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Xavier Berjot

Le burn-out : maladie professionnelle ?

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Le burn-out est généralement défini comme un syndrome d’épuisement physique, émotionnel et mental lié à une dégradation du rapport d’un salarié à son travail. Ce trouble psychosocial peut, sous certaines conditions, être reconnu comme une maladie professionnelle.

1/ Un syndrome non désigné dans les tableaux règlementaires 

Par principe, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau (CSS art. L. 461-1, al. 2).

Ainsi, les maladies pouvant être prises en charge au titre de la législation professionnelle sont énumérées dans des tableaux numérotés, créés par des décrets en Conseil d’Etat.

Il existe 3 catégories de tableaux selon la nature des maladies :

– Les maladies présentant des manifestations morbides d’intoxication aiguë ou chronique (CSS art. L. 461-2, al. 1) ;

– Les infections microbiennes (CSS art. L. 461-2, al. 2) ;

– Les affections résultant d’une ambiance ou d’attitudes particulières (CSS art. L. 461-2, al. 3).

Pour être prise en charge au titre de maladie professionnelle, l’affection dont est atteint le salarié doit être expressément mentionnée dans un tableau.

Or, le burn-out ne figure dans aucun tableau de maladies professionnelles.

Pour autant, ce syndrome d’épuisement professionnel peut, dans certains cas particuliers, être reconnu comme une maladie professionnelle.

En effet, le Code de la sécurité sociale prévoit que l’origine professionnelle d’une maladie peut, le cas échéant, être reconnue par la CPAM, à l’issue d’une procédure fondée sur une expertise individuelle :

– même si la victime ne remplit pas les conditions fixées par les tableaux visés ci-dessus ;

ou si son affection ne figure dans aucun tableau.

La reconnaissance du burn-out au titre d’une maladie professionnelle peut intervenir dans la seconde hypothèse, après une expertise individuelle.

2/ Un syndrome pouvant être qualifié de maladie professionnelle sur expertise individuelle

Peut être reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles (CSS art. L. 461-1, al. 4 et R. 461-8) :

– lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime ;

– et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux au moins égal à 25 %.

Ces dispositions de droit commun sont applicables aux affections psychologiques, dont le syndrome d’épuisement professionnel.

La loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi a amélioré la reconnaissance du caractère professionnel des pathologies psychiques en inscrivant, au niveau législatif, la possibilité de reconnaître ces pathologies en tant que maladies professionnelles, sur la base d’une expertise individuelle effectuée par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Les comités peuvent s’entourer de « tout avis médical ou technique » qu’ils estiment nécessaire à l’instruction du dossier.

En application de la loi, le décret n° 2016-756 du 7 juin 2016 prévoit, s’agissant des affections psychiques, que le comité fait appel à l’avis d’un médecin spécialiste ou compétent en psychiatrie chaque fois qu’il l’estime utile.

Ces dispositions ont permis aux salariés de faire reconnaître plus aisément le burn-out comme maladie professionnelle.

Ainsi, selon l’Assurance-maladie (Accidents du travail et maladies professionnelles en entreprise : quel bilan 2019 ? – 20/10/2020) :

– « Les troubles psychosociaux (dépressions, burn out…) continuent leur hausse, qu’ils soient reconnus en maladie professionnelle (+ 6 %) ou en accident du travail (+ 20 000 cas). En cause : le mal être au travail ou l’agression d’un salarié en contact avec le public. »

La jurisprudence fournit des exemples de situation d’épuisement professionnel ayant été reconnues au titre d’une maladie professionnelle, voire d’un accident du travail :

CA Paris, Pôle 6 – chambre 13, 14 mai 2021 (n° 18/10518) :

– « Le 13 février 2015 Mme X a formé une demande de reconnaissance du caractère professionnel d’un syndrome dépressif. Suite à l’avis favorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Paris en date du 13 avril 2016, la caisse a reconnu le caractère professionnel de cette dépression. »

CA Paris, Pôle 6 – chambre 13, 8 janvier 2021 (n° 18/04145) :

– « Il résulte de ce qui précède que la caisse établit, autrement que par les affirmations de l’assuré, que M. Y a été victime d’une altération brutale de son état psychique, présentant un burn out aigu, survenu aux temps et lieu de travail, faisant immédiatement suite à un entretien de nature disciplinaire auquel il avait été convoqué par son employeur. »

Cour d’appel de Versailles, 15e chambre, 29 avril 2020 (n° 17/05960) :

– « Mme X a été placée en arrêt de travail le 19 mai 2014, prolongé jusqu’à la déclaration d’inaptitude du 26 juin 2019, en raison d’un burn out, ou épuisement professionnel, reconnu comme maladie professionnelle par la CPAM en octobre 2015. »

En conclusion, rappelons que, lorsque le salarié est atteint d’une maladie non mentionnée dans un tableau, la caisse primaire (CPAM) ne peut reconnaître l’origine professionnelle de la maladie qu’après avoir recueilli l’avis d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Ce comité, composé d’experts médicaux, a pour mission de statuer sur le lien de causalité entre la maladie et le travail habituel de la victime.

Son avis se fonde sur un dossier préalablement constitué par la CPAM et s’impose à cette dernière.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Pass sanitaire : la procédure de suspension du contrat de travail en pratique

Pass sanitaire : la procédure de suspension du contrat de travail en pratique 1707 2560 sancy-avocats.com

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La loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a prévu une procédure de suspension du contrat de travail relative aux salariés devant détenir un pass sanitaire valable et dans l’incapacité de le présenter au 30 août 2021. Quelle procédure appliquer en pratique ? 

1/ Rappel des dispositions légales

À compter du 30 août 2021, les salariés des entreprises de transport public de longue distance et des établissements recevant du public doivent détenir un pass sanitaire.

Pour les salariés de moins de 18 ans, cette obligation s’impose à compter du 30 septembre 2021.

De même, les salariés, bénévoles, prestataires, intérimaires, sous-traitants qui interviennent dans les établissements où le pass sanitaire est demandé aux usagers sont concernés par l’obligation de le présenter, sauf lorsque leur activité se déroule :

– dans des espaces non accessibles au public ;

– en dehors des horaires d’ouverture au public.

Le pass sanitaire consiste en la présentation numérique ou papier d’une preuve sanitaire, parmi les trois suivantes :

– Le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid‑19 ;

– Un justificatif de statut vaccinal concernant la Covid‑19 ;

– Un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid‑19.

La loi prévoit aussi la possibilité de présenter un document spécifique en cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination.

Si le salarié en CDI ou en CDD n’est pas en mesure ou refuse de présenter un pass sanitaire valable, deux solutions sont envisageables :

– Soit le salarié choisit d’utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels (JRTT, congés familiaux,…) et / ou des jours de congés payés pour couvrir la période pendant laquelle il ne peut pas travailler ;

– Soit l’employeur lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de son contrat de travail.

Cette suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis.

Lorsque la situation se prolonge au-delà d’une durée équivalente à 3 jours travaillés, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation.

Pour davantage d’informations sur le sujet : Pass sanitaire : les conséquences pour les salariés.

2/ Formalisme à appliquer

Aucune disposition particulière n’est prévue par la loi s’agissant du formalisme que doit respecter l’employeur lorsqu’un salarié se présente sans pass sanitaire valable.

Pourtant, il est essentiel de mettre en place des procédures écrites et précises, afin d’éviter toute contestation.

a. La pose des congés payés

En premier lieu, si l’employeur l’accepte, le salarié peut poser des jours de congés payés ou d’autres jours de repos conventionnels afin de ne pas perdre de rémunération durant la période pendant laquelle il ne peut pas travailler.

En ce cas, il est nécessaire que l’employeur vérifie le solde du compteur de congés payés du salarié, sauf à lui accorder des congés par anticipation.

Sur le plan formel, il est conseillé de conclure avec le salarié une convention prévoyant les dispositions suivantes :

– Rappel que le salarié a l’obligation de détenir un pass sanitaire afin d’accéder à aux locaux de l’entreprise ;

– Indication selon laquelle le salarié a refusé ou a été dans l’incapacité de présenter un pass sanitaire valable ;

– Précisions sur les dates de congés et la nature des congés posés par le salarié ;

– Rappel que son compteur de congés payés sera déduit du nombre de jours correspondant ;

– Rappel qu’à l’issue de ses congés, le salarié retrouvera son poste de travail à condition de présenter un pass sanitaire valable et qu’à défaut, il se verra notifier, le jour même, la suspension de son contrat de travail.

La convention doit évidemment être signée par les deux parties.

b. La notification de la suspension du contrat de travail

Cette formalité intervient lorsque le salarié se présente à son poste sans pass sanitaire valable, qu’il ait utilisé ou non, précédemment, des jours de congés (cf. § a. ci-dessus).

Il est rappelé que l’employeur à l’obligation légale de suspendre le contrat de travail jusqu’à ce que le salarié régularise sa situation.

Afin d’éviter toute contestation, il est vivement conseillé de notifier la suspension du contrat de travail par lettre remise en mains propres contre décharge ou par lettre recommandée avec AR, si le salarié refuse la remise de la lettre.

Dans ce dernier cas, l’employeur a intérêt à notifier la suspension du contrat de travail verbalement, devant un témoin, et de rappeler dans sa lettre recommandée que le salarié a refusé la remise de la lettre en mains propres.

Bien entendu, la lettre doit rappeler la date à laquelle le contrat de travail est suspendu.

Il est également conseillé de prévoir :

– Que la suspension du contrat de travail s’accompagne de l’interruption du versement du salaire et prendra fin dès que le salarié produira les justificatifs requis ;

– Qu’aucun congé payé ni droit légal ou conventionnel lié à la notion de travail effectif ne pourra être généré durant cette période ;

– Que, si la situation se prolonge au-delà de 3 jours travaillés, l’employeur devra convoquer le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation.

c. La convocation à l’entretien destiné à examiner les moyens de régulariser la situation du salarié

Comme le ministère du Travail l’a précisé :

– « Aucune disposition particulière n’est prévue s’agissant des modalités de convocation du salarié à l’entretien ayant pour objet d’examiner les moyens de régulariser sa situation. Pour autant, un certain formalisme pourra utilement être respecté afin de limiter toute contestation de forme en convoquant le salarié suspendu par tout moyen conférant date certaine à cette convocation. »

Par ailleurs, le ministère recommande de réaliser l’entretien en présentiel, dans un lieu non soumis à l’obligation de présentation du pass sanitaire ou, à défaut, à distance en visio-conférence.

Formellement, la convocation peut être envoyée par lettre recommandée avec AR et contenir les mentions suivantes :

– Rappel que le salarié a l’obligation de présenter un pass sanitaire valable afin d’accéder à aux locaux de l’entreprise ;

– Rappel que, depuis une période correspondant à 3 jours normalement travaillés, il est dans l’incapacité de présenter un pass sanitaire valable ;

– Objet de l’entretien : examen des moyens de régulariser la situation du salarié ;

– Date, heure et lieu de l’entretien. En cas d’entretien en visio-conférence, prévoir d’envoyer au salarié les informations de connexion.

– Rappel que la loi ne permet pas au salarié d’être assisté lors de l’entretien (l’employeur peut cependant en décider autrement).

Il n’existe pas de délai légal entre la présentation de la convocation par La Poste et la tenue de l’entretien. Il est recommandé de laisser s’écouler un délai de 5 jours ouvrables.

d. Le compte-rendu de l’entretien

Comme le ministère du Travail l’a justement indiqué : « il est recommandé de retracer par écrit le déroulé de l’entretien et les éventuelles décisions qui seraient arrêtées à son issue. »

Le compte-rendu de l’entretien peut être envoyé au salarié par lettre recommandée avec AR, étant précisé que l’employeur ne doit respecter aucun délai particulier entre la tenue de l’entretien et l’envoi du compte-rendu.

Bien entendu, les termes du compte-rendu dépendent de la teneur de la réunion et des échanges entre les parties.

A titre d’exemple, les points suivants peuvent être utilement abordés ou récapitulés :

– Rappel de l’objet de l’entretien ;

– Rappel que la suspension du contrat de travail s’accompagne de l’interruption du versement du salaire et ne permet pas d’acquérir des congés payés ou tout autre droit légal ou conventionnel lié à la notion de travail effectif ;

– Invitation du salarié à détenir un pass sanitaire valable afin de régulariser sa situation (cf. § 1. ci-dessus) ;

– Invitation du salarié à s’informer sur la Covid-19 et l’importance du pass sanitaire (ex. https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus) ;

– Constat selon lequel il est impossible de repositionner le salarié sur un autre poste non soumis à l’obligation du pass sanitaire ;

– A l’inverse, affectation temporaire du salarié à un poste non soumis à cette obligation (un avenant devant alors être conclu) ;

– Instauration du télétravail jusqu’à la régularisation de la situation du salarié ;

– Etc. 

3/ Cas particuliers

Les exemples proposés ci-dessus ne sont listés qu’à titre indicatif et l’employeur doit toujours être vigilant, notamment en présence de cas particuliers.

A titre d’illustration, pour les représentants du personnel, le ministère du Travail a précisé :

– « La suspension du contrat de travail d’un représentant du personnel est sans effet sur ses mandats. Il peut continuer à les exercer. Pour concilier la liberté syndicale et le respect des obligations prévues par la loi, l’employeur peut aménager les modalités d’exercice du dialogue social, notamment en facilitant les échanges à distance. »

Par ailleurs, le contrat de travail du salarié (protégé ou non) ne peut être suspendu que si l’exercice de son activité professionnelle est rendu impossible.

Comme le ministère du Travail l’a indiqué :

– « le salarié est soumis à l’obligation vaccinale ou la production du pass sanitaire uniquement pour des lieux ou activités relevant du champ défini par la loi. La suspension du contrat de travail du salarié refusant de produire ses justificatifs ne vaut que pour les lieux pour lesquels ses justificatifs sont exigés, au prorata du temps de travail que le salarié aurait dû effectuer dans ces lieux. »

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Faute inexcusable de l’employeur : le régime de droit

Faute inexcusable de l’employeur : le régime de droit 1706 2560 sancy-avocats.com

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Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit peuvent prétendre à une indemnisation complémentaire. La preuve de la faute inexcusable leur incombe, sauf dans certains cas. La Cour de cassation (Cass. 2e civ. 8-7-2021 n° 19-25.550) vient d’en fournir une illustration.

1/ La preuve de la faute inexcusable

L’employeur a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en mettant en œuvre, notamment (C. trav. art. L. 4121-1) :

– Des actions de prévention des risques professionnels ;

– Des actions d’information et de formation ;

– La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Pour sa part, la jurisprudence considère que l’employeur est tenu, vis-à-vis des salariés, d’une obligation de sécurité dont il doit assurer l’effectivité (Cass. soc. 20-3-2013 n°12-14.468).

Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il incombe à la victime (le salarié ou ses ayants droit) de prouver que l’employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel elle était exposée, n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (Cass. 2e civ. 8-7-2004 n° 02-30.984).

A titre d’exemple, rejette à bon droit la demande de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur l’arrêt qui relève que l’accident causé par une pelleteuse est survenu « alors que le godet était en position “route” bien que la pelle ait été à l’arrêt, que le salarié n’a pas précisé quel dispositif de sécurité était manquant ou défectueux, et qu’il est établi que la pelle était régulièrement entretenue, faisant ainsi ressortir que l’employeur ne pouvait avoir conscience du danger (…). » (Cass. soc. 12-12-2002 n° 01-20.030).

Par exception, le bénéfice de la faute inexcusable est « de droit » pour le ou les travailleurs victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’eux-mêmes ou un représentant du personnel au CSE avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé. (C. trav. art. L. 4131-4).

La faute inexcusable « de droit » signifie que le salarié ou ses ayants droit n’ont pas à établir la preuve de la faute inexcusable, son bénéfice étant automatique.

2/ L’arrêt du 8 juillet 2021

Un salarié d’une entreprise de sécurité a été victime d’une agression sur son lieu de travail le 7 octobre 2011, prise en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).

Quelques jours avant son agression, la secrétaire de l’entreprise avait trouvé, dans la boîte aux lettres, un courrier anonyme, destiné au salarié, mentionnant « dégage ou on te crève », que ce dernier avait transmis par email du même jour à son employeur.

Après son licenciement pour inaptitude, la victime a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (aujourd’hui : le pôle social du tribunal judiciaire) aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Sa demande a été rejetée par le tribunal des affaires de sécurité sociale et la Cour d’appel de Toulouse (CA Toulouse 22-11-2019 n° 16/02034).

La Cour a retenu, au soutien de sa décision, que les conditions posées par l’article L. 4131- 4 du Code du travail n’étaient pas réunies et qu’il incombait en conséquence au salarié de rapporter la preuve de la faute inexcusable, en établissant que son accident présentait un lien avec une faute commise par son employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité.

S’agissant du courrier anonyme, la Cour a considéré que sa transmission à l’employeur ne caractérisait pas davantage une alerte donnée à l’employeur, portant sur une exposition de sa personne à un risque d’agression physique.

L’arrêt est censuré par la Cour de cassation, aux motifs suivants :

– « En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la victime avait transmis à son employeur une lettre de menaces reçue dans un contexte de fortes tensions internes à l’entreprise, de sorte qu’elle avait signalé à celui-ci le risque d’agression auquel elle était exposée, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. »

3/ Les enseignements

Il résulte de la décision de la Cour de cassation que le signalement d’un risque à l’employeur, par le salarié ou un représentant du personnel, quelle qu’en soit la forme, permet à la victime de bénéficier du régime de la faute inexcusable de droit.

La Cour de cassation (Cass. soc. 17-7-1998 n° 96-20.988) avait déjà statué en ce sens s’agissant d’un risque lié à une installation (escalier) :

« Mais attendu qu’après avoir rappelé les dispositions de l’article L 231-8-1 du Code du travail, selon lesquelles le bénéfice de la faute inexcusable est de droit pour le salarié ayant signalé à l’employeur un risque qui s’est matérialisé, les juges du fond ont constaté que la chute de M. Bignon avait été provoquée par le caractère glissant des marches de l’escalier, dépourvu en outre de main courante, et que cette situation dangereuse pour les usagers avait été signalée par l’intéressé à l’association ATE, son employeur ; que, par ces seuls motifs, la cour d’appel a légalement justifié sa décision. »

 Cette jurisprudence invite l’employeur à la plus grande vigilance lorsque des signalements ou des alertes sont émis par des salariés, notamment en matière de risques psycho-sociaux.

A titre d’exemple, la dénonciation d’un harcèlement moral par un salarié, au moyen d’un email adressé à l’employeur ou à un représentant du personnel au CSE, peut suffire à constituer le signalement mentionné à l’article L. 4131-4 du Code du travail.

Rappelons que la faute inexcusable de l’employeur peut emporter des conséquences financières significatives.

En effet, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire (CSS. art. L. 4132-1).

En particulier, la faute inexcusable ouvre droit à une majoration de la rente versée par la CPAM (ou à une majoration du capital) (CSS. art. L. 452-2, al. 1, 2, 3 et 5 et R. 452-2).

Par ailleurs, en complément de la majoration de rente, la victime a le droit de demander à l’employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle (CSS. art. L. 452-3, al. 1).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Pass sanitaire : les conséquences pour les salariés

Pass sanitaire : les conséquences pour les salariés 1707 2560 sancy-avocats.com

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La loi relative à la gestion de la crise sanitaire a été adoptée définitivement le 25 juillet 2021. Après la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 2021, elle a été publiée au JO du 6 août 2021 et s’applique dès le 7 août 2021, sous réserve de certaines mesures différées dans le temps.

1/ Qu’est-ce qu’un pass sanitaire ?

Le pass sanitaire (orthographié « passe » sanitaire dans la loi) a été initialement instauré par la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

Cette loi avait prévu sa mise en place pour la période du 2 juin au 30 septembre 2021, délai qui est porté au 15 novembre 2021 par la nouvelle loi.

Le pass sanitaire consiste en la présentation numérique (via l’application TousAntiCovid) ou papier, d’une preuve sanitaire, parmi les trois suivantes :

– Le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid‑19 ;

– Un justificatif de statut vaccinal concernant la Covid‑19 ;

– Un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid‑19.

La loi prévoit aussi la possibilité de présenter un document spécifique en cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination.

Toutes les personnes vaccinées peuvent récupérer leur attestation de vaccination sur le site Internet de l’Assurance Maladie.

Le certificat de vaccination peut être scanné grâce à un QR Code, pour l’importer et le stocker sur le smartphone, grâce à TousAntiCovid (mon Carnet).

La présentation du pass sanitaire peut se faire sous format papier ou numérique.

2/ Quels sont les salariés concernés par le pass sanitaire ?

À compter du 30 août 2021, les salariés des entreprises de transport et des établissements recevant du public devront détenir un pass sanitaire.

En effet, la présentation du pass sanitaire peut être imposée aux personnes souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou d’une collectivité d’Outre-mer, ainsi qu’aux salariés intervenant dans les services de transport concernés.

Par ailleurs, le gouvernement est autorisé par décret à imposer le pass sanitaire au public et aux personnes (dont les salariés) intervenant dans certains lieux, établissements, services ou événements où sont exercées les activités suivantes :

– activités de loisirs ;

- activités de restauration commerciale ou de débit de boissons, à l’exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire ;

– foires, séminaires et salons professionnels ;

- sauf en cas d’urgence, services et établissements de santé, sociaux et médico‑sociaux, pour les seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements ainsi que pour celles qui y sont accueillies pour des soins programmés ;

– déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux au sein de l’un des territoires mentionnés ci-dessus, sauf en cas d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif requis ;

– sur décision motivée du représentant de l’État dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux, au‑delà d’un seuil défini par décret et dans des conditions garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu’aux moyens de transport.

3/ Quelles conséquences en l’absence de passe sanitaire ?

Lorsqu’un salarié en CDI ou en CDD ne présente pas son pass sanitaire et s’il ne choisit pas d’utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés, ce dernier lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de son contrat de travail.

Cette suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis.

Lorsque la situation se prolonge au-delà d’une durée équivalente à trois jours travaillés, l’employeur convoque le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation.

Le projet de loi prévoyait que l’employeur pouvait procéder à la rupture du CDD ou du contrat de mission pour défaut de présentation du pass sanitaire.

Toutefois, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions du texte aux motifs suivants :

– « en prévoyant que le défaut de présentation d’un « passe sanitaire » constitue une cause de rupture anticipée des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail qui est sans lien avec l’objectif poursuivi. »

4/ Quelles obligations pour les salariés soignants ?

 Doivent être vaccinés contre la Covid-19, sauf contre-indication médicale reconnue, les personnes exerçant leur activité dans :

– les établissements, centres ou maisons de santé, publics ou privés ;

- les centres et équipes mobiles de soins aux personnes en situation de précarité ou d’exclusion ;

- les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexe ;

- les centres de lutte contre la tuberculose et les centres d’information, de dépistage et de diagnostic du VIH et des infections sexuellement transmissibles ;

- les services de prévention et de santé au travail et les services de médecine préventive des étudiants ;

- les établissements et services sociaux et médicaux-sociaux, à l’exception des travailleurs handicapés accompagnés dans le cadre d’un contrat de soutien et d’aide par le travail ;

- les résidences et habitats collectifs recevant notamment les personnes âgées ou handicapées, les jeunes travailleurs ou les travailleurs migrants.

Sont également concernés par l’obligation vaccinale :

– les professionnels de santé, les psychologues, les psychothérapeutes, les ostéopathes et chiropracteurs ne travaillant pas dans un des établissements visés ci-dessus et les personnes travaillants dans les mêmes locaux que ces derniers ;

- les personnes exerçant l’activité de transport sanitaire (ambulanciers…) ;

- les personnels des services d’incendie et de secours (sapeurs-pompiers, marins-pompiers, personnels des associations de sécurité civile…) ;

- les prestataires de services et des distributeurs de matériels médicaux ;

- les professionnels employés par un particulier-employeur attributaire de l’allocation personnalisée d’autonomie ou de la prestation de compensation du handicap.

Les listes ci-dessus peuvent être adaptées par décret en fonction, notamment, de l’évolution de la situation épidémiologique.

L’obligation vaccinale s’applique à partir du 15 septembre 2021 ou du 15 octobre 2021 pour les soignants ayant déjà reçu une première dose de vaccin.

Lorsque l’employeur constate qu’un salarié ne peut plus exercer son activité, il l’informe sans délai des conséquences qu’emporte cette interdiction d’exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation.

Le salarié qui fait l’objet d’une interdiction d’exercer peut utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés.

A défaut, son contrat de travail est suspendu.

La suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l’exercice de son activité.

Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté.

Pendant cette suspension, le salarié conserve cependant le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit.

 

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Focus sur la définition du harcèlement sexuel

Focus sur la définition du harcèlement sexuel 2048 2560 sancy-avocats.com

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Les contours de la notion de harcèlement sexuel sont parfois difficiles à cerner. En effet, le Code du travail distingue les faits constitutifs d’un harcèlement sexuel et ceux qui y sont assimilés.

1/ Les faits constitutifs du harcèlement sexuel

Aucun salarié ne doit subir de faits de harcèlement sexuel, constitué « par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante » (C. trav. art. L. 1153-1, 1°).

Le harcèlement sexuel est donc caractérisé par son objet ou par son effet.

Le Code pénal en donne une définition similaire, en son article 222-33, 1° : « le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. »

Selon ces textes, il suffit que les comportements revêtent une « connotation sexuelle », ce qui n’exige donc pas qu’ils présentent un caractère explicitement et directement sexuel.

La condition de répétition des actes, inhérente à la notion même de harcèlement, exige que les faits aient été commis à deux reprises au moins.

Elle n’impose pas qu’un délai minimum sépare les actes commis, ces actes pouvant être répétés dans un très court laps de temps (Circ. crim. 2012-15 du 7-8-2012).

En revanche, un agissement unique à connotation sexuelle n’est pas constitutif de harcèlement sexuel.

Cet agissement peut, le cas échéant, être qualifié d’agissement sexiste, au sens de l’article L. 1142-2-1 du Code du travail : « nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

Enfin, l’atteinte à la dignité recouvre les propos ou comportements ouvertement sexistes, grivois, obscènes, tels que des paroles ou écrits répétés constituant des provocations, injures ou diffamations, même non publiques, commises en raison du sexe ou de l’orientation ou de l’identité sexuelle de la victime (Circ. crim. 2012-15 du 7-8-2012).

Il peut évidemment s’agir de comportements homophobes, lesbophobes ou dirigés contre des personnes transsexuelles ou transgenres.

La Cour de cassation a été conduite à préciser que se rend coupable du délit de harcèlement sexuel le salarié qui impose à des collègues des propos ou comportements répétés à connotation sexuelle créant un environnement hostile, peu importe qu’il méconnaisse la portée de ses actes (Cass. crim. 18-11-2015 n° 14-85.591).

2/ Les faits assimilés au harcèlement sexuel

L’article L. 1153, 2° du Code du travail prohibe les faits assimilés au harcèlement sexuel, consistant en « toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »

Ici, un acte unique suffit à caractériser l’infraction assimilée à un harcèlement sexuel.

Sont visés ici les faits de « chantage sexuel » qui peuvent être commis en des occasions uniques, telles qu’un entretien d’embauche, l’attribution d’une promotion professionnelle ou l’octroi d’une prime.

Le texte exige que la pression exercée sur la victime soit grave pour être qualifiée de fait assimilé à un harcèlement moral.

Pour l’administration, le caractère de gravité s’apprécie au regard du contexte, et plus précisément des relations existant entre le harceleur et sa victime, de la situation dans laquelle se trouve cette dernière, et de sa capacité plus ou moins grande à résister à la pression dont elle est l’objet (Circ. crim. 2012-15 du 7-8-2012).

La Cour de cassation a récemment jugé que ne commet pas une faute grave le responsable d’exploitation ayant envoyé, depuis son téléphone professionnel, de manière répétée et durable entre 2011 et 2013, des SMS au contenu déplacé et pornographique à une salariée avec laquelle il était entré dans un jeu de séduction réciproque (Cass. soc. 25-9-2019 n°17-31.171).

En l’espèce, la constatation de l’absence de toute pression grave ou de toute situation intimidante, hostile ou offensante à l’encontre de la salariée a pu écarter la notion de harcèlement sexuel.

Sous cette réserve, la Cour de cassation a jugé (très logiquement) que l’auteur et la victime de harcèlement sexuel peuvent être de même sexe (Cass. soc. 3-3-2021 n° 19-18.110).

Enfin, qu’il s’agisse de faits constitutifs de harcèlement sexuel ou assimilés au harcèlement sexuel, ceux-ci peuvent être sanctionnés par l’employeur même s’ils sont commis en dehors du cadre du travail.

En ce sens, la Cour de cassation a jugé que les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées d’un salarié à l’égard de personnes avec lesquelles il est en contact en raison de son travail ne relèvent pas de sa vie personnelle (Cass. soc. 9-10-2011 n° 09-72.672).

A titre d’exemple, le fait pour un salarié d’abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel même si les agissements ont lieu en dehors du temps et du lieu de travail (Cass. soc. 11-1-2012 n° 10-12.930).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Redressement fiscal sur l’indemnité transactionnelle : pas de recours pour le salarié

Redressement fiscal sur l’indemnité transactionnelle : pas de recours pour le salarié 2560 1707 sancy-avocats.com

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Le salarié est-il fondé à solliciter de son ancien employeur des dommages-intérêts après un redressement fiscal portant sur l’indemnité transactionnelle ? Non, vient de répondre la Cour de cassation (Cass. soc. 16-6-2021 n° 20-13.256).

1/ Les faits 

Un salarié, engagé en qualité de conseiller du président du directoire, a conclu une transaction avec son ancien employeur, un établissement financier.

La transaction prévoyait le versement, au salarié, d’une somme de 1.245.000 €, comprenant l’indemnité conventionnelle de licenciement (895.833 €) et une indemnité transactionnelle (349.667 €).

Or, la Société a commis une erreur dans le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement, exonérée d’impôt, qui en réalité s’élevait non pas à 895.833 € mais à seulement 446.950 €…

A la suite d’un contrôle, l’administration fiscale a considéré que l’indemnité transactionnelle, soumise à l’impôt, était donc de 798.550 € et non de 349.667 € comme stipulé à l’acte.

En raison du redressement fiscal, le salarié a été contraint de payer une somme de près de 300.000 € au Trésor public.

Dans cette affaire, il n’était pas contesté que l’erreur de calcul provenait de l’employeur. Le débat juridique portait exclusivement sur l’interprétation des termes de la transaction.

L’article 11 de l’acte prévoyait, en effet, les dispositions suivantes :

– « M. [P] déclare expressément qu’il fera son affaire personnelle de toutes déclarations des sommes qui lui seront versées à l’occasion de la rupture de son contrat de travail et notamment des sommes susceptibles d’être imposables au titre de l’impôt sur le revenu. »

Devant le juge d’appel (CA Paris, 25 septembre 2019), le salarié avait été débouté de sa demande en indemnisation des conséquences fiscales de l’erreur commise par son ancien employeur.

Pour la Cour d’appel, la Société avait dûment exécuté la transaction en versant au salarié la somme globale de 1.245.000 € prévue contractuellement.

La Cour d’appel ajoutait que le salarié avait expressément accepté de « faire son affaire personnelle » de l’imposition des sommes perçues.

2/ La solution juridique

Pour le salarié, la Société n’avait pas exécuté la transaction, puisque celle-ci prévoyait le versement d’une indemnité transactionnelle de 349.667 €.

Or, après le redressement fiscal, l’indemnité transactionnelle soumise à l’impôt était de 798.550 €, soit un montant bien supérieur et des incidences fiscales radicalement différentes.

Le salarié ajoutait qu’en dépit de l’article 11 de la transaction, il n’avait jamais renoncé à engager la responsabilité civile de la Société pour voir réparer son préjudice fiscal.

En effet, l’objet de la transaction concernait le règlement des conséquences de la rupture du contrat de travail et non un différend sur la fiscalité des indemnités de rupture.

Cette argumentation était pertinente puisque l’article 2048 du Code civil dispose : 

– « Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. » 

Pourtant, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du salarié, aux motifs suivants :

– La Cour d’appel, qui a constaté que l’employeur avait versé au salarié les sommes mentionnées dans la transaction, en a ainsi caractérisé l’exécution par l’employeur.

– La Cour d’appel a constaté que le salarié avait expressément accepté de faire son affaire personnelle de l’imposition des sommes perçues et que, moyennant la parfaite exécution de la transaction, il déclarait être rempli de tous ses droits et renonçait irrévocablement à toutes demandes et actions liées à ses fonctions et mandats.

En conclusion, pour la Cour de cassation, l’employeur pouvait opposer la transaction au salarié, et la demande indemnitaire formée à l’encontre de l’employeur après le redressement fiscal n’était pas recevable.

La décision de la Cour de cassation est contestable.

En effet, celle-ci considère que l’employeur a exécuté la transaction dans la mesure où il a payé la somme globale de 1.245.000 €.

Or, force est de constater que la Société n’a pas respecté les termes de l’acte selon lesquels elle devait verser la somme de 895.833 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement et celle de 349.667 € à titre d’indemnité transactionnelle.

Par ailleurs, il est vrai que le salarié avait signé une clause par laquelle il déclarait faire son affaire personnelle de la déclaration des montants à l’administration fiscale.

Toutefois, il avait signé cet engagement en considération d’une indemnité conventionnelle de 895.833 € et d’une indemnité transactionnelle de 349.667 €…

En définitive, il est impératif de recalculer précisément les montants prévus à la transaction, ce qui permet de déterminer leur régime social et fiscal.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Mise au point, recadrage, rappel à l’ordre = avertissement ?

Mise au point, recadrage, rappel à l’ordre = avertissement ? 2560 1707 sancy-avocats.com

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Il est parfois difficile d’identifier si une lettre de reproche de l’employeur constitue un avertissement au sens de la jurisprudence. Tel est le cas en présence de mises au point, rappels à l’ordre, recadrages, mises en garde, etc. Or, les enjeux sont de taille… 

1/ L’avertissement : sanction disciplinaire 

Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération (C. trav. art. L. 1331-1).

Le Code du travail ne dresse pas la liste des sanctions pouvant être prononcées par l’employeur.

En pratique, l’avertissement (ou blâme), constitue la sanction la plus légère sur l’échelle des mesures disciplinaires.

Cette sanction peut être définie comme la lettre de l’employeur reprochant une faute à un salarié et l’avertissant de l’éventualité de nouvelles sanctions en cas de réitération de son comportement.

Il résulte de l’article L. 1331-1 du Code du travail que les observations verbales ne sont pas assimilables à une sanction disciplinaire.

Comme l’administration l’a précisé, une réprimande orale, même accompagnée de mises en garde ou d’injonctions, ne doit pas être considérée comme une sanction (Circ. DRT 5-83 du 15-3-1983 n° 22).

A l’inverse, constitue un avertissement la lettre de l’employeur reprochant au salarié diverses erreurs et le mettant en demeure d’apporter un maximum de soins à la réalisation des travaux qui lui sont confiés (Cass. soc. 13-10-1993 n° 92-40.955).

En effet, cette lettre équivaut à la sanction d’un comportement du salarié considéré comme fautif.

L’analyse de la jurisprudence de la Cour de cassation dévoile que tous les écrits de l’employeur reprochant une faute au salarié sont assimilables à un avertissement.

À l’inverse, lorsque l’employeur n’invoque pas une faute du salarié, son écrit peut (parfois) ne pas être considéré comme un avertissement.

2/ Les écrits assimilables ou non à un avertissement

La « mise en garde » notifiée par écrit avec indication qu’elle sera portée au dossier du salarié constitue une sanction disciplinaire prenant la forme d’un avertissement (Cass. soc. 22-4-1997 n° 94-42.430).

De même, la procédure de demande d’explications écrites en vigueur dans une entreprise constitue une mesure disciplinaire dès lors qu’elle est mise en œuvre après faits considérés comme fautifs, que le salarié est tenu de répondre immédiatement aux questions posées, et que tout refus de s’exécuter après une mise en demeure constitue un grief supplémentaire pouvant justifier une sanction (Cass. soc. 19-5-2015 n° 13-26.916).

Plus récemment, la Cour de cassation a jugé que la lettre rappelant la présence non autorisée du salarié dans un local électrique et l’invitant de manière impérative à respecter les règles régissant l’accès à un tel local, stigmatise le comportement du salarié considéré comme fautif et constitue une sanction disciplinaire (Cass. soc. 10-2-2021 n° 19-18.903).

Un simple e-mail peut également être considéré comme un avertissement, en fonction de sa teneur.

À titre d’illustration, l’e-mail dans lequel l’employeur adresse divers reproches à un salarié et l’invite de façon impérative à un changement radical, avec mise au point ultérieure, sanctionne un comportement fautif et constitue un avertissement (Cass. soc. 26-5-2010 n° 08-42.893).

Cette solution est logique dans la mesure où la jurisprudence ne tient pas compte du support de l’information, mais de la nature et du contenu du message adressé par l’employeur.

En revanche, un simple compte-rendu des faits reprochés au salarié lors d’un entretien n’est pas une sanction (Cass. soc. 12-11-2015 n° 14-17.615).

Dans le même sens, ne constitue pas une sanction disciplinaire la lettre par laquelle l’employeur se borne à solliciter du salarié qu’il se ressaisisse en lui faisant des propositions afin de l’aider (Cass. soc. 13-12-2011 n° 10-20.135).

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a considéré que le compte-rendu d’un entretien de suivi par lequel un supérieur hiérarchique indique au salarié qu’il sollicite une sanction à son encontre auprès du service compétent pour prononcer une telle mesure, en précisant qu’il ignore quelle en sera l’issue, n’est pas un avertissement (Cass. soc. 27-5-2021 n° 19-15507).

En conclusion, il n’est pas toujours aisé de déterminer avec précision si tel ou tel écrit de l’employeur constitue ou non un avertissement…

3/ Des enjeux de taille 

L’employeur qui notifie une sanction disciplinaire à un salarié ne peut plus invoquer la même faute pour justifier son licenciement, sans se prévaloir de faits nouveaux survenus postérieurement.

A titre d’exemple, est sans cause réelle et sérieuse le licenciement d’une salariée ayant fait l’objet d’un avertissement, le 28 mars 1994, pour des manquements répétés à l’accomplissement de ses obligations professionnelles, puis d’un licenciement le 3 mai 1994, pour négligence dans le traitement de ses obligations d’envoi de documents à l’Urssaf (Cass. soc. 21-3-2001 n° 99-40.853).

La Cour de cassation considère même que l’employeur qui, bien qu’informé de l’ensemble des faits reprochés à un salarié, choisit de lui notifier un avertissement seulement pour certains d’entre eux, a épuisé son pouvoir disciplinaire (Cass. soc. 16-3-2010 n° 08-43.057).

Il en résulte qu’il ne peut prononcer, par la suite, un licenciement pour les autres faits antérieurs à l’avertissement.

La jurisprudence a été conduite à préciser que l’employeur ayant épuisé son pouvoir disciplinaire par la notification de la sanction ne peut le restaurer en décidant unilatéralement d’annuler la mesure ainsi notifiée (Cass. soc. 14-11-2013 n° 12-21.495).

L’employeur doit donc être particulièrement vigilant lorsqu’il adresse – notamment – des e-mails au salarié contenant des reproches sur son comportement ou son travail.

En effet, bien que l’employeur n’en ait pas nécessairement conscience, un tel procédé peut le priver de la possibilité de licencier le salarié.

Les conséquences financières peuvent être importantes pour l’entreprise, notamment en présence d’un salarié ayant une ancienneté significative ou une rémunération importante.

Par ailleurs, dès lors que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par le règlement (Cass. soc. 26-10-2010 n° 09-42.740).

Dans les entreprises tenues d’élaborer un règlement intérieur (50 salariés et plus), une sanction autre qu’un licenciement est donc illicite en l’absence de règlement intérieur (Cass. soc. 23-3-2017 n° 15-23.090).

Par conséquent, dans cette situation, l’employeur s’expose à une action en nullité de la sanction, s’il envoie au salarié une lettre ou un e-mail de reproches pouvant être assimilés à un avertissement.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Licenciement du salarié ayant dénoncé un harcèlement moral : la Cour de cassation fait preuve de subtilité

Licenciement du salarié ayant dénoncé un harcèlement moral : la Cour de cassation fait preuve de subtilité 1707 2560 sancy-avocats.com

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Le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral est nul. Cette protection s’étend au salarié qui relate des faits de harcèlement moral, sauf mauvaise foi. Un arrêt récent statue sur le sujet (Cass. soc. 9-6-2021 n° 20-15.525).

1/ Principe : la protection s’applique au salarié dénonçant des faits qualifiés par lui de harcèlement moral

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (C. trav. art. L. 1152-1).

La rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de cette règle d’ordre public est nulle (C. trav. art. L. 1152-3).

La même sanction s’applique au licenciement notifié au salarié « pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés » (C. trav. art. L. 1152-2).

Selon la Cour de cassation (Cass. soc. 21-3-2018 n° 16-24.350), le salarié qui relate des faits qualifiés par lui de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

Cet arrêt confirme une solution précédemment dégagée par la Cour de cassation (Cass. soc. 13-9-2017 n° 15-23.045), selon laquelle le salarié doit textuellement invoquer les termes de « harcèlement moral » pour bénéficier de la protection contre le licenciement.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait cassé un arrêt de la Cour d’appel de Paris, au motif qu’il résultait de ses constatations que le salarié n’avait pas dénoncé des faits qualifiés par lui d’agissements de harcèlement moral.

En effet, le salarié avait envoyé un email à l’employeur, écrivant qu’il subirait « des comportements abjects, déstabilisants et profondément injustes sans aucune justification. »

Ainsi, le salarié n’ayant pas expressément visé les termes de « harcèlement moral » ne bénéficie pas de la protection instaurée en faveur des salariés dénonçant de tels agissements.

Cette jurisprudence peut sembler exagérément formaliste.

En effet, un salarié peut décrire et dénoncer des faits constitutifs d’un harcèlement moral, au sens de la définition légale, sans pour autant avoir la présence d’esprit d’écrire les mots « harcèlement moral » dans sa lettre ou son email…

Or, à défaut, la protection ne joue pas…

2/ Tempérament : la protection s’applique si l’employeur utilise lui-même la qualification de harcèlement moral

Dans l’arrêt du 9 juin 2021, une salariée avait été engagée à compter du 15 septembre 2008 par un office du tourisme, en qualité de directrice.

Elle avait été licenciée pour une cause qualifiée par l’employeur de réelle et sérieuse le 3 juillet 2015, après avoir dénoncé un comportement fautif de son employeur dans une lettre du 25 mai 2015.

Or, cette salariée reprochait à la Cour d’appel d’avoir rejeté sa demande de nullité du licenciement, au motif qu’elle n’évoquait pas un harcèlement moral mais des « agissements consistant en des humiliations, dénigrements, comportements et propos vexatoires, ayant pour effet, si ce n’est pour objet, une grave dégradation de son état de santé physique et mental. »

En application de la jurisprudence classique de la Cour de cassation, le pourvoi de la salariée aurait dû être rejeté.

Toutefois, la Cour de cassation relève que la lettre de licenciement évoquait notamment comme grief le fait pour la salariée d’avoir proféré « des accusations de harcèlement tout à fait inexactes. »

En d’autres termes, alors même que la salariée n’invoquait pas un harcèlement, l’employeur utilisait ce mot.

Ainsi, la Cour de cassation a censuré la Cour d’appel pour avoir rejeté la demande de nullité du licenciement, alors que celle-ci avait constaté que la lettre de licenciement mentionnait expressément des accusations de harcèlement inexactes.

Ici encore, cet arrêt de la Cour de cassation est particulièrement subtil et formaliste.

La jurisprudence actuelle invite tant le salarié que l’employeur à faire preuve de vigilance quant aux termes à utiliser – ou à ne pas utiliser – en matière de harcèlement moral.

3/ Exception : la protection ne bénéficie pas au salarié de mauvaise foi

 En tout état de cause, le salarié dénonçant de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l’entreprise et / ou ses supérieurs hiérarchiques ne bénéficie d’aucune protection et peut faire l’objet d’un licenciement pour faute grave (Cass. soc. 6-6-2012 n° 10-28.345).

Pour la Cour de cassation, la mauvaise foi du salarié ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce (Cass. soc. 7-2-2012 n° 10-18.035).

Tel est le cas, par exemple, des accusations de harcèlement portées par un salarié à l’encontre de son directeur et divulguées auprès de collègues de travail, qui revêtent un caractère mensonger (Cass. soc. 22-1-2014 n° 12-28.711).

D’ailleurs, le salarié de mauvaise foi peut faire l’objet d’un licenciement pour faute lourde, en fonction du contexte dans lequel s’inscrivent ses agissements.

A titre d’illustration, est justifié le licenciement pour faute lourde du salarié ayant sciemment organisé une conférence de presse destinée à ternir l’image de son employeur au cours de laquelle il avait porté des accusations infondées de harcèlement moral et de faits de discrimination dénaturés et volontairement sortis de leur contexte (Cass. soc. 5-7-2018 n° 17-17.485).

La dénonciation de fait inexacts peut même donner lieu à l’exercice de poursuites pénales.

Ainsi, se rend coupable de diffamation non publique le représentant du personnel qui dénonce dans un écrit dont il sait qu’il sera diffusé par voie d’affichage, des faits de harcèlement sexuel imputés à un cadre de l’entreprise (Cass. crim. 3-4-2002 n° 01-86.730).

Xavier Berjot
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Transaction et égalité de traitement

Transaction et égalité de traitement 2560 1708 sancy-avocats.com

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Transaction et égalité de traitement

La question peut surprendre mais elle s’est posée devant la Cour de cassation : le principe d’égalité de traitement s’applique-t-il à la transaction conclue entre l’employeur et le salarié ? Non, vient de répondre la chambre sociale un arrêt du 12 mai 2021 (Cass. soc. 12-5-2021 n° 20-10796).

1/ Le principe d’égalité de traitement

L’employeur a l’obligation d’assurer une égalité de traitement entre les femmes et les hommes et celle-ci se décline dans plusieurs domaines.

En particulier, « tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes » (C. trav. art. L. 3221-2).

Le Code précise que constitue une rémunération (C. trav. art. L. 3221-3) :

– le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum ;

– tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier.

Par ailleurs, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent, des salariés, un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse (C. trav. art. L. 3221-4).

2/ Les règles régissant la transaction

La transaction conclue entre l’employeur et le salarié est soumise aux dispositions des articles 2044 à 2052 du Code civil.

Selon l’article 2044, « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. »

L’article 2048 dispose que « les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. »

Ce texte est complété par l’article 2049 selon lequel « les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé. »

La transaction est un contrat et elle ne crée d’obligations qu’entre les parties, conformément aux dispositions de l’article 1199 du Code civil.

En vertu de ce principe de l’effet relatif du contrat, les tiers ne peuvent ni en demander l’exécution ni se voir contraints de l’exécuter.

3/ L’arrêt du 12 mai 2021

Le 27 août 2015, la société La Halle a conclu avec les syndicats un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) prévoyant notamment la suppression de l’équipe de nuit d’un entrepôt logistique, avec proposition, pour les salariés non licenciés, d’un poste en équipe de jour et versement, au bénéfice des salariés acceptant cette modification du contrat de travail, d’une indemnité exceptionnelle temporaire d’une durée de 12 mois pour compenser la perte des primes de nuit.

Par la suite, la société La Halle a conclu des transactions avec plusieurs salariés de l’ancienne équipe de nuit ayant accepté un poste de jour, qui revendiquaient le paiement de l’indemnité prévue au PSE.

En application des transactions, les salariés ont perçu une indemnité transactionnelle en octobre 2016.

Postérieurement, d’autres salariés ont sollicité de l’employeur le paiement de l’indemnité prévue au PSE ou un montant équivalent sous forme de dommages-intérêts, sur le fondement du principe d’égalité de traitement entre les salariés.

Dans un arrêt du 15 novembre 2019, la Cour d’appel de Bourges a jugé que l’employeur avait violé le principe d’égalité de traitement et l’a condamné à payer à chaque requérant une certaine somme au titre de son préjudice né de la violation du principe d’égalité de traitement entre les salariés, outre des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

La Cour de cassation a censuré cette analyse au visa de l’article 2044 du Code civil et du principe d’égalité de traitement, retenant les motifs suivants :

– La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

– Il en résulte qu’un salarié ne peut invoquer le principe d’égalité de traitement pour revendiquer les droits et avantages d’une transaction conclue par l’employeur avec d’autres salariés pour terminer une contestation ou prévenir une contestation à naître.

Ainsi, la Cour d’appel a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Bourges, alors même que tous les salariés se trouvaient dans une situation équivalente en terme d’ancienneté, de poste et de modification du contrat de travail pour raison économique.

Dans un arrêt précédent, la Cour de cassation avait déjà jugé que le principe d’égalité de traitement ne peut pas être invoqué par un salarié pour remettre en cause les droits et avantages d’une transaction revêtue de l’autorité de la chose jugée et dont il ne conteste pas la validité (Cass. soc. 30-11-2011 n° 10-21.119).

En conclusion, la solution est claire : le principe d’égalité de traitement ne s’applique pas aux transactions.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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SSTI : les règles de fixation des cotisations des entreprises

SSTI : les règles de fixation des cotisations des entreprises 2560 1898 sancy-avocats.com

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A défaut de disposer d’un service de santé au travail autonome, l’employeur doit adhérer à un service de santé interentreprises (SSTI). Or, le mode de calcul des cotisations dues par les entreprises au SSTI donne lieu à de nombreux litiges…

1/ Règles légales

Il résulte de l’article L. 4622-6 du Code du travail que les dépenses afférentes aux SSTI sont répartis proportionnellement au nombre des salariés des entreprises adhérentes.

La question se pose de savoir s’il convient de tenir compte du nombre de salariés pris individuellement, c’est-à-dire comme personnes physiques (« per capital ») ou de l’effectif de l’entreprise en équivalent-temps-plein.

L’ordonnance 2004-602 du 24 juin 2004 a harmonisé les modalités de calcul de l’effectif en instaurant une règle générale de décompte.

Celle-ci s’applique lorsqu’un dispositif du Code du travail fait référence à une condition d’effectif, sauf disposition expresse contraire.

La règle générale de décompte des effectifs est fixée par les articles L. 1111-2, L. 1111-3 et R. 1111-1 du Code du travail.

Or, ces trois textes commandent de calculer l’effectif de l’entreprise en équivalent-temps-plein.

En particulier, les salariés à temps partiel ne constituent pas une unité : il convient de tenir compte de leur durée de travail.

Ces règles de décompte en équivalent temps plein s’appliquent aux SSTI.

2/ Interprétation jurisprudentielle

La Cour de cassation interprète l’article L. 4622-6 du Code du travail comme prévoyant un seul mode de répartition des dépenses de santé entre entreprises adhérentes au service : la répartition par salarié en équivalent temps plein (Cass. soc. 19-9-2018 n° 17-16.219) :

– « Mais attendu qu’aux termes de l’article L 4622-6 du Code du travail, les cotisations dues par les employeurs lorsqu’ils adhèrent à un service de santé au travail interentreprises correspondent aux dépenses afférentes à ces services réparties proportionnellement au nombre de salariés ; qu’il en résulte que la cotisation doit être fixée à une somme, par salarié équivalent temps plein de l’entreprise, correspondant au montant total des dépenses engagées par le service de santé interentreprises auquel adhère l’employeur rapporté au nombre total de salariés pris en charge par l’organisme ; que seul peut être appliqué le cas échéant à ce calcul un coefficient déterminé correspondant au nombre de salariés nécessitant une surveillance médicale renforcée. »

Une note explicative de l’arrêt du 19 septembre 2018, publiée sur le site Internet de la Cour de cassation, confirme que :

– « Au regard du texte actuel du code du travail, le seul mode légal de répartition des dépenses de santé entre les entreprises est la répartition par salarié équivalent temps plein. C’est ce qu’avait déjà rappelé le Conseil d’État dans une décision du 30 juin 2014 (CE, 30 juin 2014, n° 365071) et ce que réaffirme le présent arrêt de la chambre sociale qui approuve la cour d’appel d’avoir considéré que la cotisation appliquée à l’employeur devait être calculée en rapportant les dépenses globales du service interentreprises au nombre total de salariés de l’ensemble des entreprises adhérentes puis en multipliant la somme obtenue par le nombre de salariés de la société (…) »

En effet, le Conseil d’État s’était déjà prononcé en ce sens, en refusant d’annuler une circulaire ministérielle exprimant cette règle de calcul (CE 30-6-2014 n° 365071).

La Cour d’appel d’Orléans, dans un arrêt du 10 novembre 2020 (n° 18/00475), a rappelé cette règle :

– « l’Association de prévention de santé du Loir et Cher doit fixer la cotisation de l’Union des industries et métiers de la métallurgie du Loir et Cher à une somme, par salarié équivalent temps plein, correspondant au montant total des dépenses engagées par le service de santé interentreprises rapporté au nombre total de salariés pris en charge par l’organisme, seul pouvant être appliqué le cas échéant à ce calcul un coefficient déterminé correspondant au nombre de salariés nécessitant une surveillance médicale renforcée (…) »

Récemment, le TJ de Villeurbanne a aussi jugé qu’il résulte de l’article L. 4622-6 et de l’interprétation commune qu’en font le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, que la cotisation doit être fixée à une somme, par salarié équivalent temps plein de l’entreprise, correspondant au montant total des dépenses engagées par le SSTI auquel adhère l’employeur, rapporté au nombre total de salariés pris en charge par l’organisme (TJ Villeurbanne 28-1-2021 n° 11-20-001318).

3/ Position de l’administration

La Direction générale du travail s’est également prononcée dans ce sens, dans la circulaire n° 13 du 9 novembre 2012 relative à la mise en œuvre de la réforme de la médecine du travail et des services de santé au travail :

« L’article L4622-6 du code du travail précise que « les dépenses afférentes aux services de santé au travail sont à la charge des employeurs [et que] dans le cas de services communs à plusieurs entreprises, ces frais sont répartis proportionnellement au nombre de salariés. » Le coût de l’adhésion à un SSTI est donc calculé selon l’effectif de chaque entreprise adhérente, défini selon les modalités des articles L1111-2 et L1111-3 du code du travail. Il ne correspond pas à un pourcentage de la masse salariale, mais à un montant calculé par salarié. »

Postérieurement, une réponse ministérielle a précisé que le principe d’une cotisation calculée par salarié ne fait pas obstacle à ce que chaque service de santé définisse son propre taux de cotisation par salarié, lequel est librement décidé par l’assemblée générale de ses adhérents (Rép. Foulon : AN 4-2-2014 p. 1126 n° 40809).

Par ailleurs, il est permis que le SSTI différencie les taux des cotisations selon la nature des expositions des salariés et selon qu’un salarié est placé en surveillance médicale renforcée ou en surveillance médicale simple.

4/ Modes de calcul prohibés

Bien que la solution juridique soit claire, de nombreux SSTI ne respectent pas la règle de calcul des cotisations fondée sur la prise en compte de l’effectif en équivalent temps plein.

Selon un rapport de la Cour des comptes du 29 novembre 2012, près de la moitié des SSTI établissent une cotisation fondée, non sur une répartition en fonction du nombre de salariés des entreprises adhérentes, mais sur la masse salariale des entreprises ou sur un système mixant les deux critères.

Dans l’arrêt du 19 septembre 2018, la Cour de cassation a sanctionné le règlement d’un SSTI prévoyant que la cotisation annuelle était calculée « en fonction des risques spécifiques du poste de travail et de la masse salariale avec un plancher et un plafond par salarié ».

La jurisprudence n’admet pas non plus une cotisation fondée sur le nombre de salariés entendus comme personnes physiques.

Par dérogation au principe du calcul de la cotisation sur la base du nombre de personnes employées au cours d’une année, dans le cas des dépenses afférentes au service de santé effectuées pour les journalistes à la pige, les mannequins et/ou les artistes et techniciens intermittents du spectacle, ces frais sont répartis proportionnellement à la masse salariale (C. trav. art. L. 4622-6, al. 3).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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