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Temps de déplacement des salariés itinérants : revirement de la Cour de cassation

Temps de déplacement des salariés itinérants : revirement de la Cour de cassation 2560 1707 sancy-avocats.com

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Dans un arrêt important (Cass. soc. 23-11-2022, n° 20-21.924), la Cour de cassation considère désormais que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif, le régime des temps de déplacement doit être écarté.

1/ Rappel des principes applicables aux temps de déplacement

Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif (C. trav. art. L. 3121-4).

Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière.

En tout état de cause, la part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail ne doit entraîner aucune perte de salaire.

1.1. Déplacements domicile / lieu habituel de travail

Le temps de trajet entre le domicile et le lieu « habituel » de travail ne constitue pas, en soi, un temps de travail effectif (Cass. soc. 13-1-2006, n° 04-45.542).

Il en résulte que ce temps n’entre pas en compte dans le calcul de la durée du travail, et n’a pas à être rémunéré ou indemnisé.

Il en va de même du trajet retour du salarié, c’est-à-dire de son lieu de travail à son domicile.

Par exception, le temps de déplacement accompli lors de périodes d’astreinte fait partie intégrante de l’intervention elle-même, et doit donc être décompté et rémunéré comme du temps de travail effectif (Cass. soc. 31-10-2007, n° 06-43.834).

1.2. Déplacements domicile / lieu d’exécution du contrat de travail

L’article L. 3121-4 du Code du travail vise le déplacement professionnel vers un lieu qui n’est pas le lieu de travail « habituel » du salarié.

Dans un tel cas, sous réserve de dispositions conventionnelles ou d’usages plus favorables :

– Ce temps de déplacement n’entre pas dans le décompte de la durée du travail, en particulier pour l’application de la législation sur les heures supplémentaires (majorations, contingent annuel et contrepartie obligatoire en repos) ;

– Il n’a pas à être rémunéré, sauf s’il coïncide avec l’horaire de travail ;

– Dans l’hypothèse où il excède le « temps normal de trajet » entre le domicile et le lieu « habituel » de travail, seule une contrepartie sous forme de repos ou sous forme financière (ex. une indemnité de trajet) doit être prévue.

Les contreparties sont déterminées par accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par accord de branche.

À défaut d’accord, l’employeur les définit unilatéralement, après consultation du CSE (C. trav. art. L. 3121-7 et L. 3121-8).

2/ Problématiques liées aux salariés itinérants

Pour les salariés itinérants (chauffeurs, livreurs, techniciens de maintenance, etc.), qui n’ont pas de lieu de travail habituel, la question se pose de savoir ce qu’il faut entendre par « temps normal de trajet. »

Pour la Cour de cassation (Cass. soc. 22-6-2011, n° 10-12.920), le « temps normal de trajet » se détermine par référence à celui d’un travailleur type se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel.

Un arrêt du 7 mai 2008 avait précisé que le temps normal de trajet s’apprécie « dans la région concernée » (Cass. soc. 7-5-2008, n° 07-42.702).

Dans une décision plus récente (Cass. soc. 30-5-2018, n° 16-20.634), la Cour de cassation avait indiqué que, pour les salariés itinérants, le temps de déplacement quotidien entre le domicile et les sites du premier et du dernier client doit faire l’objet d’une contrepartie quand il dépasse un trajet normal (Cass. soc. 30-5-2018, n° 16-20.634).

Ce temps n’était donc pas qualifié de temps de travail effectif.

3/ Nouvelle position de Cour de cassation

Dans son arrêt du 23 novembre 2022, la chambre sociale invoque le droit communautaire pour revoir sa position sur l’indemnisation des temps de déplacement.

Plus précisément, la Cour rappelle que, dans un arrêt du 9 mars 2021 (Radiotelevizija Slovenija, C-344/19), la CJUE a jugé que les États membres ne sauraient déterminer unilatéralement la portée des notions de “temps de travail” et de “période de repos”, en subordonnant à quelque condition ou restriction que ce soit le droit, reconnu directement aux travailleurs par la directive 2003/88/CE, à ce que les périodes de travail et, corrélativement, celles de repos soient dûment prises en compte.

Ainsi, pour la Cour de cassation, « eu égard à l’obligation d’interprétation des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail à la lumière de la directive 2003/88/CE, il y a donc lieu de juger désormais que, lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu’elle est fixée par l’article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d’application de l’article L. 3121-4 du même code. »

Dans cette affaire, un attaché commercial devait, en conduisant pendant ses déplacements, grâce à un kit main libre dans son véhicule, fixer des rendez-vous, appeler et répondre à ses divers interlocuteurs (clients, directeur commercial, assistantes et techniciens).

Ce salarié itinérant ne se rendait que de façon occasionnelle au siège de l’entreprise et disposait d’un véhicule de société pour intervenir auprès de ses clients répartis sur 7 départements éloignés de son domicile, ce qui le conduisait, parfois, à la fin d’une journée de déplacement professionnel, à réserver une chambre d’hôtel afin de pourvoir reprendre, le lendemain, le cours des visites programmées.

En conclusion, les déplacements de ce salarié constituaient du temps de travail effectif au sens de l’article L. 3121-1 du Code du travail.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Astreinte et temps de travail effectif : nouvelles frontières

Astreinte et temps de travail effectif : nouvelles frontières 2560 1440 sancy-avocats.com

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En application du droit communautaire, la Cour de cassation clarifie le champ d’application de l’astreinte (Cass. soc. 26-10-2022, n° 21-14.178). Sans revenir sur sa définition, la chambre sociale fixe un critère de distinction entre astreinte et temps de travail effectif.

1/ Définition de l’astreinte

Une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise (C. trav. art. L 3121-9).

L’astreinte correspond donc à un temps pendant lequel le salarié, qui n’exerce aucune activité effective pour l’employeur, doit néanmoins se tenir à sa disposition pour effectuer une éventuelle intervention.

Quant à la durée du travail effectif, celle-ci est définie par le Code du travail comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (C. trav. art. L. 3121-1).

La distinction entre l’astreinte et le temps de travail effectif est fondamentale puisque le régime juridique de ces deux notions diffère radicalement.

En effet, la période d’astreinte fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos et seule la durée de l’intervention du salarié est considérée comme un temps de travail effectif (C. trav. art. L. 3121-9).

Les contreparties des astreintes sont fixées (C. trav. art. L. 3121-11 et L. 3121-12, 1°) :

–  soit par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche ;

– soit, à défaut d’accord, par l’employeur après avis du CSE et information de l’agent de contrôle de l’inspection du travail.

Dans tous les cas, les salariés concernés par des périodes d’astreinte doivent être informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.

2/ Requalification de l’astreinte

La jurisprudence refuse de considérer comme périodes d’astreinte les temps pendant lesquels le salarié n’est pas libre de vaquer à ses occupations personnelles.

A titre d’exemple, constituent un temps de travail effectif les heures d’astreinte effectuées sur le lieu du travail par les veilleurs de nuit d’une maison de retraite et durant lesquelles les intéressés doivent rester en permanence à la disposition de l’employeur (Cass. soc. 15-2-1995, n° 91-41.025).

De même, ayant constaté que, compte tenu de l’obligation pour l’employeur d’assurer une permanence téléphonique continue de sécurité 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, le salarié exerçait le soir et la nuit les fonctions attribuées pendant la journée à un autre membre du personnel spécialement affecté à la réception des appels d’urgence, une Cour d’appel a caractérisé l’exercice d’un travail effectif (Cass. soc. 9-11-2010, n° 08-40.535).

A l’inverse, correspondent à une astreinte les permanences de nuit assurées par le salarié d’un hôtel, tenu de rester sur son lieu de travail afin d’intervenir en cas de nécessité mais bénéficiant d’un logement de fonction lui permettant de vaquer à des occupations personnelles (Cass. soc. 27-6-2012, n° 11-13.342).

Dans l’arrêt du 26 octobre 2022, la Cour de cassation considère que constituent du temps de travail effectif les permanences au cours desquelles le salarié est soumis à des contraintes d’une intensité telle « qu’elles affectent, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles. »

L’affaire concernait un salarié occupant le poste de dépanneur dans une entreprise dont l’activité consiste à assurer le dépannage de véhicules sur une portion d’autoroute, 24 heures sur 24.

Au soutien de sa décision, la Cour de cassation invoque un arrêt de la CJUE du 9 mars 2021 ayant introduit la distinction suivante (CJUE 9-3-2021, C-344/19) :

– Relève de la notion de “temps de travail effectif”, au sens de la directive 2003/88, l’intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d’astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts ;

– Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d’une période de garde déterminée n’atteignent pas un tel degré d’intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d’une telle période constitue du “temps de travail”, aux fins de l’application de la directive 2003/88.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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L’élection des délégués du CSE central : l’essentiel

L’élection des délégués du CSE central : l’essentiel 1440 2560 sancy-avocats.com

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Contrairement aux membres du CSE, les délégués du CSE central ne sont pas élus par les salariés. Ils sont désignés, pour chaque établissement, par le CSE d’établissement parmi ses membres. Le processus est essentiellement jurisprudentiel.

1/ Composition du CSE central

Par principe, le CSE central exerce les attributions qui concernent la marche générale de l’entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d’établissement (C. trav. art. L. 2316-1).

Le CSE central est composé (C. trav. art. L. 2316-4) :

– De l’employeur ou de son représentant ;

– D’un nombre égal de délégués titulaires et de suppléants, élus, pour chaque établissement, par le CSE d’établissement parmi ses membres.

– De certains acteurs à titre consultatif, comme le médecin du travail ou l’inspecteur du travail.

L’élection du CSE central a lieu tous les 4 ans, après l’élection générale des membres des CSE d’établissement (C. trav. art. L. 2316-10).

2/ Nombre de sièges à pourvoir

Le nombre des membres titulaires du CSE central est égal à celui des suppléants (C. trav. art. L. 2316-4).

Sauf accord conclu entre l’employeur et l’ensemble des organisations syndicales représentatives (C. trav. art. R. 2316-1) :

– Le nombre des membres du CSE central ne peut pas dépasser 25 titulaires et 25 suppléants ;

– Chaque établissement peut être représenté au CSE central soit par un seul délégué, titulaire ou suppléant, soit par un ou deux délégués titulaires et un ou deux délégués suppléants.

3/ Répartition des sièges entre les établissements et les collèges

Dans chaque entreprise, la répartition des sièges entre les différents établissements et les différents collèges fait l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales intéressées, conclu « selon les conditions de l’article L. 2314-6 du Code du travail » (C. trav. art. L 2316-8, al. 1).

Il s’agit donc des mêmes organisations syndicales que celles qui ont vocation à négocier un protocole préélectoral.

En cas de désaccord sur la répartition des sièges, la DREETS dans le ressort de laquelle se trouve le siège de l’entreprise décide de la répartition des sièges entre les différents établissements et les différents collèges (C. trav. art. L. 2316-8 ; art. R. 2316-2).

NB. Même si elles interviennent alors que le mandat de certains membres n’est pas expiré, la détermination du nombre d’établissements distincts et la répartition des sièges entre les établissements et les différentes catégories sont appliquées sans qu’il y ait lieu d’attendre la date normale de renouvellement de toutes les délégations des CSE d’établissement ou de certaines d’entre elles.

 La saisine de la DREETS suspend le processus électoral jusqu’à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin.

4/ Spécificités liées aux collèges cadres

Lorsqu’un ou plusieurs établissements de l’entreprise constituent 3 collèges électoraux en application de l’article L. 2314-11 du Code du travail (collèges « cadres »), un délégué titulaire et un délégué suppléant au moins au CSE central doivent appartenir à la catégorie des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification (C. trav. art. L. 2316-5).

Par ailleurs, lorsqu’aucun établissement de l’entreprise ne constitue 3 collèges électoraux mais que plusieurs établissements distincts groupent ensemble au moins 501 salariés ou au moins 25 membres du personnel appartenant à la catégorie des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification, au moins un délégué titulaire au CSE central doit appartenir à cette catégorie (C. trav. art. L. 2316-6).

5/ Electorat et éligibilité

Il résulte de l’article L. 2316-4 du Code du travail que les délégués au CSE central sont élus, pour chaque établissement, par le CSE d’établissement.

Pour la Cour de cassation, les élus titulaires disposent du droit de vote, à l’exclusion des membres suppléants (Cass. soc. 27-11-1975, n° 75-60.135) et des présidents de chaque CSE d’établissement (Cass. soc. 21-7-1976, n° 76-60.072).

Les titulaires aux CSE d’établissement sont éligibles au CSE central en qualité de titulaires ou suppléants, alors que les suppléants peuvent exclusivement y être élus suppléants (Cass. soc. 3-6-1977, n° 77-60.024).

Enfin, les représentants syndicaux aux CSE d’établissement ne peuvent pas être élus au CSE central (Cass. soc. 4-6-2003, n° 01-60.909).

6/ Scrutin et déroulement du vote

En l’absence d’accord unanime du collège électoral, l’élection des délégués au CSE central s’effectue au scrutin uninominal majoritaire à un tour (Cass. soc. 9-6-1998, n° 96-60.455).

Les partenaires sociaux peuvent cependant retenir d’autres modalités, comme un scrutin de liste à un tour avec représentation proportionnelle en fonction du total des voix obtenues par chaque liste.

L’élection a lieu au scrutin secret sous enveloppe (Cass. soc. 9-6-1998, n° 97-60.304) et, sauf accord contraire, il est procédé aux élections par un vote global, toutes catégories confondues, et non par collège (Cass. soc. 21-7-1976, n° 76-60.030).

L’élection est soumise à la règle de la majorité des voix exprimées et, en cas de partage des voix, le plus âgé des candidats est proclamé élu (Cass. soc. 9-6-1998, n° 97-60.304).

Bien que la pratique soit courante, aucun texte n’impose la rédaction d’un procès-verbal à l’issue de l’élection des représentants au CSE central (Cass. soc. 16-2-2001, n° 10-21.039).

La proclamation des résultats peut résulter, par exemple, de l’envoi d’un email à tous les salariés et à l’inspecteur du travail, les informant du nom des élus.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Temps partiel : comment modifier les horaires ?

Temps partiel : comment modifier les horaires ? 1707 2560 sancy-avocats.com

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Les horaires du salarié à temps partiel doivent être précisés au contrat, afin notamment de permettre à l’intéressé de cumuler plusieurs emplois. Les changements de planning sont possibles, mais sous certaines conditions et limites. A défaut, les sanctions peuvent être lourdes.

1/ La précision des horaires

Le contrat de travail du salarié à temps partiel doit mentionner (C. trav. art. L. 3123-6) :

– La durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

– Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

– Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié.

– Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

Des particularités doivent être signalées s’agissant des salariés des associations et entreprises d’aide à domicile.

Pour ces derniers, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois n’a pas à être prévue au contrat et les horaires de travail doivent leur être communiqués par écrit chaque mois.

Enfin, les salariés relevant d’un accord d’entreprise instituant un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine peuvent être soumis à des règles différentes (C. trav. art. L. 3121-44).

2/ Les possibilités de modification des horaires

L’employeur peut modifier la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, en respectant un délai de prévenance d’au moins 7 jours ouvrés (C. trav. art. L. 3123-31).

Toutefois, un accord d’entreprise ou une convention collective peut déterminer le délai dans lequel la modification de la répartition de la durée du travail est notifiée au salarié (C. trav. art. L. 3123-24).

Ce délai ne peut alors être inférieur à 3 jours ouvrés, étant précisé que l’accord ou la convention doit déterminer les contreparties apportées au salarié lorsque le délai de prévenance est inférieur à 7 jours ouvrés.

Le choix des contreparties est laissé à l’appréciation des signataires de l’accord et peut porter notamment sur la fixation d’une durée minimale de travail sur la semaine ou sur le mois (Circ. 2000-03 du 3-3-2000 fiche 12).

Précisons que, dans les associations et entreprises d’aide à domicile, le délai de prévenance peut même être inférieur à 3 jours pour les cas d’urgence définis par convention ou accord de branche étendu ou par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement.

Dans tous les cas, le non-respect du délai de prévenance, par l’employeur, entraîne la requalification du contrat de travail du salarié à temps partiel en contrat à temps plein en cas de changements incessants de ses horaires de travail (Cass. soc. 27-3-2019 16-28.774).

En revanche, un unique changement d’horaire sans respect du délai n’entraîne pas la requalification à temps plein (Cass. soc. 27-3-2019 n° 17-21.543).

En tout état de cause, le délai de prévenance n’est applicable qu’en cas de décision unilatérale de l’employeur et non lorsque la modification intervient avec l’accord exprès du salarié (Cass. soc. 9-11-2016 n° 15-19.401).

La Cour de cassation vient de rappeler ces règles dans un arrêt du 26 octobre 2022 (Cass. soc. 26-10-2022 n° 21-15538), censurant une Cour d’appel ayant débouté un salarié de sa demande de requalification, et retenant les motifs suivants :

« En se déterminant ainsi, alors que le délai de prévenance est applicable en cas de décision unilatérale de l’employeur, la cour d’appel, qui n’a pas recherché si les variations auxquelles était soumis le planning de la salariée étaient notifiées à celle-ci dans un délai de prévenance suffisant ou si elles intervenaient avec son accord exprès, n’a pas donné de base légale à sa décision. »

3/ L’hypothèse du refus du salarié

Lorsque l’employeur demande au salarié de modifier la répartition de sa durée du travail dans un des cas et selon des modalités préalablement définis dans le contrat de travail, le refus du salarié d’accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement dès lors que cette modification n’est pas compatible avec (C. trav. art. L 3123-12, al. 2) :

–  des obligations familiales impérieuses ;

–  le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur ;

–  l’accomplissement d’une période d’activité fixée par un autre employeur ;

–  ou une activité professionnelle non salariée.

A titre d’exemple, le licenciement d’un salarié à temps partiel motivé par son refus d’une modification de la répartition de sa durée du travail entre les jours de la semaine est abusif dès lors que la modification proposée par l’employeur est incompatible avec son activité chez un autre employeur (Cass. soc. 28-9-2011 n° 09-70.329).

Par ailleurs, les obligations familiales impérieuses peuvent constituer des événements tels que   la nécessité d’assurer l’assistance à un membre de la famille gravement malade ou dépendant ou, encore, d’assurer la garde d’enfants, pour un parent isolé (Circ. 2000-03 du 3-3-2000 fiche 12).

Enfin, lorsque l’employeur demande au salarié de modifier la répartition de sa durée du travail, alors que le contrat de travail n’a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d’accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement (C. trav. art. L. 3123-12, al. 1).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Harcèlement moral : protection et mauvaise foi

Harcèlement moral : protection et mauvaise foi 1707 2560 sancy-avocats.com

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Les victimes et témoins de faits allégués de harcèlement moral bénéficient d’une protection légale. Toutefois, celle-ci ne joue pas en cas de mauvaise foi du dénonciateur. Un arrêt récent (Cass. soc. 19-10-2022, n° 21-19449) rappelle comment comprendre cette notion.

 1/ Le régime de protection

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (C. trav. art. L. 1152-1).

En complément de ce texte, le Code du travail prévoit qu’aucune personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire d’une sanction, d’un licenciement ou, encore, d’une mesure discriminatoire (C. trav. art. L. 1152-2).

Le dispositif protecteur prévoit, enfin, que « toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul. »

A titre d’exemple, est nul le licenciement s’inscrivant dans le contexte d’agissements de harcèlement moral subis par le salarié et motivé par une faute grave artificiellement invoquée, dans le seul but de faire échec à la prohibition de la rupture du contrat de travail par l’employeur au cours d’une période de suspension du contrat de travail (Cass. soc. 11-2-2015 n° 13-26.198).

De même, une Cour d’appel annule, à bon droit, un licenciement après avoir constaté que le harcèlement moral était caractérisé et que le comportement reproché au salarié était une réaction aux agissements dont il avait été victime (Cass. soc. 29-6-2011 n° 09-69.444).

Le Code du travail prévoit que la protection légale joue en cas de bonne foi mais n’explicite pas ce qu’il faut entendre, à l’inverse, en cas de mauvaise foi.

La jurisprudence de la Cour de cassation a donc été conduite à statuer sur le sujet.

2/ L’exception de mauvaise foi

Par principe, le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut pas être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut pas résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis (Cass. soc. 10-3-2009 n° 07-44.092).

L’arrêt du 19 octobre 2022 rappelle cette solution, censurant une Cour d’appel ayant refusé d’annuler un licenciement, alors qu’il ressortait de ses constatations que le salarié, dont la mauvaise foi n’était pas alléguée, avait été licencié pour avoir relaté des faits de harcèlement auprès de la société avec laquelle son employeur avait conclu un contrat de location-gérance.

Le salarié bénéficie donc de la protection légale si les fais de harcèlement moral n’ont pas été prouvés, c’est-à-dire, concrètement, même en l’absence de harcèlement moral.

Pour autant, la protection n’est pas absolue et n’est pas accordée au salarié ayant connaissance du caractère fallacieux des faits qu’il dénonce ou prétend avoir subi.

A titre d’illustration, constitue une faute grave le fait, pour un salarié, de dénoncer de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l’entreprise et de se débarrasser de son supérieur hiérarchique (Cass. soc. 6-6-2012 n° 10-28.345).

Dans le même sens, est justifié le licenciement d’un salarié ayant invoqué un harcèlement moral de mauvaise foi, alors qu’il refusait de rendre des comptes à sa hiérarchie, faisait preuve d’un comportement insolent, et entretenait une attitude de dénigrement envers l’entreprise (Cass. soc. 7-5-2014 n° 13-14.344).

Dans certains cas, la mauvaise foi peut conduire au licenciement pour faute lourde du salarié.

Ainsi, une faute lourde doit être retenue contre une salariée ayant déposé, contre son employeur, une plainte mensongère pour harcèlement, avec l’intention de lui nuire car il avait refusé de falsifier ses bulletins de paie (CA Montpellier 25-9-2001 n° 00-100).

La mauvaise foi peut être alléguée par l’employeur devant le Conseil de prud’hommes, sans nécessairement avoir été mentionnée dans la lettre de licenciement (Cass. soc. 16-9-2020 n° 18-26.696).

En conclusion, précisons que la protection légale est également offerte en cas de harcèlement moral sauf, ici encore, en cas de mauvaise foi du dénonciateur.

 

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Nullité du licenciement et pluralité de motifs

Nullité du licenciement et pluralité de motifs 1707 2560 sancy-avocats.com

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Le Code du travail prévoit que, lorsque l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité du licenciement ne dispense pas le juge d’examiner les autres griefs, pour en tenir compte dans l’évaluation de l’indemnité à allouer au salarié. La Cour de cassation (Cass. soc. 19-10-2022, n° 21-15533) vient de se prononcer sur le dispositif.

1/ Le dispositif de l’article L. 1235-2-1 du Code du travail 

Selon l’article L. 1235-2-1 du Code du travail :

– « En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l’article L. 1235-3-1. »

Ce dispositif, créé par l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, permet à l’employeur de solliciter du juge qu’il minore l’indemnité allouée au salarié, lorsque le licenciement est déclaré nul mais que d’autres motifs peuvent être retenus à l’encontre du salarié.

Cette minoration ne peut cependant pas conduire le juge à condamner l’employeur à verser au salarié une indemnité inférieure à 6 mois de salaire.

En effet, l’article L. 1235-3-1 du Code du travail prévoit qu’en cas de nullité du licenciement, le juge octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, « qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. »

2/ La précision de la Cour de cassation

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 octobre 2022, une salariée avait été licenciée « pour cause réelle et sérieuse », après avoir saisi le Conseil de prud’hommes afin de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail et l’annulation d’un avertissement.

Le licenciement de la salariée avait été annulé par les juges du fond, au motif que l’employeur reprochait à celle-ci, notamment, d’avoir saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation de son contrat de travail, ce grief étant constitutif d’une atteinte à une liberté fondamentale.

NB. En effet, il est de jurisprudence constante qu’est nul le licenciement d’un salarié motivé par sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail (Cass. soc. 3-2-2016, n° 14-18.600), par sa menace d’introduire une action en justice (Cass. soc. 21-11-2018, n° 17-11.122) ou, encore, par son dépôt d’une plainte pénale à l’encontre de l’employeur (Cass. soc. 28-4-2011, n° 10-30.107). 

L’intérêt de l’arrêt réside dans le fait que l’employeur reprochait à la Cour d’appel de n’avoir pas tenu compte des autres griefs à l’encontre de la salariée, afin de limiter son indemnisation.

Pour l’employeur, « il revenait à la cour d’étudier ces éléments pour évaluer l’indemnité allouée à la salariée. »

Le pourvoi de ce dernier est rejeté par la Cour de cassation, aux motifs suivants :

– En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié.

– Ces dispositions offrent ainsi à l’employeur un moyen de défense au fond sur le montant de l’indemnité à laquelle il peut être condamné, devant être soumis au débat contradictoire.

– Il en résulte que, lorsque l’employeur le lui demande, le juge examine si les autres motifs invoqués sont fondés et peut, le cas échéant, en tenir compte pour fixer le montant de l’indemnité versée au salarié qui n’est pas réintégré, dans le respect du plancher de 6 mois prévu par l’article L. 1235-3-1.

– Après avoir retenu que l’un des griefs invoqués par l’employeur portait atteinte à la liberté fondamentale de la salariée d’agir en justice et constaté que l’employeur ne critiquait pas à titre subsidiaire la somme réclamée par cette dernière en conséquence de la nullité du licenciement, la cour d’appel a apprécié souverainement le montant du préjudice.

En définitive, il appartient à l’employeur, qui se prévaut de l’article L. 1235-2-1 du Code du travail, d’en invoquer les dispositions.

Il s’agit en effet d’un moyen de défense devant être soulevé et soumis au principe du contradictoire.

3/ La fin de la théorie du « motif contaminant » ?

En principe, en cas de litige relatif à un licenciement, le juge doit examiner tous les motifs invoqués par l’employeur, qui fixent tous la limite du litige (Cass. soc. 5-7-2000, n° 98-43.521).

Il en résulte que, si certains motifs sont écartés, d’autres peuvent, le cas échéant, légitimer le licenciement.

Par exception, en cas de nullité du licenciement, le caractère illicite du motif de la rupture dispense le juge d’examiner les autres griefs invoqués par l’employeur, même s’ils auraient été susceptibles de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le motif est entaché d’une telle illicéité qu’il contamine – ou pollue – l’intégralité de la lettre de licenciement.

Tel est le cas en matière de harcèlement moral (Cass. soc. 13-2-2013, n° 11-28.339) ou en cas de violation du droit du salarié d’exercer une action en justice (Cass. soc. 3-2-2016, n° 14-18.600).

La Cour de cassation a récemment fait application de ce principe en présence d’un licenciement prononcé par l’employeur pour un motif lié à l’exercice non abusif par le salarié de sa liberté d’expression (Cass. soc. 29-62022, n°20-16.060).

Il convient cependant de noter que l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 n’était pas applicable aux faits ayant conduit à cet arrêt.

 

Or, depuis l’entrée en vigueur de ce texte, le Code du travail permet désormais de tenir compte des autres motifs de licenciement, même en présence d’un cas de nullité.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Lanceurs d’alerte : la procédure interne de recueil et de traitement des signalements

Lanceurs d’alerte : la procédure interne de recueil et de traitement des signalements 2560 1707 sancy-avocats.com

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Le décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte impose, aux entreprises de 50 salariés et plus, de mettre en place une procédure interne de recueil et de traitement des signalements. 

1/Entreprises concernées 

Le décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 (ci-après « le Décret ») a été pris en application de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 (ci-après « la Loi ») visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte (dite « loi Waserman »).

Celle-ci, applicable depuis le 1er septembre 2022, dispose que sont tenues d’établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements les personnes morales de droit privé et les entreprises exploitées en leur nom propre par une ou plusieurs personnes physiques, employant au moins 50 salariés.

Le Décret (art. 2, I) précise que le seuil de 50 salariés s’apprécie à la clôture de deux exercices consécutifs et que l’effectif se calcule selon les modalités prévues à l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale.

2/ Support juridique de la procédure de signalement

 Il résulte de l’article 3 du Décret que les employeurs concernés peuvent librement choisir le support juridique d’établissement de leur procédure interne de recueil et de traitement des signalements.

Par exemple, une entreprise pourrait l’établir au sein d’une note de service ou d’un accord collectif conclu selon les modalités de droit commun.

Dans tous les cas, le comité social et économique doit être préalablement informé et consulté, l’article 3 de la Loi imposant la consultation « des instances de dialogue social. »

 3/ Contenu de la procédure de signalement

 3.1. Le canal de réception des alertes

La procédure de signalement interne doit instaurer un canal de réception des alertes, celles-ci pouvant être écrites mais aussi orales (art. 4 du Décret).

Si la procédure prévoit la possibilité d’adresser un signalement par oral, elle précise que ce signalement peut s’effectuer par téléphone ou par tout autre système de messagerie vocale et, sur la demande de l’auteur du signalement et selon son choix, lors d’une visioconférence ou d’une rencontre physique organisée au plus tard 20 jours ouvrés après réception de la demande.

Le canal de réception permet de transmettre tout élément, quel que soit sa forme ou son support, de nature à étayer le signalement de faits relevant du domaine de l’alerte professionnelle qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entreprise.

Le lanceur d’alerte doit être informé par écrit de la réception de son alerte dans un délai de 7 jours ouvrés à compter de cette réception.

Enfin, hormis le cas du signalement anonyme, l’employeur doit vérifier que les conditions de l’exercice du droit d’alerte sont réunies : qualité du lanceur d’alerte, objet de l’alerte, bonne foi de l’auteur du signalement, absence de contrepartie à l’alerte, etc.

3.2. Le traitement des alertes

Lorsque les conditions de l’exercice du droit d’alerte sont remplies, l’employeur doit assurer le traitement du signalement.

Il peut solliciter tout complément d’information auprès de l’auteur du signalement, afin d’évaluer l’exactitude de ses allégations (art. 4 III al. 1 et 2 du Décret).

Lorsque les allégations lui paraissent avérées, l’employeur met en œuvre les moyens à sa disposition pour remédier à l’objet du signalement.

Si les allégations sont inexactes ou que le signalement est devenu sans objet, il procède alors à la clôture du signalement (art. 4, III al 3 et 5 du Décret).

La procédure de traitement des alertes doit prévoir que :

– L’entreprise communique par écrit à l’auteur du signalement, dans un délai raisonnable n’excédant pas 3 mois à compter de l’accusé de réception du signalement, des informations sur les mesures envisagées ou prises pour évaluer l’exactitude des allégations et, le cas échéant, remédier à l’objet du signalement ainsi que sur les motifs de ces dernières ;

– L’auteur du signalement est informé par écrit de la clôture du dossier.

 4/ Garanties de la procédure de signalement

La procédure de signalement interne doit indiquer la ou les personnes ou le ou les services chargés de recueillir et traiter les alertes (art. 5 du Décret).

Les personnes ou services désignés doivent disposer, par leur positionnement ou leur statut, de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants à l’exercice de leurs missions.

Par ailleurs, la procédure est censée prévoir les garanties permettant l’exercice impartial de ces missions (ex. interdiction de licenciement).

Enfin, la procédure doit garantir l’intégrité et la confidentialité des informations recueillies dans un signalement, notamment l’identité de l’auteur du signalement, des personnes visées par celui-ci et de tout tiers qui y est mentionné.

 5/ Diffusion de la procédure de signalement

 La procédure doit être diffusée par tout moyen assurant une publicité suffisante, notamment par voie de notification, affichage ou publication, le cas échéant sur le site internet de l’entreprise ou par voie électronique, dans des conditions permettant de la rendre accessible de manière permanente aux personnes concernées.

L’employeur doit également mettre à disposition des informations claires et facilement accessibles concernant les procédures de signalement externe ouvertes aux salariés (art. 8 du Décret).

En conclusion, précisons que le Décret prévoit la faculté, pour les entreprises de moins de 250 salariés, de mutualiser leur procédure de recueil et de traitement des signalements.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Motif du licenciement économique : les critères légaux ne sont pas limitatifs

Motif du licenciement économique : les critères légaux ne sont pas limitatifs 1707 2560 sancy-avocats.com

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Depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (dite loi « Travail »), l’article L. 1233-3 du Code du travail énumère plusieurs critères permettant de caractériser des difficultés économiques. Selon la Cour de cassation (Cass. soc. 21-9-2022 n° 20-18.511), ces critères ne sont pas limitatifs. 

1/ La définition du motif économique 

Selon l’article L. 1233-3 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique celui effectué par l’employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Le texte précise qu’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

Pour rappel, outre les difficultés économiques, l’article L. 1233-3 du Code du travail vise trois autres motifs de licenciement :

– Les mutations technologiques ;

– La réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

– La cessation d’activité de l’entreprise. 

L’introduction dans le Code du travail de critères d’appréciation des difficultés économiques devait permettre à l’employeur de justifier, notamment par la production de documents comptables, d’éléments objectifs à l’appui du licenciement.

Comme les débats parlementaires l’avaient relevé : « en cas de litige sur la légitimité de la rupture, les juges devraient contrôler la réalité des difficultés subies par l’entreprise en s’appuyant sur ces éléments objectifs. »

De cette manière, le législateur souhaitait éviter les difficultés d’interprétation ou, en cas de litige, offrir des indicateurs au juge.

Dans un arrêt du 1er juin 2022 (Cass. soc. 1-6-2022, n° 20-19957), la Cour de cassation a fixé une règle à suivre pour effectuer la comparaison des résultats économiques de l’entreprise par rapport à la même période de l’année précédente.

Pour la Cour de cassation : « la durée d’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires s’apprécie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l’année précédente à la même période. »

Cependant, aucune réponse n’avait été apportée à la question de savoir si les critères de l’article L. 1233-3 du Code du travail étaient ou non limitatifs.

2/ Les précisions de l’arrêt du 21 septembre 2022 

Dans cet arrêt, la Cour de cassation considère que « si la réalité de l’indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d’affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement n’est pas établie, il appartient au juge, au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte, tel que des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. »

Dans cette affaire, une entreprise dont l’effectif était compris entre 50 et 300 salariés avait procédé à un licenciement économique, en se fondant sur les motifs suivants :

– Une baisse significative des commandes et du chiffre d’affaires ;

– Des pertes structurelles importantes sur les 4 dernières années, avec un endettement s’élevant à 7,5 millions d’euros à fin décembre 2016 ;

– Des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social.

Pour la Cour d’appel, la Société ne rapportait pas la preuve de la baisse des commandes et/ou du chiffre d’affaires sur 3 trimestres consécutifs, incluant celui au cours duquel la rupture du contrat de travail avait été notifiée.

L’arrêt est censuré par la Cour de cassation, reprochant à la Cour d’appel de s’être cantonnée au débat relatif à la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, sans avoir pris en considération les autres critères invoqués par l’employeur.

Pour la Cour de cassation, les juges du fond auraient dû vérifier si l’employeur ne justifiait pas de difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés au 1° de l’article L. 1233-3 du Code du travail, soit par tout autre élément de nature à les justifier.

Plus particulièrement, en l’absence de baisse du chiffre d’affaires et/ou des commandes, les juges auraient dû examiner les autres critères légaux avancés par l’employeur à l’appui du licenciement.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Le diplôme ne justifie pas la différence de traitement

Le diplôme ne justifie pas la différence de traitement 1707 2560 sancy-avocats.com

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La seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de traitement, sauf s’il est démontré que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée (Cass. soc. 14-9-2022, n° 21-12.175).

1/ Rappels juridiques sur l’égalité de traitement

En vertu du principe jurisprudentiel « à travail égal, salaire égal », l’employeur doit assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés qui se trouvent placés dans une situation identique (Cass. soc. 29-10-1996, n° 92-43.680).

Ainsi, une différence de traitement entre des salariés placés dans la même situation doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence (Cass. soc. 15-2007, n° 05-42.893).

Le principe « à travail égal, salaire égal » est consacré par la loi, notamment à l’article L. 2271-1 du Code du travail selon lequel la Commission nationale de la négociation collective de l’emploi et de la formation professionnelle est chargée :

« 8° De suivre annuellement l’application dans les conventions collectives du principe ” à travail égal salaire égal “, du principe de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et du principe d’égalité de traitement entre les salariés sans considération d’appartenance ou de non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, ainsi que des mesures prises en faveur du droit au travail des personnes handicapées, de constater les inégalités éventuellement persistantes et d’en analyser les causes. »

Le principe d’égalité de traitement ne s’applique qu’à l’égard des salariés d’une même entreprise (Cass. soc. 12-7-2006, n° 04-46.104).

La Cour de cassation considère qu’il est sans application lorsque des salariés appartiennent à des entreprises différentes, même si elles font partie du même groupe (Cass. soc. 23-11-2011, n° 10-24.897).

Il en est de même lorsque les salariés sont employés dans des entreprises différentes, peu important que le contrat de travail de ces salariés relève de la même convention collective (Cass. soc. 24-9-2008, n° 06-45.579).

En revanche, il ne peut exister de différences de traitement entre salariés d’établissements différents d’une même entreprise, et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elles reposent sur des raisons objectives (Cass. soc. 21-1-2009, n° 07-43.452).

2/ Cas particulier de la différence de diplômes

Dans son arrêt du 14 septembre 2022, la Cour de cassation considère que la seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de traitement entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s’il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée.

Dans un arrêt précédent, la Cour avait déjà jugé, s’agissant de médecins, que la différence de diplôme entre un professionnel de santé et ses confrères ne constitue pas une différence objective légitimant l’inégalité de rémunération pratiquée par l’employeur (Cass. soc. 16-5-2007, n° 05-44.033).

Il résulte de l’analyse de la jurisprudence que la détention d’un diplôme peut justifier une différence de rémunération à condition d’être combinée à d’autres critères objectifs, comme l’expérience ou l’ancienneté.

A titre d’exemple, le salaire plus élevé d’un ingénieur du son peut être justifié par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination et tenant notamment aux diplômes, à la plus grande ancienneté dans les fonctions d’ingénieur du son et à l’expérience (Cass. soc. 24-1-2007, n° 05-42.054).

A l’inverse, si l’employeur ne peut pas démontrer que les différences de diplômes et d’expérience ont été déterminantes lors de l’embauche de 3 salariés, aucun élément objectif pertinent ne justifie l’inégalité de rémunération subie par l’un des salariés par rapport à ses deux collègues occupant le même poste (Cass. soc. 18-6-2008, n° 06-46.061).

La Cour de cassation considère même que l’expérience professionnelle acquise auprès d’un précédent employeur, ainsi que les diplômes, ne peuvent justifier une différence de salaire qu’au moment de l’embauche et pour autant qu’ils sont en relation avec les exigences du poste et les responsabilités effectivement exercées (Cass. soc. 31-10-2012, n° 11-20.986).

En définitive, il est nécessaire de caractériser que le diplôme est utile pour l’exercice des fonctions, afin de pouvoir légitimer une différence de rémunération.

Par exemple, un salarié titulaire d’un BTS « expression visuelle » ne peut utilement se comparer à son collègue titulaire d’un DESS en ingénierie multimédia, utile à l’exercice des fonctions occupées et constituant donc une raison objective et pertinente justifiant une différence de rémunération (Cass. soc. 17-3-2010 n° 08-43.088).

Enfin, lorsque le diplôme est indispensable pour pouvoir occuper une fonction, la différence de salaire est justifiée.

Tel est le cas si l’employeur établit que deux collègues, auxquelles une salariée se compare, dispose d’une ancienneté plus importante et possède des diplômes de niveau supérieur nécessaires à l’exercice des fonctions occupées (Cass. soc. 9-4-2015, n° 13-28.779).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Pas de faute grave si le comportement du salarié a été validé par l’employeur

Pas de faute grave si le comportement du salarié a été validé par l’employeur 1920 2560 sancy-avocats.com

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Le comportement du salarié, résultat d’une position managériale partagée et encouragée par l’ensemble de ses supérieurs hiérarchiques, ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 12-7-2022, 20-22.857).

1/ Les faits

Un salarié, engagé par une entreprise horticole le 4 février 2015, en qualité de directeur des systèmes d’information, est licencié pour faute grave le 2 mai 2016.

L’employeur lui reproche des faits de harcèlement moral à l’égard d’une collègue, et l’instauration d’un climat de tension et de peur caractérisé par une volonté affichée d’éliminer l’ancienne équipe au profit de collaborateurs embauchés par lui-même.

Pour la Cour d’appel, les méthodes managériales du salarié n’étaient ni inconnues, ni réprouvées par sa hiérarchie avec laquelle il avait régulièrement partagé ses constats relatifs à l’insuffisance alléguée de sa collègue.

Par ailleurs – relèvent les juges – le salarié avait agi en concertation avec son supérieur hiérarchique et le directeur des ressources humaines, et l’employeur avait d’ailleurs pris fait et cause pour lui en défendant les décisions prises en réponse aux doléances de l’époux de la salariée qui se plaignait de harcèlement.

Pour ces motifs, le licenciement du salarié a été jugé comme ne reposant sur aucune cause réelle et sérieuse.

2/ La solution juridique

Cette solution est approuvée par la Cour de cassation, selon laquelle le comportement du salarié, qui était le résultat d’une position managériale partagée et encouragée par l’ensemble de ses supérieurs hiérarchiques, ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise.

Au-delà même de la notion de faute grave, la Cour de cassation considère que la Cour d’appel a pu considérer que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l’article L. 1235-1 du Code du travail disposant que :

– « le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »

Cet arrêt s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle un comportement toléré par l’employeur ne peut pas justifier un licenciement disciplinaire (Cass. soc. 21-6-2018, n° 16-25.500).

En l’occurrence, un employeur n’avait pas réagi à l’alerte du médecin du travail au sujet de propos discriminatoires tenus à l’encontre d’un salarié handicapé par son supérieur hiérarchique, avant de licencier ce dernier pour ce motif trois ans plus tard.

A l’inverse, s’agissant du harcèlement sexuel, la Cour de cassation considère le salarié s’expose à un licenciement pour faute grave « quelle qu’ait pu être l’attitude antérieure de l’employeur lequel est tenu à une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs » (Cass. soc. 18-2-2014, n° 12-17.55).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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