Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?
La Cour de cassation vient de trancher, dans un arrêt du 25 juin 2025 (n° 24-12.096) une question délicate concernant l’articulation entre rupture conventionnelle et licenciement pour faute grave.
Cette décision statue sur le droit à l’indemnité spécifique de rupture lorsque l’employeur découvre une faute grave après l’expiration du délai de rétractation mais avant la date effective de rupture prévue par la convention.
1. Le cadre procédural de la rupture conventionnelle
1.1. Les étapes obligatoires de la procédure
La rupture conventionnelle constitue un mode de rupture d’un commun accord entre l’employeur et le salarié, distinct du licenciement et de la démission (C. trav. art. L. 1237-11).
La procédure impose plusieurs étapes successives et impératives.
Les parties doivent d’abord négocier librement la convention au cours d’un ou plusieurs entretiens préalables, durant lesquels le salarié peut se faire assister selon les modalités prévues (C. trav. art. L. 1237-12).
L’absence d’entretien, qu’il appartient au salarié de prouver, entraîne la nullité de la rupture conventionnelle (Cass. soc. 1-12-2016, n° 15-21.609).
La convention doit ensuite définir les conditions de cessation du contrat, notamment le montant de l’indemnité de rupture et la date de rupture, qui ne peut intervenir avant le lendemain de l’homologation (C. trav. art. L. 1237-13, al. 1 et 2).
1.2. Le délai de rétractation et l’homologation
Une fois la convention signée, les parties disposent d’un délai de rétractation de quinze jours calendaires à compter de la signature (C. trav. art. L. 1237-13, al. 3).
Cette rétractation peut s’exercer par lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie, la fin du délai s’appréciant à la date d’envoi (Cass. soc. 14-2-2018, n° 17-10.035).
À l’expiration de ce délai, la partie la plus diligente demande l’homologation à l’administration, qui dispose de quinze jours ouvrables pour contrôler la régularité de la rupture (C. trav. art. L. 1237-14).
L’homologation devient implicite si aucune décision expresse de rejet n’intervient dans ce délai (Cass. soc. 16-12-2015, n° 13-27.212).
2. L’intervention d’un licenciement pour faute grave après l’expiration du délai de rétractation
2.1. La possibilité pour l’employeur de licencier pendant la période intermédiaire
L’arrêt du 25 juin 2025 confirme que l’employeur conserve la faculté de licencier le salarié pour faute grave entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date de rupture effective prévue par la convention (Cass. soc. 25-6-2025, n° 24-12.096).
Cette possibilité reste toutefois encadrée par une condition temporelle stricte : les manquements reprochés doivent être survenus ou avoir été découverts par l’employeur au cours de cette période intermédiaire.
Cette solution s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence établie concernant la prise d’acte de la rupture par le salarié, qui ne peut intervenir, passé le délai de rétractation, que pour des manquements survenus ou connus durant cette même période (Cass. soc. 6-10-2015, n° 14-17.539).
Dans l’espèce jugée, l’employeur avait eu connaissance des faits de harcèlement sexuel le 26 février 2018, soit après l’expiration du délai de rétractation d’une convention signée le 15 janvier 2018 et prévoyant une rupture au 30 juin 2018.
2.2. Les effets du licenciement sur la date de rupture
Le licenciement pour faute grave intervenant dans ces conditions produit des effets spécifiques sur l’exécution de la convention de rupture.
Il met un terme immédiat au contrat de travail avant la date initialement prévue par la convention, conformément au principe selon lequel la faute grave implique le départ immédiat du salarié sans préavis (Cass. soc. 12-7-2005, n° 03-41.536).
Cette interruption anticipée du contrat ne remet cependant pas en cause la validité de la convention de rupture elle-même.
La Cour de cassation considère que le licenciement n’affecte pas la validité de la rupture conventionnelle mais modifie seulement la date effective de cessation du contrat de travail.
3. Le maintien du droit à l’indemnité spécifique de rupture
3.1. Le principe de conservation de l’indemnité
L’apport majeur de cet arrêt réside dans l’affirmation que le licenciement pour faute grave ne prive pas le salarié de son droit à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
Cette solution trouve son fondement dans la nature juridique de cette créance, qui naît dès l’homologation de la convention, bien qu’elle ne devienne exigible qu’à la date fixée pour la rupture (Cass. soc. 11-5-2022, n° 20-21.103).
L’employeur doit donc verser au salarié le montant de l’indemnité spécifique prévu par la convention dès lors qu’elle a été homologuée avant la date du licenciement.
Cette indemnité ne peut être inférieure au montant de l’indemnité légale de licenciement ou, dans certaines entreprises, à l’indemnité conventionnelle de licenciement si elle est supérieure (C. trav. art. L. 1237-13, al. 1).
3.2. La justification de cette solution
Cette position jurisprudentielle se justifie par plusieurs considérations.
D’une part, la convention de rupture a été valablement conclue et homologuée selon la procédure légale, créant des droits acquis au profit du salarié.
D’autre part, la faute grave découverte postérieurement ne remet pas en question la validité du consentement donné lors de la signature de la convention.
Le licenciement pour faute grave modifie seulement les modalités temporelles d’exécution de la rupture sans affecter les droits financiers du salarié découlant de la convention homologuée.
Cette approche préserve l’équilibre entre les intérêts de l’employeur, qui peut sanctionner une faute grave découverte tardivement, et ceux du salarié, qui conserve le bénéfice de l’accord initialement négocié.
Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com
Partager ?