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Selon l’article 9 du Code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée. Cette disposition, faisant partie des droits fondamentaux de la personne, est applicable au salarié et notamment à son image. Le point en 5 Questions / Réponses.
1/ Le salarié peut-il interdire l’utilisation de son image ?
Toute personne a sur son image un droit exclusif et absolu et peut s’opposer à sa fixation, à sa reproduction ou à son utilisation sans autorisation préalable (CA Douai 31-1-2012 n° 11/00586).
L’autorisation du salarié est requise, même pour une diffusion de son image limitée à des documents internes à l’entreprise (ex. trombinoscope, intranet,…) (CA Versailles 11-5-2004, n° 03-3256).
En cas d’autorisation accordée par le salarié, celle-ci est valable uniquement pour les supports compris dans le périmètre qu’elle vise.
Ainsi, le seul fait pour un salarié d’avoir accepté d’être pris en photo ne vaut pas acceptation que l’image soit utilisée par son employeur sur une affiche promotionnelle (CA Basse-Terre 8-11-2021, n° 19/01738).
L’employeur commet une faute engageant sa responsabilité envers un salarié en reproduisant sa photo à des fins publicitaires et promotionnelles avec les annotations ou commentaires qui l’accompagnaient (CA Grenoble 27-1-2003, n° 99-4102).
2/ Quelle est la sanction de l’utilisation abusive de l’image du salarié ?
Le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation.
La seule constatation d’une atteinte au droit à l’image ouvrant droit à réparation, une Cour d’appel ne peut pas débouter des salariés de leur demande de dommages et intérêts motivée par le délai mis par l’employeur pour supprimer leur photographie de son site internet au motif qu’ils ne démontrent pas l’existence d’un préjudice (Cass. soc. 19-1-2022, n° 20-12.420).
La Cour de cassation a réaffirmé sa position dans un arrêt du 14 février 2024, jugeant que le salarié ne pas être débouté de ses demandes de dommages-intérêts au titre de son droit à l’image alors que l’employeur ne conteste pas avoir utilisé son image sans son accord pour réaliser une plaquette adressée aux clients (Cass. soc. 14-2-2024, n° 22-18.014).
Il appartient aux juges du fond de se prononcer sur le montant des dommages-intérêts alloués au salarié, en fonction des éléments de preuve apportés par ce dernier (ex. 1500 € pour un salarié dont le nom et la photo sont restés publiés sur le site internet de son employeur postérieurement à son licenciement, pendant 6 mois ; CA Chambéry 21-4-2009, n° 08-2089).
3/ Que doit contenir une clause d’utilisation du droit à l’image ?
L’employeur souhaitant utiliser l’image des salariés doit leur proposer de signer une convention d’utilisation de leur image.
Cette autorisation doit être limitée dans le temps et lister les supports sur lesquels elle porte :
– Réseau interne à l’entreprise (site internet, intranet, trombinoscope, vignette de signature d’email, etc.) ;
– Photographies (sur un support matériel ou immatériel) ;
– Réseaux sociaux (notamment LinkedIn, Instagram, Facebook, TikTok, etc.) ;
– Plaquettes, brochures, journaux ;
– Vidéos.
Le cas échéant, la convention peut définir une zone géographique (ex. panneaux publicitaires montrant des salariés d’une enseigne de bricolage dans telle ou telle région).
L’utilisation du droit à l’image peut être délivrée à titre gratuit ou faire l’objet d’une contrepartie sous forme de salaire.
Enfin, il est recommandé de prévoir le sort de l’autorisation d’utilisation du droit à l’image en cas de rupture du contrat de travail (est-elle maintenue ? Prend-elle fin ?).
4/ L’utilisation de l’image du salarié peut-elle perdurer en cas de rupture du contrat de travail ?
La rupture du contrat de travail n’entraîne pas nécessairement l’interdiction, pour l’employeur, d’exploiter l’image de son ancien salarié.
Ainsi, est valable la clause du contrat de travail par laquelle, lors de son embauche, une salariée, partie prenante du spectacle organisé à Euro Disney (aujourd’hui Disneyland Paris), accepte d’être enregistrée photographiquement ou filmée dans le cadre de ses fonctions en autorisant l’usage de ces documents durant sa collaboration et pendant une durée ultérieure de 10 ans après sa cessation, alors que la salariée n’établit ni n’allègue que son consentement à une clause qui n’a rien d’exorbitant ait été vicié de quelque manière (CA Paris 18-10-1994, n° 94-30596).
Une durée de 10 ans après la rupture du contrat de travail a été jugée raisonnable (CA Paris 18-10-1984, n° 94-30596 ; Cass. soc. 18-12-1996, n° 93-44.825).
A l’inverse, un salarié dont la photo est restée publiée sur le site internet de son employeur postérieurement à son licenciement subit un préjudice qui doit être indemnisé au titre du droit à l’image, dès lors que l’employeur n’avait pas mis à jour immédiatement le site internet et ne pouvait justifier de l’autorisation de son ancien salarié (CA Chambéry 21-4-2009, n° 08-2089).
La convention d’utilisation du droit à l’image peut donc prévoir que la rupture du contrat de travail entraîne l’interdiction de l’utilisation de l’image du salarié.
5/ Comment le droit à l’image des mannequins salariés est-il géré ?
La rémunération due au mannequin au titre de la cession de ses droits pour l’exploitation de l’enregistrement de sa présentation doit être distincte de la rémunération de sa prestation initiale.
En effet, la rémunération due au mannequin à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de sa présentation par l’employeur ou tout autre utilisateur n’est pas considérée comme salaire (C. trav. art. L. 7123-6) :
– dès que la présence physique du mannequin n’est plus requise pour exploiter cet enregistrement
– et que cette rémunération n’est pas fonction du salaire reçu pour la production de sa présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement.
L’Administration (Circ. DGT/DPM 2007-19 du 20-12-2007, III, A, b : BOMT 2008/01 du 30-1-2008) a précisé que la rémunération due à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de la présentation du mannequin dès que sa présence physique n’est plus requise doit correspondre à la facturation du droit pour l’utilisateur de diffuser l’image du mannequin.
Cette rémunération ne doit pas se substituer à la partie salariale de la rémunération du mannequin, mais s’y ajouter, ni conduire à la minoration des horaires de travail réellement effectués.
Ces horaires doivent pouvoir être contrôlés tant par l’administration compétente que par les organismes sociaux, au moyen soit d’une feuille d’horaires, soit par la mention de l’heure de début et de fin de prestation indiquée sur un des exemplaires du contrat de mise à disposition.
Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com
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