Harcèlement moral et enquête : pas de monopole pour le CSE

Harcèlement moral et enquête : pas de monopole pour le CSE

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Le Code du travail ne prévoit aucune règle particulière s’agissant des modalités de l’enquête interne que l’employeur doit diligenter en cas de harcèlement moral. La jurisprudence en détermine progressivement les contours. Tel est le cas d’un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. soc. 1-6-2022, n°20-22.058).

1/ L’obligation de mettre en place une enquête interne en cas d’allégations de harcèlement moral

L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en menant notamment des actions de prévention des risques professionnels (C. trav. art. L. 4121-1), avec une attention particulière portée aux risques liés au harcèlement moral, au harcèlement sexuel et aux agissements sexistes (C. trav. art. L. 4121-2).

L’article L. 1152-4 du Code du travail le rappelle expressément : « l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. »

En cas d’un harcèlement moral avéré, l’employeur engage sa responsabilité civile (et même pénale), s’il n’a pas pris les mesures adéquates visant à prévenir et à faire cesser de tels agissements.

Ainsi, la Cour de cassation a pu juger que, l’employeur n’ayant entrepris aucune enquête sérieuse devant l’importance d’un conflit opposant le salarié à son responsable hiérarchique, en dépit de signalements, a manqué à son obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité du salarié victime de harcèlement (Cass. soc. 9-7-2014, n° 13-16.797).

La Cour de cassation (Cass. 27-11-2019, n°18-10.551) considère même que l’absence d’enquête interne, après la révélation d’un harcèlement, constitue une violation par l’employeur de son obligation de prévention des risques professionnels qui cause un préjudice à l’intéressé, même en l’absence de harcèlement.

A l’inverse, l’employeur qui a pris les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et, notamment, a mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral, ne manque pas à son obligation de sécurité (Cass. soc. 1-6-2016, n° 14-19702).

En pratique, lorsque le salarié signale des faits susceptibles de caractériser un harcèlement moral, l’employeur doit nécessairement organiser une enquête interne, afin d’établir :

– La matérialité et la preuve des faits ;

– Leur qualification au regard de la définition du harcèlement moral.

Il est rappelé, à cet égard, que le harcèlement moral est défini par l’article L. 1152-1 du Code du travail en ces termes :

– « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

2/ Les modalités de l’enquête interne sur le harcèlement moral

L’article L. 1154-1 du Code du travail prévoit que lorsque survient un litige relatif notamment au harcèlement moral, « le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. »

Le texte ajoute qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme ensuite sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Ces dispositions sont applicables en cas de litige prud’homal et aucune règle légale n’existe en amont, pour réglementer les modalités de l’enquête interne.

Dans un arrêt du 8 janvier 2020 (Cass. soc. 08-01-2020, n°18-20.151), la Cour de cassation a censuré un arrêt de la Cour d’appel de Lyon ayant jugé que « pour répondre à l’exigence d’exhaustivité et d’impartialité, l’enquête interne diligentée par l’employeur devait consister à entendre la totalité des collaborateurs du salarié. »

Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel ne pouvait exclure la preuve du harcèlement moral au motif que seule la moitié des collaborateurs avait été entendue.

En pratique, il est recommandé à l’employeur d’auditionner le salarié affirmant avoir subi un harcèlement moral, en lui offrant la possibilité d’être assisté par un salarié, représentant du personnel ou non.

Si le représentant légal de l’entreprise ne conduit pas l’enquête en personne, il doit veiller à ce que le collaborateur qui en a en responsabilité ne soit pas impliqué dans la situation dénoncée par le salarié.

En effet, comme le juge la Cour de cassation (Cass. soc. 21-6-2011, n°10-11.690) au sujet de l’entretien préalable au licenciement, la participation d’un délégué du personnel aux côtés de l’employeur, alors qu’il existait un différend important entre ce délégué et le salarié, caractérise un détournement de l’objet de l’entretien ouvrant droit à la réparation du préjudice subi.

Outre l’invitation de l’auteur du signalement, l’employeur doit logiquement auditionner le salarié présumé auteur des faits, en lui offrant la même possibilité d’assistance.

Il est recommandé que les entretiens donnent systématiquement lieu à l’établissement d’un compte-rendu écrit signé par toutes les personnes présentes.

En revanche, il est déconseillé d’organiser une confrontation entre les salariés dans la mesure où celle-ci peut être génératrice d’une situation de stress incompatible avec la prévention des risques psycho-sociaux.

La question se pose, enfin, de savoir si le CSE doit être associé à l’enquête portant sur le harcèlement moral.

L’arrêt du 1er juin 2022 répond à cette question par la négative.

Dans cette affaire, un salarié avait été licencié pour faute grave à la suite d’un harcèlement moral.

La Cour d’appel avait jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse, refusant de tenir compte de l’enquête diligentée par l’employeur, au motif que celui-ci n’y avait pas associé le CHSCT (en place à l’époque).

La Cour de cassation censure cet arrêt au visa de l’article 455 du Code de procédure civile, rappelant que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions.

Ainsi, pour la Haute juridiction, la Cour d’appel ne pouvait pas rejeter le compte-rendu d’enquête au motif que celle-ci n’avait pas été confiée au CHSCT, mais à la direction des ressources humaines.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme, par ailleurs, sa jurisprudence selon laquelle l’employeur n’a pas à interroger tous les salariés appartenant au service dans lequel travaille le salarié impliqué.

En l’espèce, a été jugé indifférent le fait que huit personnes seulement avaient été interrogées, sur les vingt composant le service et sans que soient connus les critères objectifs ayant présidé à la sélection des témoins.

En conclusion, notons que le CSE n’est pas dépourvu de toute prérogative en matière de harcèlement, puisqu’il dispose d’un droit d’alerte spécifique.

En effet, si un membre élu du CSE constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur (C. trav. art. L. 2312-59).

Le texte précise que cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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