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L’indemnité d’éviction est due au salarié réintégré après l’annulation de son licenciement. Le montant de cette indemnité varie en fonction de plusieurs paramètres, déterminés progressivement par la jurisprudence.
1/ Principe : la réparation intégrale du préjudice
Le salarié dont la rupture du contrat de travail est nulle, et qui sollicite sa réintégration, a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre la rupture du contrat et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (Cass. soc. 12-2-2008 n° 07-40.413).
Tel est le cas, par exemple, lorsqu’un licenciement est consécutif à l’annulation d’un plan de sauvegarde de l’emploi (Cass. soc. 3-7-2003 n° 01-44.522), à un harcèlement moral (Cass. soc. 14-12-2016 n° 14-21.325) ou, encore, à un accident du travail (Cass. soc. 25-1-2006 n° 03-47.517).
Les revenus de remplacement perçus par le salarié doivent être déduits de l’indemnité d’éviction due par l’employeur (Cass. soc. 16-10-2019 n° 17-31.624).
Ainsi, le préjudice du salarié dont le licenciement est déclaré nul doit être évalué en tenant compte des revenus qu’il a pu tirer d’une autre activité professionnelle pendant la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration (Cass. soc. 14-2-2018 n° 16-22.360).
De même, il convient de déduire, de l’indemnité d’éviction, les allocations d’assurance-chômage servies par Pôle Emploi au salarié (Cass. soc. 14-12-2016 n° 14-21.325).
Enfin, ce dernier ne peut prétendre, à la fois, au paiement des indemnités de rupture et de l’indemnité d’éviction (Cass. soc. 11-7-2012 n° 10-15.905).
NB : selon la Cour de cassation, le juge n’a pas à déduire du montant de la somme allouée à l’intéressé en réparation du préjudice subi entre son licenciement et sa réintégration le revenu de remplacement qu’il a perçu durant cette période, dès lors que cette déduction ne lui était pas demandée (Cass. soc. 16-11-2011 n° 10-14.799).
Il appartient donc à l’employeur, en cas de litige, de solliciter du salarié, sous le contrôle du juge, qu’il fournisse tous les justificatifs de ses revenus de remplacement.
Le salarié qui présente tardivement sa demande de réintégration, de façon abusive, n’a droit, au titre de cette nullité, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective (Cass. soc. 13-1-2021 n° 19-14.050).
Cette jurisprudence a pour objet de faire échec à la démarche du salarié qui chercherait à retarder sa demande de réintégration afin d’obtenir la somme la plus élevée possible.
Enfin, dans un arrêt du 1er mars 2023 (Cass. soc. 1-3-2023 n° 21-16.008), la Cour de cassation a jugé que, pour calculer l’indemnité, il ne doit pas être tenu compte des sommes issues de l’intéressement et de la participation, qui n’ont pas la nature de salaire.
Au-delà de ces cas particuliers, précisons que l’indemnité d’éviction, étant versée à l’occasion du travail, entre dans l’assiette des cotisations sociales (Cass. soc. 16-10-2019 n° 17-31.624).
Elle doit donc donner lieu à l’émission d’un bulletin de paie ainsi qu’au prélèvement des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu.
2/ Exception : la réparation forfaitaire du préjudice
Le salarié est éligible à une réparation forfaitaire, indépendante du préjudice subi et correspondant aux salaires couvrant la période comprise entre son licenciement et sa réintégration, sans déduction des revenus qu’il a pu percevoir pendant cette période, lorsque la nullité résulte de l’atteinte portée à une liberté fondamentale constitutionnellement protégée.
A titre d’illustrations, la Cour de cassation a pu considérer que :
– Le licenciement prononcé à l’égard d’un salarié en raison de son état de santé est nul comme caractérisant une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par l’article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, et ouvre droit à l’indemnité forfaitaire (Cass. soc. 11-7-2012 n° 10-15.905).
– Dès lors qu’il caractérise une atteinte à la liberté, garantie par la Constitution, qu’a tout homme de pouvoir défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, même s’il a reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période (Cass. soc. 2-6-2010 n° 08-43.277).
– Méconnaît la liberté fondamentale d’agir en justice l’employeur qui licencie un salarié en raison d’une action en justice introduite ou susceptible de l’être, ce qui ouvre droit à une indemnité d’éviction forfaitaire (Cass. soc. 21-11-2018 n° 17-11.122).
– La salariée dont le licenciement est nul pour discrimination liée à sa grossesse a droit au paiement d’une indemnité égale aux salaires qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration dans l’entreprise, sans déduction des revenus de remplacement perçus (Cass. soc. 29-1-2020 n° 18-21.862).
Cette jurisprudence, qui présente le caractère d’une sanction, a vocation à s’appliquer à toutes les hypothèses dans lesquelles est en cause l’atteinte à une liberté fondamentale ou constitutionnelle.
C’est ainsi qu’elle a pu jouer en présence de licenciements notifiés pendant des faits de grève (Cass. soc. 2-2-2006 n° 03-47.481) ou en cas d’atteinte à la liberté d’expression (CA Versailles 18-6-2020 n° 18/03264).
Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com
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