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Transaction et égalité de traitement
La question peut surprendre mais elle s’est posée devant la Cour de cassation : le principe d’égalité de traitement s’applique-t-il à la transaction conclue entre l’employeur et le salarié ? Non, vient de répondre la chambre sociale un arrêt du 12 mai 2021 (Cass. soc. 12-5-2021 n° 20-10796).
1/ Le principe d’égalité de traitement
L’employeur a l’obligation d’assurer une égalité de traitement entre les femmes et les hommes et celle-ci se décline dans plusieurs domaines.
En particulier, « tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes » (C. trav. art. L. 3221-2).
Le Code précise que constitue une rémunération (C. trav. art. L. 3221-3) :
– le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum ;
– tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier.
Par ailleurs, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent, des salariés, un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse (C. trav. art. L. 3221-4).
2/ Les règles régissant la transaction
La transaction conclue entre l’employeur et le salarié est soumise aux dispositions des articles 2044 à 2052 du Code civil.
Selon l’article 2044, « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. »
L’article 2048 dispose que « les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. »
Ce texte est complété par l’article 2049 selon lequel « les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé. »
La transaction est un contrat et elle ne crée d’obligations qu’entre les parties, conformément aux dispositions de l’article 1199 du Code civil.
En vertu de ce principe de l’effet relatif du contrat, les tiers ne peuvent ni en demander l’exécution ni se voir contraints de l’exécuter.
3/ L’arrêt du 12 mai 2021
Le 27 août 2015, la société La Halle a conclu avec les syndicats un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) prévoyant notamment la suppression de l’équipe de nuit d’un entrepôt logistique, avec proposition, pour les salariés non licenciés, d’un poste en équipe de jour et versement, au bénéfice des salariés acceptant cette modification du contrat de travail, d’une indemnité exceptionnelle temporaire d’une durée de 12 mois pour compenser la perte des primes de nuit.
Par la suite, la société La Halle a conclu des transactions avec plusieurs salariés de l’ancienne équipe de nuit ayant accepté un poste de jour, qui revendiquaient le paiement de l’indemnité prévue au PSE.
En application des transactions, les salariés ont perçu une indemnité transactionnelle en octobre 2016.
Postérieurement, d’autres salariés ont sollicité de l’employeur le paiement de l’indemnité prévue au PSE ou un montant équivalent sous forme de dommages-intérêts, sur le fondement du principe d’égalité de traitement entre les salariés.
Dans un arrêt du 15 novembre 2019, la Cour d’appel de Bourges a jugé que l’employeur avait violé le principe d’égalité de traitement et l’a condamné à payer à chaque requérant une certaine somme au titre de son préjudice né de la violation du principe d’égalité de traitement entre les salariés, outre des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
La Cour de cassation a censuré cette analyse au visa de l’article 2044 du Code civil et du principe d’égalité de traitement, retenant les motifs suivants :
– La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
– Il en résulte qu’un salarié ne peut invoquer le principe d’égalité de traitement pour revendiquer les droits et avantages d’une transaction conclue par l’employeur avec d’autres salariés pour terminer une contestation ou prévenir une contestation à naître.
Ainsi, la Cour d’appel a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Bourges, alors même que tous les salariés se trouvaient dans une situation équivalente en terme d’ancienneté, de poste et de modification du contrat de travail pour raison économique.
Dans un arrêt précédent, la Cour de cassation avait déjà jugé que le principe d’égalité de traitement ne peut pas être invoqué par un salarié pour remettre en cause les droits et avantages d’une transaction revêtue de l’autorité de la chose jugée et dont il ne conteste pas la validité (Cass. soc. 30-11-2011 n° 10-21.119).
En conclusion, la solution est claire : le principe d’égalité de traitement ne s’applique pas aux transactions.
Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com
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