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Xavier Berjot

Licenciement économique déguisé : quelles sanctions ?

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Du 1er mars 2020 au 21 mars 2021, 8.303 procédures de licenciement économique ont été engagées en France, dont 928 plans de sauvegarde de l’emploi (« PSE »). Dans ce contexte de crise sanitaire, la Cour de cassation (Cass. soc. 14 avril 2021 n° 19-19050) vient de juger que le salarié privé des dispositions du PSE en raison des conditions de son licenciement est fondé à en demander réparation. 

1/ L’arrêt

Une salariée est engagée le 1er juin 2007, en qualité de chef de projet par la société Coplan Provence, absorbée le 1er octobre 2012 par la société Ginger ingénierie, devenue Oteis.

Après avoir été convoquée le 24 septembre 2012 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 octobre 2012 par la société Coplan Provence, cette salariée est licenciée pour motif économique le 18 octobre 2012 par la société Ginger ingénierie, à laquelle son contrat de travail avait été transféré, dans le cadre de la fusion-absorption.

Devant la juridiction prud’homale, la salariée sollicite notamment le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la privation du bénéfice des dispositions du PSE arrêté au sein de la société Oteis le 28 novembre 2012.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence (9 mai 2019) la déboute de sa demande, relevant que les conditions d’effectif à prendre en considération pour la mise en œuvre d’un PSE s’appréciant à la date de l’engagement de la procédure de licenciement, il convient de considérer qu’à la date de convocation à l’entretien préalable, soit le 24 septembre 2012, le contrat de travail de la salariée n’avait pas encore été transféré à la société Ginger ingénierie.

La Cour en déduit que la salariée ne pouvait se prévaloir des dispositions relatives au PSE.

Cette décision est cassée par la Cour de cassation, aux motifs suivants :

– S’il résulte de l’article L. 1233-61 du Code du travail que le PSE ne peut s’appliquer à un salarié dont le contrat de travail a été rompu avant son adoption, le salarié qui a été privé du bénéfice des dispositions du PSE en raison des conditions de son licenciement est fondé à en demander réparation.

La Cour de cassation prend soin de relever que la Cour d’appel avait constaté que le transfert du contrat de travail de la salariée était intervenu alors qu’un PSE était en cours d’élaboration dans l’entreprise absorbante, de sorte que celle-ci était concernée par le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à l’élaboration du plan.

2/ L’analyse 

Dans cet arrêt, la salariée avait été licenciée pour motif économique, mais sans pouvoir bénéficier des dispositions du PSE ultérieurement mis en place par son employeur.

Cependant, les termes de la décision sont très larges et sa solution est susceptible de s’appliquer lorsque le salarié fait l’objet d’un licenciement pour motif personnel alors que la véritable cause de la rupture st économique.

Selon l’article L. 1233-2 du Code du travail :

« Tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. 

Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. » 

En cas de litige, il appartient au juge de rechercher la véritable cause du licenciement, au-delà des termes de la lettre de licenciement.

Si le motif allégué dans la lettre de licenciement n’est pas le véritable motif de la rupture, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 17-12-2008 n° 07-40.851).

La Cour de cassation fournit de nombreuses illustrations de ce principe en matière de licenciement économique déguisé.

A titre d’exemple, est abusif le licenciement de 4 salariés motivé par « une attitude d’obstruction systématique », la Cour d’appel ayant retenu que ce motif d’ordre personnel n’était pas caractérisé et que le licenciement était de nature économique (Cass. soc. 2-4-2003 n° 01-43.221).

De même, est injustifié le licenciement d’une salariée pour faute grave alors que son employeur connaissait des difficultés économiques qui l’avaient conduit à envisager la transformation ou la suppression du poste de la salariée, ce qui constituait le véritable motif de son licenciement et non les griefs invoqués dans la lettre de licenciement qui n’étaient que des prétextes (Cass. soc. 18-11-1998 n° 96-43.902).

En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le montant de l’indemnité mise à la charge de l’employeur varie entre des planchers et des plafonds fixés dans un tableau figurant à l’article L. 1235-3 du Code du travail (le « barème Macron »).

Toutefois, si le salarié est licencié pour motif personnel alors que le véritable motif de la rupture est de nature économique, il peut solliciter l’indemnisation de préjudices complémentaires.

En effet, le licenciement déguisé prive le salarié de dispositifs d’indemnisation et d’accompagnement avantageux : contrat de sécurisation professionnelle (CSP), congé de reclassement, outplacement, indemnité de licenciement majorée, aide à la création d’entreprise, etc.

Pour la Cour de cassation, le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement n’enlève pas à celui-ci sa nature juridique de licenciement économique.

Ainsi, le salarié peut prétendre au bénéfice des mesures d’accompagnement prévues au PSE (Cass. soc. 14-2-2007 n° 05-40.504) ou aux indemnités négociées dans un accord d’entreprise (Cass. soc. 29-1-2003 n° 00-46.018).

L’arrêt du 14 avril 2021 s’inscrit dans le cadre de cette jurisprudence et milite en faveur d’une indemnisation complète du salarié victime d’un licenciement déguisé.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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La nullité du licenciement : cas et conséquences

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Dans certaines situations, jugées graves par le législateur, le licenciement du salarié peut être annulé par le Conseil de prud’hommes. La nullité du licenciement emporte des conséquences particulières, parmi lesquelles figure la réintégration du salarié. 

1. Les cas de nullité du licenciement

Les cas de nullité, au nombre de six, sont ceux qui sont afférents à (C. trav. art. L. 1235-3-1) :

1° La violation d’une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel ;

3° Un licenciement discriminatoire ;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d’un salarié protégé en raison de l’exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections liées à la grossesse, la maternité, la paternité, l’adoption et l’éducation des enfants ou à un accident du travail ou une maladie professionnelle.

A côté de ce texte général, d’autres dispositions spécifiques envisagent la nullité du licenciement.

Exemples :

– En cas d’annulation d’une décision de validation ou d’homologation en raison d’une absence ou d’une insuffisance de PSE (C. trav. art. L. 1235-10).

– En cas de licenciement du salarié d’un établissement médico-social ayant témoigné de mauvais traitements ou de privations infligés à une personne accueillie (CASF art. L. 313-24).

En vertu du principe « pas de nullité sans texte », le juge ne peut pas annuler le licenciement du salarié à défaut de dispositions légales prévoyant cette faculté.

Ainsi, la méconnaissance par l’employeur du droit du salarié à une action de formation professionnelle après un congé parental n’ouvre pas droit à l’annulation de son licenciement pour insuffisance professionnelle après son congé (Cass. soc. 5-3-2014 n° 11-14.426).

Le principe « pas de nullité sans texte » connaît cependant un tempérament lors de la violation d’une liberté fondamentale.

En effet, s’il s’agit bien d’un cas de nullité prévu par la loi, il revient à la jurisprudence de déterminer la notion de violation d’une liberté fondamentale.

Pour la Cour de cassation, est nul le licenciement du salarié motivé par la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail (Cass. soc. 3-2-2016 n° 14-18.600), fondé sur le contenu d’une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d’un autre (Cass. soc. 29-10-2013 n° 12-22.447) ou, encore, lié à l’exercice légitime par le salarié du droit de retrait de son poste dans une situation de danger (Cass. soc. 28-1-2009 n° 07-44.556).

2. Les conséquences de la nullité du licenciement

2.1. La réintégration du salarié

Lorsque son licenciement est nul, le salarié a le droit de réclamer sa réintégration dans son emploi (Cass. soc. 21-6-2017 n° 15-21.897).

Il s’agit d’une simple option et le salarié n’est tenu ni d’accepter la réintégration proposée par l’employeur, ni de la solliciter (Cass. soc. 16-2-1987 n° 84-42.569).

En cas de nullité du licenciement, l’employeur est tenu de faire droit à la demande de réintégration du salarié (Cass. soc. 14-2-2018 n° 16-22.360), dès lors qu’aucune impossibilité d’y procéder n’est établie (Cass. soc. 25-2-1998 n° 95-44.019).

D’ailleurs, le juge des référés est compétent pour ordonner, sous astreinte, la réintégration du salarié, par exemple, en cas de licenciement d’un représentant du personnel notifié en l’absence d’autorisation de l’inspecteur du travail (Cass soc. 13-5-1981 n° 80-10.703).

La réintégration implique de restaurer le salarié dans son poste ou, à défaut, dans un emploi équivalent (Cass. soc. 26-5-2004 n° 02-41.325).

NB. L’obligation de réintégration ne s’étend pas au groupe auquel appartient l’employeur (Cass. soc. 9-7-2008 n° 07-41.845).

Le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre la rupture et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (Cass. soc. 3-7-2003 n° 01-44.522).

Cette somme, soumise à cotisations sociales, doit tenir compte des revenus de remplacement (allocations Pôle Emploi, indemnités journalières de sécurité sociale, etc.) perçus par le salarié entre son licenciement et sa réintégration (Cass. soc. 16-10-2019 n° 17-31.624).

Par exception, le salarié a droit à une réparation forfaitaire, correspondant aux salaires afférents à la période comprise entre son licenciement et sa réintégration, sans déduction des revenus qu’il a pu percevoir pendant cette période, lorsque la nullité du licenciement résulte de l’atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement protégée.

Tel est le cas, par exemple, du licenciement motivé par les activités syndicales du salarié (Cass. soc. 2-6-2010 n° 08-43.277), par sa participation à une grève (Cass. soc. 2-2-2006 n° 03-47.481) ou par son action en justice (Cass. soc. 21-11-2018 n° 17-11.122).

2.2. Les sanctions en l’absence de réintégration 

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois (C. trav. art. L. 1235-3-1).

Pour la Cour de cassation, le salarié a droit, d’une part, aux indemnités de rupture et, d’autre part, à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, au moins égale à 6 mois de salaire quelles que soient son ancienneté et la taille de l’entreprise (Cass. soc. 30-11-2010 n° 09-66.210).

Les indemnités de rupture sont, classiquement, l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle (C. trav. art. L. 1235-3-1) et l’indemnité compensatrice de préavis, due au salarié même s’il est dans l’impossibilité physique d’exécuter son préavis (Cass. soc. 5-6-2001 n° 99-41.186).

Quant à l’indemnité pour rupture illicite, celle-ci n’est pas plafonnée et son montant est souverainement apprécié par le juge du fond (Cass. soc. 18-12-2000 n° 98-41.608).

Ainsi, le barème « Macron » prévoyant une indemnité encadrée par des planchers et des plafonds, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, n’est pas applicable en cas de nullité du licenciement (C. trav. art. L. 1235-3-1).

Enfin, le salarié protégé peut solliciter, outre les indemnités de licenciement, de préavis et de rupture illicite, une indemnité pour violation du statut protecteur.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Inaptitude : comment contester l’avis du médecin du travail ?

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Les recours contre les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail sont du ressort du juge prud’homal, selon une procédure particulière. Un récent avis de la Cour de cassation (avis Cass. soc. 17-3-2021 n° 21-70.002) en constitue une illustration. 

1/ L’objet du recours 

Le salarié ou l’employeur peut contester les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4 du Code du travail (C. trav. art. L. 4624-7, I).

En pratique, peuvent faire l’objet de cette procédure les déclarations d’aptitude pour les salariés affectés à un poste à risque (C. trav. art. L. 4624-2), les aménagements de poste ou temps de travail recommandés (C. trav. art. L. 4624-3) et les constats d’inaptitude (C. trav. art. L. 4624-4).

Le médecin du travail, informé de la contestation par l’employeur, n’est pas partie au litige (C. trav. art. L. 4624-7, I). Les parties ne doivent donc pas demander au greffe du Conseil de prud’hommes de le convoquer à l’audience.

En effet, comme le rappelle l’administration, « la contestation ne tend pas à faire juger un manquement aux règles de l’art du médecin du travail à l’origine de l’avis mais à obtenir un nouvel avis technique. » (QR min. trav. du 26-10-2020).

Par ailleurs, toujours selon l’administration, sont exclues du champ d’application de l’article L. 4624-7, les contestations :

– sur le déroulé de la procédure d’aptitude ou inaptitude (vices de procédure) ;

– sans lien avec l’état de santé du salarié (impossibilité matérielle, coût économique …) ;

– sur l’origine professionnelle de l’inaptitude ;

– sur le non-respect par l’employeur des préconisations du médecin du travail.

Dans un avis du 17 mars 2021 (avis Cass. soc. 17-3-2021 n° 21-70.002), la Cour de cassation a été conduite à préciser l’objet du recours contre l’avis du médecin du travail, dans les termes suivants :

– La contestation dont peut être saisi le Conseil de prud’hommes doit porter sur l’avis du médecin du travail et non la procédure d’inaptitude.

– Le Conseil de prud’hommes peut, dans ce cadre, examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis.

– Il substitue à cet avis sa propre décision, après avoir le cas échéant ordonné une mesure d’instruction.

– Il ne peut déclarer inopposable à une partie l’avis rendu par le médecin du travail.

2/ La procédure de contestation

En cas de contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail (…), le Conseil de prud’hommes, statuant en la forme des référés, est saisi dans un délai de 15 jours à compter de leur notification (C. trav. art. R. 4624-45).

Passé ce délai de 15 jours, la contestation est irrecevable, le dépassement du délai constituant une fin de non-recevoir.

NB. Les modalités de recours ainsi que le délai de 15 jours sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail (C. trav. art. R. 4624-45).

La saisine du Conseil de prud’hommes ne suspend pas le caractère exécutoire et impératif de l’avis initial du médecin du travail (C. trav. art. L. 4624-6).

Le Conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Ce dernier peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers (sapiteurs).

En cas d’indisponibilité du médecin inspecteur du travail ou en cas de récusation de celui-ci, le Conseil de prud’hommes, statuant en la forme des référés, peut désigner un autre médecin inspecteur du travail que celui qui est territorialement compétent (C. trav. art. L. 4624-7, II et L. 4624-45-2).

Bien entendu, le recours au médecin inspecteur du travail est généralement sollicité par l’employeur ou le salarié, et non décidé d’office par le Conseil de prud’hommes.

D’ailleurs, le Conseil de prud’hommes peut refuser d’ordonner le recours au médecin inspecteur du travail, cette faculté n’étant pas de droit (Cass. soc. 3-6-2020 n° 18-21.952).

L’employeur peut demander que les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail soient notifiés à un médecin qu’il mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification (C. trav. art. L. 4624-7, II).

Dans un tel cas, le médecin mandaté par l’employeur restant soumis au secret médical, il ne peut en aucune manière communiquer, à ce dernier, d’informations relatives à l’état de santé du salarié auxquelles il a accès dans le cadre de la procédure.

3/ Les suites et conséquences du recours

Le Conseil de prud’hommes délimite la mission de l’expert sous forme de questions. Les parties doivent donc être précises quant à la formulation de leurs demandes.

En effet, le médecin inspecteur du travail est lié par ces questions et doit y répondre dans le respect des règles déontologiques prévues par le Code de santé publique et le secret médical.

Par ailleurs, il est important de solliciter du Conseil de prud’hommes la fixation d’un délai pour que le médecin inspecteur rende son rapport, le Code du travail étant muet sur la question.

Le président du Conseil de prud’hommes fixe la rémunération du médecin inspecteur du travail conformément au IV de l’article L. 4624-7 du Code du travail. Une provision sur les sommes dues au médecin inspecteur du travail est consignée à la Caisse des dépôts et consignations (C. trav. art. R. 4624-45-1).

Ces honoraires et frais sont réglés d’après le tarif fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et du budget (C. trav. art. L. 4624-7, IV).

Par décision motivée, la formation de référé peut décider de ne pas mettre les frais d’expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive (C. trav. art. L. 4624-7, IV).

La question s’est posée de savoir si le salarié pouvait être indemnisé des frais de déplacement exposés pour se rendre au rendez-vous d’expertise.

Pour la Cour de cassation, les frais de déplacement exposés par un salarié à l’occasion de l’expertise ordonnée par le juge prud’homal ne peuvent être remboursés à l’intéressé que sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile (Cass. soc. 4-3-2020 n° 18-24.405).

Enfin, la décision du Conseil de prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés (C. trav. art. L 4624-7, III).

Précisons que la formation de référé n’est pas liée par l’avis du médecin inspecteur du travail, même s’il est rare qu’elle statue en sens contraire.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Retraite à taux plein et chômage : les incidences

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Le droit à une pension de retraite à taux plein a une incidence sur le versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) du salarié pris en charge par l’assurance-chômage. Deux situations, inverses, doivent être distinguées. 

1. La cessation du versement de l’ARE

La durée d’indemnisation du demandeur d’emploi est déterminée en fonction du nombre de jours travaillés au cours de la période de référence d’affiliation.

En principe, l’ARE est versée pendant une durée maximale de 36 mois, soit 1095 jours calendaires, pour les salariés âgés de 55 ans et plus.

Pour bénéficier de l’ARE, les salariés privés d’emploi doivent, notamment, ne pas être en droit de percevoir une pension de retraite à taux plein.

L’article 4 c) du règlement d’assurance chômage prévoit, ainsi, que peuvent bénéficier de l’ARE les travailleurs privés d’emploi n’ayant pas atteint l’âge déterminé pour l’ouverture du droit à une pension de vieillesse :

– au sens du 1° de l’article L. 5421-4 du Code du travail ;

– et au plus tard jusqu’à l’âge prévu au 2° de ce texte.

Deux cas sont donc prévus, dans lesquels l’indemnisation Pôle Emploi prend fin.

1.1. L’âge légal d’admission à la retraite

S’agissant du premier cas, l’article L. 5421-4 1° évoque les allocataires ayant atteint l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 du Code de la sécurité sociale (CSS), justifiant de la durée d’assurance définie au deuxième alinéa de l’article L. 351-1 du CSS.

En d’autres termes, les allocations d’assurance-chômage cessent d’être versées aux bénéficiaires ayant atteint l’âge légal d’admission à la retraite et justifiant de la durée d’assurance permettant l’octroi d’une pension de vieillesse à taux plein.

Pour rappel, l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite est fixé à 62 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955 (CSS art. L. 161-17-2).

Par ailleurs, l’article D. 161-2-1-9 du CSS prévoit que cet âge est fixé à :

– 60 ans pour les assurés nés avant le 1er juillet 1951 ;

– 60 ans et 4 mois pour les assurés nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 1951 ;

– 60 ans et 9 mois pour les assurés nés en 1952 ;

– 61 ans et 2 mois pour les assurés nés en 1953 ;

– 61 ans et 7 mois pour les assurés nés en 1954.

Quant à la durée d’assurance requise, celle-ci est de :

– 167 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1958 et le 31 décembre 1960 ;

– 168 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1961 et le 31 décembre 1963 ;

– 169 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1964 et le 31 décembre 1966 ;

– 170 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1967 et le 31 décembre 1969 ;

– 171 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1972 ;

– 172 trimestres, pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1973.

1.2. L’âge de départ à la retraite indépendante de la durée d’assurance

Selon l’article L. 5421-4 2° du Code du travail, les allocations-chômage cessent d’être versées aux allocataires atteignant l’âge prévu par l’article L. 161-17-2 du CSS augmenté de 5 ans, âge à partir duquel une retraite à taux plein est attribuée quelle que soit la durée d’assurance.

En conséquence, l’âge limite pour bénéficier des allocations-chômage est fixé à 67 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955.

Pour les assurés nés avant le 1er janvier 1955, cet âge limite est fixé de la manière suivante :

– 65 ans et 9 mois pour les assurés nés en 1952 ;

– 66 ans et 2 mois pour les assurés nés en 1953 ;

– 66 ans et 7 mois pour les assurés nés en 1954.

Dans les deux cas visés ci-dessus (cf. § 1.1. et § 1.2.), l’allocataire cesse d’être pris en charge par Pôle Emploi et « bascule » vers le système de l’assurance-retraite.

Si l’indemnisation Pôle Emploi peut stopper lorsque le salarié est en droit de faire valoir ses droits à la retraite, cette indemnisation peut, inversement, être prorogée dans le cas inverse.

2. La prorogation du versement de l’ARE

L’article 4 c) du règlement d’assurance chômage prévoit un dispositif spécifique en faveur des allocataires d’au moins 62 ans, qui leur permet d’être portés par Pôle Emploi jusqu’à l’obtention d’une retraite à taux plein.

Les conditions du maintien de l’indemnisation jusqu’à l’obtention d’une pension de retraite à taux plein sont fixées par l’article 9 § 3 du règlement d’assurance chômage :

– Être en cours d’indemnisation depuis un an au moins, soit avoir perçu au moins 365 jours d’indemnisation depuis l’ouverture de droits.

La période d’indemnisation d’un an peut être continue ou discontinue (c’est-à-dire avoir donné lieu à une reprise des droits).

– Avoir été affilié pendant 12 ans à l’assurance chômage, dont une année continue ou 2 ans discontinus au cours des 5 dernières années.

Les périodes d’assurance et/ou d’emploi accomplies sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse sont prises en considération (Règlement CE n° 883/2004 art. 61).

– Justifier de 100 trimestres validés par l’assurance vieillesse.

Sont notamment pris en compte, pour la recherche des 100 trimestres :

– les trimestres validés par l’assurance vieillesse (périodes d’assurance, périodes assimilées, périodes reconnues équivalentes, majoration d’assurance) ;

–  les trimestres validés par les autres régimes de base obligatoire français ;

–  les périodes validées par la caisse autonome des retraites de Monaco pour les salariés ayant exercé une ou plusieurs activités sur le territoire monégasque ;

– les périodes validées par les régimes des Etats membres de l’Union européenne ;

– les périodes validées par les régimes de retraite auxquels ont été affiliés à titre obligatoire les salariés relevant de l’annexe IX relative aux salariés occupés hors de France (salariés détachés et expatriés) ;

–  les périodes validées par les régimes des Etats parties à l’Espace économique européen et de la Confédération suisse pour les personnes qui relèvent du champ d’application personnel du règlement CE 1408/71.

La décision de maintien des droits jusqu’à la retraite s’opère le jour où les conditions visées ci-dessus sont satisfaites. Elle est automatique.

Grâce à ce dispositif, les allocataires concernés peuvent continuer d’être pris en charge par Pôle Emploi sans condition de durée.

Son bénéfice cesse simplement lorsque l’intéressé peut percevoir une retraite à taux plein, soit en principe à l’âge de 67 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955 (§ 1.2.).

Xavier Berjot
Avocat associé
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Harcèlement sexuel : pas de résiliation judiciaire si l’employeur a réagi

Harcèlement sexuel : pas de résiliation judiciaire si l’employeur a réagi 2560 1707 sancy-avocats.com

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Dans un arrêt du 3 mars 2021 (Cass. soc. 3-3-2021 n°19-18.110), la Cour de cassation considère que le harcèlement sexuel subi par une salariée ne justifie pas la résiliation judiciaire de son contrat de travail, dès lors que l’employeur a mis fin au harcèlement.

1/ Les faits

Une salariée est engagée par une entreprise du bâtiment à compter du 24 mai 2003, en qualité d’Hôtesse de caisse. Elle est promue Chef de caisse, statut cadre, suivant avenant du 1er avril 2010, puis occupe en dernier lieu le poste de Chef de groupe.

Soutenant avoir été victime de harcèlement sexuel de la part de sa supérieure hiérarchique, la salariée saisit le Conseil de prud’hommes, le 12 mai 2015, de demandes tendant notamment à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et au paiement de diverses indemnités.

La Cour d’appel (Versailles, 27 février 2019) condamne l’employeur au paiement de dommages-intérêts pour harcèlement sexuel, relevant que la salariée avait été destinataire de centaines de SMS adressés par sa supérieure hiérarchique, contenant des propos à connotation sexuelle ainsi que des pressions répétées exercées dans le but d’obtenir un acte de nature sexuelle, lesquelles étaient matérialisées par des insultes et menaces.

Pour sa défense, l’employeur soutenait que la qualification de harcèlement sexuel ne pouvait être encourue, en raison de la familiarité réciproque affichée par la salariée et sa responsable, et de la relation ambiguë qu’elles avaient, ensemble, volontairement entretenue et dont attestaient les messages qu’elles avaient échangés pendant l’intégralité de la période litigieuse.

Sur ce point, la Cour d’appel objecte à l’employeur que la victime du harcèlement avait demandé à l’intéressée, à de multiples reprises, d’arrêter ses envois.

En revanche, la Cour d’appel déboute la salariée de sa demande de résiliation judiciaire, notamment au motif que l’employeur, informé des faits à la fin du mois de novembre 2014, avait mis fin au harcèlement sexuel commis sur la salariée par le licenciement, en décembre 2014, de sa supérieure hiérarchique.

Ainsi, pour les juges, le manquement de l’employeur résultant d’un harcèlement sexuel qui avait cessé à la date à laquelle la salariée avait saisi la juridiction prud’homale, n’était pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

2/ Les enseignements 

Il résulte de l’arrêt du 3 mars 2021 que le harcèlement sexuel n’est pas suffisant, en soi, pour justifier une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

En effet, les juges doivent rechercher si, à la date de la demande formée par le salarié, ce grave manquement à l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur a cessé ou non.

La solution peut sembler surprenante, dans la mesure où le harcèlement moral ou sexuel est constitutif d’une infraction pénale (C. pén. art. 222-33-2, C. pén. art. 222-33, III al. 1).

Toutefois, depuis deux arrêts du 26 mars 2014 (n° 12-21.372, n° 12-35.040), la chambre sociale de la Cour de cassation considère que seuls des manquements graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, peuvent justifier la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur :

– L’absence de visite médicale de reprise ne saurait justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur dès lors qu’elle procède d’une erreur des services RH de l’employeur non commise lors des précédents arrêts de travail et n’a pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant plusieurs mois (Cass. soc. 26-3-2014 n°12-35.040).

– Pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire, l’arrêt retient que la suspension de ses fonctions par l’employeur ne constituait pas un manquement suffisamment grave au regard des griefs énoncés dans la lettre de licenciement notifiée moins d’un mois plus tard, justifiant que le salarié soit éloigné immédiatement de l’entreprise ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la mesure de suspension n’était fondée sur aucune disposition légale, ce dont il résultait que l’employeur avait commis un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés (Cass. soc. 26-3-2014 n°12-21.372).

Dans l’arrêt du 3 mars 2021, la salariée victime du harcèlement sexuel avait formé sa demande de résiliation judiciaire 5 mois après le licenciement de sa responsable hiérarchique.

Ainsi, pour la Cour de cassation, la Cour d’appel avait pu en déduire que le manquement de l’employeur résultant du harcèlement sexuel qui avait cessé à la date à laquelle la salariée avait saisi la juridiction prud’homale, n’était « pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail. »

Cette solution de la Cour de cassation avait déjà été retenue dans un arrêt du 21 juin 2017 (Cass. soc. 21-6-2017 n° 15-24.272).

Dans cette affaire, un employeur, informé des emails à caractère raciste reçus par un salarié, avait réagi « avec diligence et efficacité », en sanctionnant l’auteur des messages, et en lui demandant de présenter des excuses.

Relevant que les faits ne s’étaient plus reproduits par la suite, la Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, en avait déduit que ce manquement ne présentait pas un caractère de gravité suffisant pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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A la recherche du perroquet perdu

A la recherche du perroquet perdu 633 951 sancy-avocats.com

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A la recherche du perroquet perdu

Nos amies les bêtes à poils ou à plumes décident parfois de nous fausser compagnie. Face à une telle tragédie, qui n’est pas prêt à tout pour retrouver son fidèle compagnon ? Mais tous les moyens ne sont pas bons aux yeux des juges, qui estiment que le délégué syndical ne saurait utiliser ses heures de délégation pour ce louable motif.

Nous sommes au mois d’octobre 2014, en la pittoresque commune iséroise de Saint-Just-Chaleyssin. Le malheureux propriétaire du bel oiseau occupe le poste de préparateur laitier et détient les mandats de délégué syndical et représentant syndical au CHSCT. Le 2 octobre, à 15 heures, il s’absente précipitamment de l’établissement et, à son retour, déclare 5 heures 30 de délégation pour justifier son absence.

Mais ce salarié, droit dans ses bottes, avait avoué à son responsable hiérarchique la véritable raison de sa fuite désespérée : il comptait remettre la main sur son compagnon coloré ! L’employeur ne l’a pas entendu de cette oreille, infligeant au déserteur – le délégué syndical, pas le perroquet – une mise à pied disciplinaire de trois jours. La Cour d’appel de Grenoble n’a pas été plus tendre, rejetant les demandes de nullité de la sanction formulées par le fautif.

En la mémoire de son perroquet fugueur, notre préparateur laitier saisit la Cour de cassation conjointement avec son syndicat. « Aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée à l’encontre d’un délégué syndical en raison de l’exercice de son mandat, seuls pouvant donner lieu à sanction les faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l’employeur », argumenta-t-il.

En vain… Inflexible, la haute juridiction confirma la sentence, relevant que la cour d’appel avait constaté l’abus commis par le salarié dans l’exercice de son mandat et le manquement de celui-ci à ses obligations professionnelles (Cass. soc. 13-1-2021 n° 19-20.781). La conclusion est sèche et l’histoire ne raconte pas même pas ce qu’est devenu le perroquet !

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Portée de la transaction : confirmation de la Cour de cassation

Portée de la transaction : confirmation de la Cour de cassation 1709 2560 sancy-avocats.com

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Dans un arrêt du 17 février 2021 (Cass. soc. 17-2-2021 n° 19-20.635), la chambre sociale de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence récente selon laquelle la transaction, rédigée dans des termes généraux, fait obstacle à toute réclamation relative tant à l’exécution qu’à la rupture du contrat de travail.

1. Les enjeux pratiques et juridiques

La question se pose de savoir comment libeller la transaction afin qu’elle règle définitivement tout litige entre l’employeur et le salarié.

Plus précisément, convient-il de lister précisément l’ensemble des éléments auxquels le salarié renonce ou est-il préférable de privilégier une formulation générale ou globale ?

L’employeur acceptant de verser une indemnité transactionnelle au salarié souhaite naturellement apurer tout différend entre eux.

Le salarié, de son côté, peut légitimement craindre qu’une rédaction trop large ne le prive de réclamations auxquelles il n’aurait pas pensé.

La transaction conclue entre l’employeur et le salarié est soumise aux dispositions des articles 2044 à 2052 du Code civil.

Selon l’article 2044, « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. »

L’article 2048 dispose que « les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. »

Ce texte est complété par l’article 2049 selon lequel « les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé. » 

Enfin, l’article 2052 dispose que « la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. » 

Il résulte de ces dispositions que la transaction ne peut régler que les différends compris dans son champ d’application (généralement, son préambule).

En d’autres termes, une transaction qui résout à l’amiable une contestation portant sur un licenciement n’interdit a priori pas au salarié d’introduire une action devant le Conseil de prud’hommes pour solliciter, par exemple, le paiement de rappels de salaire.

2. La position de la Cour de cassation 

Après avoir retenu une conception restrictive de la portée de la transaction, la chambre sociale de la Cour de cassation, depuis quelques années, opte pour une interprétation extensive.

2.1. D’une conception restrictive…

Sur le fondement des articles 2044, 2048, 2049 et 2052 du Code civil, la chambre sociale de la Cour de cassation estimait que la transaction ne règle que le ou les différends exposés dans son préambule.

A titre d’illustration, une clause de non-concurrence n’entre pas dans le champ d’application de la transaction, dès lors que cette dernière, destinée à mettre fin à un différend opposant les parties sur la rupture du contrat de travail et à en régler les conséquences pécuniaires, ne comporte aucune disposition faisant référence à cette clause (Cass. soc. 1-3-2000 n° 97-43.471).

De même, une transaction signée après la rupture du contrat de travail et ne se référant pas aux droits acquis au titre de la participation aux résultats, le salarié est recevable en son action en justice visant à l’obtention de sommes à ce titre (Cass. soc. 20-2-2013 n° 11-28.739).

La chambre sociale contredisait ainsi l’assemblée plénière selon laquelle une transaction par laquelle le salarié renonçait « à toutes réclamations de quelque nature qu’elles soient à l’encontre de la partie défenderesse relatives tant à l’exécution qu’à la rupture de son contrat de travail » faisait obstacle à la réclamation ultérieure d’une prime d’intéressement (Cass. plén. 4-7-1997 n° 93-43.375).

2.2. …Vers une interprétation extensive

Dans un arrêt du 5 novembre 2014 (n°13-18.984), la chambre sociale de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence, dans les termes suivants : 

– « Ayant relevé qu’aux termes de la transaction le salarié a déclaré n’avoir plus rien à réclamer à l’employeur à « quelque titre que ce soit et pour quelque cause que ce soit, tant en raison de l’exécution que de la rupture du contrat de travail », la cour d’appel a exactement retenu que le salarié ne pouvait pas prétendre au paiement de sommes à titre de dommages et intérêts pour perte de salaires et d’une indemnité compensatrice de préavis ; que le moyen n’est pas fondé. »

En l’espèce, un salarié, licencié pour faute grave, avait signé une transaction avec son ancien employeur.

Postérieurement à la signature de l’acte, le salarié avait introduit une action devant le Conseil de prud’hommes, sollicitant le paiement de « sommes à titre de dommages et intérêts pour perte de salaire et d’indemnité compensatrice de préavis. »

Sa demande a été rejetée par la Cour d’appel, dont la décision est approuvée par la Cour de cassation.

Cette solution a été réaffirmée dans plusieurs arrêts postérieurs (ex. Cass. soc. 30-5-2018 n° 16-25.426 ; Cass. soc. 20-2-2019 n° 17-19.676).

L’arrêt du 17 février 2021 conforte la position jurisprudentielle actuelle, ce qui est de nature à sécuriser le règlement des différends s’élevant entre l’employeur et le salarié.

Attention, toutefois : l’effet extinctif de la transaction n’est jamais absolu !

En effet, la renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail ne rend pas irrecevable une demande portant sur des faits survenus pendant la période d’exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à la transaction.

Telle est la solution retenue – logiquement – dans un arrêt de la Cour de cassation du 16 octobre 2019 (Cass. soc. 16-10-2019 n° 18-18.287).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Salariés : négocier son départ à la retraite

Salariés : négocier son départ à la retraite 2560 1703 sancy-avocats.com

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A l’approche de l’âge lui permettant de prétendre à une pension de retraite, le salarié peut avoir intérêt à négocier son départ avec l’employeur. Cette solution lui permet, notamment, de percevoir des indemnités défiscalisées.

1/ Le constat : le montant de l’indemnité de départ à la retraite est très bas

Tout salarié quittant volontairement l’entreprise pour bénéficier d’une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite (C. trav. art. L 1237-9, al. 1).

Le droit à cette indemnité n’est ouvert que si le salarié a effectivement demandé la liquidation de ses droits à pension de vieillesse (Cass. soc. 23-9-2009 n° 08-41.397).

En revanche, le droit à l’indemnité n’est pas subordonné à la possibilité de bénéficier d’une pension à taux plein.

Comme pour le licenciement, l’indemnité de départ à la retraite est fixée par la loi et par la plupart des conventions collectives.

Le taux de l’indemnité légale est au moins égal à (C. trav. art. D 1237-1) :

– Un demi-mois de salaire après 10 ans d’ancienneté ;

– Un mois de salaire après 15 ans d’ancienneté ;

– Un mois et demi de salaire après 20 ans d’ancienneté ;

– Deux mois de salaire après 30 ans d’ancienneté.

Ainsi, le montant de l’indemnité de départ à la retraite est particulièrement bas, plafonné à seulement deux mois de salaire brut à partir de 30 ans d’ancienneté.

Beaucoup de salariés sont surpris par ces chiffres qu’ils découvrent lorsque se pose la question de la fin de leur carrière professionnelle.

L’indemnité légale de départ à la retraite est une indemnité minimum. Le salarié doit bénéficier, le cas échéant, de l’indemnité plus favorable prévue dans une convention ou un accord collectif de travail ou dans le contrat de travail (Circ. DRT 10 du 8-9-198).

Cependant, il est rare que les conventions collectives (CCN) prévoient des montants beaucoup plus importants que le minimum légal (ex. CCN de l’immobilier : entre un demi-mois et 3 mois de salaire pour une ancienneté comprise entre 5 et 30 ans ; CCN de l’automobile : indemnité conventionnelle similaire à l’indemnité légale).

Par ailleurs, le régime social et fiscal de l’indemnité de départ à la retraite ne bénéficie pas d’un traitement favorable.

En effet, pour la Cour de cassation, l’indemnité versée au salarié qui quitte volontairement l’entreprise pour bénéficier du droit à une pension de vieillesse n’a pas pour objet de compenser un préjudice et constitue donc une rémunération (Cass. soc. 30-1-2008 n° 06-17.531).

Il en résulte qu’elle est soumise, dans sa totalité :

– aux cotisations et contributions sociales, à la CSG, à la CRDS et aux taxes et participations assises sur les salaires dont l’assiette est harmonisée avec celle des cotisations de sécurité sociale ;

– à l’impôt sur le revenu.

Compte tenu du montant peu élevé de l’indemnité de départ à la retraite, certains salariés préfèrent négocier la rupture de leur contrat de travail, et deux situations doivent être distinguées.

2/ Le cas du salarié n’ayant pas atteint l’âge requis pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein

Le salarié peut bénéficier d’une pension de retraite de base à taux plein, versée par le régime général de la Sécurité sociale, s’il remplit une condition d’âge ou de durée d’assurance retraite (trimestres) variant selon son année de naissance.

L’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite est fixé à 62 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955 (CSS art. L 161-17-2).

Par ailleurs, l’article D. 161-2-1-9 du Code de la sécurité sociale prévoit que cet âge est fixé à :

– 60 ans pour les assurés nés avant le 1er juillet 1951 ;

– 60 ans et 4 mois pour les assurés nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 1951 ;

– 60 ans et 9 mois pour les assurés nés en 1952 ;

– 61 ans et 2 mois pour les assurés nés en 1953 ;

– 61 ans et 7 mois pour les assurés nés en 1954.

Le salarié peut solliciter la liquidation de sa retraite à cet âge, ou choisir de différer sa demande afin d’acquérir le nombre de trimestres d’assurance requis pour obtenir une retraite à taux plein (CSS art. R 351-27).

Le salarié peut également s’engager dans une négociation de départ “classique” avec l’employeur, ce qui lui permet de bénéficier d’une prise en charge par Pôle Emploi.

En effet, les allocations chômage continuent d’être versées par l’organisme jusqu’à ce que le bénéficiaire ait cumulé le nombre de trimestres requis, dans la limite de ses droits aux allocations chômage.

Par ailleurs, le départ négocié permet au salarié de bénéficier du régime social et fiscal favorable des indemnités de rupture.

Pour rappel, ces indemnités sont exclues de l’assiette des cotisations sociales, dans la limite d’un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale (« PASS »), soit 82.272 euros pour 2021.

La partie excédentaire est soumise à cotisations patronales et salariales, étant précisé que le montant qui excède l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est toujours soumis à CSG / CRDS, soit 9,7 % au total, à la charge du salarié.

Enfin, lorsque les indemnités de rupture dépassent 10 fois le PASS (soit 411.360 euros en 2021), elles sont soumises à cotisations sociales dès le 1er euro.

Une spécificité concerne l’indemnité de rupture conventionnelle, qui est soumise en plus au forfait social de 20 % portant sur sa fraction exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale.

Attention : l’indemnité de rupture conventionnelle est intégralement assujettie aux cotisations sociales, à la CSG et à la CRDS lorsqu’elle est versée à un salarié en droit de bénéficier d’une pension de retraite (Circ. Acoss 2008-81 du 16-10-2008 n° 2.2 ; Cass. 2e civ. QPC 13-6-2019 n° 19-40.011).

Sur le plan fiscal, les indemnités de rupture sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite suivante (la plus haute est retenue) :

– Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite de six fois le PASS (246.816 euros en 2021) ;

– Soit 50 % du montant de l’indemnité si ce seuil est supérieur, toujours dans la limite de six fois le PASS ;

– Soit le montant de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi, et ce sans limite.

Enfin, le versement d’une indemnité « supra-légale » génère un différé spécifique d’indemnisation qu’il est possible d’éviter en tout ou partie grâce au versement d’une indemnité forfaitaire de conciliation.

3/ Le cas du salarié ne pouvant pas être mis à la retraite d’office par l’employeur

L’employeur peut mettre d’office le salarié à la retraite lorsque celui-ci a atteint 70 ans, étant précisé que sont nulles toutes stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail et d’un contrat de travail prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail d’un salarié en raison de son âge ou du fait qu’il serait en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse (C. trav. art. L 1237-4 et s.).

Pour les salariés de moins de 70 ans ayant atteint l’âge requis pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein, l’employeur peut néanmoins proposer la mise à la retraite selon une procédure spécifique.

En effet, ce dernier peut interroger le salarié par écrit, dans un délai de 3 mois avant son anniversaire, sur son intention de quitter volontairement l’entreprise. Si le salarié donne son accord, il peut alors être mis à la retraite.

En cas de refus exprimé par le salarié dans un délai d’un mois, ou à défaut pour l’employeur d’avoir suivi cette procédure, il n’est plus possible de mettre le salarié à la retraite durant l’année qui suit sa date anniversaire (C. trav. art. L 1237-5 D 1237-2-1).

La mise à la retraite d’un salarié lui ouvre droit à une indemnité de mise à la retraite au moins égale à l’indemnité légale de licenciement (C. trav. art. L 1237-7).

Cette indemnité légale de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants (C. trav. art. R. 1234-2) :

– Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans ;

– Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de 10 ans.

En cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.

Si une convention collective ou un accord d’entreprise prévoient un taux plus avantageux pour l’indemnité de départ à la retraite, celui-ci s’applique à la place de l’indemnité légale (Cass. soc. 30-9-2009, n° 08-40.353).

Au-delà, rien n’interdit au salarié de négocier une indemnité complémentaire avec l’employeur, tout en profitant d’un régime social et fiscal favorable.

En effet, les indemnités de mise à la retraite sont exonérées des cotisations de sécurité sociale dans la limite de deux fois le PASS, à hauteur de l’indemnité non imposable à l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire à hauteur du plus élevé des trois montants suivants (CGI art. 80 duodecies ; CSS art. L 242-1, II-7°) :

– Le montant de l’indemnité prévu par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;

– La moitié du montant total de l’indemnité versée ;

– Deux fois le montant du salaire annuel brut perçu par le salarié l’année civile précédant la rupture du contrat.

Concernant la CSG-CRDS, l’indemnité de mise à la retraite est exonérée dans la limite du montant légal ou conventionnel de licenciement ou de mise à la retraite.

Enfin, les indemnités qui dépassent 10 PASS sont soumises à cotisations dès le 1er euro.

En conclusion, beaucoup de solutions d’optimisation du départ s’offrent aux salariés approchant l’âge de la retraite, à condition de déployer une stratégie de négociation pertinente et efficace.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat de travail : quel régime social et fiscal ?

Indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat de travail : quel régime social et fiscal ? 2560 1707 sancy-avocats.com

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Le régime social et fiscal des indemnités de rupture est clairement défini par le Code de la sécurité sociale et le Code général des impôts. En revanche, le traitement de l’indemnité transactionnelle réparant un préjudice lié à l’exécution du contrat de travail est plus complexe à cerner.

1. Observations liminaires : les enjeux 

Les litiges entre l’employeur et le salarié surviennent souvent à l’occasion de la rupture du contrat. Toutefois, des différends peuvent s’élever au sujet de l’exécution de la relation professionnelle : souffrance au travail, harcèlement moral, repos compensateur, heures supplémentaires, indemnité de non-concurrence,… 

Déterminer précisément le régime de l’indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat de travail présente une importance considérable.

En premier lieu, si l’employeur accepte de verser une indemnité au salarié, il entend naturellement, en contrepartie, régler le différend ou le litige préexistant entre eux.

Or, la remise en cause du régime de l’indemnité est susceptible de fragiliser la transaction, puisque les concessions de l’employeur et du salarié se trouvent alors modifiées, voire bouleversées.

Par ailleurs, un redressement Urssaf affectant l’indemnité engendre un coût supplémentaire pour l’employeur contraint d’acquitter les cotisations patronales et de précompter les cotisations salariales (sans garantie de récupérer le montant correspondant à ces dernières auprès du salarié).

En second lieu, le salarié subit un important préjudice si l’Urssaf considère l’indemnité transactionnelle comme un élément de salaire.

En effet, en ce cas, il est redevable des cotisations salariales (environ 23 à 25 %) et de l’impôt sur le revenu selon son taux moyen d’imposition.

La perception d’une indemnité transactionnelle pouvant représenter un montant important en proportion du salaire moyen, le salarié fait alors face à une surimposition particulièrement préjudiciable.

2. Principe : le régime de l’indemnité dépend de la nature de l’élément réparé 

Comme évoqué ci-dessus, la transaction conclue au cours de l’exécution du contrat de travail peut avoir pour objet de régler un litige relatif :

– à des éléments de salaire : heures supplémentaires, primes diverses, repos compensateurs,…

– à une souffrance physique ou psychique (au sens du « pretium doloris ») : harcèlement moral ou sexuel, préjudice moral lié à une situation de souffrance au travail,…

Or, c’est la nature de l’élément réparé par l’indemnité transactionnelle qui détermine son régime social et fiscal.

2.1 Régime social

Comme l’indique la Cour de cassation (Cass. 2e civ. 28-11-2019 n° 18-22.807), les sommes versées en exécution des transactions conclues avec les salariés constituant un élément de rémunération versé en contrepartie ou à l’occasion du travail entrent dans l’assiette des cotisations et contributions.

En l’espèce, l’indemnité transactionnelle avait été versée en réparation du préjudice subi du fait du refus de la société d’accorder des jours de repos complémentaires ou de compenser des heures de dotation vestimentaire.

Cette solution avait déjà été retenue au sujet d’une indemnité transactionnelle tendant à indemniser le préjudice né de l’impossibilité, pour des salariés, de prendre leur pause accordée en compensation du temps d’habillage et de déshabillage (Cass. 2e civ. 19-1-2017 n° 16-11.472).

A l’inverse, si l’indemnité transactionnelle a pour objet de réparer un préjudice dénué de tout caractère salarial, elle n’a pas à être assujettie aux cotisations et contributions sociales, à la CSG, à la CRDS et aux taxes et participations assises sur les salaires dont l’assiette est harmonisée avec celle des cotisations de sécurité sociale.

L’Urssaf adopte la même solution, dans les termes suivants (source : urssaf.fr) :

« Pour distinguer les sommes qui ont un caractère indemnitaire de celles qui ont le caractère de rémunération, le sens et la portée de la transaction peuvent être recherchés : 

– à partir des termes mêmes du document transactionnel,

– mais aussi à partir des éléments extérieurs à cette transaction (circonstances de fait, relations entre les parties…). 

L’Urssaf est ainsi compétente pour rechercher si l’indemnité transactionnelle versée correspond à une ou plusieurs indemnités susceptibles d’être exonérées, ou bien s’il s’agit d’éléments de salaire soumis à cotisations. »

Il en résulte que les sommes versées par l’employeur pour indemniser le salarié victime d’un préjudice physique, psychique, psychologique, moral, d’image, etc., ne doivent pas se voir appliquer de cotisations, contributions, de CSG et de CRDS,…

2.2. Régime fiscal 

Les dommages-intérêts versés au salarié en réparation d’un préjudice lié à l’exécution du contrat et n’ayant aucun lien avec un élément de salaire ne sont pas visés par les articles 79 à 81 quater du Code général des impôts (CGI).

Pour rappel, ces articles définissent le revenu imposable et sont compris dans un § V du CGI intitulé « V : Traitements, salaires, pensions et rentes viagères (Articles 79 à 90) ».

Par exception, il résulte de l’article 80 du CGI que sont imposées comme des traitements et salaires les indemnités, au-delà d’un million d’euros, « perçues au titre du préjudice moral fixées par décision de justice. »

En conclusion, l’indemnité allouée au salarié en raison d’un préjudice subi lors de l’exécution du contrat de travail n’est pas imposable, sauf si elle a la nature d’un élément de salaire.


3. Date de versement de l’indemnité transactionnelle
 

La question se pose de savoir si la date de versement de l’indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat a une incidence sur son régime social et fiscal tel qu’exposé ci-dessus (§2).

Plus précisément, le traitement de cette indemnité est-il identique si l’indemnité est versée au cours de l’exécution du contrat ou après sa rupture ?

L’interrogation est légitime puisque les indemnités de rupture font l’objet d’un traitement spécifique.

En effet, les articles L. 242-1 du Code de la sécurité sociale et 80 duodecies du CGI règlent le régime social et fiscal de l’indemnité transactionnelle versée « à l’occasion de la rupture du contrat de travail. »

Toutefois, les sommes perçues « à l’occasion de » la rupture du contrat de travail correspondent à celles qui sont versées « en lien avec » la rupture du contrat de travail.

En effet, les textes visent notamment les indemnités de licenciement, de mise à la retraite, les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,…

En d’autres termes, le fait que l’indemnité transactionnelle relative à l’exécution du contrat soit versée avant ou après la rupture de la relation de travail est indifférent au regard du régime social et fiscal de l’indemnité. 


4. Conséquences au regard du différé spécifique d’indemnisation Pôle Emploi
 

Pôle Emploi applique un différé spécifique au salarié qui a touché des indemnités liées à la rupture du contrat de travail, quelle que soit leur nature, « dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative. »

Ce différé concerne donc les salariés qui ont perçu de leur employeur, lors de la rupture du contrat de travail, des indemnités supérieures à celles strictement prévues par la loi (indemnités dites « supra-légales »).

À titre d’exemples, peuvent déclencher ce différé l’indemnité de rupture conventionnelle ou l’indemnité conventionnelle, si elles dépassent le montant de l’indemnité légale.

La durée maximale du différé spécifique d’indemnisation est de 150 jours calendaires, ou de 75 jours calendaires en cas de rupture du contrat pour motif économique.

Ce différé est calculé comme suit : Indemnités supra légales ÷ 95,8.

Or, en cas de perception d’une indemnité transactionnelle liée à l’exécution du contrat de travail, ce différé n’a pas vocation à jouer.

En effet, selon le règlement général d’assurance-chômage :

– « Le différé visé au § 1er est augmenté d’un différé spécifique en cas de prise en charge consécutive à une cessation de contrat de travail ayant donné lieu au versement d’indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature. 

Il est tenu compte pour le calcul de ce différé, des indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature, dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative. »

D’ailleurs, l’indemnité ne doit pas être mentionnée dans le cadre 6.3 de l’attestation Pôle Emploi intitulé « sommes versées l’occasion de la rupture (solde de tout compte). »

En effet, comme le précise la notice de l’attestation Pôle emploi, ce cadre contient les « indemnités de fin de contrat. »

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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CSE et vote électronique : solutions inédites de la Cour de cassation

CSE et vote électronique : solutions inédites de la Cour de cassation 2560 1709 sancy-avocats.com

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Dans un arrêt du 13 janvier 2021 (n°19-23.533), la chambre sociale de la Cour de cassation répond clairement à trois questions relatives à la contestation du recours, par l’employeur, au vote électronique à l’occasion de l’élection du CSE.

Préambule : rappel des règles applicables 

Le Code du travail prévoit la possibilité de recourir au vote électronique pour l’élection des membres de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE), « si un accord collectif d’entreprise ou de groupe, ou, à défaut, l’employeur le décide » (C. trav. art. L. 2314-26 et R. 2314-5).

En particulier, comme le dispose l’article R. 2314-5, al. 2 :

– « sans préjudice des dispositions relatives au protocole d’accord préélectoral prévues aux articles L. 2314-5 et suivants, la possibilité de recourir à un vote électronique est ouverte par un accord d’entreprise ou par un accord de groupe. A défaut d’accord, l’employeur peut décider de ce recours qui vaut aussi, le cas échéant, pour les élections partielles se déroulant en cours de mandat. »

Cette disposition soulève plusieurs questions distinctes :

– Comment interpréter la formule « à défaut d’accord » permettant à l’employeur de décider du recours au vote électronique ?

– En l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise, l’employeur doit-il engager une négociation dérogatoire ?

– La contestation de la décision de recourir au vote électronique relève-t-elle du contentieux des accords collectifs ou du contentieux du processus électoral ?

L’arrêt du 13 janvier 2021, largement publié (FS-P+R+I) répond clairement à ces questions.

1/ Comment interpréter la formule « à défaut d’accord » permettant à l’employeur de décider du recours au vote électronique ?  

Plusieurs dispositions du Code du travail prévoient la mise en place de dispositifs collectifs au sein de l’entreprise au moyen d’un accord d’entreprise, « ou, à défaut d’accord », par l’employeur, c’est-à-dire unilatéralement.

En l’occurrence se posait la question de savoir si l’employeur devait obligatoirement avoir tenté de négocier un accord d’entreprise avant de recourir au vote électronique.

Pour la Cour de cassation :

– « Il ressort de ces dispositions que ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu que l’employeur peut prévoir par décision unilatérale la possibilité et les modalités d’un vote électronique. »

Ainsi, la Cour de cassation se prononce en faveur du caractère subsidiaire, et non simplement alternatif, de la décision de l’employeur de recourir au vote électronique pour l’élection du CSE.

L’employeur doit donc pouvoir justifier de l’échec des négociations avant de décider, seul, de mettre en place le vote électronique.

La Cour de cassation (Cass. Soc. 17-04-2019, n°18-22.948) avait statué dans des termes similaires, en particulier au sujet de la détermination du périmètre des établissements distincts, autorisant l’employeur à déterminer ce périmètre en l’absence d’accord (C. trav. art. L. 2313-4) :

– « Ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu que l’employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts. »

2/ En l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise, l’employeur doit-il engager une négociation dérogatoire ?

En l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise, les membres titulaires du CSE peuvent conclure des accords collectifs s’ils sont expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l’entreprise ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives (C. trav. art. L. 2232-24).

La validité des accords conclus en application de cet article est subordonnée à leur approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Par ailleurs, les représentants du personnel qui n’ont pas été expressément mandatés peuvent conclure des accords collectifs, à condition que ceux-ci soient signés par des membres du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés des dernières élections professionnelles (C. trav. art. L. 2232-25).

Il importe donc de savoir si l’employeur a l’obligation « d’épuiser » ces possibilités de négociation avant d’envisager le recours unilatéral au vote électronique.

La Cour de cassation y apporte une réponse négative, formulée dans ces termes :

– « Dès lors que le législateur a expressément prévu qu’à défaut d’accord collectif, le recours au vote électronique pouvait résulter d’une décision unilatérale de l’employeur, cette décision unilatérale peut, en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise ou dans le groupe, être prise par l’employeur sans qu’il soit tenu de tenter préalablement une négociation selon les modalités dérogatoires prévues aux articles L. 2232-23 à L. 2232-26 du code du travail. »

La réponse de la Cour de cassation est très claire : les dispositions sur la négociation dérogatoire sont des dispositions subsidiaires.

3/ La contestation de la décision de recourir au vote électronique relève-t-elle du contentieux des accords collectifs ou du contentieux du processus électoral ?

Il résulte de l’article L. 2314-32 du Code du travail que les contestations relatives à l’électorat, à la composition des listes de candidats, à la régularité des opérations électorales et à la désignation des représentants syndicaux sont de la compétence du juge judiciaire.

L’article R. 2314-23 prévoit que le tribunal judiciaire (anciennement : le tribunal d’instance) statue en dernier ressort sur ces contestations. Seul un pourvoi en cassation est donc ouvert aux parties.

A l’inverse, le contentieux des accords collectifs relève du droit commun, c’est-à-dire du tribunal judiciaire statuant en premier ressort (anciennement : tribunal de grande instance). Un appel doit donc être formé à l’encontre du jugement contesté.

Dans l’arrêt du 13 janvier 2021, la Cour de cassation décide que le contentieux portant sur l’accord collectif ou la décision unilatérale de l’employeur décidant du recours au vote électronique, relève du tribunal judiciaire statuant en dernier ressort.

La solution était loin d’être évidente car la Cour de cassation avait jugé que l’accord collectif décidant du principe du recours au vote électronique était un accord de droit commun, distinct du protocole préélectoral, et soumis aux conditions de validité de droit commun (Cass. soc. 28-09-2011, n°10-27.370).

 

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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