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Du 1er mars 2020 au 21 mars 2021, 8.303 procédures de licenciement économique ont été engagées en France, dont 928 plans de sauvegarde de l’emploi (« PSE »). Dans ce contexte de crise sanitaire, la Cour de cassation (Cass. soc. 14 avril 2021 n° 19-19050) vient de juger que le salarié privé des dispositions du PSE en raison des conditions de son licenciement est fondé à en demander réparation.
1/ L’arrêt
Une salariée est engagée le 1er juin 2007, en qualité de chef de projet par la société Coplan Provence, absorbée le 1er octobre 2012 par la société Ginger ingénierie, devenue Oteis.
Après avoir été convoquée le 24 septembre 2012 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 octobre 2012 par la société Coplan Provence, cette salariée est licenciée pour motif économique le 18 octobre 2012 par la société Ginger ingénierie, à laquelle son contrat de travail avait été transféré, dans le cadre de la fusion-absorption.
Devant la juridiction prud’homale, la salariée sollicite notamment le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la privation du bénéfice des dispositions du PSE arrêté au sein de la société Oteis le 28 novembre 2012.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence (9 mai 2019) la déboute de sa demande, relevant que les conditions d’effectif à prendre en considération pour la mise en œuvre d’un PSE s’appréciant à la date de l’engagement de la procédure de licenciement, il convient de considérer qu’à la date de convocation à l’entretien préalable, soit le 24 septembre 2012, le contrat de travail de la salariée n’avait pas encore été transféré à la société Ginger ingénierie.
La Cour en déduit que la salariée ne pouvait se prévaloir des dispositions relatives au PSE.
Cette décision est cassée par la Cour de cassation, aux motifs suivants :
– S’il résulte de l’article L. 1233-61 du Code du travail que le PSE ne peut s’appliquer à un salarié dont le contrat de travail a été rompu avant son adoption, le salarié qui a été privé du bénéfice des dispositions du PSE en raison des conditions de son licenciement est fondé à en demander réparation.
La Cour de cassation prend soin de relever que la Cour d’appel avait constaté que le transfert du contrat de travail de la salariée était intervenu alors qu’un PSE était en cours d’élaboration dans l’entreprise absorbante, de sorte que celle-ci était concernée par le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à l’élaboration du plan.
2/ L’analyse
Dans cet arrêt, la salariée avait été licenciée pour motif économique, mais sans pouvoir bénéficier des dispositions du PSE ultérieurement mis en place par son employeur.
Cependant, les termes de la décision sont très larges et sa solution est susceptible de s’appliquer lorsque le salarié fait l’objet d’un licenciement pour motif personnel alors que la véritable cause de la rupture st économique.
Selon l’article L. 1233-2 du Code du travail :
– « Tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.
Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. »
En cas de litige, il appartient au juge de rechercher la véritable cause du licenciement, au-delà des termes de la lettre de licenciement.
Si le motif allégué dans la lettre de licenciement n’est pas le véritable motif de la rupture, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 17-12-2008 n° 07-40.851).
La Cour de cassation fournit de nombreuses illustrations de ce principe en matière de licenciement économique déguisé.
A titre d’exemple, est abusif le licenciement de 4 salariés motivé par « une attitude d’obstruction systématique », la Cour d’appel ayant retenu que ce motif d’ordre personnel n’était pas caractérisé et que le licenciement était de nature économique (Cass. soc. 2-4-2003 n° 01-43.221).
De même, est injustifié le licenciement d’une salariée pour faute grave alors que son employeur connaissait des difficultés économiques qui l’avaient conduit à envisager la transformation ou la suppression du poste de la salariée, ce qui constituait le véritable motif de son licenciement et non les griefs invoqués dans la lettre de licenciement qui n’étaient que des prétextes (Cass. soc. 18-11-1998 n° 96-43.902).
En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le montant de l’indemnité mise à la charge de l’employeur varie entre des planchers et des plafonds fixés dans un tableau figurant à l’article L. 1235-3 du Code du travail (le « barème Macron »).
Toutefois, si le salarié est licencié pour motif personnel alors que le véritable motif de la rupture est de nature économique, il peut solliciter l’indemnisation de préjudices complémentaires.
En effet, le licenciement déguisé prive le salarié de dispositifs d’indemnisation et d’accompagnement avantageux : contrat de sécurisation professionnelle (CSP), congé de reclassement, outplacement, indemnité de licenciement majorée, aide à la création d’entreprise, etc.
Pour la Cour de cassation, le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement n’enlève pas à celui-ci sa nature juridique de licenciement économique.
Ainsi, le salarié peut prétendre au bénéfice des mesures d’accompagnement prévues au PSE (Cass. soc. 14-2-2007 n° 05-40.504) ou aux indemnités négociées dans un accord d’entreprise (Cass. soc. 29-1-2003 n° 00-46.018).
L’arrêt du 14 avril 2021 s’inscrit dans le cadre de cette jurisprudence et milite en faveur d’une indemnisation complète du salarié victime d’un licenciement déguisé.
Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com
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