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Inaptitude : comment contester l’avis du médecin du travail ?

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Les recours contre les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail sont du ressort du juge prud’homal, selon une procédure particulière. Un récent avis de la Cour de cassation (avis Cass. soc. 17-3-2021 n° 21-70.002) en constitue une illustration. 

1/ L’objet du recours 

Le salarié ou l’employeur peut contester les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4 du Code du travail (C. trav. art. L. 4624-7, I).

En pratique, peuvent faire l’objet de cette procédure les déclarations d’aptitude pour les salariés affectés à un poste à risque (C. trav. art. L. 4624-2), les aménagements de poste ou temps de travail recommandés (C. trav. art. L. 4624-3) et les constats d’inaptitude (C. trav. art. L. 4624-4).

Le médecin du travail, informé de la contestation par l’employeur, n’est pas partie au litige (C. trav. art. L. 4624-7, I). Les parties ne doivent donc pas demander au greffe du Conseil de prud’hommes de le convoquer à l’audience.

En effet, comme le rappelle l’administration, « la contestation ne tend pas à faire juger un manquement aux règles de l’art du médecin du travail à l’origine de l’avis mais à obtenir un nouvel avis technique. » (QR min. trav. du 26-10-2020).

Par ailleurs, toujours selon l’administration, sont exclues du champ d’application de l’article L. 4624-7, les contestations :

– sur le déroulé de la procédure d’aptitude ou inaptitude (vices de procédure) ;

– sans lien avec l’état de santé du salarié (impossibilité matérielle, coût économique …) ;

– sur l’origine professionnelle de l’inaptitude ;

– sur le non-respect par l’employeur des préconisations du médecin du travail.

Dans un avis du 17 mars 2021 (avis Cass. soc. 17-3-2021 n° 21-70.002), la Cour de cassation a été conduite à préciser l’objet du recours contre l’avis du médecin du travail, dans les termes suivants :

– La contestation dont peut être saisi le Conseil de prud’hommes doit porter sur l’avis du médecin du travail et non la procédure d’inaptitude.

– Le Conseil de prud’hommes peut, dans ce cadre, examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis.

– Il substitue à cet avis sa propre décision, après avoir le cas échéant ordonné une mesure d’instruction.

– Il ne peut déclarer inopposable à une partie l’avis rendu par le médecin du travail.

2/ La procédure de contestation

En cas de contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail (…), le Conseil de prud’hommes, statuant en la forme des référés, est saisi dans un délai de 15 jours à compter de leur notification (C. trav. art. R. 4624-45).

Passé ce délai de 15 jours, la contestation est irrecevable, le dépassement du délai constituant une fin de non-recevoir.

NB. Les modalités de recours ainsi que le délai de 15 jours sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail (C. trav. art. R. 4624-45).

La saisine du Conseil de prud’hommes ne suspend pas le caractère exécutoire et impératif de l’avis initial du médecin du travail (C. trav. art. L. 4624-6).

Le Conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Ce dernier peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers (sapiteurs).

En cas d’indisponibilité du médecin inspecteur du travail ou en cas de récusation de celui-ci, le Conseil de prud’hommes, statuant en la forme des référés, peut désigner un autre médecin inspecteur du travail que celui qui est territorialement compétent (C. trav. art. L. 4624-7, II et L. 4624-45-2).

Bien entendu, le recours au médecin inspecteur du travail est généralement sollicité par l’employeur ou le salarié, et non décidé d’office par le Conseil de prud’hommes.

D’ailleurs, le Conseil de prud’hommes peut refuser d’ordonner le recours au médecin inspecteur du travail, cette faculté n’étant pas de droit (Cass. soc. 3-6-2020 n° 18-21.952).

L’employeur peut demander que les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail soient notifiés à un médecin qu’il mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification (C. trav. art. L. 4624-7, II).

Dans un tel cas, le médecin mandaté par l’employeur restant soumis au secret médical, il ne peut en aucune manière communiquer, à ce dernier, d’informations relatives à l’état de santé du salarié auxquelles il a accès dans le cadre de la procédure.

3/ Les suites et conséquences du recours

Le Conseil de prud’hommes délimite la mission de l’expert sous forme de questions. Les parties doivent donc être précises quant à la formulation de leurs demandes.

En effet, le médecin inspecteur du travail est lié par ces questions et doit y répondre dans le respect des règles déontologiques prévues par le Code de santé publique et le secret médical.

Par ailleurs, il est important de solliciter du Conseil de prud’hommes la fixation d’un délai pour que le médecin inspecteur rende son rapport, le Code du travail étant muet sur la question.

Le président du Conseil de prud’hommes fixe la rémunération du médecin inspecteur du travail conformément au IV de l’article L. 4624-7 du Code du travail. Une provision sur les sommes dues au médecin inspecteur du travail est consignée à la Caisse des dépôts et consignations (C. trav. art. R. 4624-45-1).

Ces honoraires et frais sont réglés d’après le tarif fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et du budget (C. trav. art. L. 4624-7, IV).

Par décision motivée, la formation de référé peut décider de ne pas mettre les frais d’expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive (C. trav. art. L. 4624-7, IV).

La question s’est posée de savoir si le salarié pouvait être indemnisé des frais de déplacement exposés pour se rendre au rendez-vous d’expertise.

Pour la Cour de cassation, les frais de déplacement exposés par un salarié à l’occasion de l’expertise ordonnée par le juge prud’homal ne peuvent être remboursés à l’intéressé que sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile (Cass. soc. 4-3-2020 n° 18-24.405).

Enfin, la décision du Conseil de prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés (C. trav. art. L 4624-7, III).

Précisons que la formation de référé n’est pas liée par l’avis du médecin inspecteur du travail, même s’il est rare qu’elle statue en sens contraire.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Retraite à taux plein et chômage : les incidences

Retraite à taux plein et chômage : les incidences 1921 2560 sancy-avocats.com

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Le droit à une pension de retraite à taux plein a une incidence sur le versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) du salarié pris en charge par l’assurance-chômage. Deux situations, inverses, doivent être distinguées. 

1. La cessation du versement de l’ARE

La durée d’indemnisation du demandeur d’emploi est déterminée en fonction du nombre de jours travaillés au cours de la période de référence d’affiliation.

En principe, l’ARE est versée pendant une durée maximale de 36 mois, soit 1095 jours calendaires, pour les salariés âgés de 55 ans et plus.

Pour bénéficier de l’ARE, les salariés privés d’emploi doivent, notamment, ne pas être en droit de percevoir une pension de retraite à taux plein.

L’article 4 c) du règlement d’assurance chômage prévoit, ainsi, que peuvent bénéficier de l’ARE les travailleurs privés d’emploi n’ayant pas atteint l’âge déterminé pour l’ouverture du droit à une pension de vieillesse :

– au sens du 1° de l’article L. 5421-4 du Code du travail ;

– et au plus tard jusqu’à l’âge prévu au 2° de ce texte.

Deux cas sont donc prévus, dans lesquels l’indemnisation Pôle Emploi prend fin.

1.1. L’âge légal d’admission à la retraite

S’agissant du premier cas, l’article L. 5421-4 1° évoque les allocataires ayant atteint l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 du Code de la sécurité sociale (CSS), justifiant de la durée d’assurance définie au deuxième alinéa de l’article L. 351-1 du CSS.

En d’autres termes, les allocations d’assurance-chômage cessent d’être versées aux bénéficiaires ayant atteint l’âge légal d’admission à la retraite et justifiant de la durée d’assurance permettant l’octroi d’une pension de vieillesse à taux plein.

Pour rappel, l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite est fixé à 62 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955 (CSS art. L. 161-17-2).

Par ailleurs, l’article D. 161-2-1-9 du CSS prévoit que cet âge est fixé à :

– 60 ans pour les assurés nés avant le 1er juillet 1951 ;

– 60 ans et 4 mois pour les assurés nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 1951 ;

– 60 ans et 9 mois pour les assurés nés en 1952 ;

– 61 ans et 2 mois pour les assurés nés en 1953 ;

– 61 ans et 7 mois pour les assurés nés en 1954.

Quant à la durée d’assurance requise, celle-ci est de :

– 167 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1958 et le 31 décembre 1960 ;

– 168 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1961 et le 31 décembre 1963 ;

– 169 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1964 et le 31 décembre 1966 ;

– 170 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1967 et le 31 décembre 1969 ;

– 171 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1972 ;

– 172 trimestres, pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1973.

1.2. L’âge de départ à la retraite indépendante de la durée d’assurance

Selon l’article L. 5421-4 2° du Code du travail, les allocations-chômage cessent d’être versées aux allocataires atteignant l’âge prévu par l’article L. 161-17-2 du CSS augmenté de 5 ans, âge à partir duquel une retraite à taux plein est attribuée quelle que soit la durée d’assurance.

En conséquence, l’âge limite pour bénéficier des allocations-chômage est fixé à 67 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955.

Pour les assurés nés avant le 1er janvier 1955, cet âge limite est fixé de la manière suivante :

– 65 ans et 9 mois pour les assurés nés en 1952 ;

– 66 ans et 2 mois pour les assurés nés en 1953 ;

– 66 ans et 7 mois pour les assurés nés en 1954.

Dans les deux cas visés ci-dessus (cf. § 1.1. et § 1.2.), l’allocataire cesse d’être pris en charge par Pôle Emploi et « bascule » vers le système de l’assurance-retraite.

Si l’indemnisation Pôle Emploi peut stopper lorsque le salarié est en droit de faire valoir ses droits à la retraite, cette indemnisation peut, inversement, être prorogée dans le cas inverse.

2. La prorogation du versement de l’ARE

L’article 4 c) du règlement d’assurance chômage prévoit un dispositif spécifique en faveur des allocataires d’au moins 62 ans, qui leur permet d’être portés par Pôle Emploi jusqu’à l’obtention d’une retraite à taux plein.

Les conditions du maintien de l’indemnisation jusqu’à l’obtention d’une pension de retraite à taux plein sont fixées par l’article 9 § 3 du règlement d’assurance chômage :

– Être en cours d’indemnisation depuis un an au moins, soit avoir perçu au moins 365 jours d’indemnisation depuis l’ouverture de droits.

La période d’indemnisation d’un an peut être continue ou discontinue (c’est-à-dire avoir donné lieu à une reprise des droits).

– Avoir été affilié pendant 12 ans à l’assurance chômage, dont une année continue ou 2 ans discontinus au cours des 5 dernières années.

Les périodes d’assurance et/ou d’emploi accomplies sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse sont prises en considération (Règlement CE n° 883/2004 art. 61).

– Justifier de 100 trimestres validés par l’assurance vieillesse.

Sont notamment pris en compte, pour la recherche des 100 trimestres :

– les trimestres validés par l’assurance vieillesse (périodes d’assurance, périodes assimilées, périodes reconnues équivalentes, majoration d’assurance) ;

–  les trimestres validés par les autres régimes de base obligatoire français ;

–  les périodes validées par la caisse autonome des retraites de Monaco pour les salariés ayant exercé une ou plusieurs activités sur le territoire monégasque ;

– les périodes validées par les régimes des Etats membres de l’Union européenne ;

– les périodes validées par les régimes de retraite auxquels ont été affiliés à titre obligatoire les salariés relevant de l’annexe IX relative aux salariés occupés hors de France (salariés détachés et expatriés) ;

–  les périodes validées par les régimes des Etats parties à l’Espace économique européen et de la Confédération suisse pour les personnes qui relèvent du champ d’application personnel du règlement CE 1408/71.

La décision de maintien des droits jusqu’à la retraite s’opère le jour où les conditions visées ci-dessus sont satisfaites. Elle est automatique.

Grâce à ce dispositif, les allocataires concernés peuvent continuer d’être pris en charge par Pôle Emploi sans condition de durée.

Son bénéfice cesse simplement lorsque l’intéressé peut percevoir une retraite à taux plein, soit en principe à l’âge de 67 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955 (§ 1.2.).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Harcèlement sexuel : pas de résiliation judiciaire si l’employeur a réagi

Harcèlement sexuel : pas de résiliation judiciaire si l’employeur a réagi 2560 1707 sancy-avocats.com

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Dans un arrêt du 3 mars 2021 (Cass. soc. 3-3-2021 n°19-18.110), la Cour de cassation considère que le harcèlement sexuel subi par une salariée ne justifie pas la résiliation judiciaire de son contrat de travail, dès lors que l’employeur a mis fin au harcèlement.

1/ Les faits

Une salariée est engagée par une entreprise du bâtiment à compter du 24 mai 2003, en qualité d’Hôtesse de caisse. Elle est promue Chef de caisse, statut cadre, suivant avenant du 1er avril 2010, puis occupe en dernier lieu le poste de Chef de groupe.

Soutenant avoir été victime de harcèlement sexuel de la part de sa supérieure hiérarchique, la salariée saisit le Conseil de prud’hommes, le 12 mai 2015, de demandes tendant notamment à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et au paiement de diverses indemnités.

La Cour d’appel (Versailles, 27 février 2019) condamne l’employeur au paiement de dommages-intérêts pour harcèlement sexuel, relevant que la salariée avait été destinataire de centaines de SMS adressés par sa supérieure hiérarchique, contenant des propos à connotation sexuelle ainsi que des pressions répétées exercées dans le but d’obtenir un acte de nature sexuelle, lesquelles étaient matérialisées par des insultes et menaces.

Pour sa défense, l’employeur soutenait que la qualification de harcèlement sexuel ne pouvait être encourue, en raison de la familiarité réciproque affichée par la salariée et sa responsable, et de la relation ambiguë qu’elles avaient, ensemble, volontairement entretenue et dont attestaient les messages qu’elles avaient échangés pendant l’intégralité de la période litigieuse.

Sur ce point, la Cour d’appel objecte à l’employeur que la victime du harcèlement avait demandé à l’intéressée, à de multiples reprises, d’arrêter ses envois.

En revanche, la Cour d’appel déboute la salariée de sa demande de résiliation judiciaire, notamment au motif que l’employeur, informé des faits à la fin du mois de novembre 2014, avait mis fin au harcèlement sexuel commis sur la salariée par le licenciement, en décembre 2014, de sa supérieure hiérarchique.

Ainsi, pour les juges, le manquement de l’employeur résultant d’un harcèlement sexuel qui avait cessé à la date à laquelle la salariée avait saisi la juridiction prud’homale, n’était pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

2/ Les enseignements 

Il résulte de l’arrêt du 3 mars 2021 que le harcèlement sexuel n’est pas suffisant, en soi, pour justifier une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

En effet, les juges doivent rechercher si, à la date de la demande formée par le salarié, ce grave manquement à l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur a cessé ou non.

La solution peut sembler surprenante, dans la mesure où le harcèlement moral ou sexuel est constitutif d’une infraction pénale (C. pén. art. 222-33-2, C. pén. art. 222-33, III al. 1).

Toutefois, depuis deux arrêts du 26 mars 2014 (n° 12-21.372, n° 12-35.040), la chambre sociale de la Cour de cassation considère que seuls des manquements graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, peuvent justifier la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur :

– L’absence de visite médicale de reprise ne saurait justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur dès lors qu’elle procède d’une erreur des services RH de l’employeur non commise lors des précédents arrêts de travail et n’a pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant plusieurs mois (Cass. soc. 26-3-2014 n°12-35.040).

– Pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire, l’arrêt retient que la suspension de ses fonctions par l’employeur ne constituait pas un manquement suffisamment grave au regard des griefs énoncés dans la lettre de licenciement notifiée moins d’un mois plus tard, justifiant que le salarié soit éloigné immédiatement de l’entreprise ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la mesure de suspension n’était fondée sur aucune disposition légale, ce dont il résultait que l’employeur avait commis un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés (Cass. soc. 26-3-2014 n°12-21.372).

Dans l’arrêt du 3 mars 2021, la salariée victime du harcèlement sexuel avait formé sa demande de résiliation judiciaire 5 mois après le licenciement de sa responsable hiérarchique.

Ainsi, pour la Cour de cassation, la Cour d’appel avait pu en déduire que le manquement de l’employeur résultant du harcèlement sexuel qui avait cessé à la date à laquelle la salariée avait saisi la juridiction prud’homale, n’était « pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail. »

Cette solution de la Cour de cassation avait déjà été retenue dans un arrêt du 21 juin 2017 (Cass. soc. 21-6-2017 n° 15-24.272).

Dans cette affaire, un employeur, informé des emails à caractère raciste reçus par un salarié, avait réagi « avec diligence et efficacité », en sanctionnant l’auteur des messages, et en lui demandant de présenter des excuses.

Relevant que les faits ne s’étaient plus reproduits par la suite, la Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, en avait déduit que ce manquement ne présentait pas un caractère de gravité suffisant pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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A la recherche du perroquet perdu

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A la recherche du perroquet perdu

Nos amies les bêtes à poils ou à plumes décident parfois de nous fausser compagnie. Face à une telle tragédie, qui n’est pas prêt à tout pour retrouver son fidèle compagnon ? Mais tous les moyens ne sont pas bons aux yeux des juges, qui estiment que le délégué syndical ne saurait utiliser ses heures de délégation pour ce louable motif.

Nous sommes au mois d’octobre 2014, en la pittoresque commune iséroise de Saint-Just-Chaleyssin. Le malheureux propriétaire du bel oiseau occupe le poste de préparateur laitier et détient les mandats de délégué syndical et représentant syndical au CHSCT. Le 2 octobre, à 15 heures, il s’absente précipitamment de l’établissement et, à son retour, déclare 5 heures 30 de délégation pour justifier son absence.

Mais ce salarié, droit dans ses bottes, avait avoué à son responsable hiérarchique la véritable raison de sa fuite désespérée : il comptait remettre la main sur son compagnon coloré ! L’employeur ne l’a pas entendu de cette oreille, infligeant au déserteur – le délégué syndical, pas le perroquet – une mise à pied disciplinaire de trois jours. La Cour d’appel de Grenoble n’a pas été plus tendre, rejetant les demandes de nullité de la sanction formulées par le fautif.

En la mémoire de son perroquet fugueur, notre préparateur laitier saisit la Cour de cassation conjointement avec son syndicat. « Aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée à l’encontre d’un délégué syndical en raison de l’exercice de son mandat, seuls pouvant donner lieu à sanction les faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l’employeur », argumenta-t-il.

En vain… Inflexible, la haute juridiction confirma la sentence, relevant que la cour d’appel avait constaté l’abus commis par le salarié dans l’exercice de son mandat et le manquement de celui-ci à ses obligations professionnelles (Cass. soc. 13-1-2021 n° 19-20.781). La conclusion est sèche et l’histoire ne raconte pas même pas ce qu’est devenu le perroquet !

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Portée de la transaction : confirmation de la Cour de cassation

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Dans un arrêt du 17 février 2021 (Cass. soc. 17-2-2021 n° 19-20.635), la chambre sociale de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence récente selon laquelle la transaction, rédigée dans des termes généraux, fait obstacle à toute réclamation relative tant à l’exécution qu’à la rupture du contrat de travail.

1. Les enjeux pratiques et juridiques

La question se pose de savoir comment libeller la transaction afin qu’elle règle définitivement tout litige entre l’employeur et le salarié.

Plus précisément, convient-il de lister précisément l’ensemble des éléments auxquels le salarié renonce ou est-il préférable de privilégier une formulation générale ou globale ?

L’employeur acceptant de verser une indemnité transactionnelle au salarié souhaite naturellement apurer tout différend entre eux.

Le salarié, de son côté, peut légitimement craindre qu’une rédaction trop large ne le prive de réclamations auxquelles il n’aurait pas pensé.

La transaction conclue entre l’employeur et le salarié est soumise aux dispositions des articles 2044 à 2052 du Code civil.

Selon l’article 2044, « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. »

L’article 2048 dispose que « les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. »

Ce texte est complété par l’article 2049 selon lequel « les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé. » 

Enfin, l’article 2052 dispose que « la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. » 

Il résulte de ces dispositions que la transaction ne peut régler que les différends compris dans son champ d’application (généralement, son préambule).

En d’autres termes, une transaction qui résout à l’amiable une contestation portant sur un licenciement n’interdit a priori pas au salarié d’introduire une action devant le Conseil de prud’hommes pour solliciter, par exemple, le paiement de rappels de salaire.

2. La position de la Cour de cassation 

Après avoir retenu une conception restrictive de la portée de la transaction, la chambre sociale de la Cour de cassation, depuis quelques années, opte pour une interprétation extensive.

2.1. D’une conception restrictive…

Sur le fondement des articles 2044, 2048, 2049 et 2052 du Code civil, la chambre sociale de la Cour de cassation estimait que la transaction ne règle que le ou les différends exposés dans son préambule.

A titre d’illustration, une clause de non-concurrence n’entre pas dans le champ d’application de la transaction, dès lors que cette dernière, destinée à mettre fin à un différend opposant les parties sur la rupture du contrat de travail et à en régler les conséquences pécuniaires, ne comporte aucune disposition faisant référence à cette clause (Cass. soc. 1-3-2000 n° 97-43.471).

De même, une transaction signée après la rupture du contrat de travail et ne se référant pas aux droits acquis au titre de la participation aux résultats, le salarié est recevable en son action en justice visant à l’obtention de sommes à ce titre (Cass. soc. 20-2-2013 n° 11-28.739).

La chambre sociale contredisait ainsi l’assemblée plénière selon laquelle une transaction par laquelle le salarié renonçait « à toutes réclamations de quelque nature qu’elles soient à l’encontre de la partie défenderesse relatives tant à l’exécution qu’à la rupture de son contrat de travail » faisait obstacle à la réclamation ultérieure d’une prime d’intéressement (Cass. plén. 4-7-1997 n° 93-43.375).

2.2. …Vers une interprétation extensive

Dans un arrêt du 5 novembre 2014 (n°13-18.984), la chambre sociale de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence, dans les termes suivants : 

– « Ayant relevé qu’aux termes de la transaction le salarié a déclaré n’avoir plus rien à réclamer à l’employeur à « quelque titre que ce soit et pour quelque cause que ce soit, tant en raison de l’exécution que de la rupture du contrat de travail », la cour d’appel a exactement retenu que le salarié ne pouvait pas prétendre au paiement de sommes à titre de dommages et intérêts pour perte de salaires et d’une indemnité compensatrice de préavis ; que le moyen n’est pas fondé. »

En l’espèce, un salarié, licencié pour faute grave, avait signé une transaction avec son ancien employeur.

Postérieurement à la signature de l’acte, le salarié avait introduit une action devant le Conseil de prud’hommes, sollicitant le paiement de « sommes à titre de dommages et intérêts pour perte de salaire et d’indemnité compensatrice de préavis. »

Sa demande a été rejetée par la Cour d’appel, dont la décision est approuvée par la Cour de cassation.

Cette solution a été réaffirmée dans plusieurs arrêts postérieurs (ex. Cass. soc. 30-5-2018 n° 16-25.426 ; Cass. soc. 20-2-2019 n° 17-19.676).

L’arrêt du 17 février 2021 conforte la position jurisprudentielle actuelle, ce qui est de nature à sécuriser le règlement des différends s’élevant entre l’employeur et le salarié.

Attention, toutefois : l’effet extinctif de la transaction n’est jamais absolu !

En effet, la renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail ne rend pas irrecevable une demande portant sur des faits survenus pendant la période d’exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à la transaction.

Telle est la solution retenue – logiquement – dans un arrêt de la Cour de cassation du 16 octobre 2019 (Cass. soc. 16-10-2019 n° 18-18.287).

Xavier Berjot
Avocat associé
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Salariés : négocier son départ à la retraite

Salariés : négocier son départ à la retraite 2560 1703 sancy-avocats.com

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A l’approche de l’âge lui permettant de prétendre à une pension de retraite, le salarié peut avoir intérêt à négocier son départ avec l’employeur. Cette solution lui permet, notamment, de percevoir des indemnités défiscalisées.

1/ Le constat : le montant de l’indemnité de départ à la retraite est très bas

Tout salarié quittant volontairement l’entreprise pour bénéficier d’une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite (C. trav. art. L 1237-9, al. 1).

Le droit à cette indemnité n’est ouvert que si le salarié a effectivement demandé la liquidation de ses droits à pension de vieillesse (Cass. soc. 23-9-2009 n° 08-41.397).

En revanche, le droit à l’indemnité n’est pas subordonné à la possibilité de bénéficier d’une pension à taux plein.

Comme pour le licenciement, l’indemnité de départ à la retraite est fixée par la loi et par la plupart des conventions collectives.

Le taux de l’indemnité légale est au moins égal à (C. trav. art. D 1237-1) :

– Un demi-mois de salaire après 10 ans d’ancienneté ;

– Un mois de salaire après 15 ans d’ancienneté ;

– Un mois et demi de salaire après 20 ans d’ancienneté ;

– Deux mois de salaire après 30 ans d’ancienneté.

Ainsi, le montant de l’indemnité de départ à la retraite est particulièrement bas, plafonné à seulement deux mois de salaire brut à partir de 30 ans d’ancienneté.

Beaucoup de salariés sont surpris par ces chiffres qu’ils découvrent lorsque se pose la question de la fin de leur carrière professionnelle.

L’indemnité légale de départ à la retraite est une indemnité minimum. Le salarié doit bénéficier, le cas échéant, de l’indemnité plus favorable prévue dans une convention ou un accord collectif de travail ou dans le contrat de travail (Circ. DRT 10 du 8-9-198).

Cependant, il est rare que les conventions collectives (CCN) prévoient des montants beaucoup plus importants que le minimum légal (ex. CCN de l’immobilier : entre un demi-mois et 3 mois de salaire pour une ancienneté comprise entre 5 et 30 ans ; CCN de l’automobile : indemnité conventionnelle similaire à l’indemnité légale).

Par ailleurs, le régime social et fiscal de l’indemnité de départ à la retraite ne bénéficie pas d’un traitement favorable.

En effet, pour la Cour de cassation, l’indemnité versée au salarié qui quitte volontairement l’entreprise pour bénéficier du droit à une pension de vieillesse n’a pas pour objet de compenser un préjudice et constitue donc une rémunération (Cass. soc. 30-1-2008 n° 06-17.531).

Il en résulte qu’elle est soumise, dans sa totalité :

– aux cotisations et contributions sociales, à la CSG, à la CRDS et aux taxes et participations assises sur les salaires dont l’assiette est harmonisée avec celle des cotisations de sécurité sociale ;

– à l’impôt sur le revenu.

Compte tenu du montant peu élevé de l’indemnité de départ à la retraite, certains salariés préfèrent négocier la rupture de leur contrat de travail, et deux situations doivent être distinguées.

2/ Le cas du salarié n’ayant pas atteint l’âge requis pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein

Le salarié peut bénéficier d’une pension de retraite de base à taux plein, versée par le régime général de la Sécurité sociale, s’il remplit une condition d’âge ou de durée d’assurance retraite (trimestres) variant selon son année de naissance.

L’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite est fixé à 62 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955 (CSS art. L 161-17-2).

Par ailleurs, l’article D. 161-2-1-9 du Code de la sécurité sociale prévoit que cet âge est fixé à :

– 60 ans pour les assurés nés avant le 1er juillet 1951 ;

– 60 ans et 4 mois pour les assurés nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 1951 ;

– 60 ans et 9 mois pour les assurés nés en 1952 ;

– 61 ans et 2 mois pour les assurés nés en 1953 ;

– 61 ans et 7 mois pour les assurés nés en 1954.

Le salarié peut solliciter la liquidation de sa retraite à cet âge, ou choisir de différer sa demande afin d’acquérir le nombre de trimestres d’assurance requis pour obtenir une retraite à taux plein (CSS art. R 351-27).

Le salarié peut également s’engager dans une négociation de départ “classique” avec l’employeur, ce qui lui permet de bénéficier d’une prise en charge par Pôle Emploi.

En effet, les allocations chômage continuent d’être versées par l’organisme jusqu’à ce que le bénéficiaire ait cumulé le nombre de trimestres requis, dans la limite de ses droits aux allocations chômage.

Par ailleurs, le départ négocié permet au salarié de bénéficier du régime social et fiscal favorable des indemnités de rupture.

Pour rappel, ces indemnités sont exclues de l’assiette des cotisations sociales, dans la limite d’un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale (« PASS »), soit 82.272 euros pour 2021.

La partie excédentaire est soumise à cotisations patronales et salariales, étant précisé que le montant qui excède l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est toujours soumis à CSG / CRDS, soit 9,7 % au total, à la charge du salarié.

Enfin, lorsque les indemnités de rupture dépassent 10 fois le PASS (soit 411.360 euros en 2021), elles sont soumises à cotisations sociales dès le 1er euro.

Une spécificité concerne l’indemnité de rupture conventionnelle, qui est soumise en plus au forfait social de 20 % portant sur sa fraction exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale.

Attention : l’indemnité de rupture conventionnelle est intégralement assujettie aux cotisations sociales, à la CSG et à la CRDS lorsqu’elle est versée à un salarié en droit de bénéficier d’une pension de retraite (Circ. Acoss 2008-81 du 16-10-2008 n° 2.2 ; Cass. 2e civ. QPC 13-6-2019 n° 19-40.011).

Sur le plan fiscal, les indemnités de rupture sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite suivante (la plus haute est retenue) :

– Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite de six fois le PASS (246.816 euros en 2021) ;

– Soit 50 % du montant de l’indemnité si ce seuil est supérieur, toujours dans la limite de six fois le PASS ;

– Soit le montant de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi, et ce sans limite.

Enfin, le versement d’une indemnité « supra-légale » génère un différé spécifique d’indemnisation qu’il est possible d’éviter en tout ou partie grâce au versement d’une indemnité forfaitaire de conciliation.

3/ Le cas du salarié ne pouvant pas être mis à la retraite d’office par l’employeur

L’employeur peut mettre d’office le salarié à la retraite lorsque celui-ci a atteint 70 ans, étant précisé que sont nulles toutes stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail et d’un contrat de travail prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail d’un salarié en raison de son âge ou du fait qu’il serait en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse (C. trav. art. L 1237-4 et s.).

Pour les salariés de moins de 70 ans ayant atteint l’âge requis pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein, l’employeur peut néanmoins proposer la mise à la retraite selon une procédure spécifique.

En effet, ce dernier peut interroger le salarié par écrit, dans un délai de 3 mois avant son anniversaire, sur son intention de quitter volontairement l’entreprise. Si le salarié donne son accord, il peut alors être mis à la retraite.

En cas de refus exprimé par le salarié dans un délai d’un mois, ou à défaut pour l’employeur d’avoir suivi cette procédure, il n’est plus possible de mettre le salarié à la retraite durant l’année qui suit sa date anniversaire (C. trav. art. L 1237-5 D 1237-2-1).

La mise à la retraite d’un salarié lui ouvre droit à une indemnité de mise à la retraite au moins égale à l’indemnité légale de licenciement (C. trav. art. L 1237-7).

Cette indemnité légale de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants (C. trav. art. R. 1234-2) :

– Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans ;

– Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de 10 ans.

En cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.

Si une convention collective ou un accord d’entreprise prévoient un taux plus avantageux pour l’indemnité de départ à la retraite, celui-ci s’applique à la place de l’indemnité légale (Cass. soc. 30-9-2009, n° 08-40.353).

Au-delà, rien n’interdit au salarié de négocier une indemnité complémentaire avec l’employeur, tout en profitant d’un régime social et fiscal favorable.

En effet, les indemnités de mise à la retraite sont exonérées des cotisations de sécurité sociale dans la limite de deux fois le PASS, à hauteur de l’indemnité non imposable à l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire à hauteur du plus élevé des trois montants suivants (CGI art. 80 duodecies ; CSS art. L 242-1, II-7°) :

– Le montant de l’indemnité prévu par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;

– La moitié du montant total de l’indemnité versée ;

– Deux fois le montant du salaire annuel brut perçu par le salarié l’année civile précédant la rupture du contrat.

Concernant la CSG-CRDS, l’indemnité de mise à la retraite est exonérée dans la limite du montant légal ou conventionnel de licenciement ou de mise à la retraite.

Enfin, les indemnités qui dépassent 10 PASS sont soumises à cotisations dès le 1er euro.

En conclusion, beaucoup de solutions d’optimisation du départ s’offrent aux salariés approchant l’âge de la retraite, à condition de déployer une stratégie de négociation pertinente et efficace.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat de travail : quel régime social et fiscal ?

Indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat de travail : quel régime social et fiscal ? 2560 1707 sancy-avocats.com

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Le régime social et fiscal des indemnités de rupture est clairement défini par le Code de la sécurité sociale et le Code général des impôts. En revanche, le traitement de l’indemnité transactionnelle réparant un préjudice lié à l’exécution du contrat de travail est plus complexe à cerner.

1. Observations liminaires : les enjeux 

Les litiges entre l’employeur et le salarié surviennent souvent à l’occasion de la rupture du contrat. Toutefois, des différends peuvent s’élever au sujet de l’exécution de la relation professionnelle : souffrance au travail, harcèlement moral, repos compensateur, heures supplémentaires, indemnité de non-concurrence,… 

Déterminer précisément le régime de l’indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat de travail présente une importance considérable.

En premier lieu, si l’employeur accepte de verser une indemnité au salarié, il entend naturellement, en contrepartie, régler le différend ou le litige préexistant entre eux.

Or, la remise en cause du régime de l’indemnité est susceptible de fragiliser la transaction, puisque les concessions de l’employeur et du salarié se trouvent alors modifiées, voire bouleversées.

Par ailleurs, un redressement Urssaf affectant l’indemnité engendre un coût supplémentaire pour l’employeur contraint d’acquitter les cotisations patronales et de précompter les cotisations salariales (sans garantie de récupérer le montant correspondant à ces dernières auprès du salarié).

En second lieu, le salarié subit un important préjudice si l’Urssaf considère l’indemnité transactionnelle comme un élément de salaire.

En effet, en ce cas, il est redevable des cotisations salariales (environ 23 à 25 %) et de l’impôt sur le revenu selon son taux moyen d’imposition.

La perception d’une indemnité transactionnelle pouvant représenter un montant important en proportion du salaire moyen, le salarié fait alors face à une surimposition particulièrement préjudiciable.

2. Principe : le régime de l’indemnité dépend de la nature de l’élément réparé 

Comme évoqué ci-dessus, la transaction conclue au cours de l’exécution du contrat de travail peut avoir pour objet de régler un litige relatif :

– à des éléments de salaire : heures supplémentaires, primes diverses, repos compensateurs,…

– à une souffrance physique ou psychique (au sens du « pretium doloris ») : harcèlement moral ou sexuel, préjudice moral lié à une situation de souffrance au travail,…

Or, c’est la nature de l’élément réparé par l’indemnité transactionnelle qui détermine son régime social et fiscal.

2.1 Régime social

Comme l’indique la Cour de cassation (Cass. 2e civ. 28-11-2019 n° 18-22.807), les sommes versées en exécution des transactions conclues avec les salariés constituant un élément de rémunération versé en contrepartie ou à l’occasion du travail entrent dans l’assiette des cotisations et contributions.

En l’espèce, l’indemnité transactionnelle avait été versée en réparation du préjudice subi du fait du refus de la société d’accorder des jours de repos complémentaires ou de compenser des heures de dotation vestimentaire.

Cette solution avait déjà été retenue au sujet d’une indemnité transactionnelle tendant à indemniser le préjudice né de l’impossibilité, pour des salariés, de prendre leur pause accordée en compensation du temps d’habillage et de déshabillage (Cass. 2e civ. 19-1-2017 n° 16-11.472).

A l’inverse, si l’indemnité transactionnelle a pour objet de réparer un préjudice dénué de tout caractère salarial, elle n’a pas à être assujettie aux cotisations et contributions sociales, à la CSG, à la CRDS et aux taxes et participations assises sur les salaires dont l’assiette est harmonisée avec celle des cotisations de sécurité sociale.

L’Urssaf adopte la même solution, dans les termes suivants (source : urssaf.fr) :

« Pour distinguer les sommes qui ont un caractère indemnitaire de celles qui ont le caractère de rémunération, le sens et la portée de la transaction peuvent être recherchés : 

– à partir des termes mêmes du document transactionnel,

– mais aussi à partir des éléments extérieurs à cette transaction (circonstances de fait, relations entre les parties…). 

L’Urssaf est ainsi compétente pour rechercher si l’indemnité transactionnelle versée correspond à une ou plusieurs indemnités susceptibles d’être exonérées, ou bien s’il s’agit d’éléments de salaire soumis à cotisations. »

Il en résulte que les sommes versées par l’employeur pour indemniser le salarié victime d’un préjudice physique, psychique, psychologique, moral, d’image, etc., ne doivent pas se voir appliquer de cotisations, contributions, de CSG et de CRDS,…

2.2. Régime fiscal 

Les dommages-intérêts versés au salarié en réparation d’un préjudice lié à l’exécution du contrat et n’ayant aucun lien avec un élément de salaire ne sont pas visés par les articles 79 à 81 quater du Code général des impôts (CGI).

Pour rappel, ces articles définissent le revenu imposable et sont compris dans un § V du CGI intitulé « V : Traitements, salaires, pensions et rentes viagères (Articles 79 à 90) ».

Par exception, il résulte de l’article 80 du CGI que sont imposées comme des traitements et salaires les indemnités, au-delà d’un million d’euros, « perçues au titre du préjudice moral fixées par décision de justice. »

En conclusion, l’indemnité allouée au salarié en raison d’un préjudice subi lors de l’exécution du contrat de travail n’est pas imposable, sauf si elle a la nature d’un élément de salaire.


3. Date de versement de l’indemnité transactionnelle
 

La question se pose de savoir si la date de versement de l’indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat a une incidence sur son régime social et fiscal tel qu’exposé ci-dessus (§2).

Plus précisément, le traitement de cette indemnité est-il identique si l’indemnité est versée au cours de l’exécution du contrat ou après sa rupture ?

L’interrogation est légitime puisque les indemnités de rupture font l’objet d’un traitement spécifique.

En effet, les articles L. 242-1 du Code de la sécurité sociale et 80 duodecies du CGI règlent le régime social et fiscal de l’indemnité transactionnelle versée « à l’occasion de la rupture du contrat de travail. »

Toutefois, les sommes perçues « à l’occasion de » la rupture du contrat de travail correspondent à celles qui sont versées « en lien avec » la rupture du contrat de travail.

En effet, les textes visent notamment les indemnités de licenciement, de mise à la retraite, les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,…

En d’autres termes, le fait que l’indemnité transactionnelle relative à l’exécution du contrat soit versée avant ou après la rupture de la relation de travail est indifférent au regard du régime social et fiscal de l’indemnité. 


4. Conséquences au regard du différé spécifique d’indemnisation Pôle Emploi
 

Pôle Emploi applique un différé spécifique au salarié qui a touché des indemnités liées à la rupture du contrat de travail, quelle que soit leur nature, « dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative. »

Ce différé concerne donc les salariés qui ont perçu de leur employeur, lors de la rupture du contrat de travail, des indemnités supérieures à celles strictement prévues par la loi (indemnités dites « supra-légales »).

À titre d’exemples, peuvent déclencher ce différé l’indemnité de rupture conventionnelle ou l’indemnité conventionnelle, si elles dépassent le montant de l’indemnité légale.

La durée maximale du différé spécifique d’indemnisation est de 150 jours calendaires, ou de 75 jours calendaires en cas de rupture du contrat pour motif économique.

Ce différé est calculé comme suit : Indemnités supra légales ÷ 95,8.

Or, en cas de perception d’une indemnité transactionnelle liée à l’exécution du contrat de travail, ce différé n’a pas vocation à jouer.

En effet, selon le règlement général d’assurance-chômage :

– « Le différé visé au § 1er est augmenté d’un différé spécifique en cas de prise en charge consécutive à une cessation de contrat de travail ayant donné lieu au versement d’indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature. 

Il est tenu compte pour le calcul de ce différé, des indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature, dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative. »

D’ailleurs, l’indemnité ne doit pas être mentionnée dans le cadre 6.3 de l’attestation Pôle Emploi intitulé « sommes versées l’occasion de la rupture (solde de tout compte). »

En effet, comme le précise la notice de l’attestation Pôle emploi, ce cadre contient les « indemnités de fin de contrat. »

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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CSE et vote électronique : solutions inédites de la Cour de cassation

CSE et vote électronique : solutions inédites de la Cour de cassation 2560 1709 sancy-avocats.com

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Dans un arrêt du 13 janvier 2021 (n°19-23.533), la chambre sociale de la Cour de cassation répond clairement à trois questions relatives à la contestation du recours, par l’employeur, au vote électronique à l’occasion de l’élection du CSE.

Préambule : rappel des règles applicables 

Le Code du travail prévoit la possibilité de recourir au vote électronique pour l’élection des membres de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE), « si un accord collectif d’entreprise ou de groupe, ou, à défaut, l’employeur le décide » (C. trav. art. L. 2314-26 et R. 2314-5).

En particulier, comme le dispose l’article R. 2314-5, al. 2 :

– « sans préjudice des dispositions relatives au protocole d’accord préélectoral prévues aux articles L. 2314-5 et suivants, la possibilité de recourir à un vote électronique est ouverte par un accord d’entreprise ou par un accord de groupe. A défaut d’accord, l’employeur peut décider de ce recours qui vaut aussi, le cas échéant, pour les élections partielles se déroulant en cours de mandat. »

Cette disposition soulève plusieurs questions distinctes :

– Comment interpréter la formule « à défaut d’accord » permettant à l’employeur de décider du recours au vote électronique ?

– En l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise, l’employeur doit-il engager une négociation dérogatoire ?

– La contestation de la décision de recourir au vote électronique relève-t-elle du contentieux des accords collectifs ou du contentieux du processus électoral ?

L’arrêt du 13 janvier 2021, largement publié (FS-P+R+I) répond clairement à ces questions.

1/ Comment interpréter la formule « à défaut d’accord » permettant à l’employeur de décider du recours au vote électronique ?  

Plusieurs dispositions du Code du travail prévoient la mise en place de dispositifs collectifs au sein de l’entreprise au moyen d’un accord d’entreprise, « ou, à défaut d’accord », par l’employeur, c’est-à-dire unilatéralement.

En l’occurrence se posait la question de savoir si l’employeur devait obligatoirement avoir tenté de négocier un accord d’entreprise avant de recourir au vote électronique.

Pour la Cour de cassation :

– « Il ressort de ces dispositions que ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu que l’employeur peut prévoir par décision unilatérale la possibilité et les modalités d’un vote électronique. »

Ainsi, la Cour de cassation se prononce en faveur du caractère subsidiaire, et non simplement alternatif, de la décision de l’employeur de recourir au vote électronique pour l’élection du CSE.

L’employeur doit donc pouvoir justifier de l’échec des négociations avant de décider, seul, de mettre en place le vote électronique.

La Cour de cassation (Cass. Soc. 17-04-2019, n°18-22.948) avait statué dans des termes similaires, en particulier au sujet de la détermination du périmètre des établissements distincts, autorisant l’employeur à déterminer ce périmètre en l’absence d’accord (C. trav. art. L. 2313-4) :

– « Ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu que l’employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts. »

2/ En l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise, l’employeur doit-il engager une négociation dérogatoire ?

En l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise, les membres titulaires du CSE peuvent conclure des accords collectifs s’ils sont expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l’entreprise ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives (C. trav. art. L. 2232-24).

La validité des accords conclus en application de cet article est subordonnée à leur approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Par ailleurs, les représentants du personnel qui n’ont pas été expressément mandatés peuvent conclure des accords collectifs, à condition que ceux-ci soient signés par des membres du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés des dernières élections professionnelles (C. trav. art. L. 2232-25).

Il importe donc de savoir si l’employeur a l’obligation « d’épuiser » ces possibilités de négociation avant d’envisager le recours unilatéral au vote électronique.

La Cour de cassation y apporte une réponse négative, formulée dans ces termes :

– « Dès lors que le législateur a expressément prévu qu’à défaut d’accord collectif, le recours au vote électronique pouvait résulter d’une décision unilatérale de l’employeur, cette décision unilatérale peut, en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise ou dans le groupe, être prise par l’employeur sans qu’il soit tenu de tenter préalablement une négociation selon les modalités dérogatoires prévues aux articles L. 2232-23 à L. 2232-26 du code du travail. »

La réponse de la Cour de cassation est très claire : les dispositions sur la négociation dérogatoire sont des dispositions subsidiaires.

3/ La contestation de la décision de recourir au vote électronique relève-t-elle du contentieux des accords collectifs ou du contentieux du processus électoral ?

Il résulte de l’article L. 2314-32 du Code du travail que les contestations relatives à l’électorat, à la composition des listes de candidats, à la régularité des opérations électorales et à la désignation des représentants syndicaux sont de la compétence du juge judiciaire.

L’article R. 2314-23 prévoit que le tribunal judiciaire (anciennement : le tribunal d’instance) statue en dernier ressort sur ces contestations. Seul un pourvoi en cassation est donc ouvert aux parties.

A l’inverse, le contentieux des accords collectifs relève du droit commun, c’est-à-dire du tribunal judiciaire statuant en premier ressort (anciennement : tribunal de grande instance). Un appel doit donc être formé à l’encontre du jugement contesté.

Dans l’arrêt du 13 janvier 2021, la Cour de cassation décide que le contentieux portant sur l’accord collectif ou la décision unilatérale de l’employeur décidant du recours au vote électronique, relève du tribunal judiciaire statuant en dernier ressort.

La solution était loin d’être évidente car la Cour de cassation avait jugé que l’accord collectif décidant du principe du recours au vote électronique était un accord de droit commun, distinct du protocole préélectoral, et soumis aux conditions de validité de droit commun (Cass. soc. 28-09-2011, n°10-27.370).

 

Xavier Berjot
Avocat associé
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Rupture conventionnelle et manœuvres dolosives

Rupture conventionnelle et manœuvres dolosives 2560 1440 sancy-avocats.com

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Un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. soc. 6-1-2021, n° 19-18.549) rappelle que la rupture conventionnelle est nulle en cas de manœuvres dolosive. En l’espèce, l’employeur avait conclu la rupture conventionnelle en cachant au salarié l’existence d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

1/ L’arrêt

Un salarié avait été engagé par la société Lotoise d’Evaporation le 13 mars 2000, exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable de production.

Le 18 décembre 2015, le salarié et l’employeur avait signé une convention de rupture.

Soutenant que la Société avait obtenu sa signature en fraude de ses droits, le salarié avait saisi le Conseil de prud’hommes, sollicitant la nullité de la rupture conventionnelle et la condamnation de son ancien employeur à lui verser diverses indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour rupture de l’égalité de traitement.

Le salarié soutenait notamment :

– que l’employeur qui souhaite conclure une rupture conventionnelle dans un contexte difficile doit préalablement informer le salarié de ses droits afin que celui-ci puisse en toute connaissance de cause opter pour ce mode de rupture si les garanties attachées au licenciement économique ne s’avèrent pas plus avantageuses pour lui.

- qu’en lui dissimulant volontairement l’établissement d’un PSE dont il aurait dû bénéficier du fait de la suppression de son poste, l’employeur s’était rendu coupable d’une fraude à la loi devant entraîner l’annulation de la rupture conventionnelle ;

- que cette fraude n’avait pas consisté à éviter la mise en place d’un PSE, mais à l’évincer des règles protectrices du PSE dont l’établissement est d’ordre public ;

- que son consentement avait été vicié par le mensonge et la dissimulation volontaire des discussions qui étaient en cours sur le projet de réorganisation structurelle devant aboutir au PSE, dont il n’avait connu le contenu que plusieurs semaines après son départ effectif de l’entreprise.

Saisie du dossier, la Cour d’appel d’Agen (CA Agen, ch. soc., 16 avr. 2019, n° 17/01238) avait annulé la rupture conventionnelle, en se fondant sur le dol de l’employeur tel que défini par l’article 1137 du Code civil :

– « Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. 

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. 

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »

En l’occurrence, la Cour relève qu’un document d’information et de consultation présenté au comité d’entreprise le 16 février 2016 prévoyait des licenciements collectifs et des mesures d’accompagnement.

Le projet ouvrait non seulement droit à un congé de reclassement de 12 mois, avec maintien intégral du salaire pendant la durée du préavis et rémunération à hauteur de 80 % du salaire ensuite, mais comportait également des mesures d’accompagnement et des aides pour financer la formation à la création d’entreprise (4 000 euros) et la reprise d’entreprise (7 500 euros).

Or, les faits mettaient en lumière que, si le salarié avait été informé de la suppression de son poste, prévue dans le plan, et par voie de conséquence de son droit à bénéficier du PSE et des mesures d’accompagnement, il n’aurait pas accepté de signer la rupture conventionnelle.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel d’Agen, au motif suivant :

– « La cour d’appel, qui a constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l’employeur avait dissimulé au salarié l’existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d’un plan de sauvegarde de l’emploi en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste, et que cette dissimulation avait été déterminante du consentement de celui-ci, a légalement justifié sa décision. »

2/ Les précédents jurisprudentiels

L’analyse de la jurisprudence montre que la rupture conventionnelle peut être annulée lorsque le consentement du salarié a été vicié, même en l’absence de manœuvres dolosive de la part de l’employeur.

A titre d’illustrations, sont nulles les ruptures conventionnelles conclues dans les contextes suivants :

– Rupture conventionnelle signée alors que le salarié se trouve dans une situation de violence morale en raison d’un harcèlement et des troubles psychologiques qui en découlent, cette situation caractérisant un vice du consentement (Cass. soc. 29-1-2020 n° 18-24.296).

– Situation dans laquelle l’employeur avait menacé la salariée de voir ternir la poursuite de son parcours professionnel en raison des erreurs et manquements de sa part « justifiant un licenciement » et l’avait incitée, par une pression, à choisir la voie de la rupture conventionnelle (Cass. soc. 23-5-2013 n° 12-13.865).

– Convention de rupture intervenue en période de suspension de contrat de travail pour maladie, sans que le salarié soit mis en mesure de se faire assister, ce qui caractérise la précipitation qui pèse sur la liberté de consentir (CA Amiens 11-1-2012 n° 11-00555).

– Convention de rupture signée par un salarié le jour même de l’entretien sans avoir pu disposer d’un temps de réflexion, alors qu’il avait un état de santé fragile et revenait seulement d’un arrêt de travail de 3 mois et demi sans avoir passé de visite de reprise et qu’il existait des tensions importantes entre les parties (CA Lyon 7-11-2013 n° 12-04126).

Dans ces exemples, le vice du consentement résulte de manquements de l’employeur mais qui ne caractérisent pas un dol, d’un point de vue juridique.

En effet, le dol suppose des manœuvres des mensonges ou une dissimulation volontaire, conformément à l’article 1137 du Code civil.

Un dol a pu être relevé dans les affaires suivantes, l’employeur ayant trompé le salarié sur ses droits, soit en lui mentant (1ère affaire), soit en dissimulant une information essentielle (2nde affaire) :

– Convention de rupture signée par un salarié âgé, ayant un enfant à charge et des problèmes de santé, après un courrier l’informant d’une nouvelle affectation dans un département éloigné et lui précisant qu’il s’agissait d’un simple changement de ses conditions de travail alors que l’employeur savait manifestement que la nouvelle affectation constituait une modification du contrat de travail que le salarié était en droit de refuser (CA Toulouse 24-10-2013, n° 12-01904).

– Rupture conventionnelle signée en fin d’année par un salarié, sans que son employeur ne l’ait informé de ce qu’un PSE allait être mis en œuvre dès le début de l’année suivante pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, le salarié établissant qu’il n’aurait jamais signé de rupture négociée s’il avait eu cette information (CA Bourges 9-11-2012, n° 11-1667).

Ainsi, que le vice du consentement résulte ou non de manœuvres dolosives, la rupture conventionnelle est nulle.

En revanche, en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas, en elle-même, la validité d’une rupture conventionnelle (Cass. soc. 23-1-2019 n° 17-21.550).

De même, la rupture conventionnelle peut intervenir dans un contexte de difficultés économiques si elle n’a pas pour but d’éluder les règles impératives en matière de PSE en s’inscrivant dans un processus de réduction des effectifs (CA Lyon 4-12-2012 n° 12-01592).

L’Administration retient la même analyse, considérant qu’un contexte économique difficile pour l’entreprise, voire un PSE circonscrit à d’autres emplois ne sont pas à eux seuls suffisants pour exclure l’application de la rupture conventionnelle (Circ. DGT 2009-5 du 17-3-2009 n° 1.4).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Harcèlement sexuel : comment se caractérise-t-il ?

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Un arrêt de la Cour de cassation du 18 novembre 2020 (n° 19-81790) apporte des précisions sur les contours de la notion de harcèlement sexuel. Cette décision offre l’occasion de rappeler comment se caractérise ce délit.

1. La définition légale du harcèlement sexuel 

Le harcèlement sexuel est interdit par le Code du travail mais également réprimé par le Code pénal. 

1.1. Le Code du travail 

Selon l’article L. 1153-1 du Code du travail :

– « Aucun salarié ne doit subir des faits : 

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; 

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. » 

La loi vise tous les actes ou propos à connotation sexuelle, de sorte que le harcèlement sexuel  n’est pas limité aux agissements physiques, tels que des attouchements.

Ainsi, tout propos, exprimé de vive voix ou par écrit, ou tout autre acte tel que placer en évidence sur le bureau d’une personne ou dans sa voiture des revues pornographiques, lui tenir des propos grivois sur son comportement sexuel présumé ou avoir devant elle des gestes obscènes, par exemple, entre dans le champ de la définition (Rapport Sénat n° 619).

La condition de répétition des actes, inhérente à la notion même de harcèlement, exige simplement que les faits aient été commis à au moins deux reprises.

A l’inverse, un agissement à connotation sexuelle visé à l’article L. 1153-1, 1° du Code du travail, commis isolément, n’est pas constitutif de harcèlement sexuel au sens de ce texte.

Ce fait peut cependant être sanctionné sur le fondement du § 2 du texte (le harcèlement par assimilation), qui exclut explicitement la notion de « répétition. »

Sont visés ici les faits de chantage sexuel, qui peuvent être commis en des occasions uniques, telles qu’un entretien d’embauche ou l’attribution d’une promotion professionnelle (Rapport Sénat n° 619).

Comme l’a précisé la circulaire CRIM n° 2012-15 du 7 août 2012 relative à la présentation des dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, « un acte unique suffit à caractériser l’infraction assimilée à un harcèlement sexuel. »

1.2. Le Code pénal

Le harcèlement sexuel ne se rencontre pas uniquement dans un contexte professionnel et l’article 222-33 du Code pénal le sanctionne de manière plus générale :

– « I. – Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

L’infraction est également constituée : 

1° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ; 

2° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. 

– Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »

Le Code pénal insiste sur « le fait d’imposer » des agissements physiques ou verbaux, ce qui implique l’absence de consentement de la victime des faits.

2. Les illustrations jurisprudentielles du harcèlement sexuel

Face à certaines situations ambiguës, la jurisprudence a été conduite à préciser les contours de la notion de harcèlement sexuel.

2.1. L’intention de l’auteur des faits 

Dans un arrêt du 18 novembre 2015 (Cass. crim. 18-11-2015 n° 14-85.591), la Cour de cassation a jugé que se rend coupable de harcèlement sexuel le responsable hiérarchique qui, même s’il a mésestimé la portée de ses agissements, a imposé aux victimes, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle les ayant placées dans une situation intimidante, hostile ou offensante objectivement constatée.

En l’espèce, ce responsable faisait valoir, pour sa défense, qu’il n’avait pas eu conscience d’avoir imposé les actes litigieux aux victimes.

Il invoquait l’article 121-3, al. 1er du Code pénal selon lequel « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. »

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi du prévenu, dans la mesure où la Cour d’appel avait relevé que c’est en connaissance de cause qu’il avait imposé, de façon répétée, des propos et comportements à connotation sexuelle.

La Cour de cassation avait précédemment considéré que caractérise un harcèlement sexuel le fait, pour l’employeur, de multiplier les cadeaux, les appels et messages téléphoniques, de se rendre au domicile de la salariée et de s’introduire dans sa vie privée dans le but de la convaincre à céder à ses avances (Cass. soc. 3-3-2009 n° 07-44.082).

Dans l’arrêt du 18 novembre 2019 (n° 19-81790), la Cour de cassation juge, de manière similaire, que le harcèlement sexuel est caractérisé en présence d’emails d’un salarié, exprimant de façon répétée son désir explicite d’avoir une relation d’ordre sexuel avec sa collègue, en dépit des refus réitérés de cette dernière.

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait relevé que le prévenu avait imposé à sa collègue, d’une façon réitérée, des propos à connotation sexuelle, en dehors de tout contexte de plaisanterie ou de familiarité, créant à son encontre une situation offensante, génératrice d’une incapacité de travail.

En conclusion, les avances peuvent être assimilées à un harcèlement sexuel, dès lors que la victime exprime clairement son refus à l’auteur des agissements.

Les juges du fond retiennent la même interprétation, comme l’illustrent les arrêts suivants :

– Constitue un harcèlement sexuel le fait, pour un éducateur, d’émettre des réflexions sur le physique de collègues et de proposer à certaines d’entre elles, à plusieurs reprises et de manière insistante, d’avoir des relations sexuelles avec lui (CA Pau 15-1-2009 n° 07-1694).

– Est assimilé à un harcèlement sexuel l’envoi de plusieurs SMS par un supérieur hiérarchique, contenant des propos tels que « je te souhaite une douce journée avec plein de baisers sur tes lèvres de velours » (Cass. soc. 12-2-2014 n° 12-26.652).

A l’inverse, l’envoi de SMS sentimentaux par un salarié à une collègue, révélant une tentative de séduction, ne s’analyse pas comme un harcèlement sexuel (CA Dijon 4-4-2013 n° 12-00737).

De même, inviter une collègue à déjeuner ne suffit pas à conclure à l’existence d’un harcèlement sexuel (Cass. soc. 8-07-2020 n° 18-24320). 

2.2. Le consentement de la victime 

Comme évoqué ci-dessus, le Code pénal insiste sur l’absence de consentement de la victime des faits, ce qui n’est pas le cas du Code du travail.

Pour la Cour de cassation, ne commet pas une faute grave le responsable d’exploitation ayant envoyé, depuis son téléphone professionnel, de manière répétée et durable entre 2011 et 2013, des SMS au contenu déplacé et pornographique à une salariée avec laquelle il était entré dans un jeu de séduction réciproque (Cass. soc. 25-9-2019 n° 17-31.171).

En l’espèce, la Cour d’appel avait noté que la salariée avait reconnu s’être amusée à répondre aux messages écrits de son collègue et avait adopté un comportement ambigu à son égard.

Ainsi, en l’absence de toute pression grave ou de toute situation intimidante, hostile ou offensante à l’encontre de la salariée, l’attitude ambiguë de cette dernière, qui avait ainsi volontairement participé à un jeu de séduction réciproque, excluait la qualification de harcèlement sexuel.

La Cour de cassation avait déjà écarté le harcèlement sexuel en présence de faits s’inscrivant dans un contexte de familiarité réciproque (Cass. soc. 10-7-2013 n° 12.11.787).

Cette solution jurisprudence rejoint la position de l’administration (circ. CRIM n° 2012-15 du 7 août 2012) :

– Le non consentement de la victime est un des éléments constitutifs du délit, qui suppose des actes imposés par leur auteur, et donc subis et non désirés par la victime.

– La loi n’exige toutefois nullement que la victime ait fait connaître de façon expresse et explicite à l’auteur des faits qu’elle n’était pas consentante (ce qui pourrait par exemple résulter d’une demande formulée par écrit ou devant témoins de mettre un terme aux agissements).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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