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La Cour de cassation (Cass. soc. 29-6-2022, n° 20-22.220) vient de juger qu’aucune disposition n’impose à l’employeur d’informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés. Cette décision offre l’occasion de rappeler les règles applicables à cette procédure particulière.
1. Une procédure au bénéfice des deux parties
Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d’État (C. trav. art. L. 1235-2, al. 1).
La procédure de précision des motifs du licenciement peut donc être actionnée tant par l’employeur que par le salarié.
Sur le plan pratique :
– Dans les 15 jours suivant la notification du licenciement, le salarié peut, par lettre recommandée avec AR ou remise contre récépissé, demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement.
– L’employeur dispose d’un délai de 15 jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s’il le souhaite (il s’agit d’une simple faculté pour lui).
– S’il le désire, il communique alors ces précisions au salarié par lettre recommandée avec AR ou remise contre récépissé.
– Dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, l’employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement.
Cette procédure est applicable aux licenciements pour motif personnel (C. trav. art. R. 1232-13) et pour motif économique (C. trav. art. R. 1233-2-2).
Rappelons que le Conseil d’Etat a validé le décret n°2017-1702 du 15 décembre 2017 relatif à la précision des motifs du licenciement.
En effet, il a considéré que ce texte n’est pas entaché d’incompétence négative pour ne pas avoir prévu que l’employeur doit informer le salarié de son droit de demander que les motifs de sa lettre de licenciement soient précisés (CE 4e-1e ch. 6-5-2019 n° 417299).
2. Les enjeux de la précision des motifs du licenciement
La procédure de précision des motifs du licenciement étant une faculté, l’employeur comme le salarié doivent s’interroger sur l’intérêt de l’actionner ou pas, en fonction des circonstances.
2.1. Cas du salarié
Selon l’article L. 1235-2 du Code du travail :
– A défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande de précision, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.
Autrement dit, le licenciement n’est pas sans cause réelle et sérieuse en raison d’une motivation insuffisante, si le salarié n’a pas fait jouer son droit de demande de précision.
Le salarié peut donc avoir intérêt à solliciter une information complémentaire auprès de l’employeur, sous peine de se priver de la faculté d’obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 juin 2022, une salariée n’avait pas actionné la procédure de précision des motifs.
Devant le Conseil de prud’hommes puis la Cour d’appel, elle estimait que la lettre de licenciement ne faisait pas état de motifs matériellement vérifiables.
Or, la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel d’avoir retenu que la lettre de licenciement répondait à l’exigence légale de motivation.
D’un autre côté, si une lettre de licenciement est entachée d’un vice de motivation (et non pas d’une simple insuffisance), le salarié prend un risque à solliciter des précisions.
En effet, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (C. trav. art. L. 1235-2 et L. 1235-3).
2.2. Cas de l’employeur
Pour sa part, l’employeur peut avoir intérêt à préciser le motif de licenciement dans deux situations particulières :
– De sa propre initiative :
Il se peut que l’employeur ait procédé au licenciement personnel ou économique du salarié sans motiver suffisamment la lettre de licenciement, soit en raison de l’urgence, soit en raison d’un défaut de conseil.
Dans cette situation, l’employeur a droit à une « seconde chance » en pouvant compléter sa lettre de licenciement dans le délai de 15 jours à compter de sa notification.
– Sur demande du salarié :
Si le salarié sollicite des précisions sur les motifs de son licenciement, il est souvent recommandé, à l’employeur, d’accéder à cette requête.
En effet, « la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement » (C. trav. art. L. 1235-2, al. 2).
Ainsi, l’employeur a intérêt à répondre à la sollicitation du salarié si la lettre de licenciement est imprécise.
A défaut, il court le risque de fragiliser le bien-fondé du licenciement, alors même que le salarié l’invitait à régulariser une insuffisance de motivation.
À l’inverse, si l’employeur a particulièrement soigné la rédaction de la lettre de licenciement, il peut se contenter de répondre au salarié qu’il n’a aucune précision particulière à lui apporter.
Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com
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