Salariés : quand l’entretien d’évaluation devient une sanction

Salariés : quand l’entretien d’évaluation devient une sanction

Salariés : quand l’entretien d’évaluation devient une sanction 1707 2560 sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Dans un arrêt du 2 février 2022 (Cass. soc. 2-2-2022 n° 20-13.833), la Cour de cassation a jugé que le compte-rendu d’entretien annuel comportant des griefs précis sanctionne un comportement considéré comme fautif et constitue donc un avertissement.

1/ Les contours de l’entretien d’évaluation

Le Code du travail n’impose pas à l’employeur de prévoir, à échéances périodiques, un entretien d’évaluation, de performance ou d’activité (peu importe son libellé).

Un tel dispositif peut être mis en place par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction.

Il est même conseillé, afin d’évaluer les performances du salarié, ses éventuelles lacunes, ses probables succès et ses besoins de formation.

Comme la Cour d’appel de Versailles a pu le juger, « la mise en place d’un système d’évaluation est nécessaire pour permettre à l’employeur de respecter, d’une part, son obligation de négociation triennale en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de s’assurer, d’autre part, de l’adaptation des salariés à leur poste de travail, notamment par la proposition de formations » (CA Versailles 26-5-2011 n° 09-09814).

En effet, en pratique, l’entretien d’évaluation s’avère très utile – sinon indispensable – pour dresser un état des lieux du travail effectué par le salarié, en particulier sur l’année écoulée.

D’ailleurs, en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle ou de résultats, les juges attendent légitimement de l’employeur qu’il produise des documents écrits sur l’appréciation du salarié.

En définitive, l’entretien d’évaluation constitue une « bonne pratique », utile tant au salarié qu’à l’employeur. 

L’entretien d’évaluation ne doit pas être confondu avec l’entretien professionnel. 

Rappelons, à cet égard, que le salarié doit être informé qu’il bénéficie tous les 2 ans d’un entretien professionnel avec son employeur « consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi » (C. trav. art. L. 6315-1.I).

Le texte précise que « cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. » 

L’entretien professionnel comporte également « des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle. » 

2/ La dénaturation de l’entretien d’évaluation 

Les entretiens d’évaluation donnent généralement lieu à l’établissement d’un compte-rendu signé par l’employeur et le salarié.

C’est souvent sous cette forme que sont identifiés les axes de progression du salarié ou les moyens d’améliorer la qualité de son travail.

En revanche, le compte-rendu d’entretien d’évaluation ne peut pas s’assimiler à une sanction, sauf à ce que l’employeur vide son pouvoir disciplinaire.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 2 février 2022, un compte-rendu d’entretien d’évaluation formulait des griefs précis et invitait le salarié à un changement immédiat de comportement.

Pour la Cour d’appel de Besançon (7 janvier 2020), l’employeur avait ainsi sanctionné le salarié et ne pouvait plus invoquer les mêmes faits à l’appui d’un licenciement.

La décision est approuvée par la Cour de cassation, aux motifs suivants :

– « Après avoir relevé que, dans son compte rendu d’entretien, l’employeur reprochait au salarié son attitude dure et fermée aux changements, à l’origine d’une plainte de collaborateurs en souffrance, des dysfonctionnements graves liés à la sécurité électrique et le non-respect des normes réglementaires, et l’invitait de manière impérative et comminatoire et sans délai à un changement complet et total, la cour d’appel en a exactement déduit que ce document comportant des griefs précis sanctionnait un comportement considéré comme fautif et constituait un avertissement, en sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus justifier un licenciement ultérieur. »

L’arrêt de la Cour de cassation est conforme à sa jurisprudence selon laquelle tous les écrits de l’employeur reprochant une faute au salarié sont assimilables à un avertissement.

Ainsi, la « mise en garde » notifiée par écrit avec indication qu’elle sera portée au dossier du salarié constitue une sanction disciplinaire prenant la forme d’un avertissement (Cass. soc. 22-4-1997 n° 94-42.430).

De même, la procédure de demande d’explications écrites en vigueur dans une entreprise constitue une mesure disciplinaire dès lors qu’elle est mise en œuvre après faits considérés comme fautifs, que le salarié est tenu de répondre immédiatement aux questions posées, et que tout refus de s’exécuter après une mise en demeure constitue un grief supplémentaire pouvant justifier une sanction (Cass. soc. 19-5-2015 n° 13-26.916).

Plus récemment, la Cour de cassation a jugé que la lettre rappelant la présence non autorisée du salarié dans un local électrique et l’invitant de manière impérative à respecter les règles régissant l’accès à un tel local, stigmatise le comportement du salarié considéré comme fautif et constitue une sanction disciplinaire (Cass. soc. 10-2-2021 n° 19-18.903).

Un simple e-mail peut également être considéré comme un avertissement, en fonction de sa teneur.

À titre d’illustration, l’e-mail dans lequel l’employeur adresse divers reproches à un salarié et l’invite de façon impérative à un changement radical, avec mise au point ultérieure, sanctionne un comportement fautif et constitue un avertissement (Cass. soc. 26-5-2010 n° 08-42.893).

En revanche, un simple compte-rendu des faits reprochés au salarié lors d’un entretien n’est pas une sanction (Cass. soc. 12-11-2015 n° 14-17.615).

Dans le même sens, ne constitue pas une sanction disciplinaire la lettre par laquelle l’employeur se borne à solliciter du salarié qu’il se ressaisisse en lui faisant des propositions afin de l’aider (Cass. soc. 13-12-2011 n° 10-20.135).

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a considéré que le compte-rendu d’un entretien de suivi par lequel un supérieur hiérarchique indique au salarié qu’il sollicite une sanction à son encontre auprès du service compétent pour prononcer une telle mesure, en précisant qu’il ignore quelle en sera l’issue, n’est pas un avertissement (Cass. soc. 27-5-2021 n° 19-15507).

En conclusion, le compte-rendu de l’entretien annuel d’évaluation présente une importance significative et doit être soigneusement rédigé.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Partager ?

Privacy Preferences

When you visit our website, it may store information through your browser from specific services, usually in the form of cookies. Here you can change your Privacy preferences. It is worth noting that blocking some types of cookies may impact your experience on our website and the services we are able to offer.

Click to enable/disable Google Analytics tracking code.
Click to enable/disable Google Fonts.
Click to enable/disable Google Maps.
Click to enable/disable video embeds.
Nous utilisons des cookies afin de vous offrir la meilleure expérience sur notre site. En savoir plus sur notre politique de confidentialité.