Dispense de reclassement du salarié inapte : pas de consultation du CSE

Dispense de reclassement du salarié inapte : pas de consultation du CSE

Dispense de reclassement du salarié inapte : pas de consultation du CSE 2560 1709 sancy-avocats.com

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Dans un arrêt du 8 juin 2022 (Cass. soc. 8-6-2022, n° 20-22500), la Cour de cassation vient de juger que la dispense de reclassement du salarié inapte, émise par le médecin du travail, exonère l’employeur de son obligation de consulter le CSE. La décision était attendue.

1/ Rappel des dispositions relatives à l’obligation de consulter le CSE 

Lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (C. trav. art. L. 1226-2 : inaptitude non-professionnelle ; L. 1226-10 : inaptitude professionnelle).

Le texte ajoute que cette proposition prend en compte, après avis du CSE lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

L’employeur peut être exonéré de son obligation de reclassement si le médecin du travail mentionne expressément, dans son avis, que « tout maintien du salarié serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » (C. trav. art. L. 1226-2-1 et L. 1226-12).

Dans un tel cas, l’employeur demeure-t-il tenu de consulter le CSE ?

La réponse à cette question n’est pas évidente puisque la Cour de cassation considère que, dès lors qu’un salarié a été déclaré inapte, l’employeur est tenu de consulter le CSE, y compris si aucun poste de reclassement ne peut lui être proposé (Cass. soc. 30-09-2020, n° 19-16488).

Il est donc permis de penser que la consultation du CSE s’impose même en cas de dispense de reclassement par le médecin du travail.

Les juridictions du fond ont d’ailleurs été partagées sur le sujet. 

2/ Hésitations jurisprudentielles 

Dans un arrêt du 3 avril 2018, la Cour d’appel de Riom (CA Riom 3-4-2018 n° 16/01261) a jugé que :

– L’article L. 1226-2-1 dispense l’employeur de procéder à une recherche de reclassement dès lors que le médecin du travail indique que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

– En conséquence, la consultation du CSE n’est pas fondée et, en tout état de cause, dès lors qu’aucune disposition ne prévoit de sanction, le salarié doit être déboutée de sa demande tendant à voir dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel de Paris (CA Paris 2-12-2020 n° 14/11428) avait également statué en ce sens, considérant que l’avis du CSE est inutile, dès lors que l’inaptitude est totale, que le reclassement est impossible et que le comité n’a « pas compétence pour remettre en cause l’appréciation du médecin du travail son éventuel avis ne pouvant se borner qu’à ce constat. »

D’autres Cours d’appel avaient adopté une position diamétralement opposée, comme la Cour d’appel de Bourges, pour laquelle :

– La consultation du CSE constitue une garantie substantielle pour le salarié et le Code du travail ne prévoit pas expressément de dispense à cette consultation pour le cas dans lequel tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.

– Ainsi, en l’état actuel du droit positif, il revient à l’employeur de saisir le CSE pour avis, au moins pour l’informer du contenu de l’avis du médecin du travail qui impose de procéder au licenciement pour inaptitude (CA Bourges 18-6-2021 n° 20/00883).

Postérieurement, les juridictions du fond ont continué de se diviser, certaines jugeant impérative la consultation du CSE (CA Amiens 14-4-2021 n° 19/07875 ; CA Bourges 19-11-2021 n° 21/00153), d’autres n’y voyant pas une formalité obligatoire ou substantielle (ex. CA Lyon 5-11-2021 n° 19/01393 ; CA Aix-en-Provence 9-4-2021 n° 19/18292).

3/ Décision de la Cour de cassation 

Dans son arrêt du 8 juin 2022 (Cass. soc. 8-6-2022, n° 20-22500), la Cour de cassation juge clairement que l’employeur n’a pas à solliciter l’avis du CSE lorsque le médecin du travail a estimé que le reclassement du salarié est impossible.

La Haute juridiction a statué au visa des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du Code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Pour elle, il résulte du premier de ces textes que lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, et cette proposition doit prendre en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise.

La Cour ajoute que, selon le second de ces textes, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.

Les magistrats en tirent pour conclusion que lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur, qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas l’obligation de consulter les délégués du personnel.

Si la décision a été rendue sous l’empire de l’institution des délégués du personnel, elle s’applique naturellement au CSE.

De même, elle concerne tant l’inaptitude professionnelle que non-professionnelle.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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