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Dans les entreprises de moins de 1000 salariés n’appartenant pas à un groupe d’au moins 1000 salariés, l’employeur est tenu de proposer un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) aux salariés visés par un licenciement économique. La motivation de la rupture du contrat de travail, dans un tel cas, donne lieu à une abondante jurisprudence.
1. Brefs rappels sur l’exigence de motivation de la rupture en cas d’adhésion au CSP
L’employeur est tenu de proposer, lors de l’entretien préalable ou à l’issue de la dernière réunion du comité social et économique (CSE), le bénéfice du CSP à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique.
Lorsque le licenciement pour motif économique donne lieu à un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), cette proposition est faite après la notification par l’autorité administrative de sa décision de validation ou d’homologation.
L’adhésion du salarié au CSP, qui doit intervenir dans un délai de 21 jours, emporte rupture du contrat de travail « du commun accord des parties » (C. trav. art. L. 1233-67).
Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis ni indemnité de préavis, ouvre droit à l’indemnité de licenciement ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu’aurait été l’indemnité de préavis si elle avait correspondu à une durée supérieure à deux mois.
Par ailleurs, le salarié, dont la durée légale du préavis est inférieure à deux mois, perçoit dès la rupture du contrat de travail une somme d’un montant équivalent à l’indemnité de préavis qu’il aurait perçue en cas de refus.
Le fait que le contrat de travail soit rompu « du commun accord des parties » ne signifie pas que l’employeur soit dispensé de motiver la mesure de licenciement économique.
En effet, la Cour de cassation juge que l’employeur doit en énoncer le motif économique (Cass. soc. 22-9-2015 n° 14-16.218) :
– soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement,
– soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement,
– soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du CSP, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation.
Cette solution n’est pas novatrice puisqu’elle s’appliquait à la convention de reclassement personnalisé (CRP), dispositif auquel a succédé le CSP le 1er septembre 2011 (Cass. soc. 27-5-2009 n° 08-43.137).
Il est donc acquis, pour tous les praticiens du droit du travail, que le salarié doit avoir eu connaissance du motif de la rupture, par écrit, avant son adhésion au CSP.
Ceci étant, la jurisprudence récente fourmille d’exemples illustrant que cette solution, pourtant claire, n’est pas toujours si aisée à mettre en œuvre en pratique.
2. Illustrations pratiques
2.1. Salarié refusant de recevoir le document d’information de l’employeur
En premier lieu, il se peut que le salarié refuse de recevoir, en mains propres contre décharge, le document établi par l’employeur et contenant l’ensemble de la motivation de la rupture.
Dans une telle hypothèse, la Cour de cassation (Cass. soc. 31-5-2017 n° 16-11.096) considère que, sauf fraude, le seul refus du salarié auquel il est proposé d’accepter un CSP de se faire remettre en mains propres le document de notification du motif économique de la rupture du contrat de travail ne permet pas de considérer que l’employeur a satisfait à son obligation de notifier ces motifs avant toute acceptation par le salarié du CSP.
En l’espèce, le salarié avait refusé le document présenté par son employeur, lui demandant un envoi par lettre recommandée avec AR. L’employeur le lui avait adressé le jour même mais, le lendemain matin, avant 8 heures, le salarié avait adhéré par e-mail au CSP…
Pour la Cour de cassation, le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse, les magistrats précisant que « l’employeur avait l’entière maîtrise de la procédure de licenciement et toute latitude pour assurer la remise au salarié d’un document écrit explicitant les motifs de licenciement économique avant que ce dernier n’accepte le contrat de sécurisation professionnelle. »
Il est donc vivement conseillé à l’employeur d’exposer le motif économique de la rupture dans la lettre de convocation à l’entretien préalable à l’éventuel licenciement.
2.2. Salarié informé par l’envoi d’un compte-rendu de réunion avec les représentants du personnel
La Cour de cassation (Cass. soc. 13-6-2018 n° 16-17.865) a pu juger que l’employeur remplit son obligation d’informer le salarié, avant son adhésion au CSP, du motif économique de la rupture du contrat de travail, dès lors que ce dernier a été destinataire d’un e-mail, comportant le compte-rendu d’une réunion avec le délégué du personnel relative au licenciement pour motif économique envisagé.
A l’appui de sa décision, la Cour note que ce compte-rendu énonçait les difficultés économiques invoquées ainsi que les postes supprimés, dont celui du salarié.
2.3. Salarié en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle
Une attention toute particulière doit être apportée à la situation du salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
En effet, l’adhésion au CSP, qui constitue une modalité du licenciement pour motif économique, ne caractérise pas l’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la maladie ou à l’accident (Cass. soc. 14-12-2016 n° 15-25.981).
Il appartient donc à l’employeur de préciser le ou les motifs non liés à l’accident du travail ou à la maladie professionnelle pour lesquels il se trouve dans l’impossibilité de maintenir le contrat de travail (exigence de l’article L. 1226-9 du Code du travail).
Cette jurisprudence a été réaffirmée dans un arrêt récent (Cass. soc. 27-5-2020 n° 18-20.142).
2.4. Salarié informé du motif de la modification de son contrat de travail
Lorsqu’un document écrit a été remis au salarié lors de la procédure de modification de son contrat de travail, précisant le motif économique de cette modification, mais qu’aucun écrit énonçant la cause économique de la rupture ne lui a été remis ou adressé au cours de la procédure de licenciement et avant son acceptation du CSP, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 27-5-2020 n° 18-24.531).
Cet arrêt, qui peut sembler sévère, reprend une ancienne jurisprudence développée au sujet de la CRP (Cass. soc. 18-3-2014 n° 13-10.446).
2.5. Redressement judiciaire de l’entreprise
Lorsque l’administrateur procède au licenciement d’un salarié d’une entreprise en redressement judiciaire, en application de l’ordonnance du juge-commissaire autorisant des licenciements économiques présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable et fixant le nombre des licenciements ainsi que les activités et les catégories professionnelles concernées, la lettre de licenciement doit comporter le visa de cette ordonnance (Cass. ass. plén. 24-1-2003 n° 01-40.194).
Un arrêt récent statue sur l’articulation entre cette règle bien établie et les exigences de motivation applicables en cas d’acceptation du CSP.
Ainsi, la Cour de cassation (Cass. soc. 27-5-2020 n° 18-20.153) considère que les informations données au salarié, au jour de son adhésion au CSP, doivent nécessairement renvoyer à l’ordonnance du juge-commissaire, à défaut de quoi son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Xavier Berjot
Avocat Associé
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