Temps de déplacement des salariés itinérants : quelles contreparties ?

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Dans un arrêt récent (Cass. soc. 30-3-2022, n° 20-17230), la Cour de cassation a été appelée à se prononcer sur la question épineuse de l’indemnisation des temps de déplacement des salariés itinérants.

1/ Rappel des principes applicables

Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif (C. trav. art. L. 3121-4).

Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière.

La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail ne doit entraîner aucune perte de salaire.

a. Déplacements domicile / lieu habituel de travail

Le temps de trajet entre le domicile et le lieu « habituel » de travail ne constitue pas, en soi, un temps de travail effectif (Cass. soc. 13-1-2006, n° 04-45.542).

Il en résulte que ce temps n’entre pas en compte dans le calcul de la durée du travail, et n’a pas à être rémunéré ou indemnisé.

Il en va de même du trajet retour du salarié, c’est-à-dire de son lieu de travail à son domicile.

Attention : par exception, le temps de déplacement accompli lors de périodes d’astreinte fait partie intégrante de l’intervention elle-même, et doit donc être décompté et rémunéré comme du temps de travail effectif (Cass. soc. 31-10-2007, n° 06-43.834).

b. Déplacements domicile / lieu d’exécution du contrat de travail

L’article L. 3121-4 du Code du travail vise le déplacement professionnel vers un lieu qui n’est pas le lieu de travail « habituel » du salarié.

Dans un tel cas, sous réserve de dispositions conventionnelles ou d’usages plus favorables :

– Ce temps de déplacement n’entre pas dans le décompte de la durée du travail, en particulier pour l’application de la législation sur les heures supplémentaires (majorations, contingent annuel et contrepartie obligatoire en repos) ;

– Il n’a pas à être rémunéré, sauf s’il coïncide avec l’horaire de travail ;

– Dans l’hypothèse où il excède le « temps normal de trajet » entre le domicile et le lieu « habituel » de travail, seule une contrepartie sous forme de repos ou sous forme financière (ex. une indemnité de trajet) doit être prévue.

Les contreparties sont déterminées par accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par accord de branche.

À défaut d’accord, l’employeur les définit unilatéralement, après consultation du CSE (C. trav. art. L. 3121-7 et L. 3121-8).

2/ Problématiques liées aux salariés itinérants

Pour les salariés itinérants (chauffeurs, livreurs, techniciens de maintenance, etc.), qui n’ont pas de lieu de travail habituel, la question se pose de savoir ce qu’il faut entendre par « temps normal de trajet. »

Pour la Cour de cassation (Cass. soc. 22-6-2011, n° 10-12.920), le « temps normal de trajet » se détermine par référence à celui d’un travailleur type se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel.

Un arrêt du 7 mai 2008 avait précisé que le temps normal de trajet s’apprécie « dans la région concernée » (Cass. soc. 7-5-2008, n° 07-42.702).

Dans une décision plus récente, la Cour de cassation a indiqué que, pour les salariés itinérants, le temps de déplacement quotidien entre le domicile et les sites du premier et du dernier client doit faire l’objet d’une contrepartie quand il dépasse un trajet normal (Cass. soc. 30-5-2018, n° 16-20.634).

En pratique, à défaut de précisions dans la convention collective, il revient à l’employeur de définir un temps de trajet moyen entre le domicile et le lieu de travail (ex. 45 min. en Ile-de-France).

Dans son arrêt du 30 mars 2022, la Cour de cassation apporte des précisions sur la notion de « lieu habituel de travail » du salarié itinérant, considérant qu’il s’agit de son agence de rattachement :

– « La cour d’appel a, d’abord, énoncé, à bon droit, que la circonstance que certains salariés des sociétés de l’UES ne travaillent pas habituellement au sein de leur agence de rattachement ne dispense pas leur employeur de respecter à leur égard les dispositions de l’article L. 3121-4 du code du travail. »

– « Elle a, ensuite, appréciant la situation d’un salarié itinérant, défini le lieu habituel de travail comme étant le lieu où se situe son agence de rattachement si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon à ce que le temps de trajet ainsi déterminé soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d’un salarié dans la région considérée. »

Par là même, la Cour de cassation a rejeté l’argumentation de l’employeur, qui affirmait que l’agence de rattachement du salarié ne pouvait constituer son lieu de travail habituel, puisqu’il ne s’y rendait presque jamais.

En conclusion, précisons que la Cour de cassation a également approuvé la Cour d’appel ayant condamné l’application, par l’employeur, d’un système de « franchise » permettant de ne pas indemniser 2 heures de déplacement :

– « Dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve, elle a estimé que les compensations accordées par la société Sopra Steria Group étaient déconnectées de ces temps normaux de trajet, la « franchise », c’est-à-dire le temps de déplacement excédentaire non indemnisé, de près de 2 heures étant trop importante. »

Si le système de la franchise n’est pas condamné en tant que tel, il est soumis à l’appréciation des juges du fond.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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