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Le salarié est-il fondé à solliciter de son ancien employeur des dommages-intérêts après un redressement fiscal portant sur l’indemnité transactionnelle ? Non, vient de répondre la Cour de cassation (Cass. soc. 16-6-2021 n° 20-13.256).
1/ Les faits
Un salarié, engagé en qualité de conseiller du président du directoire, a conclu une transaction avec son ancien employeur, un établissement financier.
La transaction prévoyait le versement, au salarié, d’une somme de 1.245.000 €, comprenant l’indemnité conventionnelle de licenciement (895.833 €) et une indemnité transactionnelle (349.667 €).
Or, la Société a commis une erreur dans le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement, exonérée d’impôt, qui en réalité s’élevait non pas à 895.833 € mais à seulement 446.950 €…
A la suite d’un contrôle, l’administration fiscale a considéré que l’indemnité transactionnelle, soumise à l’impôt, était donc de 798.550 € et non de 349.667 € comme stipulé à l’acte.
En raison du redressement fiscal, le salarié a été contraint de payer une somme de près de 300.000 € au Trésor public.
Dans cette affaire, il n’était pas contesté que l’erreur de calcul provenait de l’employeur. Le débat juridique portait exclusivement sur l’interprétation des termes de la transaction.
L’article 11 de l’acte prévoyait, en effet, les dispositions suivantes :
– « M. [P] déclare expressément qu’il fera son affaire personnelle de toutes déclarations des sommes qui lui seront versées à l’occasion de la rupture de son contrat de travail et notamment des sommes susceptibles d’être imposables au titre de l’impôt sur le revenu. »
Devant le juge d’appel (CA Paris, 25 septembre 2019), le salarié avait été débouté de sa demande en indemnisation des conséquences fiscales de l’erreur commise par son ancien employeur.
Pour la Cour d’appel, la Société avait dûment exécuté la transaction en versant au salarié la somme globale de 1.245.000 € prévue contractuellement.
La Cour d’appel ajoutait que le salarié avait expressément accepté de « faire son affaire personnelle » de l’imposition des sommes perçues.
2/ La solution juridique
Pour le salarié, la Société n’avait pas exécuté la transaction, puisque celle-ci prévoyait le versement d’une indemnité transactionnelle de 349.667 €.
Or, après le redressement fiscal, l’indemnité transactionnelle soumise à l’impôt était de 798.550 €, soit un montant bien supérieur et des incidences fiscales radicalement différentes.
Le salarié ajoutait qu’en dépit de l’article 11 de la transaction, il n’avait jamais renoncé à engager la responsabilité civile de la Société pour voir réparer son préjudice fiscal.
En effet, l’objet de la transaction concernait le règlement des conséquences de la rupture du contrat de travail et non un différend sur la fiscalité des indemnités de rupture.
Cette argumentation était pertinente puisque l’article 2048 du Code civil dispose :
– « Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. »
Pourtant, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du salarié, aux motifs suivants :
– La Cour d’appel, qui a constaté que l’employeur avait versé au salarié les sommes mentionnées dans la transaction, en a ainsi caractérisé l’exécution par l’employeur.
– La Cour d’appel a constaté que le salarié avait expressément accepté de faire son affaire personnelle de l’imposition des sommes perçues et que, moyennant la parfaite exécution de la transaction, il déclarait être rempli de tous ses droits et renonçait irrévocablement à toutes demandes et actions liées à ses fonctions et mandats.
En conclusion, pour la Cour de cassation, l’employeur pouvait opposer la transaction au salarié, et la demande indemnitaire formée à l’encontre de l’employeur après le redressement fiscal n’était pas recevable.
La décision de la Cour de cassation est contestable.
En effet, celle-ci considère que l’employeur a exécuté la transaction dans la mesure où il a payé la somme globale de 1.245.000 €.
Or, force est de constater que la Société n’a pas respecté les termes de l’acte selon lesquels elle devait verser la somme de 895.833 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement et celle de 349.667 € à titre d’indemnité transactionnelle.
Par ailleurs, il est vrai que le salarié avait signé une clause par laquelle il déclarait faire son affaire personnelle de la déclaration des montants à l’administration fiscale.
Toutefois, il avait signé cet engagement en considération d’une indemnité conventionnelle de 895.833 € et d’une indemnité transactionnelle de 349.667 €…
En définitive, il est impératif de recalculer précisément les montants prévus à la transaction, ce qui permet de déterminer leur régime social et fiscal.
Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com
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