Nullité du licenciement et pluralité de motifs

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Nullité du licenciement et pluralité de motifs 1707 2560 sancy-avocats.com

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Le Code du travail prévoit que, lorsque l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité du licenciement ne dispense pas le juge d’examiner les autres griefs, pour en tenir compte dans l’évaluation de l’indemnité à allouer au salarié. La Cour de cassation (Cass. soc. 19-10-2022, n° 21-15533) vient de se prononcer sur le dispositif.

1/ Le dispositif de l’article L. 1235-2-1 du Code du travail 

Selon l’article L. 1235-2-1 du Code du travail :

– « En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l’article L. 1235-3-1. »

Ce dispositif, créé par l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, permet à l’employeur de solliciter du juge qu’il minore l’indemnité allouée au salarié, lorsque le licenciement est déclaré nul mais que d’autres motifs peuvent être retenus à l’encontre du salarié.

Cette minoration ne peut cependant pas conduire le juge à condamner l’employeur à verser au salarié une indemnité inférieure à 6 mois de salaire.

En effet, l’article L. 1235-3-1 du Code du travail prévoit qu’en cas de nullité du licenciement, le juge octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, « qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. »

2/ La précision de la Cour de cassation

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 octobre 2022, une salariée avait été licenciée « pour cause réelle et sérieuse », après avoir saisi le Conseil de prud’hommes afin de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail et l’annulation d’un avertissement.

Le licenciement de la salariée avait été annulé par les juges du fond, au motif que l’employeur reprochait à celle-ci, notamment, d’avoir saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation de son contrat de travail, ce grief étant constitutif d’une atteinte à une liberté fondamentale.

NB. En effet, il est de jurisprudence constante qu’est nul le licenciement d’un salarié motivé par sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail (Cass. soc. 3-2-2016, n° 14-18.600), par sa menace d’introduire une action en justice (Cass. soc. 21-11-2018, n° 17-11.122) ou, encore, par son dépôt d’une plainte pénale à l’encontre de l’employeur (Cass. soc. 28-4-2011, n° 10-30.107). 

L’intérêt de l’arrêt réside dans le fait que l’employeur reprochait à la Cour d’appel de n’avoir pas tenu compte des autres griefs à l’encontre de la salariée, afin de limiter son indemnisation.

Pour l’employeur, « il revenait à la cour d’étudier ces éléments pour évaluer l’indemnité allouée à la salariée. »

Le pourvoi de ce dernier est rejeté par la Cour de cassation, aux motifs suivants :

– En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié.

– Ces dispositions offrent ainsi à l’employeur un moyen de défense au fond sur le montant de l’indemnité à laquelle il peut être condamné, devant être soumis au débat contradictoire.

– Il en résulte que, lorsque l’employeur le lui demande, le juge examine si les autres motifs invoqués sont fondés et peut, le cas échéant, en tenir compte pour fixer le montant de l’indemnité versée au salarié qui n’est pas réintégré, dans le respect du plancher de 6 mois prévu par l’article L. 1235-3-1.

– Après avoir retenu que l’un des griefs invoqués par l’employeur portait atteinte à la liberté fondamentale de la salariée d’agir en justice et constaté que l’employeur ne critiquait pas à titre subsidiaire la somme réclamée par cette dernière en conséquence de la nullité du licenciement, la cour d’appel a apprécié souverainement le montant du préjudice.

En définitive, il appartient à l’employeur, qui se prévaut de l’article L. 1235-2-1 du Code du travail, d’en invoquer les dispositions.

Il s’agit en effet d’un moyen de défense devant être soulevé et soumis au principe du contradictoire.

3/ La fin de la théorie du « motif contaminant » ?

En principe, en cas de litige relatif à un licenciement, le juge doit examiner tous les motifs invoqués par l’employeur, qui fixent tous la limite du litige (Cass. soc. 5-7-2000, n° 98-43.521).

Il en résulte que, si certains motifs sont écartés, d’autres peuvent, le cas échéant, légitimer le licenciement.

Par exception, en cas de nullité du licenciement, le caractère illicite du motif de la rupture dispense le juge d’examiner les autres griefs invoqués par l’employeur, même s’ils auraient été susceptibles de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le motif est entaché d’une telle illicéité qu’il contamine – ou pollue – l’intégralité de la lettre de licenciement.

Tel est le cas en matière de harcèlement moral (Cass. soc. 13-2-2013, n° 11-28.339) ou en cas de violation du droit du salarié d’exercer une action en justice (Cass. soc. 3-2-2016, n° 14-18.600).

La Cour de cassation a récemment fait application de ce principe en présence d’un licenciement prononcé par l’employeur pour un motif lié à l’exercice non abusif par le salarié de sa liberté d’expression (Cass. soc. 29-62022, n°20-16.060).

Il convient cependant de noter que l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 n’était pas applicable aux faits ayant conduit à cet arrêt.

 

Or, depuis l’entrée en vigueur de ce texte, le Code du travail permet désormais de tenir compte des autres motifs de licenciement, même en présence d’un cas de nullité.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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