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Xavier Berjot

Licenciement du salarié ayant dénoncé un harcèlement moral : la Cour de cassation fait preuve de subtilité

Licenciement du salarié ayant dénoncé un harcèlement moral : la Cour de cassation fait preuve de subtilité 1707 2560 sancy-avocats.com

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Le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral est nul. Cette protection s’étend au salarié qui relate des faits de harcèlement moral, sauf mauvaise foi. Un arrêt récent statue sur le sujet (Cass. soc. 9-6-2021 n° 20-15.525).

1/ Principe : la protection s’applique au salarié dénonçant des faits qualifiés par lui de harcèlement moral

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (C. trav. art. L. 1152-1).

La rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de cette règle d’ordre public est nulle (C. trav. art. L. 1152-3).

La même sanction s’applique au licenciement notifié au salarié « pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés » (C. trav. art. L. 1152-2).

Selon la Cour de cassation (Cass. soc. 21-3-2018 n° 16-24.350), le salarié qui relate des faits qualifiés par lui de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

Cet arrêt confirme une solution précédemment dégagée par la Cour de cassation (Cass. soc. 13-9-2017 n° 15-23.045), selon laquelle le salarié doit textuellement invoquer les termes de « harcèlement moral » pour bénéficier de la protection contre le licenciement.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait cassé un arrêt de la Cour d’appel de Paris, au motif qu’il résultait de ses constatations que le salarié n’avait pas dénoncé des faits qualifiés par lui d’agissements de harcèlement moral.

En effet, le salarié avait envoyé un email à l’employeur, écrivant qu’il subirait « des comportements abjects, déstabilisants et profondément injustes sans aucune justification. »

Ainsi, le salarié n’ayant pas expressément visé les termes de « harcèlement moral » ne bénéficie pas de la protection instaurée en faveur des salariés dénonçant de tels agissements.

Cette jurisprudence peut sembler exagérément formaliste.

En effet, un salarié peut décrire et dénoncer des faits constitutifs d’un harcèlement moral, au sens de la définition légale, sans pour autant avoir la présence d’esprit d’écrire les mots « harcèlement moral » dans sa lettre ou son email…

Or, à défaut, la protection ne joue pas…

2/ Tempérament : la protection s’applique si l’employeur utilise lui-même la qualification de harcèlement moral

Dans l’arrêt du 9 juin 2021, une salariée avait été engagée à compter du 15 septembre 2008 par un office du tourisme, en qualité de directrice.

Elle avait été licenciée pour une cause qualifiée par l’employeur de réelle et sérieuse le 3 juillet 2015, après avoir dénoncé un comportement fautif de son employeur dans une lettre du 25 mai 2015.

Or, cette salariée reprochait à la Cour d’appel d’avoir rejeté sa demande de nullité du licenciement, au motif qu’elle n’évoquait pas un harcèlement moral mais des « agissements consistant en des humiliations, dénigrements, comportements et propos vexatoires, ayant pour effet, si ce n’est pour objet, une grave dégradation de son état de santé physique et mental. »

En application de la jurisprudence classique de la Cour de cassation, le pourvoi de la salariée aurait dû être rejeté.

Toutefois, la Cour de cassation relève que la lettre de licenciement évoquait notamment comme grief le fait pour la salariée d’avoir proféré « des accusations de harcèlement tout à fait inexactes. »

En d’autres termes, alors même que la salariée n’invoquait pas un harcèlement, l’employeur utilisait ce mot.

Ainsi, la Cour de cassation a censuré la Cour d’appel pour avoir rejeté la demande de nullité du licenciement, alors que celle-ci avait constaté que la lettre de licenciement mentionnait expressément des accusations de harcèlement inexactes.

Ici encore, cet arrêt de la Cour de cassation est particulièrement subtil et formaliste.

La jurisprudence actuelle invite tant le salarié que l’employeur à faire preuve de vigilance quant aux termes à utiliser – ou à ne pas utiliser – en matière de harcèlement moral.

3/ Exception : la protection ne bénéficie pas au salarié de mauvaise foi

 En tout état de cause, le salarié dénonçant de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l’entreprise et / ou ses supérieurs hiérarchiques ne bénéficie d’aucune protection et peut faire l’objet d’un licenciement pour faute grave (Cass. soc. 6-6-2012 n° 10-28.345).

Pour la Cour de cassation, la mauvaise foi du salarié ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce (Cass. soc. 7-2-2012 n° 10-18.035).

Tel est le cas, par exemple, des accusations de harcèlement portées par un salarié à l’encontre de son directeur et divulguées auprès de collègues de travail, qui revêtent un caractère mensonger (Cass. soc. 22-1-2014 n° 12-28.711).

D’ailleurs, le salarié de mauvaise foi peut faire l’objet d’un licenciement pour faute lourde, en fonction du contexte dans lequel s’inscrivent ses agissements.

A titre d’illustration, est justifié le licenciement pour faute lourde du salarié ayant sciemment organisé une conférence de presse destinée à ternir l’image de son employeur au cours de laquelle il avait porté des accusations infondées de harcèlement moral et de faits de discrimination dénaturés et volontairement sortis de leur contexte (Cass. soc. 5-7-2018 n° 17-17.485).

La dénonciation de fait inexacts peut même donner lieu à l’exercice de poursuites pénales.

Ainsi, se rend coupable de diffamation non publique le représentant du personnel qui dénonce dans un écrit dont il sait qu’il sera diffusé par voie d’affichage, des faits de harcèlement sexuel imputés à un cadre de l’entreprise (Cass. crim. 3-4-2002 n° 01-86.730).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Transaction et égalité de traitement

Transaction et égalité de traitement 2560 1708 sancy-avocats.com

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Transaction et égalité de traitement

La question peut surprendre mais elle s’est posée devant la Cour de cassation : le principe d’égalité de traitement s’applique-t-il à la transaction conclue entre l’employeur et le salarié ? Non, vient de répondre la chambre sociale un arrêt du 12 mai 2021 (Cass. soc. 12-5-2021 n° 20-10796).

1/ Le principe d’égalité de traitement

L’employeur a l’obligation d’assurer une égalité de traitement entre les femmes et les hommes et celle-ci se décline dans plusieurs domaines.

En particulier, « tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes » (C. trav. art. L. 3221-2).

Le Code précise que constitue une rémunération (C. trav. art. L. 3221-3) :

– le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum ;

– tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier.

Par ailleurs, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent, des salariés, un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse (C. trav. art. L. 3221-4).

2/ Les règles régissant la transaction

La transaction conclue entre l’employeur et le salarié est soumise aux dispositions des articles 2044 à 2052 du Code civil.

Selon l’article 2044, « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. »

L’article 2048 dispose que « les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. »

Ce texte est complété par l’article 2049 selon lequel « les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé. »

La transaction est un contrat et elle ne crée d’obligations qu’entre les parties, conformément aux dispositions de l’article 1199 du Code civil.

En vertu de ce principe de l’effet relatif du contrat, les tiers ne peuvent ni en demander l’exécution ni se voir contraints de l’exécuter.

3/ L’arrêt du 12 mai 2021

Le 27 août 2015, la société La Halle a conclu avec les syndicats un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) prévoyant notamment la suppression de l’équipe de nuit d’un entrepôt logistique, avec proposition, pour les salariés non licenciés, d’un poste en équipe de jour et versement, au bénéfice des salariés acceptant cette modification du contrat de travail, d’une indemnité exceptionnelle temporaire d’une durée de 12 mois pour compenser la perte des primes de nuit.

Par la suite, la société La Halle a conclu des transactions avec plusieurs salariés de l’ancienne équipe de nuit ayant accepté un poste de jour, qui revendiquaient le paiement de l’indemnité prévue au PSE.

En application des transactions, les salariés ont perçu une indemnité transactionnelle en octobre 2016.

Postérieurement, d’autres salariés ont sollicité de l’employeur le paiement de l’indemnité prévue au PSE ou un montant équivalent sous forme de dommages-intérêts, sur le fondement du principe d’égalité de traitement entre les salariés.

Dans un arrêt du 15 novembre 2019, la Cour d’appel de Bourges a jugé que l’employeur avait violé le principe d’égalité de traitement et l’a condamné à payer à chaque requérant une certaine somme au titre de son préjudice né de la violation du principe d’égalité de traitement entre les salariés, outre des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

La Cour de cassation a censuré cette analyse au visa de l’article 2044 du Code civil et du principe d’égalité de traitement, retenant les motifs suivants :

– La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

– Il en résulte qu’un salarié ne peut invoquer le principe d’égalité de traitement pour revendiquer les droits et avantages d’une transaction conclue par l’employeur avec d’autres salariés pour terminer une contestation ou prévenir une contestation à naître.

Ainsi, la Cour d’appel a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Bourges, alors même que tous les salariés se trouvaient dans une situation équivalente en terme d’ancienneté, de poste et de modification du contrat de travail pour raison économique.

Dans un arrêt précédent, la Cour de cassation avait déjà jugé que le principe d’égalité de traitement ne peut pas être invoqué par un salarié pour remettre en cause les droits et avantages d’une transaction revêtue de l’autorité de la chose jugée et dont il ne conteste pas la validité (Cass. soc. 30-11-2011 n° 10-21.119).

En conclusion, la solution est claire : le principe d’égalité de traitement ne s’applique pas aux transactions.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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SSTI : les règles de fixation des cotisations des entreprises

SSTI : les règles de fixation des cotisations des entreprises 2560 1898 sancy-avocats.com

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A défaut de disposer d’un service de santé au travail autonome, l’employeur doit adhérer à un service de santé interentreprises (SSTI). Or, le mode de calcul des cotisations dues par les entreprises au SSTI donne lieu à de nombreux litiges…

1/ Règles légales

Il résulte de l’article L. 4622-6 du Code du travail que les dépenses afférentes aux SSTI sont répartis proportionnellement au nombre des salariés des entreprises adhérentes.

La question se pose de savoir s’il convient de tenir compte du nombre de salariés pris individuellement, c’est-à-dire comme personnes physiques (« per capital ») ou de l’effectif de l’entreprise en équivalent-temps-plein.

L’ordonnance 2004-602 du 24 juin 2004 a harmonisé les modalités de calcul de l’effectif en instaurant une règle générale de décompte.

Celle-ci s’applique lorsqu’un dispositif du Code du travail fait référence à une condition d’effectif, sauf disposition expresse contraire.

La règle générale de décompte des effectifs est fixée par les articles L. 1111-2, L. 1111-3 et R. 1111-1 du Code du travail.

Or, ces trois textes commandent de calculer l’effectif de l’entreprise en équivalent-temps-plein.

En particulier, les salariés à temps partiel ne constituent pas une unité : il convient de tenir compte de leur durée de travail.

Ces règles de décompte en équivalent temps plein s’appliquent aux SSTI.

2/ Interprétation jurisprudentielle

La Cour de cassation interprète l’article L. 4622-6 du Code du travail comme prévoyant un seul mode de répartition des dépenses de santé entre entreprises adhérentes au service : la répartition par salarié en équivalent temps plein (Cass. soc. 19-9-2018 n° 17-16.219) :

– « Mais attendu qu’aux termes de l’article L 4622-6 du Code du travail, les cotisations dues par les employeurs lorsqu’ils adhèrent à un service de santé au travail interentreprises correspondent aux dépenses afférentes à ces services réparties proportionnellement au nombre de salariés ; qu’il en résulte que la cotisation doit être fixée à une somme, par salarié équivalent temps plein de l’entreprise, correspondant au montant total des dépenses engagées par le service de santé interentreprises auquel adhère l’employeur rapporté au nombre total de salariés pris en charge par l’organisme ; que seul peut être appliqué le cas échéant à ce calcul un coefficient déterminé correspondant au nombre de salariés nécessitant une surveillance médicale renforcée. »

Une note explicative de l’arrêt du 19 septembre 2018, publiée sur le site Internet de la Cour de cassation, confirme que :

– « Au regard du texte actuel du code du travail, le seul mode légal de répartition des dépenses de santé entre les entreprises est la répartition par salarié équivalent temps plein. C’est ce qu’avait déjà rappelé le Conseil d’État dans une décision du 30 juin 2014 (CE, 30 juin 2014, n° 365071) et ce que réaffirme le présent arrêt de la chambre sociale qui approuve la cour d’appel d’avoir considéré que la cotisation appliquée à l’employeur devait être calculée en rapportant les dépenses globales du service interentreprises au nombre total de salariés de l’ensemble des entreprises adhérentes puis en multipliant la somme obtenue par le nombre de salariés de la société (…) »

En effet, le Conseil d’État s’était déjà prononcé en ce sens, en refusant d’annuler une circulaire ministérielle exprimant cette règle de calcul (CE 30-6-2014 n° 365071).

La Cour d’appel d’Orléans, dans un arrêt du 10 novembre 2020 (n° 18/00475), a rappelé cette règle :

– « l’Association de prévention de santé du Loir et Cher doit fixer la cotisation de l’Union des industries et métiers de la métallurgie du Loir et Cher à une somme, par salarié équivalent temps plein, correspondant au montant total des dépenses engagées par le service de santé interentreprises rapporté au nombre total de salariés pris en charge par l’organisme, seul pouvant être appliqué le cas échéant à ce calcul un coefficient déterminé correspondant au nombre de salariés nécessitant une surveillance médicale renforcée (…) »

Récemment, le TJ de Villeurbanne a aussi jugé qu’il résulte de l’article L. 4622-6 et de l’interprétation commune qu’en font le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, que la cotisation doit être fixée à une somme, par salarié équivalent temps plein de l’entreprise, correspondant au montant total des dépenses engagées par le SSTI auquel adhère l’employeur, rapporté au nombre total de salariés pris en charge par l’organisme (TJ Villeurbanne 28-1-2021 n° 11-20-001318).

3/ Position de l’administration

La Direction générale du travail s’est également prononcée dans ce sens, dans la circulaire n° 13 du 9 novembre 2012 relative à la mise en œuvre de la réforme de la médecine du travail et des services de santé au travail :

« L’article L4622-6 du code du travail précise que « les dépenses afférentes aux services de santé au travail sont à la charge des employeurs [et que] dans le cas de services communs à plusieurs entreprises, ces frais sont répartis proportionnellement au nombre de salariés. » Le coût de l’adhésion à un SSTI est donc calculé selon l’effectif de chaque entreprise adhérente, défini selon les modalités des articles L1111-2 et L1111-3 du code du travail. Il ne correspond pas à un pourcentage de la masse salariale, mais à un montant calculé par salarié. »

Postérieurement, une réponse ministérielle a précisé que le principe d’une cotisation calculée par salarié ne fait pas obstacle à ce que chaque service de santé définisse son propre taux de cotisation par salarié, lequel est librement décidé par l’assemblée générale de ses adhérents (Rép. Foulon : AN 4-2-2014 p. 1126 n° 40809).

Par ailleurs, il est permis que le SSTI différencie les taux des cotisations selon la nature des expositions des salariés et selon qu’un salarié est placé en surveillance médicale renforcée ou en surveillance médicale simple.

4/ Modes de calcul prohibés

Bien que la solution juridique soit claire, de nombreux SSTI ne respectent pas la règle de calcul des cotisations fondée sur la prise en compte de l’effectif en équivalent temps plein.

Selon un rapport de la Cour des comptes du 29 novembre 2012, près de la moitié des SSTI établissent une cotisation fondée, non sur une répartition en fonction du nombre de salariés des entreprises adhérentes, mais sur la masse salariale des entreprises ou sur un système mixant les deux critères.

Dans l’arrêt du 19 septembre 2018, la Cour de cassation a sanctionné le règlement d’un SSTI prévoyant que la cotisation annuelle était calculée « en fonction des risques spécifiques du poste de travail et de la masse salariale avec un plancher et un plafond par salarié ».

La jurisprudence n’admet pas non plus une cotisation fondée sur le nombre de salariés entendus comme personnes physiques.

Par dérogation au principe du calcul de la cotisation sur la base du nombre de personnes employées au cours d’une année, dans le cas des dépenses afférentes au service de santé effectuées pour les journalistes à la pige, les mannequins et/ou les artistes et techniciens intermittents du spectacle, ces frais sont répartis proportionnellement à la masse salariale (C. trav. art. L. 4622-6, al. 3).

Xavier Berjot
Avocat associé
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Rupture conventionnelle : le piège de l’indemnité conventionnelle de licenciement

Rupture conventionnelle : le piège de l’indemnité conventionnelle de licenciement 2560 1707 sancy-avocats.com

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Dans un arrêt du 5 mai 2021 (Cass. soc. 5-5-2021 n° 19-24650), la Cour de cassation se prononce sur l’indemnité minimum à laquelle le salarié peut prétendre, en présence une convention ou d’un accord collectif. La solution était loin d’être logique…

1/ Rappels sur l’indemnité de rupture conventionnelle minimum 

L’indemnité de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieure à l’indemnité « prévue à l’article L. 1234-9 », c’est-à-dire à l’indemnité légale de licenciement (C. trav. art. L. 1237-13, al. 1).

Le taux de l’indemnité légale de licenciement applicable au salarié comptant au moins 8 mois d’ancienneté, est égale à (C. trav. art. R. 1234-2) :

1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de 10 ans.

Selon l’administration, si le salarié a moins d’une année d’ancienneté, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle lui est due « au prorata du nombre de mois de présence » (circulaire DGT n° 2009-04 du 17 mars 2009).

Par ailleurs, un avenant à l’ANI du 11 janvier 2008, signé le 18 mai 2009 par trois organisations patronales (Medef, CGPME et UPA), prévoit que le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne doit pas être inférieur au montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement, lorsque celle-ci est supérieure à l’indemnité légale.

Cet avenant a été étendu par un arrêté ministériel du 26 novembre 2009. Par conséquent, tous les employeurs sont soumis aux dispositions de ce texte, à l’exception – principalement – des professions agricoles, des professions libérales, du secteur de l’économie sociale, du secteur sanitaire et social et, enfin, du particulier-employeur (non représentés par le Medef, la CGPME et l’UPA).

La Cour de cassation a récemment jugé que, le secteur de l’audiovisuel n’étant pas non plus représenté par ces trois syndicats patronaux, seule l’indemnité légale s’applique dans ce secteur (Cass. soc. 27-6-2018 n° 17-15.948).

La Cour d’appel de Nancy avait adopté une position similaire, concernant le secteur de l’édition (CA Nancy 30-8-2017 n° 16-02668).

Il en résulte que, hormis les secteurs d’activité susvisés, le salarié doit percevoir une indemnité spécifique de rupture conventionnelle minimum égale à l’indemnité conventionnelle de licenciement, si celle-ci est plus favorable que l’indemnité légale.

Il importe, enfin, de préciser que le salarié ne peut pas renoncer au bénéfice de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.

En revanche, les parties peuvent parfaitement convenir du versement d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle supérieure à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

Si les solutions sont claires s’agissant de l’indemnité de rupture conventionnelle minimum, le sujet devient plus complexe lorsque la convention ou l’accord collectif prévoit différents modes de calcul de l’indemnité conventionnelle.

2/ Le concours d’indemnités conventionnelles 

Comme l’administration l’a souligné, certaines conventions collectives prévoient deux montants d’indemnités conventionnelles de licenciement, l’une pour motif personnel, l’autre pour motif économique (Inst. DGT 2009-25 du 8-12-2009).

Dans cette hypothèse, selon la Direction générale du travail, la convention de rupture peut être homologuée si l’indemnité de rupture qu’elle prévoit est au moins égale :

– soit à l’indemnité légale dans l’hypothèse où au moins une des indemnités conventionnelles est inférieure à l’indemnité légale ;

– soit à l’indemnité conventionnelle la plus faible dans l’hypothèse où les deux indemnités conventionnelles sont supérieures à l’indemnité légale.

L’administration n’a cependant pas réglé la situation dans laquelle la convention collective prévoit plusieurs modes de calcul de l’indemnité conventionnelle en cas de licenciement pour motif personnel.

C’est précisément à cette question que répond l’arrêt du 5 mai 2021.

En l’espèce, un accord collectif applicable aux salariés du groupe Caisse d’épargne prévoyait le versement d’une indemnité conventionnelle de licenciement dans deux hypothèses : en cas de licenciement pour insuffisance résultant d’une incapacité professionnelle et en cas de difficultés économiques sérieuses mettant en cause la pérennité de l’entreprise, tous les autres cas de licenciement pour motif personnel n’ouvrant droit qu’à l’indemnité légale de licenciement.

Sur le fondement de cet accord, l’employeur avait conclu une rupture conventionnelle avec une salariée, prévoyant le versement d’une indemnité égale à l’indemnité légale de licenciement.

Selon l’employeur, lorsque la convention ou l’accord collectif applicable prévoit, en sus d’une indemnité pour motif économique, une indemnité de licenciement limitée à des cas déterminés de rupture pour motif personnel, renvoyant, pour tous les autres, explicitement ou non, à l’indemnité légale, cette dernière indemnité s’assimile à l’indemnité la plus faible qui doit prévaloir en cas de pluralité d’indemnités conventionnelles de licenciement.

La Cour de cassation n’a cependant pas suivi son analyse, jugeant dans les termes suivants :

« La cour d’appel, qui a constaté que les dispositions de l’accord sur les instances paritaires nationales du 22 décembre 1994, accord collectif applicable aux salariés du groupe Caisse d’épargne, prévoyaient une indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l’indemnité légale de licenciement prévue par l’article L. 1237-13 du code du travail, a exactement retenu qu’en application de l’avenant du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, la salariée pouvait prétendre à une indemnité spécifique de rupture dont le montant ne pouvait pas être inférieur à l’indemnité conventionnelle de licenciement. »

La solution n’était pourtant pas logique, puisque l’accord collectif limitait le bénéfice de l’indemnité conventionnelle de licenciement au salarié licencié pour insuffisance professionnelle.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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La fixation des objectifs par l’employeur : quelles règles ?

La fixation des objectifs par l’employeur : quelles règles ? 2560 1726 sancy-avocats.com

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Les objectifs d’un salarié, conditionnant une partie de sa rémunération, peuvent être définis unilatéralement par l’employeur. Lorsque les objectifs sont ainsi fixés, l’employeur ne dispose pas d’une latitude totale. La Cour de cassation vient de le rappeler.

1/ Le principe : l’employeur peut fixer les objectifs de manière unilatérale 

Selon une jurisprudence classique de la Cour de cassation, les objectifs d’un salarié peuvent être définis par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction (Cass. soc. 22-5-2001 n° 99-41.838).

Cependant, si le contrat prévoit que la fixation des objectifs doit résulter d’un accord des parties et que l’employeur les détermine seul, l’absence de leur réalisation, reprochée au salarié, ne peut pas constituer un motif de licenciement (Cass. soc. 18-4-2000 n ° 97-43.743).

En effet, l’employeur ne peut pas se prévaloir de la violation du contrat de travail, de son fait, au soutien d’une mesure de licenciement.

Par ailleurs, lorsque le contrat de travail stipule que la rémunération variable dépend d’objectifs fixés annuellement par l’employeur, celui-ci a l’obligation de les déterminer.

À défaut, le salarié est fondé à solliciter le versement d’une rémunération variable, comme la Cour de cassation le décide de manière constante (ex. Cass. soc. 19-11-2014 n° 13-22.686) :

– « Attendu qu’ayant relevé que l’employeur, qui avait l’obligation d’engager chaque année des négociations avec le salarié en vue de fixer d’un commun accord avec lui les objectifs dont dépendait la partie variable de sa rémunération, n’établissait pas avoir satisfait à cette obligation, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il était débiteur, au titre des années 2007 et 2008, de la rémunération variable dont, à défaut d’accord entre les parties, elle a fixé le montant. »

Le manquement de l’employeur peut d’ailleurs justifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié ou une résiliation judiciaire, en fonction des sommes en jeu.

Tel était le cas dans cet arrêt, la Cour d’appel ayant constaté que le salaire variable était calculé sur la base de 60 % de la rémunération fixe, de sorte que le manquement de l’employeur avait empêché la poursuite du contrat de travail.

La question se pose de savoir à quelle rémunération variable le salarié peut prétendre en cas d’absence de fixation des objectifs par l’employeur.

Pour la Cour de cassation, il appartient au juge du fond de déterminer le montant de la rémunération variable en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause.

En revanche, le juge ne peut pas condamner l’employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation contractuelle de fixer les objectifs permettant le calcul de la rémunération variable (Cass. soc. 15-5-2019 n° 17-20.615).

En conclusion, la constatation de l’absence d’objectifs ne permet pas au salarié de bénéficier, dans tous les cas, de l’intégralité de sa rémunération variable.

Au contraire, il appartient à ce dernier de produire tous éléments utiles, afin de convaincre le juge du montant qu’il estime lui être dû. 

2/ Les conditions : le pouvoir de direction de l’employeur est encadré par la loi et la jurisprudence 

Si l’employeur peut fixer les objectifs de manière unilatérale, la loi et la jurisprudence encadrent son pouvoir, dans un souci de protection du salarié.

Tout d’abord, tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français (C. trav. art. L. 1321-6).

Ainsi, des objectifs définis dans une langue étrangère sont inopposables au salarié (Cass. soc. 29-6-2011 n° 09-67.492) sauf si une traduction en français est rapidement diffusée (Cass. soc. 21-9-2017 n° 16-20.426).

Cette règle est loin d’être théorique, notamment en présence de clauses complexes établies par des entreprises étrangères à destination de salariés employés sous un contrat de travail soumis au droit français.

Par ailleurs, les objectifs fixés doivent être réalisables (Cass. soc. 2-12-2003 n° 01-44.192), à défaut de quoi il ne peut être reproché au salarié de ne pas les avoir atteints (Cass. soc. 13-01-2009 n° 06-46.208).

Enfin, les objectifs doivent être portés à la connaissance du salarié en début d’exercice (Cass. soc. 2-3-2011 n° 08-44.978), dans la mesure où il doit nécessairement connaître à l’avance les modalités de détermination de son salaire.

La Cour de cassation admet néanmoins, dans certaines circonstances, que l’employeur ne puisse fixer, en début d’exercice, des objectifs réalisables et pertinents, par exemple à la suite de l’intégration effective de la société au sein d’un groupe (Cass. soc. 3-2-2011 n° 08-44.977).

Dans un arrêt du 8 avril 2021 (Cass. soc. 8-04-2021 n° 19-15432), la Cour de cassation a précisé que, si l’employeur peut modifier les objectifs annuels dans le cadre de son pouvoir de direction, il lui appartient cependant de le faire en début d’exercice, et non en cours d’exécution alors qu’il prend connaissance de leur niveau d’exécution.

En l’espèce, un employeur avait modifié à la hausse les objectifs d’un « Gestionnaire de comptes », en fin d’exercice, soutenant que celui-ci les avait atteints trop facilement.

Or, il est interdit à l’employeur d’ajuster les objectifs du salarié après leur fixation.

La Cour de cassation avait déjà jugé qu’en modifiant sans l’accord du salarié la nature des objectifs qu’il devait atteindre, en ajoutant aux objectifs de vente initialement prévus des objectifs d’ouvertures de comptes et de réactivation de comptes, l’employeur était responsable d’une modification unilatérale du contrat (Cass. soc. 28-10-2008 n° 07-40.372).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Licenciement économique déguisé : quelles sanctions ?

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Du 1er mars 2020 au 21 mars 2021, 8.303 procédures de licenciement économique ont été engagées en France, dont 928 plans de sauvegarde de l’emploi (« PSE »). Dans ce contexte de crise sanitaire, la Cour de cassation (Cass. soc. 14 avril 2021 n° 19-19050) vient de juger que le salarié privé des dispositions du PSE en raison des conditions de son licenciement est fondé à en demander réparation. 

1/ L’arrêt

Une salariée est engagée le 1er juin 2007, en qualité de chef de projet par la société Coplan Provence, absorbée le 1er octobre 2012 par la société Ginger ingénierie, devenue Oteis.

Après avoir été convoquée le 24 septembre 2012 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 octobre 2012 par la société Coplan Provence, cette salariée est licenciée pour motif économique le 18 octobre 2012 par la société Ginger ingénierie, à laquelle son contrat de travail avait été transféré, dans le cadre de la fusion-absorption.

Devant la juridiction prud’homale, la salariée sollicite notamment le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la privation du bénéfice des dispositions du PSE arrêté au sein de la société Oteis le 28 novembre 2012.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence (9 mai 2019) la déboute de sa demande, relevant que les conditions d’effectif à prendre en considération pour la mise en œuvre d’un PSE s’appréciant à la date de l’engagement de la procédure de licenciement, il convient de considérer qu’à la date de convocation à l’entretien préalable, soit le 24 septembre 2012, le contrat de travail de la salariée n’avait pas encore été transféré à la société Ginger ingénierie.

La Cour en déduit que la salariée ne pouvait se prévaloir des dispositions relatives au PSE.

Cette décision est cassée par la Cour de cassation, aux motifs suivants :

– S’il résulte de l’article L. 1233-61 du Code du travail que le PSE ne peut s’appliquer à un salarié dont le contrat de travail a été rompu avant son adoption, le salarié qui a été privé du bénéfice des dispositions du PSE en raison des conditions de son licenciement est fondé à en demander réparation.

La Cour de cassation prend soin de relever que la Cour d’appel avait constaté que le transfert du contrat de travail de la salariée était intervenu alors qu’un PSE était en cours d’élaboration dans l’entreprise absorbante, de sorte que celle-ci était concernée par le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à l’élaboration du plan.

2/ L’analyse 

Dans cet arrêt, la salariée avait été licenciée pour motif économique, mais sans pouvoir bénéficier des dispositions du PSE ultérieurement mis en place par son employeur.

Cependant, les termes de la décision sont très larges et sa solution est susceptible de s’appliquer lorsque le salarié fait l’objet d’un licenciement pour motif personnel alors que la véritable cause de la rupture st économique.

Selon l’article L. 1233-2 du Code du travail :

« Tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. 

Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. » 

En cas de litige, il appartient au juge de rechercher la véritable cause du licenciement, au-delà des termes de la lettre de licenciement.

Si le motif allégué dans la lettre de licenciement n’est pas le véritable motif de la rupture, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 17-12-2008 n° 07-40.851).

La Cour de cassation fournit de nombreuses illustrations de ce principe en matière de licenciement économique déguisé.

A titre d’exemple, est abusif le licenciement de 4 salariés motivé par « une attitude d’obstruction systématique », la Cour d’appel ayant retenu que ce motif d’ordre personnel n’était pas caractérisé et que le licenciement était de nature économique (Cass. soc. 2-4-2003 n° 01-43.221).

De même, est injustifié le licenciement d’une salariée pour faute grave alors que son employeur connaissait des difficultés économiques qui l’avaient conduit à envisager la transformation ou la suppression du poste de la salariée, ce qui constituait le véritable motif de son licenciement et non les griefs invoqués dans la lettre de licenciement qui n’étaient que des prétextes (Cass. soc. 18-11-1998 n° 96-43.902).

En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le montant de l’indemnité mise à la charge de l’employeur varie entre des planchers et des plafonds fixés dans un tableau figurant à l’article L. 1235-3 du Code du travail (le « barème Macron »).

Toutefois, si le salarié est licencié pour motif personnel alors que le véritable motif de la rupture est de nature économique, il peut solliciter l’indemnisation de préjudices complémentaires.

En effet, le licenciement déguisé prive le salarié de dispositifs d’indemnisation et d’accompagnement avantageux : contrat de sécurisation professionnelle (CSP), congé de reclassement, outplacement, indemnité de licenciement majorée, aide à la création d’entreprise, etc.

Pour la Cour de cassation, le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement n’enlève pas à celui-ci sa nature juridique de licenciement économique.

Ainsi, le salarié peut prétendre au bénéfice des mesures d’accompagnement prévues au PSE (Cass. soc. 14-2-2007 n° 05-40.504) ou aux indemnités négociées dans un accord d’entreprise (Cass. soc. 29-1-2003 n° 00-46.018).

L’arrêt du 14 avril 2021 s’inscrit dans le cadre de cette jurisprudence et milite en faveur d’une indemnisation complète du salarié victime d’un licenciement déguisé.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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La nullité du licenciement : cas et conséquences

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Dans certaines situations, jugées graves par le législateur, le licenciement du salarié peut être annulé par le Conseil de prud’hommes. La nullité du licenciement emporte des conséquences particulières, parmi lesquelles figure la réintégration du salarié. 

1. Les cas de nullité du licenciement

Les cas de nullité, au nombre de six, sont ceux qui sont afférents à (C. trav. art. L. 1235-3-1) :

1° La violation d’une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel ;

3° Un licenciement discriminatoire ;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d’un salarié protégé en raison de l’exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections liées à la grossesse, la maternité, la paternité, l’adoption et l’éducation des enfants ou à un accident du travail ou une maladie professionnelle.

A côté de ce texte général, d’autres dispositions spécifiques envisagent la nullité du licenciement.

Exemples :

– En cas d’annulation d’une décision de validation ou d’homologation en raison d’une absence ou d’une insuffisance de PSE (C. trav. art. L. 1235-10).

– En cas de licenciement du salarié d’un établissement médico-social ayant témoigné de mauvais traitements ou de privations infligés à une personne accueillie (CASF art. L. 313-24).

En vertu du principe « pas de nullité sans texte », le juge ne peut pas annuler le licenciement du salarié à défaut de dispositions légales prévoyant cette faculté.

Ainsi, la méconnaissance par l’employeur du droit du salarié à une action de formation professionnelle après un congé parental n’ouvre pas droit à l’annulation de son licenciement pour insuffisance professionnelle après son congé (Cass. soc. 5-3-2014 n° 11-14.426).

Le principe « pas de nullité sans texte » connaît cependant un tempérament lors de la violation d’une liberté fondamentale.

En effet, s’il s’agit bien d’un cas de nullité prévu par la loi, il revient à la jurisprudence de déterminer la notion de violation d’une liberté fondamentale.

Pour la Cour de cassation, est nul le licenciement du salarié motivé par la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail (Cass. soc. 3-2-2016 n° 14-18.600), fondé sur le contenu d’une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d’un autre (Cass. soc. 29-10-2013 n° 12-22.447) ou, encore, lié à l’exercice légitime par le salarié du droit de retrait de son poste dans une situation de danger (Cass. soc. 28-1-2009 n° 07-44.556).

2. Les conséquences de la nullité du licenciement

2.1. La réintégration du salarié

Lorsque son licenciement est nul, le salarié a le droit de réclamer sa réintégration dans son emploi (Cass. soc. 21-6-2017 n° 15-21.897).

Il s’agit d’une simple option et le salarié n’est tenu ni d’accepter la réintégration proposée par l’employeur, ni de la solliciter (Cass. soc. 16-2-1987 n° 84-42.569).

En cas de nullité du licenciement, l’employeur est tenu de faire droit à la demande de réintégration du salarié (Cass. soc. 14-2-2018 n° 16-22.360), dès lors qu’aucune impossibilité d’y procéder n’est établie (Cass. soc. 25-2-1998 n° 95-44.019).

D’ailleurs, le juge des référés est compétent pour ordonner, sous astreinte, la réintégration du salarié, par exemple, en cas de licenciement d’un représentant du personnel notifié en l’absence d’autorisation de l’inspecteur du travail (Cass soc. 13-5-1981 n° 80-10.703).

La réintégration implique de restaurer le salarié dans son poste ou, à défaut, dans un emploi équivalent (Cass. soc. 26-5-2004 n° 02-41.325).

NB. L’obligation de réintégration ne s’étend pas au groupe auquel appartient l’employeur (Cass. soc. 9-7-2008 n° 07-41.845).

Le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre la rupture et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (Cass. soc. 3-7-2003 n° 01-44.522).

Cette somme, soumise à cotisations sociales, doit tenir compte des revenus de remplacement (allocations Pôle Emploi, indemnités journalières de sécurité sociale, etc.) perçus par le salarié entre son licenciement et sa réintégration (Cass. soc. 16-10-2019 n° 17-31.624).

Par exception, le salarié a droit à une réparation forfaitaire, correspondant aux salaires afférents à la période comprise entre son licenciement et sa réintégration, sans déduction des revenus qu’il a pu percevoir pendant cette période, lorsque la nullité du licenciement résulte de l’atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement protégée.

Tel est le cas, par exemple, du licenciement motivé par les activités syndicales du salarié (Cass. soc. 2-6-2010 n° 08-43.277), par sa participation à une grève (Cass. soc. 2-2-2006 n° 03-47.481) ou par son action en justice (Cass. soc. 21-11-2018 n° 17-11.122).

2.2. Les sanctions en l’absence de réintégration 

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois (C. trav. art. L. 1235-3-1).

Pour la Cour de cassation, le salarié a droit, d’une part, aux indemnités de rupture et, d’autre part, à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, au moins égale à 6 mois de salaire quelles que soient son ancienneté et la taille de l’entreprise (Cass. soc. 30-11-2010 n° 09-66.210).

Les indemnités de rupture sont, classiquement, l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle (C. trav. art. L. 1235-3-1) et l’indemnité compensatrice de préavis, due au salarié même s’il est dans l’impossibilité physique d’exécuter son préavis (Cass. soc. 5-6-2001 n° 99-41.186).

Quant à l’indemnité pour rupture illicite, celle-ci n’est pas plafonnée et son montant est souverainement apprécié par le juge du fond (Cass. soc. 18-12-2000 n° 98-41.608).

Ainsi, le barème « Macron » prévoyant une indemnité encadrée par des planchers et des plafonds, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, n’est pas applicable en cas de nullité du licenciement (C. trav. art. L. 1235-3-1).

Enfin, le salarié protégé peut solliciter, outre les indemnités de licenciement, de préavis et de rupture illicite, une indemnité pour violation du statut protecteur.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Inaptitude : comment contester l’avis du médecin du travail ?

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Les recours contre les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail sont du ressort du juge prud’homal, selon une procédure particulière. Un récent avis de la Cour de cassation (avis Cass. soc. 17-3-2021 n° 21-70.002) en constitue une illustration. 

1/ L’objet du recours 

Le salarié ou l’employeur peut contester les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4 du Code du travail (C. trav. art. L. 4624-7, I).

En pratique, peuvent faire l’objet de cette procédure les déclarations d’aptitude pour les salariés affectés à un poste à risque (C. trav. art. L. 4624-2), les aménagements de poste ou temps de travail recommandés (C. trav. art. L. 4624-3) et les constats d’inaptitude (C. trav. art. L. 4624-4).

Le médecin du travail, informé de la contestation par l’employeur, n’est pas partie au litige (C. trav. art. L. 4624-7, I). Les parties ne doivent donc pas demander au greffe du Conseil de prud’hommes de le convoquer à l’audience.

En effet, comme le rappelle l’administration, « la contestation ne tend pas à faire juger un manquement aux règles de l’art du médecin du travail à l’origine de l’avis mais à obtenir un nouvel avis technique. » (QR min. trav. du 26-10-2020).

Par ailleurs, toujours selon l’administration, sont exclues du champ d’application de l’article L. 4624-7, les contestations :

– sur le déroulé de la procédure d’aptitude ou inaptitude (vices de procédure) ;

– sans lien avec l’état de santé du salarié (impossibilité matérielle, coût économique …) ;

– sur l’origine professionnelle de l’inaptitude ;

– sur le non-respect par l’employeur des préconisations du médecin du travail.

Dans un avis du 17 mars 2021 (avis Cass. soc. 17-3-2021 n° 21-70.002), la Cour de cassation a été conduite à préciser l’objet du recours contre l’avis du médecin du travail, dans les termes suivants :

– La contestation dont peut être saisi le Conseil de prud’hommes doit porter sur l’avis du médecin du travail et non la procédure d’inaptitude.

– Le Conseil de prud’hommes peut, dans ce cadre, examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis.

– Il substitue à cet avis sa propre décision, après avoir le cas échéant ordonné une mesure d’instruction.

– Il ne peut déclarer inopposable à une partie l’avis rendu par le médecin du travail.

2/ La procédure de contestation

En cas de contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail (…), le Conseil de prud’hommes, statuant en la forme des référés, est saisi dans un délai de 15 jours à compter de leur notification (C. trav. art. R. 4624-45).

Passé ce délai de 15 jours, la contestation est irrecevable, le dépassement du délai constituant une fin de non-recevoir.

NB. Les modalités de recours ainsi que le délai de 15 jours sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail (C. trav. art. R. 4624-45).

La saisine du Conseil de prud’hommes ne suspend pas le caractère exécutoire et impératif de l’avis initial du médecin du travail (C. trav. art. L. 4624-6).

Le Conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Ce dernier peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers (sapiteurs).

En cas d’indisponibilité du médecin inspecteur du travail ou en cas de récusation de celui-ci, le Conseil de prud’hommes, statuant en la forme des référés, peut désigner un autre médecin inspecteur du travail que celui qui est territorialement compétent (C. trav. art. L. 4624-7, II et L. 4624-45-2).

Bien entendu, le recours au médecin inspecteur du travail est généralement sollicité par l’employeur ou le salarié, et non décidé d’office par le Conseil de prud’hommes.

D’ailleurs, le Conseil de prud’hommes peut refuser d’ordonner le recours au médecin inspecteur du travail, cette faculté n’étant pas de droit (Cass. soc. 3-6-2020 n° 18-21.952).

L’employeur peut demander que les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail soient notifiés à un médecin qu’il mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification (C. trav. art. L. 4624-7, II).

Dans un tel cas, le médecin mandaté par l’employeur restant soumis au secret médical, il ne peut en aucune manière communiquer, à ce dernier, d’informations relatives à l’état de santé du salarié auxquelles il a accès dans le cadre de la procédure.

3/ Les suites et conséquences du recours

Le Conseil de prud’hommes délimite la mission de l’expert sous forme de questions. Les parties doivent donc être précises quant à la formulation de leurs demandes.

En effet, le médecin inspecteur du travail est lié par ces questions et doit y répondre dans le respect des règles déontologiques prévues par le Code de santé publique et le secret médical.

Par ailleurs, il est important de solliciter du Conseil de prud’hommes la fixation d’un délai pour que le médecin inspecteur rende son rapport, le Code du travail étant muet sur la question.

Le président du Conseil de prud’hommes fixe la rémunération du médecin inspecteur du travail conformément au IV de l’article L. 4624-7 du Code du travail. Une provision sur les sommes dues au médecin inspecteur du travail est consignée à la Caisse des dépôts et consignations (C. trav. art. R. 4624-45-1).

Ces honoraires et frais sont réglés d’après le tarif fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et du budget (C. trav. art. L. 4624-7, IV).

Par décision motivée, la formation de référé peut décider de ne pas mettre les frais d’expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive (C. trav. art. L. 4624-7, IV).

La question s’est posée de savoir si le salarié pouvait être indemnisé des frais de déplacement exposés pour se rendre au rendez-vous d’expertise.

Pour la Cour de cassation, les frais de déplacement exposés par un salarié à l’occasion de l’expertise ordonnée par le juge prud’homal ne peuvent être remboursés à l’intéressé que sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile (Cass. soc. 4-3-2020 n° 18-24.405).

Enfin, la décision du Conseil de prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés (C. trav. art. L 4624-7, III).

Précisons que la formation de référé n’est pas liée par l’avis du médecin inspecteur du travail, même s’il est rare qu’elle statue en sens contraire.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Retraite à taux plein et chômage : les incidences

Retraite à taux plein et chômage : les incidences 1921 2560 sancy-avocats.com

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Le droit à une pension de retraite à taux plein a une incidence sur le versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) du salarié pris en charge par l’assurance-chômage. Deux situations, inverses, doivent être distinguées. 

1. La cessation du versement de l’ARE

La durée d’indemnisation du demandeur d’emploi est déterminée en fonction du nombre de jours travaillés au cours de la période de référence d’affiliation.

En principe, l’ARE est versée pendant une durée maximale de 36 mois, soit 1095 jours calendaires, pour les salariés âgés de 55 ans et plus.

Pour bénéficier de l’ARE, les salariés privés d’emploi doivent, notamment, ne pas être en droit de percevoir une pension de retraite à taux plein.

L’article 4 c) du règlement d’assurance chômage prévoit, ainsi, que peuvent bénéficier de l’ARE les travailleurs privés d’emploi n’ayant pas atteint l’âge déterminé pour l’ouverture du droit à une pension de vieillesse :

– au sens du 1° de l’article L. 5421-4 du Code du travail ;

– et au plus tard jusqu’à l’âge prévu au 2° de ce texte.

Deux cas sont donc prévus, dans lesquels l’indemnisation Pôle Emploi prend fin.

1.1. L’âge légal d’admission à la retraite

S’agissant du premier cas, l’article L. 5421-4 1° évoque les allocataires ayant atteint l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 du Code de la sécurité sociale (CSS), justifiant de la durée d’assurance définie au deuxième alinéa de l’article L. 351-1 du CSS.

En d’autres termes, les allocations d’assurance-chômage cessent d’être versées aux bénéficiaires ayant atteint l’âge légal d’admission à la retraite et justifiant de la durée d’assurance permettant l’octroi d’une pension de vieillesse à taux plein.

Pour rappel, l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite est fixé à 62 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955 (CSS art. L. 161-17-2).

Par ailleurs, l’article D. 161-2-1-9 du CSS prévoit que cet âge est fixé à :

– 60 ans pour les assurés nés avant le 1er juillet 1951 ;

– 60 ans et 4 mois pour les assurés nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 1951 ;

– 60 ans et 9 mois pour les assurés nés en 1952 ;

– 61 ans et 2 mois pour les assurés nés en 1953 ;

– 61 ans et 7 mois pour les assurés nés en 1954.

Quant à la durée d’assurance requise, celle-ci est de :

– 167 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1958 et le 31 décembre 1960 ;

– 168 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1961 et le 31 décembre 1963 ;

– 169 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1964 et le 31 décembre 1966 ;

– 170 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1967 et le 31 décembre 1969 ;

– 171 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1972 ;

– 172 trimestres, pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1973.

1.2. L’âge de départ à la retraite indépendante de la durée d’assurance

Selon l’article L. 5421-4 2° du Code du travail, les allocations-chômage cessent d’être versées aux allocataires atteignant l’âge prévu par l’article L. 161-17-2 du CSS augmenté de 5 ans, âge à partir duquel une retraite à taux plein est attribuée quelle que soit la durée d’assurance.

En conséquence, l’âge limite pour bénéficier des allocations-chômage est fixé à 67 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955.

Pour les assurés nés avant le 1er janvier 1955, cet âge limite est fixé de la manière suivante :

– 65 ans et 9 mois pour les assurés nés en 1952 ;

– 66 ans et 2 mois pour les assurés nés en 1953 ;

– 66 ans et 7 mois pour les assurés nés en 1954.

Dans les deux cas visés ci-dessus (cf. § 1.1. et § 1.2.), l’allocataire cesse d’être pris en charge par Pôle Emploi et « bascule » vers le système de l’assurance-retraite.

Si l’indemnisation Pôle Emploi peut stopper lorsque le salarié est en droit de faire valoir ses droits à la retraite, cette indemnisation peut, inversement, être prorogée dans le cas inverse.

2. La prorogation du versement de l’ARE

L’article 4 c) du règlement d’assurance chômage prévoit un dispositif spécifique en faveur des allocataires d’au moins 62 ans, qui leur permet d’être portés par Pôle Emploi jusqu’à l’obtention d’une retraite à taux plein.

Les conditions du maintien de l’indemnisation jusqu’à l’obtention d’une pension de retraite à taux plein sont fixées par l’article 9 § 3 du règlement d’assurance chômage :

– Être en cours d’indemnisation depuis un an au moins, soit avoir perçu au moins 365 jours d’indemnisation depuis l’ouverture de droits.

La période d’indemnisation d’un an peut être continue ou discontinue (c’est-à-dire avoir donné lieu à une reprise des droits).

– Avoir été affilié pendant 12 ans à l’assurance chômage, dont une année continue ou 2 ans discontinus au cours des 5 dernières années.

Les périodes d’assurance et/ou d’emploi accomplies sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse sont prises en considération (Règlement CE n° 883/2004 art. 61).

– Justifier de 100 trimestres validés par l’assurance vieillesse.

Sont notamment pris en compte, pour la recherche des 100 trimestres :

– les trimestres validés par l’assurance vieillesse (périodes d’assurance, périodes assimilées, périodes reconnues équivalentes, majoration d’assurance) ;

–  les trimestres validés par les autres régimes de base obligatoire français ;

–  les périodes validées par la caisse autonome des retraites de Monaco pour les salariés ayant exercé une ou plusieurs activités sur le territoire monégasque ;

– les périodes validées par les régimes des Etats membres de l’Union européenne ;

– les périodes validées par les régimes de retraite auxquels ont été affiliés à titre obligatoire les salariés relevant de l’annexe IX relative aux salariés occupés hors de France (salariés détachés et expatriés) ;

–  les périodes validées par les régimes des Etats parties à l’Espace économique européen et de la Confédération suisse pour les personnes qui relèvent du champ d’application personnel du règlement CE 1408/71.

La décision de maintien des droits jusqu’à la retraite s’opère le jour où les conditions visées ci-dessus sont satisfaites. Elle est automatique.

Grâce à ce dispositif, les allocataires concernés peuvent continuer d’être pris en charge par Pôle Emploi sans condition de durée.

Son bénéfice cesse simplement lorsque l’intéressé peut percevoir une retraite à taux plein, soit en principe à l’âge de 67 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955 (§ 1.2.).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Harcèlement sexuel : pas de résiliation judiciaire si l’employeur a réagi

Harcèlement sexuel : pas de résiliation judiciaire si l’employeur a réagi 2560 1707 sancy-avocats.com

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Dans un arrêt du 3 mars 2021 (Cass. soc. 3-3-2021 n°19-18.110), la Cour de cassation considère que le harcèlement sexuel subi par une salariée ne justifie pas la résiliation judiciaire de son contrat de travail, dès lors que l’employeur a mis fin au harcèlement.

1/ Les faits

Une salariée est engagée par une entreprise du bâtiment à compter du 24 mai 2003, en qualité d’Hôtesse de caisse. Elle est promue Chef de caisse, statut cadre, suivant avenant du 1er avril 2010, puis occupe en dernier lieu le poste de Chef de groupe.

Soutenant avoir été victime de harcèlement sexuel de la part de sa supérieure hiérarchique, la salariée saisit le Conseil de prud’hommes, le 12 mai 2015, de demandes tendant notamment à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et au paiement de diverses indemnités.

La Cour d’appel (Versailles, 27 février 2019) condamne l’employeur au paiement de dommages-intérêts pour harcèlement sexuel, relevant que la salariée avait été destinataire de centaines de SMS adressés par sa supérieure hiérarchique, contenant des propos à connotation sexuelle ainsi que des pressions répétées exercées dans le but d’obtenir un acte de nature sexuelle, lesquelles étaient matérialisées par des insultes et menaces.

Pour sa défense, l’employeur soutenait que la qualification de harcèlement sexuel ne pouvait être encourue, en raison de la familiarité réciproque affichée par la salariée et sa responsable, et de la relation ambiguë qu’elles avaient, ensemble, volontairement entretenue et dont attestaient les messages qu’elles avaient échangés pendant l’intégralité de la période litigieuse.

Sur ce point, la Cour d’appel objecte à l’employeur que la victime du harcèlement avait demandé à l’intéressée, à de multiples reprises, d’arrêter ses envois.

En revanche, la Cour d’appel déboute la salariée de sa demande de résiliation judiciaire, notamment au motif que l’employeur, informé des faits à la fin du mois de novembre 2014, avait mis fin au harcèlement sexuel commis sur la salariée par le licenciement, en décembre 2014, de sa supérieure hiérarchique.

Ainsi, pour les juges, le manquement de l’employeur résultant d’un harcèlement sexuel qui avait cessé à la date à laquelle la salariée avait saisi la juridiction prud’homale, n’était pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

2/ Les enseignements 

Il résulte de l’arrêt du 3 mars 2021 que le harcèlement sexuel n’est pas suffisant, en soi, pour justifier une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

En effet, les juges doivent rechercher si, à la date de la demande formée par le salarié, ce grave manquement à l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur a cessé ou non.

La solution peut sembler surprenante, dans la mesure où le harcèlement moral ou sexuel est constitutif d’une infraction pénale (C. pén. art. 222-33-2, C. pén. art. 222-33, III al. 1).

Toutefois, depuis deux arrêts du 26 mars 2014 (n° 12-21.372, n° 12-35.040), la chambre sociale de la Cour de cassation considère que seuls des manquements graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, peuvent justifier la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur :

– L’absence de visite médicale de reprise ne saurait justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur dès lors qu’elle procède d’une erreur des services RH de l’employeur non commise lors des précédents arrêts de travail et n’a pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant plusieurs mois (Cass. soc. 26-3-2014 n°12-35.040).

– Pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire, l’arrêt retient que la suspension de ses fonctions par l’employeur ne constituait pas un manquement suffisamment grave au regard des griefs énoncés dans la lettre de licenciement notifiée moins d’un mois plus tard, justifiant que le salarié soit éloigné immédiatement de l’entreprise ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la mesure de suspension n’était fondée sur aucune disposition légale, ce dont il résultait que l’employeur avait commis un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés (Cass. soc. 26-3-2014 n°12-21.372).

Dans l’arrêt du 3 mars 2021, la salariée victime du harcèlement sexuel avait formé sa demande de résiliation judiciaire 5 mois après le licenciement de sa responsable hiérarchique.

Ainsi, pour la Cour de cassation, la Cour d’appel avait pu en déduire que le manquement de l’employeur résultant du harcèlement sexuel qui avait cessé à la date à laquelle la salariée avait saisi la juridiction prud’homale, n’était « pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail. »

Cette solution de la Cour de cassation avait déjà été retenue dans un arrêt du 21 juin 2017 (Cass. soc. 21-6-2017 n° 15-24.272).

Dans cette affaire, un employeur, informé des emails à caractère raciste reçus par un salarié, avait réagi « avec diligence et efficacité », en sanctionnant l’auteur des messages, et en lui demandant de présenter des excuses.

Relevant que les faits ne s’étaient plus reproduits par la suite, la Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, en avait déduit que ce manquement ne présentait pas un caractère de gravité suffisant pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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