Harcèlement sexuel : comment se caractérise-t-il ?

Harcèlement sexuel : comment se caractérise-t-il ?

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Un arrêt de la Cour de cassation du 18 novembre 2020 (n° 19-81790) apporte des précisions sur les contours de la notion de harcèlement sexuel. Cette décision offre l’occasion de rappeler comment se caractérise ce délit.

1. La définition légale du harcèlement sexuel 

Le harcèlement sexuel est interdit par le Code du travail mais également réprimé par le Code pénal. 

1.1. Le Code du travail 

Selon l’article L. 1153-1 du Code du travail :

– « Aucun salarié ne doit subir des faits : 

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; 

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. » 

La loi vise tous les actes ou propos à connotation sexuelle, de sorte que le harcèlement sexuel  n’est pas limité aux agissements physiques, tels que des attouchements.

Ainsi, tout propos, exprimé de vive voix ou par écrit, ou tout autre acte tel que placer en évidence sur le bureau d’une personne ou dans sa voiture des revues pornographiques, lui tenir des propos grivois sur son comportement sexuel présumé ou avoir devant elle des gestes obscènes, par exemple, entre dans le champ de la définition (Rapport Sénat n° 619).

La condition de répétition des actes, inhérente à la notion même de harcèlement, exige simplement que les faits aient été commis à au moins deux reprises.

A l’inverse, un agissement à connotation sexuelle visé à l’article L. 1153-1, 1° du Code du travail, commis isolément, n’est pas constitutif de harcèlement sexuel au sens de ce texte.

Ce fait peut cependant être sanctionné sur le fondement du § 2 du texte (le harcèlement par assimilation), qui exclut explicitement la notion de « répétition. »

Sont visés ici les faits de chantage sexuel, qui peuvent être commis en des occasions uniques, telles qu’un entretien d’embauche ou l’attribution d’une promotion professionnelle (Rapport Sénat n° 619).

Comme l’a précisé la circulaire CRIM n° 2012-15 du 7 août 2012 relative à la présentation des dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, « un acte unique suffit à caractériser l’infraction assimilée à un harcèlement sexuel. »

1.2. Le Code pénal

Le harcèlement sexuel ne se rencontre pas uniquement dans un contexte professionnel et l’article 222-33 du Code pénal le sanctionne de manière plus générale :

– « I. – Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

L’infraction est également constituée : 

1° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ; 

2° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. 

– Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »

Le Code pénal insiste sur « le fait d’imposer » des agissements physiques ou verbaux, ce qui implique l’absence de consentement de la victime des faits.

2. Les illustrations jurisprudentielles du harcèlement sexuel

Face à certaines situations ambiguës, la jurisprudence a été conduite à préciser les contours de la notion de harcèlement sexuel.

2.1. L’intention de l’auteur des faits 

Dans un arrêt du 18 novembre 2015 (Cass. crim. 18-11-2015 n° 14-85.591), la Cour de cassation a jugé que se rend coupable de harcèlement sexuel le responsable hiérarchique qui, même s’il a mésestimé la portée de ses agissements, a imposé aux victimes, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle les ayant placées dans une situation intimidante, hostile ou offensante objectivement constatée.

En l’espèce, ce responsable faisait valoir, pour sa défense, qu’il n’avait pas eu conscience d’avoir imposé les actes litigieux aux victimes.

Il invoquait l’article 121-3, al. 1er du Code pénal selon lequel « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. »

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi du prévenu, dans la mesure où la Cour d’appel avait relevé que c’est en connaissance de cause qu’il avait imposé, de façon répétée, des propos et comportements à connotation sexuelle.

La Cour de cassation avait précédemment considéré que caractérise un harcèlement sexuel le fait, pour l’employeur, de multiplier les cadeaux, les appels et messages téléphoniques, de se rendre au domicile de la salariée et de s’introduire dans sa vie privée dans le but de la convaincre à céder à ses avances (Cass. soc. 3-3-2009 n° 07-44.082).

Dans l’arrêt du 18 novembre 2019 (n° 19-81790), la Cour de cassation juge, de manière similaire, que le harcèlement sexuel est caractérisé en présence d’emails d’un salarié, exprimant de façon répétée son désir explicite d’avoir une relation d’ordre sexuel avec sa collègue, en dépit des refus réitérés de cette dernière.

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait relevé que le prévenu avait imposé à sa collègue, d’une façon réitérée, des propos à connotation sexuelle, en dehors de tout contexte de plaisanterie ou de familiarité, créant à son encontre une situation offensante, génératrice d’une incapacité de travail.

En conclusion, les avances peuvent être assimilées à un harcèlement sexuel, dès lors que la victime exprime clairement son refus à l’auteur des agissements.

Les juges du fond retiennent la même interprétation, comme l’illustrent les arrêts suivants :

– Constitue un harcèlement sexuel le fait, pour un éducateur, d’émettre des réflexions sur le physique de collègues et de proposer à certaines d’entre elles, à plusieurs reprises et de manière insistante, d’avoir des relations sexuelles avec lui (CA Pau 15-1-2009 n° 07-1694).

– Est assimilé à un harcèlement sexuel l’envoi de plusieurs SMS par un supérieur hiérarchique, contenant des propos tels que « je te souhaite une douce journée avec plein de baisers sur tes lèvres de velours » (Cass. soc. 12-2-2014 n° 12-26.652).

A l’inverse, l’envoi de SMS sentimentaux par un salarié à une collègue, révélant une tentative de séduction, ne s’analyse pas comme un harcèlement sexuel (CA Dijon 4-4-2013 n° 12-00737).

De même, inviter une collègue à déjeuner ne suffit pas à conclure à l’existence d’un harcèlement sexuel (Cass. soc. 8-07-2020 n° 18-24320). 

2.2. Le consentement de la victime 

Comme évoqué ci-dessus, le Code pénal insiste sur l’absence de consentement de la victime des faits, ce qui n’est pas le cas du Code du travail.

Pour la Cour de cassation, ne commet pas une faute grave le responsable d’exploitation ayant envoyé, depuis son téléphone professionnel, de manière répétée et durable entre 2011 et 2013, des SMS au contenu déplacé et pornographique à une salariée avec laquelle il était entré dans un jeu de séduction réciproque (Cass. soc. 25-9-2019 n° 17-31.171).

En l’espèce, la Cour d’appel avait noté que la salariée avait reconnu s’être amusée à répondre aux messages écrits de son collègue et avait adopté un comportement ambigu à son égard.

Ainsi, en l’absence de toute pression grave ou de toute situation intimidante, hostile ou offensante à l’encontre de la salariée, l’attitude ambiguë de cette dernière, qui avait ainsi volontairement participé à un jeu de séduction réciproque, excluait la qualification de harcèlement sexuel.

La Cour de cassation avait déjà écarté le harcèlement sexuel en présence de faits s’inscrivant dans un contexte de familiarité réciproque (Cass. soc. 10-7-2013 n° 12.11.787).

Cette solution jurisprudence rejoint la position de l’administration (circ. CRIM n° 2012-15 du 7 août 2012) :

– Le non consentement de la victime est un des éléments constitutifs du délit, qui suppose des actes imposés par leur auteur, et donc subis et non désirés par la victime.

– La loi n’exige toutefois nullement que la victime ait fait connaître de façon expresse et explicite à l’auteur des faits qu’elle n’était pas consentante (ce qui pourrait par exemple résulter d’une demande formulée par écrit ou devant témoins de mettre un terme aux agissements).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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