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Dans le contexte pandémique actuel, le législateur a pu – occasionnellement – autoriser le recours à la visioconférence, comme pour la tenue des réunions du CSE. Aucune disposition spécifique n’a été édictée concernant l’entretien préalable au licenciement. La jurisprudence est partagée, comme l’illustre un arrêt récent.
1/ L’entretien préalable physique est la règle
Selon l’article L. 1232-2 du Code du travail :
– « l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. »
Le Code n’apporte pas de précisions sur les modalités de déroulement de l’entretien préalable (physique, téléphonique, par visioconférence…), prescrivant seulement que :
– « Au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié » (C. trav art. L. 1232-3, al. 1) ;
– « Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise » (C. trav art. L. 1232-4, al. 1).
NB. Ces articles sont relatifs au licenciement pour motif personnel. Ceux applicables au licenciement pour motif économique sont rédigés dans des termes similaires (cf. C. trav. art. L. 1233-11 ; C. trav. art. L. 1233-13).
Ainsi, aucune disposition n’exige formellement que l’entretien préalable se tienne physiquement et la notion d’« audition » n’implique d’ailleurs pas une rencontre.
Cela est d’autant plus vrai que le Code du travail est muet sur le lieu de l’entretien préalable.
Or, dans de nombreuses hypothèses (salarié en congés, employeur malade, contexte pandémique, expatriation, télétravail,…), les parties souhaitent parfois que l’entretien préalable se déroule par le biais d’une visioconférence.
D’ailleurs, certains salariés sont réticents à se rendre à l’entretien préalable, souvent source de stress et de tensions, en particulier dans un contexte de souffrance au travail.
Compte tenu de l’absence de dispositions impératives dans le Code du travail, il est permis de penser que la jurisprudence aurait pu accepter des solutions alternatives à l’entretien physique.
Or, les juridictions du fond sont divisées sur le sujet et la Cour de cassation ne s’est, quant à elle, jamais explicitement prononcée.
2/ La jurisprudence est divisée sur le sujet
Dans un arrêt désormais ancien du 14 novembre 1991 (Cass. soc. 14-11-1991, n°90-44.195), la Cour de cassation a posé pour principe « qu’une conversation téléphonique ne saurait remplacer l’entretien préalable. »
Depuis cette date, les technologies de communication ont considérablement évolué mais la Cour de cassation n’a pas été appelée à trancher la question de la visioconférence.
Dans un arrêt du 7 janvier 2020 (CA Grenoble 7-1-2020 n°17/02442), la Cour d’appel de Grenoble a statué sur la régularité d’un entretien préalable qui s’était déroulé en visioconférence à l’aide du logiciel Skype.
Condamnant l’employeur à des dommages-intérêts en raison de l’irrégularité de la procédure, la Cour a retenu les motifs suivants :
– Il ne ressort pas des dispositions réglementaires d’application des articles L. 1232-2 et L. 1232-3 du code du travail que l’entretien préalable à licenciement peut se dérouler par visioconférence ;
– Il est constant qu’en matière pénale, l’usage de la visioconférence est autorisé ;
– Cependant, cette mise en œuvre est expressément prévue et encadrée par la loi ;
– Le code du travail ne comprend aucune disposition permettant de déroger au principe d’une rencontre physique.
Dans un arrêt antérieur, la Cour d’appel de Rennes (CA Rennes 11-5-2016 n°14/08483) avait admis le recours à la visioconférence à la condition que les deux parties acceptent ce procédé :
– « L’employeur qui, tenu par ses propres nécessités d’organisation, a accepté de mener l’entretien préalable par visioconférence, ne peut se voir reprocher d’avoir, de façon fautive, négligé les contraintes du salarié. »
La Cour d’appel de Bourges a récemment statué en sens inverse (CA Bourges 15-11-2019 n°18/00201).
Précédemment, la Cour d’appel de Reims (CA Reims 11-9-1996 n° 94-2532) était allée jusqu’à juger qu’un entretien téléphonique entre le salarié et l’employeur ne vicie en rien la procédure de licenciement, dès lors que le salarié a été régulièrement convoqué, qu’il n’a volontairement pas participé à l’entretien et que cette formalité n’est prévue que dans son seul intérêt.
Dans un arrêt récent (CA Versailles 4-06-2020, n° 17/04940), la Cour d’appel de Versailles a admis le recours à la téléconférence dans les termes suivants :
– Même s’il est de principe que l’entretien se tienne en présence physique des parties, les circonstances de l’espèce, le statut d’expatriée de la salariée et sa localisation à Dubaï, expliquent la décision de l’employeur de recourir à un entretien à distance via une téléconférence ;
– Ces modalités ne constituent pas une irrégularité de procédure dès lors que les droits de la salariée ont été respectés, que celle-ci a été en mesure de se défendre utilement.
Ainsi, sans remettre en cause le principe de l’entretien physique, la Cour d’appel admet que des circonstances exceptionnelles justifient le recours à la visioconférence, sous réserve des droits de la défense.
A cet égard, la Cour a pris soin de relever que les droits de la salariée avaient été respectés :
– « Tel a été le cas en l’espèce, ainsi que cela résulte du compte rendu d’entretien rédigé par M. C (pièce 27 de la salariée). Celui-ci indique en effet dans ce document que l’entretien a duré une heure, que les prises de parole de M. A et de Mme Y, dont le contenu précis est reproduit, ont fait l’objet d’observations et d’interrogations de sa part, Mme X ayant indiqué qu’elle ne souhaitait pas intervenir, qu’elle réservait sa réponse pour une date ultérieure. »
En conclusion, il serait utile que la Cour de cassation apporte une réponse claire aux employeurs et aux salariés, ainsi qu’aux praticiens du droit du travail, sur ce sujet rencontré au quotidien.
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