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A défaut de prendre en compte la charge de travail du salarié lors des entretiens annuels, l’employeur manque à son obligation de sécurité. Telle est la solution que la chambre sociale de la Cour de cassation vient de retenir dans un arrêt du 13 avril 2023 (n°21-20.043).
1/ Les faits
Un salarié occupant le poste de « Global key account manager » est licencié le 24 avril 2015 et engage une procédure devant le Conseil de prud’hommes concernant l’exécution et la rupture de son contrat de travail.
Il est débouté de l’intégralité de ses demandes par la Cour d’appel de Paris, par un arrêt rendu le 5 mai 2021 (n° 19/00464), aux motifs suivants :
– Bien que son supérieur lui ait envoyé de nombreux e-mails lui demandant d’accomplir certaines tâches, les délais fixés lors des demandes initiales étaient raisonnables.
– Les messages envoyés tard le soir ou pendant les week-ends correspondaient au rythme de travail de sa supérieure hiérarchique et ne nécessitaient pas de réponse immédiate.
– Lorsque le salarié était en congé au moment de la réception d’un e-mail, il bénéficiait d’un délai supplémentaire pour y répondre.
– Les éléments présentés lors des débats ne démontraient pas un rythme de travail excessif de la part de l’intéressé.
– A deux occasions, sa supérieure lui avait indiqué qu’en cas d’incapacité à effectuer certaines tâches, il devait le signaler et qu’elle lui offrait expressément son aide.
– L’employeur n’avait pas reçu d’information spécifique de la médecine du travail concernant l’état de santé du salarié.
– Le salarié a présenté un certificat médical de son psychiatre, indiquant faire l’objet d’un suivi pour un trouble depuis 8 ans, qui s’est aggravé en février 2015 et a nécessité un arrêt de travail de février à juillet 2015.
– En conclusion, pour la Cour d’appel, il ressort de ces éléments que ce seul certificat médical, mentionnant un état de santé préexistant du salarié, ne permet pas d’attribuer à l’employeur la responsabilité de l’état de santé de l’intéressé.
2/ La solution de la Cour de cassation
L’arrêt de la Cour d’appel de Paris est cassé au visa de l’article L. 4121-1 du Code du travail.
Il résulte de ce texte que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers le salarié, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
La Cour de cassation rappelle que l’employeur ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail :
– Des actions de prévention des risques professionnels ;
– Des actions d’information et de formation ;
– La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ;
– Le respect de principes généraux de prévention.
En effet, ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés l’employeur justifiant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail (Cass. soc. 25-11-2015, n° 14-24.444).
En l’espèce, l’employeur ne justifiait pas avoir mis en œuvre des entretiens annuels au cours desquels étaient évoquées la charge de travail du salarié et son adéquation avec sa vie personnelle.
Un compte rendu d’entretien en date du 26 avril 2013, dénommé « évaluation de la performance 2012 », était certes versé aux débats mais ne contenait aucune mention relative à la charge de travail.
L’originalité de l’arrêt réside dans le fait que celui-ci n’a pas été rendu au sujet d’une convention de forfait en jours sur l’année.
A cet égard, l’article L. 3121-60 du Code du travail dispose que « l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail. »
L’accord collectif autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié (C. trav. art. L. 3121-64, II-1°).
À défaut de stipulations conventionnelles relatives aux modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail du salarié, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue si (C. trav. art. L. 3121-65, I-1° et 2°) :
– L’employeur établit un document de contrôle mentionnant la date et le nombre de journées ou demi-journées travaillées (ce document peut être établi par le salarié sous sa responsabilité) ;
– L’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires.
En définitive, il appartient à l’employeur, quel que soit le dispositif d’aménagement du temps de travail applicable au salarié, de s’assurer que la charge de travail de ce dernier n’est pas excessive.
Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com
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