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Xavier Berjot

Rupture anticipée du CDD et indemnité transactionnelle : le régime social et fiscal

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Le régime social et fiscal des indemnités de rupture du CDD a récemment fait l’objet d’évolutions jurisprudentielles et de précisions de l’administration. Les règles sont désormais (un peu) plus claires.

1/ Rappels préalables

La rupture anticipée du CDD qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat (C. trav. art. L. 1243-4).

La loi visant la notion de « dommages et intérêts », la question du régime social et fiscal de l’indemnité transactionnelle versée au salarié pour régler un litige portant sur la rupture anticipée du CDD a été posée aux juridictions. 

2/ L’indemnité transactionnelle soumise à cotisation sociales et à l’impôt sur le revenu 

Pour la Cour de cassation, les sommes accordées, même à titre transactionnel, en cas de rupture anticipée d’un CDD ne sont pas au nombre de celles limitativement énumérées par l’article 80 duodecies du CGI auquel renvoie l’article L. 242-1 du CSS, si bien que de telles sommes ne peuvent pas être exclues de l’assiette des cotisations de sécurité sociale (Cass. 2e civ. 7-10-2010 n° 09-12.404).

La solution a été réaffirmée récemment dans des termes strictement similaires (Cass. 2e civ. 6-7-2017 n° 16-17.959).

Pour autant, en cas de rupture anticipée du CDD imputable à l’employeur, les sommes versées par ce dernier n’ont pas le caractère de salaire et ne doivent pas donner lieu à remise de bulletins de paie (Cass. soc. 6-5-2015 n° 13-24.261).

La solution peut sembler surprenante puisqu’en application de l’article R. 3243-1 du Code du travail, les sommes versées par l’employeur et soumises à cotisations doivent obligatoirement figurer sur le bulletin de paie.

Cela est d’autant plus vrai que l’indemnité de rupture anticipée du CDD est assujettie à l’impôt sur le revenu et doit donc faire l’objet d’un prélèvement à la source (CGI. art. 80 duodecies).

Pour l’administration, demeurent soumises à cotisations et contributions de sécurité sociale les indemnités, qui, par nature, constituent un élément de rémunération.

Est ainsi notamment assujettie l’indemnité prévue par l’article L. 1243-4 du Code du travail en cas de rupture anticipée par l’employeur d’un CDD, pour sa partie correspondant aux salaires qu’aurait perçus le salarié jusqu’au terme du contrat (Circ. interministérielle DSS 145 du 14-4-2011 : BOSS 5-11).

Il résulte de cette circulaire que le régime des cotisations sociales s’applique uniquement à la partie de l’indemnité qui correspond aux rémunérations que le salarié aurait normalement perçues en application du CDD.

3/ L’indemnité transactionnelle soumise au régime des indemnités de rupture 

Cette solution a été réaffirmée clairement par le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (Boss) (BOSS-Ind.rupture-1280) :

– Les dommages et intérêts versés du fait de la rupture anticipée par l’employeur d’un CDD sont assujettis à l’impôt sur le revenu pour leur fraction correspondant aux salaires qu’aurait perçus le salarié jusqu’au terme du contrat, dans la mesure où ils ne réparent pas un préjudice autre que la perte des salaires dus en application de L. 1243-4 du Code du travail. Ils doivent donc également être soumis à cotisations de sécurité sociale.

– La fraction éventuelle des dommages et intérêts versés du fait de la rupture anticipée par l’employeur du CDD qui excède la valeur des salaires restants dus jusqu’au terme du contrat est soumise au régime social des indemnités versées en cas de licenciement.

Il en résulte que cette fraction est exclue de l’assiette des cotisations sociales, dans la limite d’un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale (PASS), soit 82 272 € pour 2021.

La partie excédentaire est soumise à cotisations patronales et salariales, comme les salaires.

Par ailleurs, la partie qui excède le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est toujours soumise à CSG / CRDS, soit 9,7 % au total, à la charge du salarié.

Enfin, lorsque les indemnités dépassent 10 fois le PASS (soit 411 360 € en 2021), elles sont soumises à cotisations sociales dès le premier euro.

Sur le plan fiscal, « il sera admis que l’excédent éventuel soit soumis au régime des indemnités de licenciement, c’est-à-dire soit exonéré dans les conditions et limites prévues par le 3° du 1 de l’article 80 duodecies du CGI (BOI-RSA-CHAMP-20-40-10-30). » (BOI-RSA-CHAMP-20-40-10-20). 

4/ L’indemnité transactionnelle totalement exonérée 

Enfin, si l’indemnité transactionnelle versée au salarié répare un préjudice totalement distinct de la notion de salaire ou de perte de gain liée à la rupture du CDD, celle-ci doit être exonérée conformément aux solutions retenues par la jurisprudence et l’administration.

En effet, selon la Cour de cassation, les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail, autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa de l’article L. 242-1 du CSS, sont comprises dans l’assiette de cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, à moins que l’employeur rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice (Cass. 2e civ. 15-3-2018, n° 17-11.336 ; Cass. 2e civ. 15-3-2018 n° 17-10.325).

Le Boss retient la même solution, indiquant qu’une « somme représentative de dommages-intérêts indemnisant un préjudice (moral ou personnel) autre que la perte de salaire peut dans certains cas être exclue de l’assiette des cotisations, lorsque l’employeur apporte la preuve qu’elle concourt, pour tout ou partie de son montant, à l’indemnisation d’un préjudice résultant de la rupture du contrat de travail du salarié. »

Cette solution est logique puisque l’indemnité réparant la souffrance physique ou psychique (harcèlement moral ou sexuel, souffrance au travail, dépression) correspond à des dommages-intérêts dénués de tout caractère salarial.

Sur le plan fiscal, la solution est naturellement identique.

En effet, les dommages-intérêts versés au salarié en compensation d’un préjudice n’ayant aucun lien avec un élément de salaire ne sont pas visés par les articles 79 à 81 quater du Code général des impôts (CGI).

Pour rappel, ces articles définissent le revenu imposable et sont compris dans un § V du CGI intitulé « V : Traitements, salaires, pensions et rentes viagères (Articles 79 à 90) ».

Par exception, il résulte de l’article 80 du CGI que sont imposées comme des traitements et salaires les indemnités, au-delà d’un million d’euros, « perçues au titre du préjudice moral fixées par décision de justice ».

 

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Salariés : la ventilation de l’indemnité transactionnelle

Salariés : la ventilation de l’indemnité transactionnelle 1920 2560 sancy-avocats.com

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Déterminer le régime social et fiscal de l’indemnité transactionnelle versée au salarié est infiniment plus complexe qu’il n’y paraît. Force est de constater que les praticiens ne s’accordent absolument pas sur le sujet. Pourtant, la solution existe.

1/ Les enjeux et les problématiques 

En droit du travail, la question du régime de l’indemnité transactionnelle est souvent appréhendée sous l’angle des indemnités de rupture du contrat de travail (cf. § 2 ci-dessous).

Ainsi, lorsqu’un salarié perçoit une indemnité transactionnelle après un licenciement, le régime social et fiscal habituellement appliqué à celle-ci correspond à celui des indemnités de rupture.

Or, dans de nombreuses situations, des difficultés professionnelles ont précédé le licenciement : souffrance au travail, harcèlement moral, repos compensateur non pris, heures supplémentaires ou bonus impayés, mise au placard, etc.

Ces difficultés ont pu impacter la santé et l’équilibre du salarié, de manière plus ou moins marquée : insomnie, anxiété, dépression, divorce, auto-dévalorisation, arrêts de travail, hospitalisation, etc.

En présence de tels événements, la pratique consiste souvent, s’agissant de l’indemnité transactionnelle, à retenir globalement le régime des indemnités de rupture.

Cette situation s’explique par plusieurs facteurs.

D’une part, les praticiens craignent légitimement un redressement Urssaf.

Face ce risque, les avocats et les experts-comptables sont soucieux de proposer à leurs clients des solutions sans risque tout comme les DRH ne souhaitent pas s’exposer vis-à-vis de leur direction générale.

D’autre part, les Urssaf ont pour mission, notamment, de collecter les cotisations salariales et patronales destinées à financer le régime général de la Sécurité sociale.

Ces organismes ont donc tendance à retenir des interprétations qui ne sont pas guidées par des considérations d’optimisation sociale.

La Direction générale des Finances publiques adopte la même démarche fondamentale en ce qui concerne le recouvrement de l’impôt sur le revenu.

Ces excès de précaution ou de zèle conduisent ainsi à privilégier le régime social et fiscal des indemnités de rupture, dès lors qu’il est question d’une indemnité transactionnelle.

L’application de ce régime est également liée à une certaine habitude, dans la mesure où il est clairement décrit par la loi et, donc, bien connu des acteurs des ressources humaines.

Ce faisant, le régime des indemnités de rupture est dévoyé.

En réalité, l’indemnité transactionnelle est susceptible de revêtir trois natures :

– régime des indemnités de rupture ;

– exonération totale ;

– régime des salaires.

2/ Le régime des indemnités de rupture 

2.1. Principales caractéristiques 

De manière générale, les indemnités de rupture sont exclues de l’assiette des cotisations sociales, dans la limite d’un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale (PASS), soit 82.272 € pour 2021.

La partie excédentaire est soumise à cotisations patronales et salariales, comme les salaires.

Par ailleurs, la partie qui excède le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est toujours soumise à CSG / CRDS, soit 9,7 % au total, à la charge du salarié.

Enfin, lorsque les indemnités dépassent 10 fois le PASS (soit 411.360 € en 2021), elles sont soumises à cotisations sociales dès le premier euro.

NB. Des spécificités existent, comme pour la rupture conventionnelle, le licenciement économique, l’indemnité forfaitaire de conciliation, etc.

Sur le plan fiscal, les indemnités de rupture sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite suivante (la plus haute est retenue) :

– Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite de six fois le PASS (246.816 € en 2021) ;

– Soit 50 % du montant de l’indemnité si ce seuil est supérieur, toujours dans la limite de six fois le PASS ;

– Soit le montant de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi, et ce sans limite. 

2.2. Champ d’application 

Le régime social et fiscal des indemnités de rupture est défini par les articles L. 242-1, II-7° du Code de la sécurité sociale (CSS) et 80 duodecies du Code général des impôts (CGI).

Sont ici visées les « indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail » : indemnité de licenciement, de rupture conventionnelle, de mise à la retraite, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité forfaitaire de conciliation, etc.

Curieusement, l’indemnité transactionnelle n’est pas visée par ces textes.

La jurisprudence et les administrations sociale et fiscale considèrent que cette indemnité, ayant pour objet de mettre fin à tout litige relatif à la rupture du contrat de travail, relève du régime des indemnités de rupture.

Cependant, il n’est pas possible d’affirmer que l’indemnité transactionnelle relève systématiquement de ce régime, et ce même lorsqu’elle est versée après la rupture du contrat de travail.

En effet, les articles L. 242-1 du CSS et 80 duodecies du CGI règlent simplement le sort de l’indemnité transactionnelle versée « à l’occasion de », c’est-à-dire, « en lien avec » la rupture du contrat de travail.

Or, l’indemnité transactionnelle peut réparer des préjudices de diverses natures.

C’est en ce sens que la Cour de cassation s’est prononcée dans ses arrêts de principe du 15 mars 2018 (Cass. 2e civ. 15-3-2018, n° 17-11.336 ; Cass. 2e civ. 15-3-2018 n° 17-10.325) :

« il résulte des dispositions du premier alinéa de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, dans sa rédaction applicable à la date d’exigibilité des cotisations litigieuses, sont comprises dans l’assiette de cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, à moins que l’employeur rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice. »

Cette solution a été réaffirmée postérieurement (Cass. 2e civ. 22-10-2020 n° 19-21.932).

Autrement dit, la preuve d’un préjudice distinct de la rupture du contrat de travail permet de s’écarter du régime des indemnités de rupture. 

3/ L’exonération totale 

L’indemnité transactionnelle peut avoir pour objet de réparer le préjudice né de la perte d’emploi mais peut également compenser le préjudice lié à une souffrance physique ou psychique : harcèlement moral ou sexuel, souffrance au travail, dépression, etc.

Il s’agit du « pretium doloris », littéralement le « prix de la douleur », qui désigne le dommage lié aux souffrances physiques et morales du salarié (en l’occurrence).

Or, ce pretium doloris, qui correspond à des dommages-intérêts, n’est pas soumis à cotisations sociales.

Telle est la position de la jurisprudence (§ 2.2 ci-dessus) mais aussi de l’Urssaf, telle qu’exprimée dans le bulletin officiel de la Sécurité sociale (Boss) :

« Toutefois, en dehors des indemnités pouvant être exclues de l’assiette des cotisations et contributions sociales dans les conditions prévues par la loi, une somme représentative de dommages-intérêts indemnisant un préjudice (moral ou personnel) autre que la perte de salaire peut dans certains cas être exclue de l’assiette des cotisations, lorsque l’employeur apporte la preuve qu’elle concourt, pour tout ou partie de son montant, à l’indemnisation d’un préjudice résultant de la rupture du contrat de travail du salarié. Il en va ainsi lorsqu’une décision de justice constate la réalité de ce préjudice et considère que les sommes versées constituent des dommages-intérêts. » 

Le Boss vise l’indemnisation d’un préjudice résultant de la rupture du contrat de travail mais la solution est similaire pour le préjudice subi pendant l’exécution du contrat de travail.

En effet, dans les deux cas, l’exercice consiste à prendre en considération l’élément réparé par l’indemnité transactionnelle.

A titre d’exemple, doit être assujettie à cotisations l’indemnité transactionnelle tendant à indemniser le préjudice né de l’impossibilité, pour des salariés, de prendre leur pause accordée en compensation du temps d’habillage et de déshabillage (Cass. 2e civ. 19-1-2017 n° 16-11.472).

Cette solution est logique puisque l’élément réparé a, en l’espèce, la nature d’un salaire.

A l’inverse, si l’indemnité transactionnelle a pour objet de compenser un dommage dénué de tout caractère salarial, elle n’a pas à être assujettie aux cotisations et contributions sociales, à la CSG, à la CRDS et aux taxes et participations assises sur les salaires dont l’assiette est harmonisée avec celle des cotisations de sécurité sociale.

Pour bénéficier de l’exonération totale, l’indemnité doit néanmoins compenser un préjudice « autre que la perte de salaire. »

En effet, c’est le régime des indemnités de rupture qui est applicable à l’indemnité réparant le préjudice lié à la perte de salaire.

Sur le plan fiscal, l’exonération totale s’applique également au pretium doloris.

En effet, les dommages-intérêts versés au salarié en compensation d’un préjudice n’ayant aucun lien avec un élément de salaire ne sont pas visés par les articles 79 à 81 quater du Code général des impôts (CGI).

Pour rappel, ces articles définissent le revenu imposable et sont compris dans un § V du CGI intitulé « V : Traitements, salaires, pensions et rentes viagères (Articles 79 à 90) ».

Par exception, il résulte de l’article 80 du CGI que sont imposées comme des traitements et salaires les indemnités, au-delà d’un million d’euros, « perçues au titre du préjudice moral fixées par décision de justice. »

4/ Le régime des salaires 

Lorsque la transaction prévoit le versement d’éléments à caractère de salaire, comme des accessoires et rappels de salaire, ces composantes salariales de l’indemnité transactionnelle doivent être soumises aux cotisations (Cass. soc. 11-7-1991 n° 89-11.440 ; Cass. 2e civ. 28-11-2019 n° 18-22.807).

Le Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) retient également cette solution, indiquant par exemple qu’en « cas de versement d’une indemnité transactionnelle assortie d’une clause de non-concurrence, la contrepartie financière de cette dernière demeure toujours imposable et il y a lieu, le cas échéant, de l’évaluer si son montant n’est pas prédéterminé. » 

Ainsi, la transaction portant sur des heures supplémentaires, des commissions, une indemnité de congés payés, etc., doit nécessairement prévoir d’assujettir l’indemnité à cotisations sociales (ce qui implique l’impôt sur le revenu). 

5/ La ventilation de l’indemnité transactionnelle

En pratique, lors de la négociation d’une indemnité transactionnelle, il est recommandé de procéder à une approche en trois phases :

– identifier et isoler les différents chefs de préjudice du salarié ;

– négocier puis chiffrer ces derniers ;

– appliquer à chaque chef de préjudice le régime qui lui est propre.

Prenons le cas d’un salarié licencié pour faute simple après 5 ans d’ancienneté, qui soutient avoir subi un harcèlement moral pendant de longs mois, ayant entraîné une dépression réactionnelle sévère.

En l’espèce, le préjudice de ce salarié est double : perte d’emploi, d’une part, et souffrance psychique, d’autre part.

Imaginons que les parties négocient une indemnité de 90.000 € bruts, correspondant à 10 mois de salaire.

La logique commande, en l’occurrence, de déterminer le montant payé au titre de la perte d’emploi et celui alloué au titre de la souffrance.

Par exemple, le salarié pourrait percevoir :

– une indemnité de 70.000 € bruts, assujettie à CSG/CRDS, en application du régime des indemnités de rupture ;

– des dommages-intérêts à hauteur de 20.000 €, totalement exonérés.

L’indemnité ne serait donc pas assujettie à cotisations, même si elle représente globalement plus de deux PASS (rappel : l’indemnité de licenciement entre également en compte dans l’assiette).

Inversement, lorsqu’une transaction mentionne que le salarié renonce à tous rappels de salaire, de quelque nature que ce soit, il n’est pas logique qu’une partie de l’indemnité transactionnelle ne soit pas soumise à cotisations.

En conclusion, le préambule de la transaction doit être très soigneusement ciselé car il permet d’expliciter, à l’attention des administrations sociale et fiscale et du juge, les préjudices du salarié et le régime applicable aux indemnités qui les réparent.

Xavier Berjot
Avocat associé
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Référé prud’homal : le domaine de compétence

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La compétence de la formation de référé du Conseil de prud’hommes est définie aux articles R. 1455-5 et suivants du Code du travail. Ces textes étant rédigés dans des termes généraux, la jurisprudence a pour mission de déterminer leurs cas d’application.

1/ Les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend

Dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des Conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend (C. trav. art. R. 1455-5).

Selon ce texte, deux conditions cumulatives doivent être réunies :

– L’existence d’une situation d’urgence ;

– L’absence de contestation sérieuse ou l’existence d’un différend.

Cette dernière condition mérite d’être clarifiée : en présence d’un différend, des mesures de référé peuvent être prononcées en dépit de l’existence d’une contestation sérieuse.

L’analyse de la jurisprudence établit que les situations suivantes sont susceptibles de relever de la compétence du juge des référés :

– En présence de faits de harcèlement sexuel non sérieusement contestables, le juge des référés a le pouvoir d’annuler la rupture du contrat qui repose sur des faits prohibés par l’article L. 1153-2) du Code du travail (CA Paris 18-1-1996 n° 95-7026).

– Lorsque la réalité du changement d’affectation d’un salarié est établie, celui-ci ayant été privé des responsabilités qu’il exerçait auparavant, son refus d’accepter cette modification caractérise le différend et autorise le juge des référés à ordonner des mesures conservatoires de remise en état (CA Paris 22-5-1996 n° 96-3064).

– L’employeur ayant la charge de rapporter la preuve que le salarié dont il envisage la mise à la retraite anticipée remplit les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein, et cette preuve ne pouvant résulter que d’un relevé de carrière que le salarié est seul à pouvoir détenir, il existe un motif légitime d’ordonner en référé la communication de ce document à l’entreprise (Cass. soc. 13-5-2009 n° 08-41.826).

A l’inverse, la compétence du juge des référés a été écartée dans les hypothèses visées ci-dessous :

– Il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de référés de prononcer, sauf dispositions l’y autorisant, la nullité d’un contrat. Encourt donc la cassation l’arrêt statuant en matière de référé et décidant dans son dispositif qu’une transaction était nulle (Cass. soc. 14-3-2006 n° 04-48.322).

– Le juge des référés ne peut pas ordonner la délivrance d’un certificat de travail, de bulletins de paie et d’une attestation Pôle emploi, sans répondre aux conclusions de l’employeur contestant l’existence même d’un contrat de travail (Cass. soc. 9-7-2014 n° 13-16.813).

– L’imputabilité de la rupture d’un contrat de travail, à la suite de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, n’est pas du ressort de la juridiction de référé (Cass. soc. 11-5-2005 n° 03-45.228).

2/ Les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite

La formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (C. trav. art. R. 1455-6).

Les mesures susvisées n’exigent pas la constatation d’une situation d’urgence, dès lors que l’existence d’un trouble manifestement illicite et / ou d’un dommage imminent supposent nécessairement cette situation.

Ainsi, pour la Cour de cassation, même en présence d’une contestation sérieuse, le juge des référés peut prendre l’une des mesures conservatoires prévue à l’article R. 1455-6 du Code du travail (Cass. soc. 3-7-1986 n° 83-45.048).

En revanche, fort logiquement, il n’y a plus lieu à référé lorsque le trouble allégué a disparu à la date où statue le juge (Cass. soc. 26-6-1991 n° 88-17.936).

Le demandeur peut se prévaloir d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent notamment dans les situations suivantes :

– Une retenue sur salaire en raison d’une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations contractuelles constitue une sanction pécuniaire proscrite par l’article L. 1331-2 du Code du travail. Une telle mesure justifie la compétence du juge des référés prud’homal afin de faire cesser le trouble manifestement illicite qui en résulte (Cass. soc. 20-2-1991 n° 90-41.119). 

– Le refus de l’employeur de payer la contrepartie financière de la clause de non-concurrence sans reprocher au salarié aucun acte de concurrence constitue une inexécution flagrante de la clause contractuelle et caractérise un trouble manifestement illicite. Dès lors, le juge des référés est compétent pour libérer le salarié de la clause de non-concurrence et mettre fin au trouble ainsi constaté (Cass. soc. 22-2-2000 n° 98-43.005).

– L’impossibilité pour le salarié protégé dont l’autorisation administrative de licenciement est annulée d’obtenir sa réintégration constitue un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés doit mettre fin, même en présence d’une contestation sérieuse (Cass. soc. 20-4-2017 n° 15-25.401).

En sens inverse : 

– Le juge des référés n’a pas le pouvoir de trancher le fond du litige en prononçant l’annulation d’une sanction disciplinaire (Cass. soc. 23-3-1989 n° 86-40.053).

– Lorsque la nullité du licenciement n’est pas encourue, le juge des référés n’a pas le pouvoir d’ordonner l’arrêt de la procédure ni la poursuite du contrat de travail (Cass. soc. 31-3-2004 n° 01-46.960).

En conclusion, rappelons que l’article 145 du Code de procédure civile permet d’ordonner, sur requête ou en référé, les mesures d’instruction légalement admissibles, lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, est applicable en matière prud’homale.

La Cour de cassation a précisé que, lorsqu’il statue en application de l’article 145 du Code de procédure civile, le juge des référés n’est pas soumis aux conditions relatives à l’urgence ni à l’absence de contestation sérieuse (Cass. ch. mixte 7-5-1982 n° 79-11.814).

Xavier Berjot
Avocat associé
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Groupe de sociétés : qui peut signer la lettre de licenciement ?

Groupe de sociétés : qui peut signer la lettre de licenciement ? 2560 1440 sancy-avocats.com

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« Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception » (C. trav. art. L. 1232-6). Cette règle pose fréquemment des difficultés dans les groupes de sociétés.

1/ Le DRH « groupe » peut procéder au licenciement des salariés des filiales

Pour la Cour de cassation, le DRH d’une société mère n’est pas une personne étrangère à la filiale et peut recevoir mandat pour procéder au licenciement d’un salarié passé au service de cette dernière (Cass. soc. 15-12-2011 n° 10-21.926).

Dans un arrêt précédent, la chambre sociale avait même considéré que le DRH d’une société mère peut recevoir mandat pour procéder à l’entretien préalable et au licenciement d’un salarié employé par l’une des filiales, sans qu’il soit nécessaire que la délégation de pouvoir soit donnée par écrit (Cass. soc. 23-09-2009 n° 07-44.200).

Au soutien de leur décision, les juges avaient retenu les motifs suivants :

– « La Cour d’appel, qui a constaté que la lettre de licenciement avait été notifiée par le directeur des ressources humaines de la société mère, laquelle était étroitement associée à la gestion de la carrière des salariés cadres de ses filiales, a légalement justifié sa décision. »

En effet, aucune disposition n’exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit, celle-ci pouvant parfaitement être tacite et découler des fonctions du salarié procédant au licenciement (Cass. ch. mixte 19-11-2010 n° 10-10.095).

Ainsi, la lettre de licenciement signée par un adjoint du responsable des ressources humaines en charge de la gestion du personnel est valable, celui-ci agissant au nom de l’employeur (Cass. soc. 28-09-2010 n° 09-41.450).

Cette jurisprudence s’applique également au licenciement du salarié d’une filiale, par le directeur général de la société mère (Cass. soc. 13-6-2018 n° 16-23.701) :

– « Mais attendu qu’ayant relevé que le salarié avait été licencié par le directeur général de la société mère qui supervisait ses activités, en sorte qu’il n’était pas une personne étrangère à la société Oxbow France, la cour d’appel en a exactement déduit que le licenciement était régulier, quand bien même aucune délégation de pouvoir n’aurait été passée par écrit. » 

Enfin, la Cour de cassation a été conduite à préciser qu’est valable la lettre de licenciement signée par l’adjoint du DAF de la holding d’un groupe destinée au salarié d’une société de ce groupe (Cass. Soc. 12-7-2016 n° 14-22.386). 

2/ Le DRH d’une filiale ne peut pas notifier son licenciement au salarié d’une autre filiale 

Dans un arrêt du 20 octobre 2021 (Cass. soc. 20-10-2021 n° 20-11485), la Cour de cassation vient de juger que la DRH d’une filiale ne peut pas licencier le directeur général (DG) d’une autre filiale où elle n’exerce pas ses fonctions de DRH.

Dans cette affaire, le DG d’une filiale avait été licencié par la DRH d’une autre filiale, mandatée par le président de la filiale qui avait engagé le salarié.

Ce dernier avait contesté le bien-fondé de son licenciement, affirmant que la DRH, signataire de la lettre, ne disposait pas du pouvoir pour la signer puisqu’elle accomplissait ses missions dans une filiale autre que celle qui était son employeur.

La Cour d’appel avait donné raison au DG, estimant que la lettre de licenciement avait été signée par une personne étrangère à l’entreprise qui ne pouvait recevoir délégation de pouvoir pour procéder au licenciement.

La Cour de cassation approuve cette solution, considérant que :

– « La finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement. »

Pour autant, les juges semblent curieusement ne pas exclure totalement que le DRH d’une filiale puisse procéder au licenciement du salarié d’une autre filiale du groupe.

En effet, l’arrêt relève qu’il n’était pas démontré que la gestion des ressources humaines de la société employant le DG relevait des fonctions de la DRH de la société de l’autre filiale, ni que cette dernière exerçait un pouvoir sur la direction de la filiale.

Dans un arrêt du 23 juin 2017, la Cour d’appel d’Aix en Provence (n° 15/066147) avait été appelée à statuer sur le sujet.

En l’espèce, la DRH d’une filiale avait reçu délégation du représentant d’une autre filiale du groupe l’autorisant à exercer sa mission de gestion du personnel sur les salariés de cette filiale.

Pour les magistrats, la DRH, qui n’était pas employée de la société mère mais d’une autre filiale, devait être considérée comme une personne étrangère à la filiale employeur du salarié. 

3/ La sanction liée au défaut de qualité du signataire

Dans un arrêt du 2 octobre 2002 (Cass. soc. 2-10-2002 n° 00-41.801), la Cour de cassation a jugé que l’irrégularité pouvant affecter la procédure de licenciement, y compris au titre du mandat donné à un tiers pour la conduire, ne peut suffire à priver de cause la décision de licencier.

Cette irrégularité de procédure ouvrait droit, pour le salarié, à une indemnité ne pouvant être supérieure à un mois de salaire (C. trav. art. L. 1235-2).

Cette jurisprudence n’est plus d’actualité, la Cour de cassation considérant désormais que l’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive cette mesure de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 30-9-2010 n° 09-40.114).

Cette solution est constamment réaffirmée depuis cette date (ex. Cass. soc. 6-7-2011 n° 09-71.494 ; Cass. soc. 25-3-2015 n° 13-23.556 ; Cass. soc. 26-4-2017 n° 15-25.204).

Dans une telle hypothèse, le salarié est éligible à une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau de l’article L. 1235-3 du Code du travail (« barème Macron »).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Indemnité de non-concurrence : pas de réduction par le juge

Indemnité de non-concurrence : pas de réduction par le juge 2560 1707 sancy-avocats.com

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Le juge peut-il réduire le montant de la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence ? Non, répond la Cour de cassation dans un arrêt du 13 octobre 2021 (Cass. soc. 13-10-2021 n° 20-12059). Cette décision contraste avec la jurisprudence relative à la nullité des clauses prévoyant une indemnité de non-concurrence dérisoire. 

1/ L’indemnité de non-concurrence ne doit pas être dérisoire

Depuis un important arrêt du 10 juillet 2002, la clause de non-concurrence du contrat de travail ne prévoyant pas de contrepartie financière est nulle (Cass. soc. 10-07-2002 n° 00-45.135) :

– « Attendu qu’une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives. »

Postérieurement, la Cour de cassation a été conduite à préciser que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence doit être suffisante.

Ainsi, une contrepartie financière « dérisoire » équivaut à une absence de contrepartie (Cass. soc. 15-11-2006 n° 04-46.721).

Dans cet arrêt, la clause était d’une durée de deux ans et la contrepartie représentait, au total, l’équivalent d’un 10ème de la rémunération (soit 2,4 mois).

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé, pour sa part, que dès lors que la contrepartie financière fixée au contrat de travail est supérieure au minimum imposé par la convention collective applicable, elle ne peut en aucun cas être considéré comme dérisoire et que la clause de non-concurrence est donc valable (CA Aix-en-Provence 23-5-2014 n° 12/18274).

En dehors de ces règles de principe, il n’existe pas de montant minimum applicable d’une manière générale.

Le montant de l’indemnité de non-concurrence dépend principalement de la contrainte que fait peser la clause sur le salarié (par rapport au secteur géographique, à la durée de la clause, aux activités interdites,…).

En présence d’une contrepartie financière dérisoire, le juge ne peut pas substituer son appréciation à celle fixée par les parties et, après avoir décidé de l’annulation de la clause, accorder au salarié la contrepartie qu’il estime justifiée (Cass. soc. 16-5-2012 n° 11-10.760).

En revanche, la stipulation, dans le contrat de travail, d’une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue (Cass. soc. 1-2-2011, n° 09-40.542).

La question se pose en des termes différents en présence d’une indemnité de non-concurrence que l’employeur estime trop importante.

2/ L’indemnité de non-concurrence n’est jamais excessive 

Dans son arrêt du 13 octobre 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence n’est pas une clause pénale, dans la mesure où :

– Elle a la nature d’une indemnité compensatrice de salaire stipulée en conséquence de l’engagement du salarié de ne pas exercer, après la cessation du contrat de travail, d’activité concurrente à celle de son ancien employeur ;

– Elle ne constitue pas une indemnité forfaitaire prévue en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle.

En l’espèce, un ingénieur développement avait démissionné de son poste le 21 mars 2016, saisissant ensuite le Conseil de prud’hommes pour obtenir le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence prévue à son contrat de travail.

Le Conseil des prud’hommes avait accédé à sa demande tout en réduisant le montant de l’indemnité de non-concurrence.

Saisie du litige, la Cour d’appel de Toulouse (6 décembre 2019, n°18/01451) avait condamné l’employeur à verser au salarié la totalité de la somme prévue, soit 79.968 € bruts.

Dans son pourvoi, l’employeur soutenait que la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence « est bien une clause pénale que le juge a la faculté de modérer ou d’augmenter. »

Cette argumentation n’est pas suivie par la Cour de cassation, refusant de considérer que le montant de l’indemnité de non-concurrence peut être réduit par le juge.

La Cour de cassation avait déjà statué en ces termes, jugeant que l’indemnité compensatrice étant la contrepartie de l’obligation de ne pas faire imposée au salarié, elle ne constitue pas une clause pénale susceptible d’être révisée par le juge en application de l’article 1152 du Code civil (Cass. soc. 4-7-1983 n° 80-41.906).

En conclusion, signalons que constitue au contraire une clause pénale la disposition visant à fixer forfaitairement la somme qui sera due à l’employeur en cas de violation de l’obligation de non-concurrence.

En effet, comme le juge la Cour de cassation, l’indemnité contractuellement convenue en cas de non-respect de la clause de non-concurrence, étant une clause pénale, peut être réduite par le juge en application de l’article 1152, alinéa 2, du Code civil (Cass. soc. 3-5-1989 n° 86-41.634).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Convention de forfait-jours : le suivi est indispensable

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Dans un arrêt du 13 octobre 2021 (n° 19-20.561), la Cour de cassation rappelle que toute convention de forfait-jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

1/ les conditions de validité de la convention de forfait-jours

La mise en place de conventions individuelles de forfait (en heures ou en jours) sur l’année implique la conclusion d’un accord d’entreprise ou, à défaut, de branche, qui détermine (C. trav. art. L. 3121-63 et L. 3121-64) :

– Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ;

– La période de référence du forfait, qui peut être l’année civile ou toute autre période de 12 mois consécutifs ;

– Le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de 218 jours s’agissant du forfait-jours ;

– Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;

– Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait.

Par ailleurs, la forfaitisation de la durée du travail doit toujours faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit (dans le contrat de travail ou un avenant) (C. trav. art. L. 3121-55) :

Concernant plus spécifiquement les conventions de forfait-jours, l’accord d’entreprise où l’accord de branche doit déterminer les modalités selon lesquelles :

– L’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;

– L’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;

– Le salarié peut exercer son droit à la déconnexion des outils numériques.

Enfin, à défaut de stipulations conventionnelles relatives aux modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail du salarié, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue si (C. trav. art. L. 3121-65, I-1° et 2°) :

–  L’employeur établit un document de contrôle mentionnant la date et le nombre de journées ou demi-journées travaillées (ce document peut être établi par le salarié sous sa responsabilité) ;

–  L’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

– L’employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail (qui doit être raisonnable), l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

2/ La nullité du forfait-jours en l’absence de suivi de la convention

Dans un arrêt du 29 juin 2011 (Cass. soc. 29-6-2011 n° 09-71.107), la Cour de cassation a jugé que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

De nombreux accords d’entreprise ou de branche ont ainsi été invalidés au motif qu’ils n’offraient pas, sur ce point, de garanties suffisantes aux salariés.

La loi « Travail » n° 2016-1088 du 8 août 2016 a procédé à la sécurisation juridique des conventions individuelles de forfait, prévoyant que l’insuffisance de l’accord collectif peut être supplée par l’employeur (cf. § 1 ci-dessus).

À ce jour, les modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail du salarié sont déterminées soit par un accord d’entreprise ou de branche, soit par l’employeur.

Dans les deux cas, la convention de forfait jours doit faire l’objet d’un suivi concret et effectif.

Ainsi, un accord collectif organisant le recours aux forfaits en jours sans prévoir de suivi effectif et régulier du temps de travail du salarié par la hiérarchie, permettant de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable de travail, est inopposable aux salariés (Cass. soc. 5-10-2017 n° 16-23.106).

Le suivi de la convention peut consister dans la mise en place d’un système auto-déclaratif, à condition qu’un contrôle effectif soit opéré par le supérieur hiérarchique du salarié sur le document relatif à ses jours et à sa charge de travail (Cass. soc. 17-12-2014 n° 13-22.890).

Dans l’arrêt du 13 octobre 2021, un cadre bancaire avait signé une convention de forfait-jours le 29 juin 2006, en application de la convention collective nationale du Crédit agricole.

Le salarié avait démissionné le 11 avril 2016, puis avait saisi le Conseil de prud’hommes, sollicitant la requalification de sa démission en prise d’acte aux torts de son employeur et la nullité de sa convention de forfait en jours.

Le 5 juin 2019, la Cour d’appel de Poitiers a débouté le salarié de ses demandes, relevant que la convention de forfait-jours signée entre les parties prévoyait notamment qu’en cas de situation durable d’amplitude journalière forte de travail, un point serait fait avec la hiérarchie pour rechercher des moyens d’y remédier.

La Cour de cassation a censuré cette analyse, s’attachant non aux stipulations de la convention individuelle de forfait mais aux dispositions de la convention collective.

En l’occurrence, celle-ci prévoyait que :

– Le nombre de jours travaillés dans l’année était d’au plus 205 jours pour un droit complet à congés payés ;

– Un suivi hebdomadaire s’assurait du le respect des règles légales et conventionnelles en matière de temps de travail, notamment le respect du repos quotidien de 11 heures ;

– Un bilan annuel permettait d’effectuer le contrôle des jours travaillés et des jours de repos.

Or, pour la Cour de cassation, la convention collective n’instituait pas un suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.

Dès lors, les dispositions conventionnelles n’étaient pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer que le travail du salarié fasse l’objet d’une bonne répartition dans le temps.

Pour ces motifs, la convention de forfait-jours a été annulée.

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Licenciement pour motif personnel : quelles indemnités verser au salarié ? (DAF Mag)

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Article de Xavier BERJOT pour le magazine SOCIAL CSE (sep. oct. 2021)

P22 PAROLES ELUS BIS SANCY AVOCATS 114-EB
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