Indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat de travail : quel régime social et fiscal ?

Indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat de travail : quel régime social et fiscal ?

Indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat de travail : quel régime social et fiscal ? 2560 1707 sancy-avocats.com

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Le régime social et fiscal des indemnités de rupture est clairement défini par le Code de la sécurité sociale et le Code général des impôts. En revanche, le traitement de l’indemnité transactionnelle réparant un préjudice lié à l’exécution du contrat de travail est plus complexe à cerner.

1. Observations liminaires : les enjeux 

Les litiges entre l’employeur et le salarié surviennent souvent à l’occasion de la rupture du contrat. Toutefois, des différends peuvent s’élever au sujet de l’exécution de la relation professionnelle : souffrance au travail, harcèlement moral, repos compensateur, heures supplémentaires, indemnité de non-concurrence,… 

Déterminer précisément le régime de l’indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat de travail présente une importance considérable.

En premier lieu, si l’employeur accepte de verser une indemnité au salarié, il entend naturellement, en contrepartie, régler le différend ou le litige préexistant entre eux.

Or, la remise en cause du régime de l’indemnité est susceptible de fragiliser la transaction, puisque les concessions de l’employeur et du salarié se trouvent alors modifiées, voire bouleversées.

Par ailleurs, un redressement Urssaf affectant l’indemnité engendre un coût supplémentaire pour l’employeur contraint d’acquitter les cotisations patronales et de précompter les cotisations salariales (sans garantie de récupérer le montant correspondant à ces dernières auprès du salarié).

En second lieu, le salarié subit un important préjudice si l’Urssaf considère l’indemnité transactionnelle comme un élément de salaire.

En effet, en ce cas, il est redevable des cotisations salariales (environ 23 à 25 %) et de l’impôt sur le revenu selon son taux moyen d’imposition.

La perception d’une indemnité transactionnelle pouvant représenter un montant important en proportion du salaire moyen, le salarié fait alors face à une surimposition particulièrement préjudiciable.

2. Principe : le régime de l’indemnité dépend de la nature de l’élément réparé 

Comme évoqué ci-dessus, la transaction conclue au cours de l’exécution du contrat de travail peut avoir pour objet de régler un litige relatif :

– à des éléments de salaire : heures supplémentaires, primes diverses, repos compensateurs,…

– à une souffrance physique ou psychique (au sens du « pretium doloris ») : harcèlement moral ou sexuel, préjudice moral lié à une situation de souffrance au travail,…

Or, c’est la nature de l’élément réparé par l’indemnité transactionnelle qui détermine son régime social et fiscal.

2.1 Régime social

Comme l’indique la Cour de cassation (Cass. 2e civ. 28-11-2019 n° 18-22.807), les sommes versées en exécution des transactions conclues avec les salariés constituant un élément de rémunération versé en contrepartie ou à l’occasion du travail entrent dans l’assiette des cotisations et contributions.

En l’espèce, l’indemnité transactionnelle avait été versée en réparation du préjudice subi du fait du refus de la société d’accorder des jours de repos complémentaires ou de compenser des heures de dotation vestimentaire.

Cette solution avait déjà été retenue au sujet d’une indemnité transactionnelle tendant à indemniser le préjudice né de l’impossibilité, pour des salariés, de prendre leur pause accordée en compensation du temps d’habillage et de déshabillage (Cass. 2e civ. 19-1-2017 n° 16-11.472).

A l’inverse, si l’indemnité transactionnelle a pour objet de réparer un préjudice dénué de tout caractère salarial, elle n’a pas à être assujettie aux cotisations et contributions sociales, à la CSG, à la CRDS et aux taxes et participations assises sur les salaires dont l’assiette est harmonisée avec celle des cotisations de sécurité sociale.

L’Urssaf adopte la même solution, dans les termes suivants (source : urssaf.fr) :

« Pour distinguer les sommes qui ont un caractère indemnitaire de celles qui ont le caractère de rémunération, le sens et la portée de la transaction peuvent être recherchés : 

– à partir des termes mêmes du document transactionnel,

– mais aussi à partir des éléments extérieurs à cette transaction (circonstances de fait, relations entre les parties…). 

L’Urssaf est ainsi compétente pour rechercher si l’indemnité transactionnelle versée correspond à une ou plusieurs indemnités susceptibles d’être exonérées, ou bien s’il s’agit d’éléments de salaire soumis à cotisations. »

Il en résulte que les sommes versées par l’employeur pour indemniser le salarié victime d’un préjudice physique, psychique, psychologique, moral, d’image, etc., ne doivent pas se voir appliquer de cotisations, contributions, de CSG et de CRDS,…

2.2. Régime fiscal 

Les dommages-intérêts versés au salarié en réparation d’un préjudice lié à l’exécution du contrat et n’ayant aucun lien avec un élément de salaire ne sont pas visés par les articles 79 à 81 quater du Code général des impôts (CGI).

Pour rappel, ces articles définissent le revenu imposable et sont compris dans un § V du CGI intitulé « V : Traitements, salaires, pensions et rentes viagères (Articles 79 à 90) ».

Par exception, il résulte de l’article 80 du CGI que sont imposées comme des traitements et salaires les indemnités, au-delà d’un million d’euros, « perçues au titre du préjudice moral fixées par décision de justice. »

En conclusion, l’indemnité allouée au salarié en raison d’un préjudice subi lors de l’exécution du contrat de travail n’est pas imposable, sauf si elle a la nature d’un élément de salaire.


3. Date de versement de l’indemnité transactionnelle
 

La question se pose de savoir si la date de versement de l’indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat a une incidence sur son régime social et fiscal tel qu’exposé ci-dessus (§2).

Plus précisément, le traitement de cette indemnité est-il identique si l’indemnité est versée au cours de l’exécution du contrat ou après sa rupture ?

L’interrogation est légitime puisque les indemnités de rupture font l’objet d’un traitement spécifique.

En effet, les articles L. 242-1 du Code de la sécurité sociale et 80 duodecies du CGI règlent le régime social et fiscal de l’indemnité transactionnelle versée « à l’occasion de la rupture du contrat de travail. »

Toutefois, les sommes perçues « à l’occasion de » la rupture du contrat de travail correspondent à celles qui sont versées « en lien avec » la rupture du contrat de travail.

En effet, les textes visent notamment les indemnités de licenciement, de mise à la retraite, les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,…

En d’autres termes, le fait que l’indemnité transactionnelle relative à l’exécution du contrat soit versée avant ou après la rupture de la relation de travail est indifférent au regard du régime social et fiscal de l’indemnité. 


4. Conséquences au regard du différé spécifique d’indemnisation Pôle Emploi
 

Pôle Emploi applique un différé spécifique au salarié qui a touché des indemnités liées à la rupture du contrat de travail, quelle que soit leur nature, « dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative. »

Ce différé concerne donc les salariés qui ont perçu de leur employeur, lors de la rupture du contrat de travail, des indemnités supérieures à celles strictement prévues par la loi (indemnités dites « supra-légales »).

À titre d’exemples, peuvent déclencher ce différé l’indemnité de rupture conventionnelle ou l’indemnité conventionnelle, si elles dépassent le montant de l’indemnité légale.

La durée maximale du différé spécifique d’indemnisation est de 150 jours calendaires, ou de 75 jours calendaires en cas de rupture du contrat pour motif économique.

Ce différé est calculé comme suit : Indemnités supra légales ÷ 95,8.

Or, en cas de perception d’une indemnité transactionnelle liée à l’exécution du contrat de travail, ce différé n’a pas vocation à jouer.

En effet, selon le règlement général d’assurance-chômage :

– « Le différé visé au § 1er est augmenté d’un différé spécifique en cas de prise en charge consécutive à une cessation de contrat de travail ayant donné lieu au versement d’indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature. 

Il est tenu compte pour le calcul de ce différé, des indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature, dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative. »

D’ailleurs, l’indemnité ne doit pas être mentionnée dans le cadre 6.3 de l’attestation Pôle Emploi intitulé « sommes versées l’occasion de la rupture (solde de tout compte). »

En effet, comme le précise la notice de l’attestation Pôle emploi, ce cadre contient les « indemnités de fin de contrat. »

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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