d’éviter l’infection d’un collaborateur et, par la suite, la mise en quarantaine de tout le personnel…

– Préparer et adapter les procédures des salariés en fonction de cette nouvelle organisation. 

5/ Renforcer les mesures d’hygiène 

L’UMIH souligne qu’il est impératif de rédiger ou de renforcer le plan de nettoyage et de désinfection avec périodicité et suivi des locaux, des surfaces de travail, des équipements de travail, des outils, des poignées de portes et boutons, de la zone de paiement, des matériels, de tout objet et surface susceptible d’avoir été contaminé (en contact avec les mains), des équipements de travail commun, collectifs (machines à café, etc.).

Des mesures concrètes sont prévues parmi lesquelles :

– Par sécurité en cas de fermeture prolongée, rincer la tuyauterie d’eau froide pendant au moins 5 minutes. La température de l’eau chaude doit être relevée à l’endroit le moins favorable : 55 °C (action de prévention légionnelles).

– Si la climatisation ne peut pas être supprimée, prévoir le nettoyage des filtres et son entretien régulier.

– Afficher visiblement toutes les informations utiles au client et notamment signaler la distance de sécurité sociale ou les limitations du nombre de personnes.

– Prévoir l’approvisionnement permanent des consommables (produits de nettoyage et de désinfection, papier sèche-mains, masques, gants,  sur-blouses …) et mettre en place une gestion des stocks en conséquence.

– Suivant la configuration des locaux, organiser des flux distincts entre l’entrée et la sortie des clients.

– Eviter tout ce qui peut être touché par des clients successifs (livres, journaux, menus réutilisables, salières, poivrière, condiments…).

– Marquer/signaler la distance sociale aux endroits stratégiques.

6/ Associer le comité social et économique (CSE) 

Quelle que soit la taille de l’établissement, le CSE a un rôle à jouer à l’occasion de la réouverture des restaurants, cafés, bars, etc.

En effet, dans les établissements d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés, les membres du CSE contribuent à promouvoir la santé, la sécurité et les conditions de travail et réalise des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel (C. trav. art. L. 2312-5, al. 2).

Et, dans les établissements de plus de 50 salariés, le CSE doit être informé et consulté sur les sujets relevant de l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle ainsi que sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav. art. L. 2312-8).

7/ Vérifier les règles spécifiques à chaque activité CHRD 

Les hôtels, restaurants, traiteurs, cafés, établissements de nuit, bowlings, loisirs indoor et thalassos font face à des problématiques communes mais connaissent évidemment des spécificités.

A titre d’exemple, les contraintes sanitaires pesant sur les espaces de forme – fitness sont relativement lourdes, compte tenu de la promiscuité que ces espaces impliquent.

Les acteurs du secteur CHRD doivent donc identifier et appliquer toutes les règles sanitaires inhérentes aux activités qu’ils développent.

Pour ce faire, ils sont invités à se rendre sur le site Internet de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie : https://umih.fr/fr/.

 

Xavier Berjot
Avocat Associé

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COVID-19 : l’homologation des ruptures conventionnelles reprend son cours

COVID-19 : l’homologation des ruptures conventionnelles reprend son cours 2560 1706 sancy-avocats.com

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Un décret n° 2020-471 du 24 avril 2020 « portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’état d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de COVID-19 dans le domaine du travail et de l’emploi » (JO 25) met fin à une incertitude juridique qui pesait sur l’homologation des ruptures conventionnelles.

1/ L’incertitude : l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 

Afin de faire face aux conséquences de la propagation de la pandémie du COVID-19, les délais de certaines procédures administratives ont été suspendus par une ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

En effet, l’article 2 de l’ordonnance dispose :

– « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. »

L’article 1er I de l’ordonnance précise que sont inclus dans son champ d’application les délais arrivant à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, et le cas échéant, prorogé.

La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 du 23 mars 2020 a été publiée le 24 mars 2020 et prévoit, en son article 4, une durée de deux mois à compter de son entrée en vigueur.

Il est ainsi prévu que l’état d’urgence sanitaire se termine le 24 mai 2020.

L’ordonnance n° 2020-306 vise donc les délais qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 (sauf prorogation ultérieure de l’état d’urgence sanitaire).

L’article 1er II, précise que sont exclus du champ d’application de ce texte :

– Les délais et mesures résultant de l’application de règles de droit pénal et de procédure pénale, ou concernant les élections régies par le code électoral et les consultations auxquelles ce code est rendu applicable ;

– Les délais concernant l’édiction et la mise en œuvre de mesures privatives de liberté ;

– Les délais concernant les procédures d’inscription dans un établissement d’enseignement ou aux voies d’accès à la fonction publique ;

– Les obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du code monétaire et financier ;

– Les délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ou en application de celle-ci.

Enfin, l’article 1er III prévoit que sont incluses les mesures restrictives de liberté et aux autres mesures limitant un droit ou une liberté constitutionnellement garantie, sous réserve qu’elles n’entrainent pas une prorogation au-delà du 30 juin 2020.

Seule la matière pénale étant exclue des prévisions de l’ordonnance, celle-ci s’applique à toute la matière civile, commerciale, fiscale et sociale.

2. La position de certaines DIRECCTES 

Après la publication de l’ordonnance, beaucoup de praticiens du droit du travail et d’employeurs se sont interrogés sur le point de savoir s’il était toujours possible ou opportun de signer une rupture conventionnelle et d’en obtenir l’homologation.

Certaines Direcctes admettaient l‘homologation des ruptures conventionnelles et facilitaient même la démarche de l’employeur et du salarié en prononçant des homologations expresses.

D’autres Direcctes adoptaient la position suivante :

L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 a modifié les délais échus pendant la période d’urgence sanitaire.

Elle prévoit notamment la suspension des délais à compter du 12 mars, jusqu’au 24 juin 2020 (date fixée par l’ordonnance qui pourrait être avancée ou reculée), notamment pour tout acte ou formalité de manière générale prescrit par la loi ou le règlement sous peine de nullité ou sanction (article 1 et 2), et pour les décisions acquises implicitement en matière de procédure administrative (article 7).

Ainsi, concernant l’incidence en matière de rupture conventionnelle et, sous réserve de précisions futures données par l’administration du travail :

S’agissant du délai de rétraction de 15 jours calendaires courant à compter de la signature de la convention prévu à l’article L. 1237-13 du code du travail, il existe deux cas de figure :

– le délai de rétraction est écoulé avant le 12 mars, c’est-à-dire que la convention de rupture a été signée avant le 25 février 2020 (inclus). Dans ce cas, le droit de rétraction de chaque partie doit être regardé comme éteint et la procédure peut suivre son cours.

– le délai de rétraction n’est pas écoulé avant le 12 mars, c’est-à-dire que la convention de rupture a été signée après le 25 février (non inclus). Dans ce cas, ce délai est suspendu à date et recommencera à courir à l’issue du 24 juin 2020 (date qui pourra être avancée ou reculée en fonction de l’évolution de la situation).

S’agissant du délai d’instruction de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande d’homologation par la Direccte prévu à l’article L. 1237-14 du code du travail – commençant à courir le lendemain du jour ouvrable de réception et expirant au dernier jour ouvrable d’instruction à 24 heures -, il est également suspendu pour toutes les demandes d’homologation reçu après le 22 février 2020 (non inclus).

Les Direcctes en tiraient les conclusions suivantes :

– d’une part, pour les demandes effectuées après cette date, l’homologation n’est plus réputée acquise à l’issue du délai d’instruction de 15 jours. L’homologation tacite n’interviendra qu’à l’issue du délai qui recommencera à courir après le 24 juin 2020.

– d’autre part, toute convention signée après le 28 février 2020 (inclus), dont le délai de rétractation n’est donc pas échu au 12 mars 2020, ne pourra pas faire l’objet d’une acceptation expresse dans la mesure où les parties pourraient toujours se rétracter postérieurement au 24 juin 2020.

Cette position des Direcctes – certes juridiquement étayée- était susceptible de bloquer la conclusion des ruptures conventionnelles.

3/ Les apports du décret n° 2020-471 du 24 avril 2020 

Le décret dresse une liste de dérogations au principe de suspension des délais, fondées sur des motifs de sécurité, de protection de la santé, de sauvegarde de l’emploi et de l’activité, ainsi que sur des motifs de sauvegarde de l’emploi et de l’activité et de sécurisation des relations de travail et de la négociation collective.

Son article 1er dispose :

– « En application de l’article 9 de l’ordonnance du 25 mars 2020 susvisée, l’annexe au présent décret fixe les catégories d’actes, de procédures et d’obligations, dont les délais, suspendus à la date du 12 mars 2020 en application des articles 7 et 8 de la même ordonnance, reprennent leur cours, pour des motifs de sécurité, de protection de la santé, de sauvegarde de l’emploi et de l’activité, et de sécurisation des relations de travail et de la négociation collective. »

L’annexe prévoit expressément « l’homologation de la rupture conventionnelle », excluant tout doute sur le sujet.

Il est désormais acquis que le délai d’instruction de 15 jours ouvrables pour l’homologation expresse ou tacite des ruptures conventionnelles n’est pas suspendu.

Quant au délai de rétractation de 15 jours calendaires, rappelons que l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 précise que « les délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement (…) » ne sont pas affectés par les règles de prorogation des délais.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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COVID-19 : employeurs, anticipez votre reprise d’activité !

COVID-19 : employeurs, anticipez votre reprise d’activité ! 2560 1707 sancy-avocats.com

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Beaucoup d’entreprises s’interrogent sur les mesures qu’elles doivent adopter pour reprendre leur activité, dans ce contexte de crise sanitaire. La question se pose dans la perspective du déconfinement, prévu le 11 mai prochain, mais aussi aujourd’hui pour de nombreux acteurs économiques.

1/ Le respect des mesures édictées par les autorités et les branches professionnelles 

Comme le Gouvernement l’a rappelé, il incombe en premier lieu à l’employeur de :

– Procéder à l’évaluation des risques encourus sur les lieux de travail qui ne peuvent être évités en fonction de la nature du travail à effectuer ;

– Déterminer, en fonction de cette évaluation, les mesures de prévention les plus pertinentes ;

– Associer à ce travail les représentants du personnel ;

– Solliciter, lorsque cela est possible, le service de médecine du travail qui a pour mission de conseiller les employeurs et salariés et, à ce titre, de préconiser toute information utile sur les mesures de protection efficaces ;

– Respecter et faire respecter les gestes barrière recommandés par les autorités sanitaires.

Par ailleurs, lors d’une conférence de presse du 19 avril 2020, M. le Premier Ministre a indiqué que le télétravail était la règle impérative pour tous les postes le permettant et que les règles de distanciation, pour les emplois non éligibles au télétravail, devaient impérativement être respectées. 

Outre les mesures sanitaires prises par l’Etat, l’employeur doit vérifier celles qui sont édictées par la branche professionnelle dont relève l’entreprise.

A titre d’exemples :

– Dans le secteur du bâtiment, les partenaires sociaux, l’OPPBTP et l’Etat ont publié, le 2 avril 2020, un « Guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de construction » énonçant les mesures préventives urgentes à mettre en œuvre pour protéger les salariés et leur entourage de la contamination.

– Dans le secteur social et médico-social, la Direction générale de la cohésion sociale a établi une fiche, le 16 mars 2020, à l’attention des responsables d’établissements de soins. Cette fiche aborde des thèmes tels que l’organisation du travail en situation dégradée et la protection de la santé du personnel.

A défaut de suivre scrupuleusement toutes les mesures applicables à son secteur d’activité, l’employeur court le risque de voir sa responsabilité engagée.

A cet égard, la Cour de cassation considère que le salarié peut agir contre l’employeur sur le fondement des règles régissant l’obligation de sécurité et être indemnisé au titre de son préjudice d’anxiété face au risque de développer une pathologie grave, à condition de rapporter la preuve de ce préjudice (Cass. ass. plén. 5-4-2019 n° 18-17.442).

Cette jurisprudence, développée à propos de l’amiante, trouve naturellement à s’appliquer en présence du COVID-19.

En revanche, l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il a mis en œuvre les mesures de prévention requises (Cass. soc. 25-11-2015, n° 14-24.444).

En définitive, il est recommandé à l’employeur de formaliser le fait qu’il a pris connaissance de ces règles et qu’il les décline dans l’entreprise (cf. § 2, § 3 et § 4). 

2/ La mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) 

Selon l’article R. 4121-2 du Code du travail, la mise à jour du DUERP doit être réalisée notamment lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité et lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie.

A l’évidence, le COVID-19 impose l’actualisation du DUERP, dans l’objectif de limiter le plus possible les risques de propagation du virus COVID-19 sur le lieu de travail ou à l’occasion du travail.

Une ordonnance de référé du Tribunal judiciaire de Paris du 9 avril 2020 (N° RG 20/52223) rappelle cette exigence, à l’occasion d’une affaire ayant opposé La Poste et la Fédération SUD des activités postales et des télécommunications.

D’ailleurs, le défaut de mise à jour du DUERP engage la responsabilité de l’employeur, en particulier sur le terrain de la faute inexcusable.

Le Gouvernement a précisé que l’évaluation  des  risques doit viser  à identifier les situations de travail pour lesquelles les conditions de transmission du coronavirus COVID-19 peuvent se trouver réunies (même lieu de vie, contact direct à moins d’un mètre lors d’une toux, d’un éternuement, mains non lavées, etc.).

En pratique, le DUERP doit, pour chaque unité de travail (ex. « les commerciaux », « le secrétariat », « la chaine de production », etc.) :

– Décrire l’exposition au risque de COVID-19 : transmission par les gouttelettes (sécrétions invisibles, projetées lors d’une discussion, d’éternuements ou de la toux), contact des mains non lavées ou de surfaces souillées par des gouttelettes, etc.

– Décrire le risque : toux, fièvre, difficulté à respirer, perte de goût et de l’odorat, etc.

– Lister les mesures de prévention existantes : télétravail, fourniture de masques, de gel hydroalcoolique, de gants, affichage des gestes barrières dans tous les lieux de travail, établissement d’un plan de continuité d’activité (cf. § 3), etc.

– Analyser la fréquence et la gravité du risque : ces facteurs peuvent être évalués sur une échelle de 1 à 10 et sont évidemment variables selon les unités de travail.

N.B. Une note de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) du 23 mars 2020 détaille comment combiner la continuité de l’activité et la protection des travailleurs. 

3/ L’élaboration d’un plan de continuité d’activité (PCA) 

Le PCA n’est pas prévu par le Code du travail. Il s’agit pourtant d’un document essentiel, dont l’objectif est de permettre la poursuite des activités de l’entreprise dans un contexte dégradé.

A cette fin, le PCA doit :

– Définir les principales dispositions  à respecter pour assurer la continuité des interventions en sécurité des salariés, des clients, des fournisseurs, etc.

– Anticiper un arrêt en sécurité des interventions et organiser les tâches essentielles qui doivent être maintenues.

– Assurer une reprise partielle en sécurité en période de confinement.

– Anticiper la reprise en sécurité de l’activité pour pouvoir redémarrer rapidement.

– Prévoir le retour d’expérience de la crise.

Afin d’aider les entreprises à établir leur PCA lors de la pandémie de grippe A (H1N1) en 2009, une circulaire DGT 2009/16 du 3 juillet 2009 relative à la pandémie grippale explicitait les mesures de poursuite d’activité à adopter.

Cette circulaire avait été suivie d’un communiqué du Ministère du travail lisant ces 10 questions essentielles :

– Avez-vous pris contact avec le médecin du travail ou un organisme de prévention ?

– Avez-vous désigné une personne pour vous seconder, vous relayer en cas d’empêchement ?

– Avez-vous informé votre personnel sur les risques de la pandémie, les mesures de précaution et le PCA ?

– Avez-vous un stock de masques suffisant ainsi que du matériel d’hygiène et de nettoyage adapté ?

– Avez-vous identifié les fonctions et les personnes nécessaires à la continuité de l’activité ?

– Avez-vous recensé les coordonnées et les moyens de transport des salariés ?

– Avez-vous prévu d’adapter l’organisation du travail ?

– Avez-vous repéré et contacté des fournisseurs pouvant remplacer les fournisseurs habituels ?

– Avez-vous pensé à vos intervenants extérieurs : nettoyage, livreurs…

– Avez-vous repéré les principaux sites d’information sur le sujet et les numéros de téléphones utiles ?

Dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons, le ministère du Travail continue de se référer à cette doctrine administrative. Celle-ci constitue donc un référentiel utile, notamment pour les entreprises appartenant à une branche professionnelle n’ayant pas diffusé de recommandations particulières. 

4/ L’implication du comité social et économique (CSE) 

L’article L. 2312-5, alinéa 2 du Code du travail prévoit que, dans les entreprises d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés, la délégation du personnel au CSE contribue à promouvoir la santé, la sécurité et les conditions de travail dans l’entreprise et réalise des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel.

Les membres de la délégation du personnel du CSE sont reçus collectivement par l’employeur ou son représentant au moins une fois par mois (C. trav. art. L 2315-21, al. 1).

Si l’actualisation du DUERP ou l’élaboration d’un PCA n’imposent pas une information / consultation du CSE dans les entreprises de moins de 50 salariés, il est conseillé à l’employeur de l’y associer, compte tenu du contexte très particulier lié au COVID-19. 

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CSE doit être informé et consulté sur les sujets relevant de l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle ainsi que sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

En période de pandémie, le rôle du CSE revêt une importance significative, en particulier à propos des enjeux suivants :

– Les modifications de l’organisation du travail (ex. congés payés imposés) ;

– Les mesures de protection des salariés, des fournisseurs, des clients et des publics ;

– Le recours à l’activité partielle, au télétravail ;

– L’actualisation du DUERP et l’élaboration d’un PCA ;

– Etc.

Ces sujets imposent que les décisions de l’employeur soient précédées de l’avis (favorable ou défavorable) du CSE.

NB. L’employeur ne doit pas oublier d’envoyer l’ordre du jour des réunions à l’inspecteur du travail, au médecin du travail et à l’agent des services de prévention des organismes de sécurité sociale (C. trav. art. L. 2315-30).

D’un point de vue pratique, rappelons qu’une ordonnance du 1er avril 2020 a assoupli la visioconférence et admis le recours à la conférence téléphonique et à la messagerie instantanée pour l’ensemble des réunions du CSE (ord. 2020-389 du 1er avril 2020, art. 6, II).

Le décret n° 2020-419 du 10 avril 2020 relatif aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel pendant la période de l’état d’urgence sanitaire détaille les modalités de mise en œuvre de ces dispositifs. 

5/ L’information des salariés

L’information et/ou consultation du CSE ne dispense pas l’employeur de tenir les salariés informés de l’ensemble des conséquences professionnelles liées à la crise du COVID-19, tant avant qu’après une reprise d’activité.

En effet, cette crise bouleverse la relation de travail, avec l’instauration de dispositifs tels que le télétravail, l’activité partielle, les arrêts de travail pour personnes vulnérables, pour garde d’enfants, la prise imposée de jours de congés payés, etc.

Dans un contexte réglementaire en perpétuelle évolution (certains textes sont publiés au JO la nuit), le maintien d’une communication de qualité avec des salariés constitue un gage de confiance pour l’employeur.

La diffusion de notes de service par Intranet ou par email est recommandée, afin que chaque décision de l’employeur soit comprise par tous les collaborateurs.

Enfin, l’information des salariés est particulièrement importante dans une perspective de reprise d’activité, et ce même avant le 11 mai.

Ajoutons qu’afin d’assurer la mise en place effective des consignes sanitaires, l’employeur devra former ses salariés.

Ce n’est qu’à cette condition qu’une reprise sereine pourra intervenir.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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Ordonnance du Tribunal Judiciaire de Paris du 9 avril 2020 (RG n°20/52223)

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Vous pouvez télécharger ci-dessous l’ordonnance du Tribunal Judiciaire de Paris du 9 avril 2020 (RG n°20/52223), relative notamment à la nécessité de mettre à jour le DUERP dans le contexte de la crise sanitaire liée au COVID-19.

>>> l’Ordonnance <<<

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Coronavirus COVID-19 : le recours au chômage partiel

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Comme l’a annoncé le Premier Ministre Edouard Philippe, le samedi 14 mars 2020, le stade 3 du Coronavirus  COVID-19 impose la fermeture de tous les lieux accueillant du public non indispensable à la vie du pays : cinéma, bars, cinémas, discothèques. Dans ce contexte, les entreprises pourront recourir à l’activité partielle, appelée communément « chômage partiel » ou « chômage technique. »

1/ Définition de l’activité partielle

Selon l’article R. 5122-1 du Code du travail, l’employeur peut placer ses salariés en position d’activité partielle lorsque l’entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l’un des motifs suivants :

1° La conjoncture économique ;

2° Des difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en énergie ;

3° Un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ;

4° La transformation, restructuration ou modernisation de l’entreprise ;

5° Toute autre circonstance de caractère exceptionnel.

A l’évidence, le Coronavirus COVID-19 répond à cette définition, comme le Gouvernement l’a d’ailleurs reconnu.

2/ Salariés concernés

La réduction ou la cessation d’activité doit être temporaire et collective. Elle doit donc concerner tout un établissement ou une partie de celui-ci : unité de production, atelier, service, équipe chargée de la réalisation d’un projet, notamment en matière de prestations intellectuelles (Circ. DGEFP 12 du 12-7-2013).

Tous les salariés de l’entreprise ont vocation à bénéficier de l’indemnisation de l’activité partielle, y compris ceux à temps partiel et à domicile (Cass. soc. 22-6-1994 n° 89-42.461).

Il importe de préciser que l’activité partielle est une mesure collective, qui ne doit donc pas viser tel ou tel salarié particulier.

NB. Les salariés dont la durée du travail est fixée par forfait annuel en heures ou en jours ne peuvent pas bénéficier de l’activité partielle en cas de réduction de l’horaire de travail. Ils y ont droit en revanche en cas de fermeture temporaire de l’établissement, dès la première demi-journée de fermeture (Circ. DGEFP 12 du 12-7-2013). 

3/ Conséquences sur le contrat de travail

Lorsque les salariés sont placés en situation de chômage partiel, leur contrat de travail se trouve suspendu mais non rompu. Ainsi, sur les heures ou périodes non travaillées, les salariés ne doivent pas être sur leur lieu de travail, à disposition de leur employeur et se conformer à ses directives.

Le contrat de travail étant suspendu, les salariés perçoivent une indemnité compensatrice versée par leur employeur. Cette indemnité doit correspondre au minimum à 70 % de la rémunération antérieure brute et peut être augmentée par l’employeur. En cas de formation pendant l’activité partielle, cette indemnité est portée à 100 % de la rémunération nette antérieure.

Pour accompagner le versement de l’indemnité, l’employeur bénéficie d’une allocation forfaitaire cofinancée par l’Etat et l’Unédic correspondant à :

– 7,74 euros pour les entreprises de moins de 1 à 250 salariés ;

– 7,23 euros pour les entreprises de plus de 250 salariés.

Comme le Président de la République Emmanuel Macron l’a annoncé le jeudi 12 mars 2020, la prise en charge pourrait être améliorée :

« Un mécanisme exceptionnel et massif de chômage partiel sera mis en œuvre. Les premières annonces ont été faites par les ministres. L’État prendra en charge l’indemnisation des salariés contraints à rester chez eux. Je veux en la matière que nous inspirions de ce que les Allemands ont su mettre en œuvre avec un système plus généreux, plus simple que le nôtre. »

4/  Procédure de mise en place 

L’employeur adresse au préfet du département où est implanté l’établissement concerné une demande préalable d’autorisation d’activité partielle.

La demande précise (C. trav. art. R 5122-2) :

1° Les motifs justifiant le recours à l’activité partielle ;

2° La période prévisible de sous-activité ;

3° Le nombre de salariés concernés.

Elle est accompagnée de l’avis préalable du comité social et économique (CSE) en application de l’article L. 2312-17 du Code du travail.

La demande d’autorisation est adressée par voie dématérialisée dans les conditions fixées par l’article R. 5122-26 du Code du travail. 

L’information / consultation du CSE s’impose puisque celui-ci doit être consulté dès lors que des modifications importantes de l’organisation du travail sont envisagées (C. trav. art. L. 2312-8), avant toute demande de mise en place de l’activité partielle (C. trav. art. R. 5122-2) et également dans le cadre de la modification du document unique d’évaluation des risques (DUERP).

En pratique, toutes les demandes doivent être déposées sur le portail dédié https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/ avant le placement effectif des salariés en activité partielle.

S’il n’est pas possible d’anticiper les demandes d’activité partielle avant le placement des salariés en activité partielle, les employeurs doivent déposer leur demande d’activité partielle dans un délai raisonnable après le début de la période demandée.

5/ Décision de l’Administration

Le Code du travail prévoit que l’autorité administrative dispose de 15 jours maximum pour instruire la demande (C. trav. art. R. 5122-4) : 

– « La décision d’autorisation ou de refus, signée par le préfet, est notifiée à l’employeur dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la demande d’autorisation.  

La décision d’autorisation précise notamment les coordonnées bancaires de l’employeur.  

L’absence de décision dans un délai de quinze jours vaut acceptation implicite de la demande. 

La décision de refus est motivée.  

La décision du préfet est notifiée par voie dématérialisée à l’employeur. Celui-ci en informe le comité social et économique. »

A l’issue de ce délai et en l’absence de réponse de l’administration, la demande est réputée acceptée.

Le Gouvernement rappelle toutefois qu’il a été donné instruction de traiter prioritairement les demandes liées au Covid-19 afin de réduire fortement le délai effectif d’instruction.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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Harcèlement moral : quelle enquête interne ?

Harcèlement moral : quelle enquête interne ? 2560 1696 sancy-avocats.com

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Tenu par une obligation de sécurité de résultat, l’employeur doit diligenter une enquête interne lorsqu’un salarié affirme avoir subi des faits de harcèlement moral. Ce n’est qu’à cette condition qu’il peut s’exonérer de sa responsabilité.

1/ La nécessité d’une enquête interne en présence d’allégations de harcèlement moral

L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en menant notamment des actions de prévention des risques professionnels (C. trav. art. L. 4121-1), avec une attention particulière portée aux risques liés au harcèlement moral, au harcèlement sexuel et aux agissements sexistes (C. trav. art. L. 4121-2).

L’article L. 1152-4 du Code du travail le rappelle expressément : « l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. »

En cas de harcèlement moral avéré, l’employeur engage sa responsabilité civile (voire pénale) sur le fondement de ces textes, s’il n’a pas pris les mesures adéquates visant à prévenir et à faire cesser de tels agissements.

A l’inverse, l’employeur qui a pris les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et, notamment, a mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral, ne manque pas à son obligation de sécurité (Cass. soc. 01-06-2016 n° 14-19702).

NB. Les mesures visées à l’article L 4121-1 du Code du travail comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de pénibilité au travail, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

En pratique, lorsque le salarié allègue des faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, l’employeur doit nécessairement organiser une enquête interne, afin d’établir la matérialité et la preuve des faits ainsi dénoncés.

Cette démarche est d’autant plus importante que certains salariés peuvent éprouver un mal-être persistant au travail sans pour autant être victimes d’un harcèlement moral au sens strict.

En effet, le harcèlement moral s’entend d’agissements répétés « qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (C. trav. art. L. 1152-1).

A titre d’exemple, ne caractérisent pas un harcèlement moral les reproches et avertissements justifiés par les insuffisances et le comportement du salarié, peu important l’éventuel état d’anxiété de l’intéressé (Cass. soc. 06-01-2011 n° 09-71.045).

De même, la notification de plusieurs avertissements à un salarié dont l’employeur établit qu’ils étaient justifiés par des éléments objectifs ne peut être assimilée à un harcèlement moral (Cass. soc. 14-9-2010 n° 09-41.275).

Quels que soient les faits invoqués, la Cour de cassation (Cass. 27-11-2019, n°18-10.551) considère que l’absence d’enquête interne, après la révélation d’un harcèlement, constitue une violation par l’employeur de son obligation de prévention des risques professionnels qui cause un préjudice à l’intéressé, même en l’absence de harcèlement.

Il est ainsi acquis que toute allégation de harcèlement moral doit donner lieu à la mise en place d’une enquête interne.

2/ Les modalités de l’enquête interne portant sur le harcèlement moral

Le Code du travail ne prévoit aucune règle particulière s’agissant des modalités de l’enquête interne que l’employeur doit diligenter dans une telle situation.

L’article L. 1154-1 du Code du travail prévoit simplement que lorsque survient un litige relatif notamment au harcèlement moral, « le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. »

Le texte ajoute qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme ensuite sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’absence de règles légales précisant les modalités de l’enquête interne, il revient à la jurisprudence de dessiner les contours de l’obligation de l’employeur.

A titre préalable, soulignons qu’une enquête interne concluant à l’inexistence d’un harcèlement moral ne lie pas le juge (Cass. crim. 08-06-2010, n°10-80.570).

Il en va de même, à l’inverse, lorsque les conclusions de l’enquête révèlent une situation de harcèlement moral.

Dans un arrêt récent (Cass. soc. 08-01-2020 n°18-20.151), la Cour de cassation a censuré un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 29 juin 2018 ayant jugé que « pour répondre à l’exigence d’exhaustivité et d’impartialité, l’enquête interne diligentée par l’employeur devait consister à entendre la totalité des collaborateurs du salarié. »

Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel ne pouvait exclure la preuve du harcèlement moral au motif que seule la moitié des collaborateurs avait été entendue.

En pratique, il est recommandé à l’employeur d’inviter le salarié affirmant avoir subi un harcèlement moral à un entretien, en lui offrant la possibilité d’être assisté par un salarié, représentant du personnel ou non.

Si le représentant légal de l’entreprise ne conduit pas l’enquête en personne, il doit veiller à ce que le collaborateur qui en a en responsabilité ne soit pas impliqué dans la situation dénoncée par le salarié.

En effet, comme le juge la Cour de cassation (Cass. soc. 21-06-2011 n°10-11690) au sujet de l’entretien préalable au licenciement, la participation d’un délégué du personnel aux côtés de l’employeur, alors qu’il existait un différend important entre ce délégué et le salarié, caractérise un détournement de l’objet de l’entretien ouvrant droit à la réparation du préjudice subi.

Outre l’invitation du salarié « présumé victime » à un entretien, l’employeur doit recevoir le salarié « présumé coupable », en lui offrant la même possibilité d’assistance.

Il est recommandé que les entretiens donnent systématiquement lieu à l’établissement d’un compte-rendu écrit signé par toutes les personnes présentes.

En revanche, il est déconseillé d’organiser une confrontation entre les salariés dans la mesure où celle-ci peut être génératrice d’une situation de stress incompatible avec la prévention des risques psycho-sociaux.

Par ailleurs, l’employeur a tout intérêt à interroger, de manière formelle, les collaborateurs qui constituent l’environnement professionnel (proche ou moins proche) du salarié se plaignant d’un harcèlement moral.

La question se pose, enfin, de savoir si le CSE doit être associé à l’enquête portant sur le harcèlement moral. La réponse est en principe négative, dans la mesure où les attributions du CSE s’exercent au profit de la collectivité des salariés et non en faveur d’un salarié pris individuellement.

Cependant, le CSE bénéficie d’un droit d’alerte spécifique en matière de harcèlement moral.

En effet, si un membre élu du CSE constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur (C. trav. art. L. 2312-59).

Le texte précise que cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.

Lorsque le droit d’alerte est ainsi déclenché, l’employeur doit procéder sans délai à une enquête avec le membre du CSE et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à la situation.

En conclusion, rappelons que le Code du travail prévoit qu’une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause (C. trav. art. L. 1152-6).

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Index de l’égalité femmes-hommes : l’échéance approche !

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Toutes les entreprises d’au moins 50 salariés doivent calculer et publier leur index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, chaque année au 1er mars. Les entreprises de 50 à 250 salariés sont soumises à cette obligation, pour la première fois, au 1er mars 2020.

1/ Champ d’application

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, l’employeur doit publier, chaque année, des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer, selon des modalités et une méthodologie définies par décret (C. trav. art. L. 1142-8).

Le seuil d’effectif à prendre en compte s’apprécie au niveau de l’entreprise et non de l’établissement (Inst. DGT 2019-03 du 25-1-2019), selon les règles classiques de décompte prévues aux articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du Code du travail.

Les entreprises de plus de 1000 salariés ont dû publier et transmettre leur niveau de résultat au plus tard le 1er mars 2019.

A titre dérogatoire, celles de plus de 250 salariés à 1000 salariés ont eu la faculté de publier et de transmettre leur niveau de résultat au plus tard le 1er septembre 2019.

Pour les entreprises de 50 à 250 salariés, les dispositions relatives à la publication du niveau de résultat entrent en vigueur le 1er janvier 2020, étant précisé que ces entreprises doivent avoir publié et transmis leur niveau de résultat au plus tard le 1er mars 2020.

2/ Calcul des indicateurs de l’index

L’index se compose de 5 grands critères qui évaluent les inégalités entre femmes et hommes, dans les entreprises, sous la forme d’une note sur 100.

Pour les entreprises de plus de 250 salariés, les indicateurs sont les suivants :

1° L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d’âge et par catégorie de postes équivalents ;

2° L’écart de taux d’augmentations individuelles de salaire ne correspondant pas à des promotions entre les femmes et les hommes ;

3° L’écart de taux de promotions entre les femmes et les hommes ;

4° Le pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année de leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris ;

5° Le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.

Pour les entreprises de 50 à 250 salariés, les indicateurs sont les suivants :

1° L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d’âge et par catégorie de postes équivalents ;

2° L’écart de taux d’augmentations individuelles de salaire entre les femmes et les hommes ;

3° Le pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année suivant leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris ;

4° Le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.

Tous les indicateurs sont calculés et évalués selon un barème allant de 0 à 100 points.

Le niveau de résultat obtenu par l’entreprise au regard des est déterminé selon les modalités fixées aux annexes I et II du décret 2019-15 du 8 janvier 2019.

Les entreprises doivent obtenir une note minimale de 75 points sur 100, sous peine d’être contraintes de mettre en œuvre des mesures correctives et, le cas échéant, d’établir un plan de rattrapage salarial (C. trav. art. D. 1142-6 du Code du travail).

En fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance, un délai supplémentaire d’un an peut lui être accordé pour se mettre en conformité (C. trav. art. L. 1142-10, al. 2).

3/ Publication et transmission

Le niveau de résultat est publié annuellement, au plus tard le 1er mars de l’année en cours, au titre de l’année précédente, sur le site internet de l’entreprise lorsqu’il en existe un (et non pas sur un site intranet).

À défaut, il est porté à la connaissance des salariés par tout moyen (C. trav. art. D. 1142-4).

NB. L’Administration a précisé que l’obligation de publicité concerne uniquement la note globale de l’index, le détail des indicateurs étant réservé au CSE et aux services de l’inspection du travail (Actualité min. trav. du 14-2-2019).

A cet égard, les indicateurs et le niveau de résultat doivent être mis à la disposition du CSE, tous les 1er mars, au sein de la BDES (base de données économiques et sociales).

Les résultats doivent être présentés par catégorie socio-professionnelle, niveau ou coefficient hiérarchique (ou selon les niveaux de la méthode de cotation des postes de l’entreprise).

Ces informations sont accompagnées de toutes les précisions utiles à leur compréhension, notamment relatives à la méthodologie appliquée, la répartition des salariés par catégorie socio-professionnelle ou selon les niveaux de la méthode de cotation des postes de l’entreprise et, le cas échéant, des mesures de correction envisagées ou déjà mises en œuvre.

L’obligation d’information s’applique également dans les cas où certains indicateurs ne peuvent pas être calculés.

Dans ce cas, l’information du CSE est accompagnée de toutes les précisions expliquant les raisons pour lesquelles les indicateurs n’ont pas pu être calculés (C. trav. art. D. 1142-5, al. 1 et 2).

Enfin, toutes les informations susvisées doivent être transmises aux services du ministre chargé du travail selon un modèle et une procédure de télédéclaration (C. trav. art. D. 1142-5, al. 3).

En pratique, les entreprises doivent transmettre leurs indicateurs et leur note globale à la Direccte par le biais d’un formulaire en ligne, accessible sur le site du ministère du travail (https://index-egapro.travail.gouv.fr/). Le service Index Egapro permet en outre de calculer l’index femmes-hommes.

Le formulaire reprend les informations listées dans l’arrêté du 31 janvier 2019 définissant les modèles de présentation et les modalités de transmission à l’administration des indicateurs et du niveau de résultat en matière d’écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise (Actualité min. trav. du 14-2-2019).

En conclusion, signalons que les entreprises d’au moins 50 salariés sont soumises à une pénalité financière correspondant à 1 % de leur masse salariale à défaut (i) de publication de l’index de l’égalité femmes-hommes et (ii) de mesures correctives visant à réduire les écarts de salaire.

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Rupture conventionnelle antidatée = nullité

Rupture conventionnelle antidatée = nullité 2560 1920 sancy-avocats.com

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Afin de gagner du temps, l’employeur et le salarié peuvent être tentés d’antidater le délai de rétractation applicable à la rupture conventionnelle. Il s’agit d’une pratique à éviter, comme l’illustre un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier (CA Montpellier 8-1-2020 n° 16/02955)…

1/ Le délai de rétractation est d’ordre public

A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation.

Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie (C. trav. art. L 1237-13, al. 3).

La notion de jours calendaires implique que chaque jour de la semaine est comptabilisé : le délai démarre au lendemain de la date de signature de la convention de rupture et se termine au 15ème jour à 24 heures.

Par exemple, pour une convention de rupture qui a été signée le 1er août, le délai de rétractation expire le 16 août à 24 heures (Circ. DGT 2008-11 du 22-7-2008).

Comme son nom l’indique, le délai de rétractation a pour objet de permettre aux parties de bénéficier d’une période de réflexion, après la signature de la rupture conventionnelle, pour éventuellement y renoncer.

Pour la Cour de cassation, aucune des deux parties ne peut renoncer au délai de rétractation, qui est d’ordre public.

C’est la raison pour laquelle l’absence de date de signature de la convention de rupture, ne permettant pas de déterminer le point de départ du délai de rétractation, entraîne la nullité de la rupture conventionnelle (Cass. soc. 27-3-2019 n° 17-23.586).

A l’inverse, une simple erreur de calcul du délai de rétractation dans la convention de rupture ne justifie pas son annulation si cette erreur n’a pas eu pour effet de vicier le consentement du salarié et si ce dernier a bien eu la possibilité de se rétracter (Cass. soc. 29-1-2014 n° 12-24.539).

Dans l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier, l’expert-comptable de l’employeur avait envoyé à son client, par e-mail, un formulaire Cerfa et une convention annexe de rupture conventionnelle, lui préconisant de les dater et signer avec le salarié.

Le jour de la réception du message, l’employeur avait transmis les documents au salarié, toujours par e-mail.

Or, les documents étaient antidatés de plus de 15 jours et le salarié pouvait en avoir la preuve facilement puisque l’e-mail de son employeur faisait date certaine…

Le formulaire Cerfa et la convention annexe avaient néanmoins été signés par les parties et envoyés à la Direccte pour homologation.

La rupture conventionnelle avait été homologuée par la Direccte de manière tacite, et le salarié avait ensuite contesté la rupture devant le Conseil de prud’hommes.

Les juges, constatant que les documents avaient été antidatés, ont annulé la rupture conventionnelle au motif que le délai de rétractation n’avait pas été respecté.

Compte tenu du caractère d’ordre public du délai de rétractation, le fait que le salarié avait signé les documents en connaissant pertinemment leur caractère antidaté est indifférent : la rupture est nulle.

2/ Les conséquences de la nullité de la rupture conventionnelle

Selon la Cour de cassation, lorsque la rupture conventionnelle est nulle, la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En pareil cas, le salarié peut solliciter l’indemnité compensatrice de préavis correspondant à son statut et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le quantum est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau figurant à l’alinéa 2 de l’article L. 1235-3 du Code du travail (barème « Macron »).

En revanche, le salarié ne peut pas prétendre à une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, compte tenu de l’inexistence d’un licenciement (Cass. soc. 9-7-2014 n° 13-18.696).

Enfin, lorsque la rupture conventionnelle est annulée, le salarié doit restituer à l’employeur l’indemnité de rupture conventionnelle qu’il a perçue.

Cette solution, retenue dans un arrêt de principe (Cass. soc. 30-5-2018 n° 16-15.273) est adoptée depuis par les juges du fond (CA Lyon 13-12-2013 n° 12-07260 ; CA Rennes 8-2-2013 n° 11-05356).

En pratique, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle fait l’objet d’une compensation judiciaire avec les sommes auxquelles l’employeur est condamné du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Tel était le cas dans l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier : le salarié avait été condamné à rembourser à l’employeur la somme de 1.850 € perçue à titre d’indemnité de rupture conventionnelle.

Pour sa part, ce dernier avait été condamné à verser au salarié diverses sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse puis une compensation avait été opérée par les juges.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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Pas de CSE = préjudice causé au salarié

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La Cour de cassation (Cass. soc. 8-01-2020, n° 18-20591) vient de le rappeler : l’absence d’institutions représentatives du personnel constitue une faute qui cause un préjudice aux salariés. Cette décision doit alerter les employeurs qui n’ont pas encore mis en place leur CSE…

1/ La décision de la Cour de cassation

Les faits ayant donné lieu à l’arrêt du 8 janvier 2020 pourraient prêter à sourire si la Cour de cassation n’avait pas cassé l’arrêt attaqué de la Cour d’appel de Lyon du 1er juin 2018.

En l’espèce, un salarié de 18 ans d’ancienneté, en préavis de départ en retraite, avait demandé à son employeur d’organiser les élections professionnelles des délégués du personnel au sein d’une UES.

Son contrat rompu, il saisit le Conseil de prud’hommes de diverses demandes et notamment d’une demande indemnitaire liée à l’absence d’organisation des élections des délégués du personnel au sein de l’UES à laquelle appartenait son entreprise.

Les juges du fond avaient constaté que l’employeur ne pouvait produire un procès-verbal de carence valable mais avaient néanmoins débouté le salarié de cette demande, jugeant qu’il ne rapportait la preuve d’aucun préjudice.

En particulier, la Cour notait :

– Que ce salarié avait interpellé l’employeur sur l’organisation des élections des délégués du personnel pendant son préavis qu’il était dispensé d’exécuter… ;

–  Que ses compétences en droit du travail  et ses fonctions d’assistance et de formation des élus aux comités d’entreprise et d’expertise auprès des CHSCT auraient dû le rendre particulièrement sensible à un tel manquement de l’employeur dont il ne pouvait théoriquement et pratiquement qu’avoir conscience.

Cassant l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon, la Cour de cassation rappelle que :

– « L’employeur qui n’a pas accompli, bien qu’il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts. »

La Cour de cassation avait déjà statué en ce sens dans un arrêt du 17 mai 2011 (Cass. soc. 17-05-2011 n° 10-12.852) suivi d’autres décisions similaires (Cass. soc. 17-10-2018 n° 17-14.392 ; Cass. soc. 15-5-2019 n° 17-22.224).

La jurisprudence de la Cour de cassation est donc désormais solidement établie sur le sujet.

2/ Les conséquences des manquements de l’employeur

Les juges du fond ne peuvent pas débouter un salarié de sa demande de dommages-intérêts liée à l’absence de mise en place des institutions représentatives du personnel au motif qu’il ne justifie pas de l’existence d’un préjudice en lien avec ces manquements.

Le salarié doit donc percevoir des dommages-intérêts dont le montant est souverainement apprécié par le juge en fonction des éléments produits par chacune des parties.

Ce préjudice peut sembler davantage significatif dans les entreprises de 50 salariés et plus, dans la mesure où ce seuil d’effectif confère des attributions étendues au CSE.

Par ailleurs, l’absence de mise en place d’un CSE peut entraîner des sanctions pénales pour délit d’entrave à la mise en place du comité.

L’article L. 2317-1, alinéa 1er du Code du travail dispose à ce titre que :

« Le fait d’apporter une entrave soit à la constitution d’un comité social et économique, d’un comité social et économique d’établissement ou d’un comité social et économique central, soit à la libre désignation de leurs membres, notamment par la méconnaissance des dispositions des articles L. 2314-1 à L. 2314-9 est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500 €. »

La Cour de cassation a pu juger que le fait pour le chef d’entreprise d’omettre de prendre les mesures nécessaires au déroulement régulier des opérations préélectorales en vue du renouvellement de l’institution représentative du personnel dont le mandat est venu à échéance constitue le délit d’entrave (Cass. crim. 6-11-2007 n° 06-86.027).

Le 17 janvier 2020, le Ministère du travail a apporté des précisions sur le sujet (source. travail-emploi.gouv.fr) en ces termes :

« Juridiquement, le seul fait de l’absence de mise en place d’un CSE au 31 décembre peut être caractérisé comme une entrave à la mise en place du CSE, sauf en cas de prorogation des mandats à la suite de la saisine de la Direccte ou du tribunal d’instance. 

Pour être constitué, le délit d’entrave doit réunir un élément matériel et un élément intentionnel.

Le fait pour l’employeur de ne pas avoir mis en place le CSE avant la date butoir constitue l’élément matériel de l’infraction. L’élément intentionnel se déduira du caractère volontaire de l’omission. Il appartiendra alors au juge pénal de déterminer si les difficultés de négociation procèdent d’une volonté de l’employeur de ne pas mettre en place l’instance ou de différer sa mise en place. 

Dès les premières semaines de 2020, les services déconcentrés du ministère du travail se rapprocheront des employeurs qui n’auront pas organisé les élections du CSE pour que soit engagé le plus vite possible le processus électoral. Si ces demandes n’étaient pas suivies d’effet, l’employeur s’exposerait alors à un constat d’infraction par l’inspecteur du travail. »

Le délit d’entrave est particulièrement caractérisé si un salarié sollicite la mise en place des élections et que l’employeur y fait obstacle.

Rappelons à cet égard qu’ « en l’absence de comité social et économique, l’employeur engage la procédure définie à l’article L. 2314-5 à la demande d’un salarié ou d’une organisation syndicale dans le mois suivant la réception de cette demande. »

Enfin, l’absence de mise en place d’un CSE est susceptible de vicier certaines procédures lorsque le Code du travail exige la consultation préalable des représentants du personnel.

Il en va ainsi, par exemple, du licenciement pour inaptitude consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (Cass. soc. 28-4-2011 n° 09-71.658) ou des consultations obligatoires prévues en cas de licenciement collectif pour motif économique. 

En effet, si l’employeur est légalement tenu de consulter le CSE avant une prise de décision et qu’il n’a pas procédé à sa mise en place, une irrégularité de fond peut être soulevée par le ou les salariés concernés.

En définitive, seul un procès-verbal de carence peut protéger l’employeur des conséquences liées à l’absence d’un CSE dans l’entreprise.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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Indemnité forfaitaire de conciliation : comment procéder depuis le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile ?

Indemnité forfaitaire de conciliation : comment procéder depuis le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile ? 2560 1709 sancy-avocats.com

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L’employeur et le salarié peuvent résoudre à l’amiable un litige portant sur le licenciement en prévoyant le versement, à ce dernier, d’une indemnité forfaitaire de conciliation. Cette indemnité présente des avantages significatifs par rapport à l’indemnité transactionnelle. Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 a cependant changé les règles du jeu…

1/ Les dispositions applicables

En cas de litige, lors de la phase de conciliation, l’employeur et le salarié peuvent convenir d’y mettre un terme par accord (C. trav. art. L. 1235-1).

Cet accord prévoit le versement par l’employeur au salarié d’une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un barème fixé par décret en fonction de l’ancienneté du salarié.

Le procès-verbal constatant l’accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail.

Le barème visé par le texte est le suivant (C. trav. art. D. 1235-21) :

– 2 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté inférieure à 1 an ;

– 3 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté au moins égale à 1 an, auxquels s’ajoute 1 mois de salaire par année supplémentaire jusqu’à 8 ans d’ancienneté ;

– 10 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre 8 ans et moins de 12 ans ;

– 12 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre 12 ans et moins de 15 ans ;

– 14 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre 15 ans et moins de 19 ans ;

– 16 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre 19 ans et moins de 23 ans ;

– 18 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre 23 ans et moins de 26 ans ;

– 20 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre 26 ans et moins de 30 ans ;

– 24 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté au moins égale à 30 ans.

Ces dispositions sont inchangées depuis le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile.

NB. Rappelons qu’un décret n° 2016-1582 du 23 novembre 2016 avait amélioré le barème, fixé antérieurement à 2 mois pour une ancienneté inférieure à 2 ans, 4 mois pour une ancienneté comprise entre 2 ans et moins de 8 ans, 8 mois de salaire pour une ancienneté comprise entre 8 ans et moins de 15 ans, 10 mois de salaire pour une ancienneté comprise entre 15 ans et 25 ans et 14 mois pour une ancienneté supérieure à 25 ans.

2/ Le double avantage de l’indemnité forfaitaire de conciliation

Le procès-verbal de conciliation vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail.

Au-delà de cet effet extinctif, l’indemnité forfaitaire de conciliation présente un double avantage par rapport à l’indemnité transactionnelle.

2.1. Sur le plan fiscal

L’indemnité forfaitaire de conciliation est intégralement exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite du barème susvisé.

La solution est prévue par l’article 80 duodecies du Code général des impôts :

– « 1. Toute indemnité versée à l’occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes.
Ne constituent pas une rémunération imposable : « 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-1 (…). »

Le Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts (BOFiP-Impôts) rappelle cette solution de manière explicite :

« L’indemnité forfaitaire versée lors de la conciliation prévue à l’article L. 1411-1 du Code du travail (C. trav., L. 1235-1), dont le barème est fixé à l’article D. 1235-21 du Code du travail en fonction de l’ancienneté du salarié, est ainsi intégralement exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite de ce barème. » (lien : http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4935-PGP).

La solution peut se révéler très avantageuse car l’indemnité transactionnelle est exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite suivante (la plus haute est retenue) :

– Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite de six fois le PASS (246.816 euros en 2020) ;

– Soit 50 % du montant de l’indemnité si ce seuil est supérieur, toujours dans la limite de six fois le PASS ;

Par ailleurs, il convient d’ajouter l’indemnité de licenciement à l’indemnité transactionnelle pour déterminer le plafond d’exonération (étant précisé que l’addition des deux est toujours exonérée à hauteur de l’indemnité de licenciement, sans limite).

Or, dans certains cas, l’indemnité forfaitaire de conciliation peut être totalement exonérée alors que l’indemnité transactionnelle peut être soumise en partie à l’impôt sur le revenu.

Exemple : 

Un salarié a perçu une rémunération brute de 70.000 € en 2019, soit 5.833,33 € par mois. Il est licencié pour inaptitude non-professionnelle le 3 janvier 2020, alors qu’il totalisait 23 ans d’ancienneté. Son indemnité conventionnelle de licenciement s’élève à 80.000 €. Le 20 janvier 2020, il perçoit une indemnité transactionnelle nette de 90.000 €. Le total (80.000 + 90.000) s’élève à 170.000 €. Ce « package » est exonéré à hauteur de 140.000 € (deux fois la rémunération 2019 : limite la plus favorable). Conclusion : le package est soumis à l’impôt sur le revenu à hauteur de 30.000 €. 

Si ce même salarié avait perçu une indemnité forfaitaire de conciliation de 90.000 € à la place de l’indemnité transactionnelle, celle-ci aurait été exonérée d’impôt sur le revenu en totalité. En effet, le montant de 90.000 € représente moins de 16 mois de salaire. Or, un salarié de 23 ans d’ancienneté peut percevoir une indemnité exonérée de 18 mois de salaire, soit 104.999,94 € dans cet exemple (5833,33 x 18) !

2.2. Au regard de l’assurance-chômage

Ici encore, le versement d’une indemnité transactionnelle peut se révéler moins favorable que la perception d’une indemnité forfaitaire de conciliation.

En effet, Pôle Emploi retarde la prise en charge du demandeur d’emploi par l’application d’un « différé d’indemnisation spécifique », tenant compte des indemnités de rupture versées au-delà de l’indemnité légale de licenciement.

Ce différé « indemnités supra-légales », prévu par l’article  21§2  du  Règlement  Général annexé  à  la  convention  du  14 avril  2017, est limité à 150 jours calendaires (75 jours calendaires dans le cas d’un licenciement pour motif économique).

Il est calculé comme suit : Indemnités supra légales ÷ 95,8.

Il se déclenche par le versement de toute indemnité supra-légale (ex. l’indemnité conventionnelle de licenciement, si elle est plus favorable que l’indemnité légale, l’indemnité transactionnelle, l’indemnité de non-concurrence, etc.).

Exemple :

Un salarié perçoit une indemnité transactionnelle de 12.000 €. Son différé d’indemnisation spécifique est de 125 jours. S’il perçoit une indemnité transactionnelle de 14.400 €, le plafond du différé d’indemnisation spécifique est déjà atteint : 14.400 / 95,8 = 150,31.

Or, l’indemnité forfaitaire de conciliation est exclue de l’assiette de calcul du différé spécifique d’indemnisation.

Comme l’UNEDIC le rappelle dans sa circulaire n° 2019-12 du 1er novembre 2019 :

« Lorsque l’indemnité forfaitaire de conciliation correspond aux montants prévus par ce barème  en fonction de l’ancienneté du salarié, elle est exclue de l’assiette de calcul du différé spécifique. »

3/ L’incidence du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019

Conscients du double avantage de l’indemnité forfaitaire de conciliation, les praticiens du droit social avaient pris l’habitude de saisir le Conseil de prud’hommes par la voie de la présentation volontaire, afin de faire dresser un procès-verbal de conciliation.

En effet, l’article R. 1452-1, alinéa 1er du Code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, disposait :

« La demande en justice est formée soit par une requête, soit par la présentation volontaire des parties devant le bureau de conciliation et d’orientation. »

En pratique, il suffisait donc à l’employeur et au salarié (ou à leurs avocats) de se présenter spontanément devant le Conseil de prud’hommes pour bénéficier du dispositif.

NB. Certains Conseils de prud’hommes demandaient aux parties de communiquer, la veille, un projet de procès-verbal. Certains autres fixaient des rendez-vous plus ou moins lointains, en fonction de leur agenda d’audience. 

Depuis le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable au 1er janvier 2020, l’article L. 1452-1, alinéa 1er du Code du travail dispose : « La demande en justice est formée par requête. »

Ainsi, la présentation volontaire des parties n’est plus un mode de saisine du Conseil de prud’hommes.

Désormais, les parties doivent saisir le Conseil de prud’hommes par voie de requête, le cas échéant conjointe, afin d’obtenir un procès-verbal de conciliation.

Or, les délais sont très variables selon les Conseils de prud’hommes et certains fixent à plus de 6-8 mois les audiences de conciliation.

L’employeur et le salarié peuvent cependant contourner la difficulté en saisissant un Conseil de prud’hommes territorialement incompétent.

En effet, si aucune des parties ne soulève l’exception d’incompétence, le juge n’a pas le pouvoir de relever celle-ci d’office, sauf si le défendeur ne comparaît pas (C. proc. civ. art. 92).

Il est donc possible de choisir un Conseil de prud’hommes peu chargé afin de gagner de précieux mois…

Par ailleurs, les parties peuvent saisir, auprès du Conseil de prud’hommes territorialement compétent, une autre section que celle dont relève leur litige (ex. la section Activités Diverses au lieu de la section Encadrement).

En effet, certaines sections sont plus encombrées que d’autres.

Ici encore, le Président du bureau de conciliation ne soulève pas l’incompétence de la section, cette prérogative revenant aux parties (C. trav. R. 1423-7).

En conclusion, signalons qu’il est naturellement préférable, dans tous les cas, de contacter le greffe en amont pour connaître les pratiques du Conseil.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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