Suspension de l’obligation vaccinale des salariés-soignants : modalités de réintégration

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Un décret n° 2023-368 du 13 mai 2023 (JO du 14) relatif à la suspension de l’obligation de vaccination contre la covid-19 des professionnels et étudiants suspend l’obligation de vaccination des soignants, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé du 29 mars 2023. Les modalités de leur réemploi avaient été anticipées par une instruction ministérielle du 2 mai 2023.

1/ Le décret

Le décret est pris en application du IV de l’article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dans sa rédaction résultant de l’article 4 de la loi n° 2022-1089 du 30 juillet 2022 mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la covid-19.

Le texte est bref puisqu’il prévoit seulement que :

« L’obligation de vaccination contre la covid-19 prévue par l’article 12 de la loi du 5 août 2021 susvisée est suspendue. »

Pour rappel, l’article 12 de la loi du 5 août 2021 dispose que doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19, les professionnels de santé (ainsi que les étudiants et élèves) listés par le texte.

Le décret entre en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 15 mai 2023.

2/ Le principe de réemploi des salariés-soignants

Une instruction ministérielle du 2 mai 2023 (DGOS/RH3/RH4/RH5/2023/63) explicite les conditions dans lesquelles les agents et salariés des établissements de santé, suspendus à la suite de la mise en place de l’obligation vaccinale contre la covid-19, doivent être réemployés à compter de l’entrée en vigueur du décret.

En effet, la levée de l’obligation vaccinale implique la réintégration des professionnels suspendus jusqu’alors, au regard d’une absence de respect des conditions de l’obligation vaccinale.

Comme le Gouvernement l’a rappelé dans l’instruction :

– « Il appartient dès lors aux employeurs de donner la possibilité aux personnels concernés de reprendre une activité professionnelle. »

A titre préalable, il est rappelé que lorsque le contrat de travail des salariés des établissements privés de santé et médicosociaux ayant refusé de se conformer à l’obligation vaccinale a été suspendu, la durée de cette suspension n’est pas assimilable à une période de travail effectif.

En conséquence, aucun congé payé « ni droit légal ou conventionnel » ne peut être généré durant cette période.

3/Les modalités de réintégration des salariés-soignants

3.1. Initiative de la reprise d’activité

Le réemploi des salariés soignants de droit privé (soumis au Code du travail) emporte les conséquences pratiques suivantes :

– La fin de la suspension du contrat de travail est effective dès l’entrée en vigueur du décret, c’est-à-dire au 15 mai 2023.

La reprise de la relation contractuelle et donc de la rémunération doit donc reprendre à partir de cette date.

Il revient à l’employeur de contacter le salarié suspendu pour lui signifier la fin de la suspension du contrat de travail.

Concrètement, l’employeur doit inviter le salarié à reprendre son poste de travail et fixer une date de reprise effective du travail.

– Le salarié dont le contrat de travail est suspendu peut également contacter son employeur pour lui signifier son intention de reprendre son poste de travail.

Selon l’instruction, ces premiers contacts doivent permettre au salarié et à l’employeur de fixer une date de reprise du travail et de déterminer sur quel poste peut s’effectuer cette reprise, en recherchant les meilleures conditions de reprise du travail.

3.2. Poste de réemploi

A l’issue de la suspension de l’obligation vaccinale, l’employeur a l’obligation de réintégrer le salarié à son poste initial ou, dans le cas où cela est impossible, dans un emploi considéré comme équivalent, c’est-à-dire sans modification du contrat de travail.

L’instruction précise qu’est considérée comme une modification du contrat de travail :

– « la modification d’au moins un des éléments suivants : la rémunération, le volume de la prestation de travail, la fonction du salarié, l’organisation du travail et éventuellement le lieu de travail. »

En l’absence de dispositions particulières dans le Code du travail, la jurisprudence de la Cour de cassation a été conduite à statuer sur le sujet, en fonction des divers éléments du contrat de travail (fonctions, durée de travail, salaire, etc.).

Ainsi, la rémunération contractuelle d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que l’employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié (Cass. soc. 18-5-2011 n° 09-69.175).

De même, la durée contractuelle du travail, base de calcul de la rémunération, constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié (Cass. soc. 31-3-1999 n° 97-41.819).

S’agissant des fonctions, la Cour de cassation considère que la qualification d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord (Cass. soc. 7-7-2004 n° 02-44.734).

En revanche, dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut changer les conditions de travail d’un salarié.

En effet, pour la jurisprudence, la circonstance que la tâche confiée à l’intéressé soit différente de celle qu’il effectuait antérieurement ne caractérise pas une modification du contrat de travail, dès l’instant où elle correspond à sa qualification (Cass. soc. 10-5-1999 n° 96-45.673).

3.3. Réponses à trois interrogations pratiques

L’instruction ministérielle répond à trois problématiques auxquelles les acteurs des ressources humaines risquent d’être confrontés.

3.3.1. Le poste précédemment occupé par le salarié est-il disponible ?

L’employeur peut réintégrer le salarié suspendu sur son poste (poste disponible, ou poste occupé par un CDD de remplacement).

Si le poste du salarié suspendu est vacant, le salarié peut reprendre son ancien poste.

Si le salarié suspendu a été remplacé pendant son absence par un salarié en CDD de remplacement à terme imprécis, ce type de contrat a pour terme la fin de l’absence de la personne remplacée.

Dans ces conditions la réintégration du salarié absent met un terme au CDD.

Si le salarié suspendu a été remplacé pendant son absence par un salarié en CDD à terme précis non échu à la date de fin de suspension, le terme de ce CDD ne peut être que celui prévu au contrat.

Deux solutions s’offrent alors à l’employeur :

– Soit la rupture anticipée d’un commun accord du CDD du salarié remplaçant (le salarié permanent peut alors reprendre son poste initial) ;

– Soit l’affectation du salarié permanent à un autre poste de travail équivalent dans l’établissement, au moins le temps que le CDD de remplacement arrive à expiration.

L’employeur peut réintégrer le salarié sur un autre poste de même niveau (autre poste vacant)

Si le salarié dont le contrat de travail a été suspendu a été remplacé par un salarié en CDI, l’employeur propose au salarié à réintégrer un poste équivalent à celui qu’il occupait avant la suspension.

Le salarié refuse de réintégrer son poste

Dans l’hypothèse d’un départ définitif du salarié remplacé (par exemple, une démission), son absence se transforme en départ définitif.

3.3.2. Le salarié est-il en capacité de reprendre son poste ou un poste équivalent ?

Si le salarié est sans activité au moment de la réintégration, il peut reprendre son poste initial ou un poste équivalent.

Si le salarié occupe un poste auprès d’un autre employeur, dans le cadre d’un CDD conclu pendant la période de suspension :

– La rupture d’un commun accord de ce CDD avec l’autre employeur peut être une solution pour que le salarié réintègre son poste permanent rapidement ;

– Si un accord entre le salarié et l’autre employeur est impossible à trouver, sous le contrôle du juge, le salarié peut toutefois se prévaloir de la reprise de son CDI et rompre ainsi unilatéralement et de manière anticipée le CDD conclu avec cet autre employeur.

Si le salarié à réintégrer occupe un poste auprès d’un autre employeur, dans le cadre d’un CDI conclu pendant la période de suspension, il peut présenter sa démission à son nouvel employeur.

Un commun accord est à rechercher entre ce dernier et le salarié afin que le préavis ne soit pas exécuté et que le salarié réintègre son poste le plus rapidement possible.

3.3.3. Le salarié refuse la réintégration sur le poste proposé par l’employeur

Si le salarié refuse de reprendre son poste initial ou un poste équivalent, et que ce refus n’est pas justifié, il reviendra aux deux parties de trouver une solution pour mettre un terme à la relation de travail.

La voie de la rupture conventionnelle individuelle peut être un mode de rupture adéquat, manifestant le commun accord du salarié et de l’employeur de mettre un terme au CDI.

L’instruction ne précise pas que le refus du salarié d’un simple changement de ses conditions de travail constitue en principe une faute qui peut justifier un licenciement disciplinaire (Cass. soc. 10-10-2000 n° 98-41.358).

3.4. Effets de la suspension sur la carrière du salarié suspendu

L’instruction ministérielle rappelle que le contrat de travail du salarié a été suspendu pour non-respect de l’obligation vaccinale.

Durant cette période, la rémunération du salarié n’a pas été maintenue.

De plus, cette période n’est pas prise en compte dans l’ancienneté e, n’étant pas assimilé à du travail effectif, elle ne donne pas droit à congés payés.

Enfin, la réintégration « n’ouvre pas droit à un rattrapage des salaires, primes et avantages. »

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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