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Xavier Berjot

Départ négocié du salarié cadre : les enjeux

Départ négocié du salarié cadre : les enjeux 2560 1707 sancy-avocats.com

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Que vous souhaitiez quitter votre emploi ou que votre employeur se montre menaçant à votre encontre, il est indispensable pour vous de faire appel, très en amont, à un avocat en droit du travail. Plus votre poste est important, plus les enjeux sont cruciaux. 

1/ Le départ négocié est une notion multiforme

Les mots « départ négocié » désignent l’accord selon lequel l’employeur et le salarié règlent les conséquences de la rupture du contrat de travail, dans un contexte pré-litigieux. Sur le plan pratique, en contrepartie d’une indemnité, le salarié cadre renonce à engager une action devant le Conseil de prud’hommes. Ceci dit, le départ négocié peut prendre différentes formes : rupture conventionnelle suivie ou non d’une transaction, licenciement suivi d’une transaction, licenciement indemnisé au moyen d’une indemnité forfaitaire de conciliation, dommages-intérêts distincts, etc.

Le choix du mode de rupture du contrat de travail a des impacts considérables en termes de cotisations, de CSG et CRDS, d’impôt sur le revenu,… Des mauvais choix peuvent vous faire perdre des milliers d’euros, voire des dizaines de milliers d’euros. Cette réalité est particulièrement vraie s’agissant d’un salarié cadre, dirigeant ou non. Il est également possible, dans certaines circonstances, d’éviter tout à fait légalement le délai de carence de Pôle Emploi de 150 jours. Chaque cas étant particulier, il est crucial qu’un avocat en droit du travail procède à une analyse personnalisée de votre situation professionnelle. C’est ainsi que vous pourrez exercer tous vos droits. 

2/ Le départ négocié est particulièrement stratégique

Lorsque la relation de travail se dégrade, l’employeur peut chercher à constituer un dossier contre le salarié, afin de le pousser à la faute. L’intervention d’un avocat en droit du travail permet au salarié cadre de bénéficier d’un accompagnement stratégique complet : relecture de projets d’emails, validation d’un entretien annuel d’évaluation, conseils sur l’attitude à adopter face à une remarque de l’employeur, etc. Cet aspect stratégique n’est pas à négliger mais doit, au contraire, être considéré comme majeur. Il est même tout à fait possible de contraindre l’employeur à négocier (grâce à l’intervention de l’avocat en off…).

Par ailleurs, quel que soit son poste : directeur général, responsable des ressources humaines, directeur administratif et financier, etc., le salarié cadre en difficulté professionnelle manque évidemment de recul et n’est pas en capacité de prendre de bonnes décisions. Personne ne peut être son propre conseiller… A l’inverse, le recours à un avocat en droit du travail maîtrisant les départs négociés permet de bénéficier du recul nécessaire garantissant la prise de décisions éclairées et efficaces. Un véritable partenariat de confiance doit se nouer entre l’avocat et son client.

3/ Le recours à un avocat en droit du travail vous offre la meilleure indemnisation

Pour le salarié, il est difficile d’aborder le sujet de la rupture conventionnelle ou du départ négocié avec la direction de l’entreprise. En soi, le fait de demander une rupture conventionnelle risque de vous faire perdre tout levier de négociation. En effet, l’employeur vous rétorquera que vous n’avez qu’à démissionner. Ou, à la rigueur, il acceptera une rupture conventionnelle moyennant l’indemnité minimum… Ceci est logique si vous êtes à l’initiative du départ négocié !

La situation se présente de manière totalement différente si vous collaborez avec un avocat en droit du travail. Chaque avocat a bien sûr une stratégie qui lui est propre, l’essentiel étant qu’il échange en toute transparence avec son client. Mon expérience m’a appris à identifier tous les leviers de négociations possibles (burn-out, bore-out, harcèlement, convention de forfait-jours illicite, faux statut de cadre dirigeant, modification du contrat de travail, etc.). L’objectif est de disposer d’un maximum d’atouts face à l’employeur. La subtilité de l’exercice consiste ensuite à dévoiler sa stratégie au moment idéal. Enfin, lors de la prise de contact avec l’employeur, je veille à ne pas le braquer mais plutôt à ouvrir le dialogue en lui demandant systématiquement les coordonnées de son avocat. 

4/ Le régime social et fiscal des indemnités de rupture est complexe 

De manière schématique, les indemnités de rupture sont exclues de l’assiette des cotisations sociales, dans la limite d’un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale (PASS), soit 82.272 € pour 2020. La partie excédentaire est soumise à cotisations patronales et salariales, comme les salaires. Par ailleurs, la partie qui excède le montant de l’indemnité de licenciement est toujours soumise à CSG/CRDS, soit 9,7 % au total, à la charge du salarié. Enfin, un forfait social de 20 % s’applique à l’indemnité de rupture conventionnelle, à la charge de l’employeur.

Sur le plan fiscal, les indemnités de rupture sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite suivante (la plus haute est retenue) :

– Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail,

– Soit 50 % du montant de l’indemnité si ce seuil est supérieur,

Dans la limite de six fois le PASS (246.816 €) dans ces deux cas.

– Soit le montant de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.

Sans limite dans ce cas. 

Cette présentation est évidemment synthétique car, ici encore, tout dépend de chaque cas particulier. Il ne faut pas non plus perdre de vue que les indemnités de rupture ne sont pas les seuls éléments à considérer dans une négociation de départ. Il faut également déterminer le salaire de référence, régler le sort des rémunérations différées (stock-options, RSU, LTI, parts sociales), d’une éventuelle clause de non-concurrence, de l’outplacement, etc. 

5/ La confidentialité des échanges entre avocats est une garantie absolue 

Selon l’article 3 du règlement intérieur national de la profession d’avocat, tous les échanges entre avocats, verbaux ou écrits quel qu’en soit le support (papier, télécopie, voie électronique…), sont par nature confidentiels. Les correspondances entre avocats, quel qu’en soit le support, ne peuvent en aucun cas être produites en justice, ni faire l’objet d’une levée de confidentialité. Dans un dossier de départ négocié, la confidentialité est une garantie absolue. Par l’intermédiaire de leurs avocats, les parties peuvent mener des pourparlers en ayant la certitude qu’ils ne seront pas divulgués.

En outre, il est extrêmement fréquent que l’employeur refuse de négocier en direct avec le salarié, sauf s’il s’agit de conclure une rupture conventionnelle sans enjeu financier. Dans le cas inverse, le recours à un avocat est souvent une exigence de l’employeur, préalablement à l’ouverture de négociations avec le salarié. Cela est d’autant plus vrai s’agissant d’un salarié cadre, compte tenu du caractère stratégique de ses fonctions. La sécurisation de la rupture du contrat de travail peut d’ailleurs être présentée à l’employeur comme une contrepartie à l’obtention d’indemnités complémentaires.

Vous avez des questions ? Contactez-moi gratuitement afin d’évoquer votre dossier en toute confidentialité.

Xavier Berjot
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Prud’hommes : évolution de la Cour de cassation en matière de preuve

Prud’hommes : évolution de la Cour de cassation en matière de preuve 2560 1707 sancy-avocats.com

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Dans un arrêt du 25 novembre 2020 (n° 17-19.523), la Cour de cassation a admis, comme preuve des faits motivant le licenciement pour faute grave d’un salarié, des données obtenues de façon illicite. Cette décision intéresse tant l’employeur que le salarié. 

1/ L’arrêt

Un salarié de l’AFP, dont l’ancienneté remonte au 9 septembre 1991, est licencié pour faute grave, par lettre recommandée avec AR du 23 mars 2015, pour usurpation de données informatiques.

Il lui est reproché d’avoir adressé à une entreprise – concurrente de l’AFP – cinq demandes de renseignements par email, en usurpant l’identité de sociétés clientes.

L’AFP rapportait la preuve des faits au moyen d’un constat d’huissier et d’un expert informatique ayant identifié, grâce à l’exploitation des fichiers conservés sur les serveurs, l’adresse IP à partir de laquelle les messages litigieux avaient été émis.

Estimant qu’une déclaration préalable de l’utilisation des fichiers de journalisation et adresses IP n’était pas nécessaire, la Cour d’appel de Paris avait jugé le licenciement justifié.

La décision est cassée sur ce chef, la Cour de cassation rappelant que les adresses IP, qui permettent d’identifier indirectement une personne physique, sont des données à caractère personnel, de sorte que leur collecte par l’exploitation du fichier de journalisation constitue un traitement de données à caractère personnel devant l’objet d’une déclaration préalable auprès de la CNIL.

La Cour de cassation fonde son arrêt sur les dispositions des articles 2 et 22 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD).

En revanche, et c’est ici se situe l’originalité de la décision, la Cour juge que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance :

– le droit au respect de la vie personnelle du salarié ;

– et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié ;

– à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ;

En effet, la Cour de cassation retient les motifs suivants :

– En application des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’illicéité d’un moyen de preuve, au regard des dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 (…) n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

2/ L’évolution

Auparavant, la Cour de cassation considérait que les informations collectées par un système de traitement automatisé de données personnelles, sans déclaration à la CNIL, constituaient un moyen de preuve illicite.

A titre d’illustration, était sans cause réelle et sérieuse le licenciement d’un salarié auquel il était reproché une utilisation excessive de sa messagerie professionnelle à des fins personnelles, l’employeur se fondant sur des éléments de preuve obtenus à l’aide d’un dispositif de contrôle individuel des flux des messageries sans déclaration à la CNIL (Cass. soc. 8-10-2014 n° 13-14.991).

Cette jurisprudence avait été réaffirmée depuis, notamment dans une décision du 2 novembre 2016 (Cass. soc. 2-11-2016 n° 15-20.540), de laquelle il résulte que :

– La mise en place d’un système d’enregistrement des données permettant à l’employeur de connaitre le nom de la personne entrée dans l’entreprise et l’heure précise de cette entrée du fait de l’attribution à chaque salarié d’un code différent permet un contrôle automatisé de l’activité des salariés ;

– Ce dispositif nécessite, dès lors, d’une part, une déclaration auprès de la CNIL et, d’autre part l’information et la consultation du CE (aujourd’hui « CSE ») ;

– A défaut, un tel dispositif est illicite et les documents qui en résultent doivent être écartés des débats.

Certes, la Cour de cassation admettait que l’employeur puisse produire en justice les emails d’un salarié issus de sa messagerie professionnelle, même en l’absence de déclaration préalable auprès de la CNIL (Cass. soc. 1-6-2017 n° 15-23.522).

Toutefois, dans cet arrêt, la Cour de cassation prenait le soin de noter le salarié ne pouvait ignorer que les emails litigieux étaient enregistrés et conservés par le système informatique de l’entreprise.

L’arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 2020 va plus loin, posant pour principe que « l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats. »

Dans son avis, Mme l’Avocat général écrivait d’ailleurs que « cette  démarche  suppose  un  infléchissement  de  votre  jurisprudence  car  à  ma connaissance, vous n’avez pas encore, en ce domaine, opéré de la sorte. »

Notons que la Cour de cassation a récemment jugé que le droit à la preuve peut justifier la production en justice d’éléments extraits du compte privé Facebook d’un salarié portant atteinte à sa vie privée, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi (Cass. soc. 30-09-2020, n° 19-12.058).

Dans ce dernier arrêt, la Cour a précisément retenu les motifs suivants :

« Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. »

Il semble donc que la Cour de cassation admette plus souplement la preuve des faits justifiant le licenciement du salarié, lorsqu’est en jeu le « droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » (article 8 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales).

Il reste à savoir si la Cour de cassation adoptera la même solution lorsque le salarié souhaitera établir que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse (ex. au moyen d’un enregistrement audio de l’entretien préalable sans information de l’employeur).

En effet, les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales visent « la personne » et non telle ou telle personne.

Tant l’employeur que le salarié sont donc concernés.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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Covid-19 : comment traiter les salariés « cas contact » ?

Covid-19 : comment traiter les salariés « cas contact » ? 2560 1707 sancy-avocats.com

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Dans une fiche du 3 novembre 2020, le ministère du Travail évoque la question des salariés considérés comme « cas contact. » La gestion de ces situations est bien souvent un « casse-tête » pour l’employeur et les salariés.

1/ Qu’est-ce qu’un cas contact ? 

Pour l’Assurance-maladie (source : ameli.fr), la personne contact à risque est une personne qui, en l’absence de mesures de protection efficaces pendant toute la durée du contact (hygiaphone ou autre séparation physique comme une vitre ; masque chirurgical ou FFP2 porté par le cas OU la personne contact ; masque grand public fabriqué selon la norme Afnor ou équivalent porté par le cas ET la personne contact) :

– a partagé le même lieu de vie que le cas confirmé ou probable,

– a eu un contact direct avec un cas, en face à face, à moins d’1 mètre, quelle que soit la durée (ex. conversation, repas, flirt, accolades, embrassades). En revanche, des personnes croisées dans l’espace public de manière fugace ne sont pas considérées comme des personnes contacts à risque,

– a prodigué ou reçu des actes d’hygiène ou de soins,

– a partagé un espace confiné (bureau ou salle de réunion, véhicule personnel…) pendant au moins 15 minutes avec un cas, ou étant resté en face à face avec un cas durant plusieurs épisodes de toux ou d’éternuement,

– est élève ou enseignant de la même classe scolaire (maternelle, primaire, secondaire, groupe de travaux dirigés à l’université).

Appliquant cette notion aux lieux de travail, le ministère du Travail indique qu’un cas contact est une personne ayant eu un contact à risque avec une personne contaminée par la Covid-19.

Par contact à risque, les situations suivantes sont visées :

– en  face à  face à  moins d’un mètre (embrassade,  poignée  de  main…) et sans masque ou autre protection efficace ;

– plus de 15 minutes, dans un lieu clos, sans masque, alors que la personne contaminée tousse ou  éternue : repas  ou  pause, conversation, déplacement en véhicule, réunion…

– à l’occasion d’échange de matériel ou d’objet non désinfecté ;

– d’actes de soins ou d’hygiène ;

– en partageant le même lieu de vie.

A l’inverse, un salarié n’est pas considéré comme cas contact lorsque le contact ne correspondait pas à ces situations de risque ou lorsque la personne avec laquelle le contact a eu lieu n’était en définitive pas positive à la Covid 19.

Le guide des « bonnes pratiques » publié par le Ministère le 20 octobre 2020 avait déjà précisé, à cet égard, que « le cas contact d’un cas contact n’est pas un cas contact. »

2/ Quelles mesures prendre en présence de cas contact ?

Le salarié se sachant « cas contact » a l’obligation de prévenir son employeur, dans un souci de santé publique.

S’il se trouve au travail, il doit rentrer chez  lui (avec un masque chirurgical s’il utilise les transports en commun).

Par la suite, si ce salarié peut télétravailler, il n’a pas à solliciter un arrêt de travail auprès de l’Assurance-maladie.

A l’inverse, le salarié « cas  contact » est placé en arrêt de travail par l’Assurance-maladie, qui lui délivre un arrêt de travail sans jour de carence.

NB. Si le cas contact s’est isolé avant cette date, son arrêt de travail peut être rétroactif dans la limite de 4 jours.

En pratique, la demande d’arrêt de travail s’effectue en ligne sur declare.ameli.fr et  s’accompagne  d’une  attestation  sur  l’honneur de ne pas pouvoir télétravailler.

En tout état de cause, le salarié cas contact doit rester isolé pendant 7 jours après le dernier  contact avec la personne déclarée positive à la Covid-19, avant d’effectuer un test de dépistage.

Deux situations se présentent alors :

– Si le test est négatif, le cas contact  peut arrêter son  isolement et doit reprendre le travail sans avoir besoin d’un certificat médical ;

–  Si le test est positif : le salarié doit s’isoler 7 jours supplémentaires, à partir de la date du test, envoyer son arrêt de travail à son employeur et respecter sa durée.

Le ministère du Travail précise qu’à l’issue de cette période de 7 jours :

– « Si la personne a de la fièvre, elle consulte son médecin et poursuit son isolement pendant 48 h après la fin de la fièvre » ;

– « Si la personne n’a pas de fièvre, elle arrête son isolement mais évite les  contacts  avec  les  personnes  vulnérables  et  porte  un  masque  chirurgical  et  respecte  strictement  le  port  du  masque,  les  gestes  barrières et la distanciation. Elle n’a pas besoin de certificat médical de reprise d’activité. »

Rappelons que les assurés ayant été testés positifs et les personnes ayant été en contact avec ces derniers sont en principe contactés par les conseillers de l’Assurance-maladie, dans le cadre de la politique du téléservice « contact tracing », destiné à collecter des informations pour casser la chaine de contamination.

3/ Quelles sont les préconisations complémentaires ?

Le ministère du Travail indique que « la personne contaminée peut informer son employeur de sa contamination » et lui communiquer « le nom des personnes avec qui elle a été en contact au travail, au cours des 7 derniers jours si elle est asymptomatique, ou au cours des dernières 48h si elle est symptomatique, précédant son test, afin qu’elles soient dépistées rapidement. »

En cas de contamination parmi les salariés, l’employeur doit prendre attache avec le service de santé au travail de l’entreprise et suivre ses consignes pour le nettoyage et la désinfection des locaux et postes de travail concernés.

Par ailleurs, si  plusieurs  salariés  ont  été  diagnostiqués  comme  porteurs  de  la  Covid-19  au sein de l’entreprise (foyers de contamination d’au moins 3 cas, dans une période de 7 jours),  l’employeur  doit en  informer  les  autorités  sanitaires  (ARS,  Assurance maladie, services de santé au travail).

Enfin, la prévention des nouvelles contaminations doit être placée au cœur de la politique sanitaire de l’employeur, qui notamment adopter les mesures suivantes :

– Rappeler les recommandations des autorités sanitaires destinées à prévenir les contaminations : gestes barrières, port du masque, distanciation, utilisation de l’application TousAntiCovid, pauses individuelles… ;

– Insister sur la nécessité de s’isoler en cas de doute sur  une  éventuelle contamination et  rappeler les  modalités  d’indemnisation  par  l’Assurance-maladie des arrêts de travail ;

– Procéder à la mise à jour du document d’évaluation des risques professionnels dans l’entreprise (ou en établir un), pour renforcer les mesures de prévention :  meilleure  information  des  salariés,  renforcement  du  télétravail,  réorganisation  du  travail,  des locaux et des flux, aération, moyens de protection, nettoyage et désinfection, aménagement ou réaménagement des lieux de travail ou des installations.

Xavier Berjot
Avocat associé

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Retour d’expatriation : la Cour de cassation protège le salarié

Retour d’expatriation : la Cour de cassation protège le salarié 2560 1918 sancy-avocats.com

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La Cour de cassation (Cass. soc. 14 octobre 2020 n° 19-12275) vient de juger qu’en l’absence d’offre de réintégration adéquate, la société mère doit verser au salarié une rémunération égale à celle de son dernier emploi dans la filiale. Au passage, la Cour réaffirme sa jurisprudence relative à l’assiette de calcul des indemnités de rupture du salarié de retour d’expatriation.

1/ La situation du salarié de retour d’expatriation 

Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein (C. trav. art. L. 1231-5, al 1).

Lorsque l’employeur procède à la recherche d’un nouveau poste, les offres de réintégration présentées au salarié doivent nécessairement être sérieuses et précises, conformément à l’obligation de loyauté qui pèse sur l’employeur.

Le niveau hiérarchique et la rémunération liés au poste doivent être au moins équivalents à ceux du poste que le salarié occupait précédemment au sein de la société mère (Cass. soc. 02-04-1992 n° 88-45.274).

A défaut, est justifiée la prise d’acte de la rupture du contrat par le salarié ne bénéficiant pas d’une offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère (Cass. soc. 21-11-2012 n° 10-17.978). 

Sur le plan de la rémunération, la jurisprudence considérait que le salarié de retour d’expatriation était éligible -au moins- à la rémunération qu’il percevait avant son séjour à l’étranger, majorée des augmentations collectives ayant pu intervenir dans l’entreprise.

En revanche, les juges estimaient que la fin de l’expatriation justifiait la cessation du versement des indemnités liées au travail à l’étranger.

A titre d’exemple, il était jugé que lorsque les indemnités perçues par un salarié en sus de son salaire de base métropolitain sont destinées à compenser les sujétions imposées par un séjour en Afrique, ces indemnités ne peuvent être maintenues à l’expiration de ce séjour (Cass. soc. 28-03-1989 n° 85-41.776). 

2/ Le maintien du plein salaire en l’absence d’offre de reclassement adéquate 

Dans l’arrêt du 14 octobre 2020 (Cass. soc. 14 octobre 2020 n° 19-12275), la Cour de cassation semble opérer un revirement de jurisprudence, puisqu’elle juge en ces termes :

– « En l’absence d’offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l’importance des précédentes fonctions du salarié au sein de la société mère, cette dernière est tenue, jusqu’à la rupture du contrat de travail la liant au salarié, au paiement des salaires et des accessoires de rémunération du dernier emploi, dès lors que le salarié s’est tenu à la disposition de l’employeur. »

En l’espèce, un salarié avait été engagé par une société informatique, le 30 mars 2009, en qualité d’ingénieur commercial, évoluant rapidement vers les fonctions de directeur commercial.

Au début de l’année 2012, il avait été embauché par une société filiale de droit américain, comme directeur commercial, avant d’être licencié par cette dernière par lettre du 15 avril 2013.

La société mère en France lui avait alors proposé une réintégration, sur le territoire métropolitain, à un poste de responsable des ventes, à compter du 1er mai 2013.

Ayant refusé ce poste, le salarié avait été licencié pour faute grave, par lettre du 16 août 2013, son employeur lui reprochant, en particulier, un abandon de poste.

A l’occasion du litige, le salarié avait sollicité la condamnation de la société à lui verser un rappel de salaire correspondant au différentiel entre son poste aux Etats-Unis et son poste de référence en France.

Il avait été débouté de sa demande, la Cour d’appel de Versailles estimant qu’il ne pouvait valablement pas revendiquer le maintien de sa rémunération globale (salaire et logement de fonction) jusqu’à son licenciement.

L’arrêt est cassé au visa de l’article L. 1231-5 du Code du travail, dès lors que la Cour d’appel avait constaté que l’offre de réintégration proposée par l’employeur n’était pas compatible avec l’importance des précédentes fonctions du salarié au sein de la société mère.

Ainsi, dans une telle hypothèse, le salarié peut prétendre au maintien de sa rémunération globale jusqu’au licenciement, incluant le salaire de base, les éventuels éléments variables et tous les autres avantages en nature.

Cette jurisprudence protège le salarié de retour d’expatriation en lui assurant un maintien de revenu.

3/ L’assiette de calcul des indemnités de rupture 

L’arrêt du 14 octobre 2020 se prononce également sur l’assiette de calcul des indemnités de rupture dues au salarié licencié après une expatriation (indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, indemnité conventionnelle de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).

En l’occurrence, la Cour d’appel avait condamné l’employeur au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail en retenant, comme salaire de référence, non pas le salaire moyen perçu aux États-Unis, mais celui antérieur à la période de détachement.

L’arrêt est également cassé au visa de l’article L. 1231-5 du Code du travail, aux motifs suivants :

– « Lorsque la société mère ne réintègre pas le salarié après son licenciement par la filiale étrangère, les indemnités de rupture auxquelles le salarié peut prétendre doivent être calculées par référence aux salaires perçus par celui-ci dans son dernier emploi. »

Ce faisant, la Cour de cassation réaffirme une solution désormais bien ancrée en jurisprudence.

A titre d’illustrations :

– Dans une affaire où le salarié avait travaillé pour une filiale suisse, la Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel ayant jugé que le montant des indemnités de préavis, de congés payés afférents au préavis, et de licenciement, dues par la société mère qui l’avait licencié, devait être déterminé sur la base du salaire d’expatriation (Cass. soc. 27-10-2004 n° 02-40.648).

– Un arrêt plus récent a retenu que lorsque la société mère ne réintègre pas le salarié après son licenciement par la filiale étrangère, les indemnités de rupture auxquelles l’intéressé peut prétendre doivent être calculées par référence aux salaires perçus par celui-ci dans son dernier emploi (Cass. soc. 17-5-2017 n° 15-17.750).

Il est donc acquis que les indemnités de rupture auxquelles peut prétendre le salarié, au titre de son licenciement prononcé par la société mère après que la filiale a mis fin à son détachement, doivent être calculées par référence au salaire de son dernier poste et non à un « salaire de référence France. »

Xavier Berjot
Avocat associé

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Licenciement pour inaptitude non-professionnelle : la consultation du CSE est requise

Licenciement pour inaptitude non-professionnelle : la consultation du CSE est requise 2560 1707 sancy-avocats.com

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Pour la première fois, la Cour de cassation (Cass. soc. 30-09-2020 n° 19-11974) considère que, si les représentants du personnel ne sont pas consultés en cas d’inaptitude non professionnelle, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. 

1/ Fondements de l’obligation de consultation du CSE 

Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient (C. trav. art. L. 1226-2, al. l).

L’obligation, pour l’employeur, de chercher à reclasser le salarié déclaré inapte à la suite d’une maladie ou d’un accident est d’ordre public.

Les parties ne peuvent pas y déroger, notamment en procédant à la rupture du contrat de travail d’un commun accord (Cass. soc. 12-02-2002 n° 99-41.698).

Le fait que le salarié manifeste l’intention de ne pas reprendre le travail n’exonère pas l’employeur de son obligation (Cass. soc. 04-06-1998 n° 95-41.263).

L’obligation de reclassement s’impose, que l’inaptitude soit temporaire ou définitive (Cass. soc. 15-10-1997 n° 95-43.207), même en cas d’avis d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise (Cass. soc. 19-10-2005 n° 02-46.173).

Une règle similaire s’applique à l’inaptitude professionnelle, c’est-à-dire consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle (C. trav. art. L.1226-10, I).

L’employeur doit également consulter le CSE sur les possibilités de reclassement du salarié (C. trav. art. L. 1226-2 : inaptitude non-professionnelle et C. trav. art. L. 1226-10 : inaptitude professionnelle).

Ni l’impossibilité de reclasser le salarié ni le caractère temporaire de son inaptitude n’exonèrent l’employeur de son obligation.

Il en résulte que l’employeur doit consulter le CSE, même lorsque le médecin du travail a expressément mentionné sur l’avis d’inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (C. trav. art. L. 1226-2-1 : inaptitude non-professionnelle et C. trav. art. L.1226-12 al 1er : inaptitude non-professionnelle).

Seule l’absence de CSE dans l’entreprise libère l’employeur de cette formalité préalable, sauf s’il avait l’obligation de mettre en place le CSE mais ne produit aucun procès-verbal de carence (Cass. soc. 7-12-1999 n° 97-43.106) établi à l’issue du second tour de scrutin (Cass. soc. 28-4-2011 n° 09-71.658).

Pour être valable, la consultation du CSE doit intervenir après la constatation régulière de l’inaptitude (Cass. soc. 15-10-2002 n° 99-44.623) et avant proposition au salarié d’un poste de reclassement (Cass. soc. 28-10-2009 n° 08-42.804), ou avant l’engagement de la procédure de licenciement (Cass. soc. 3-7-2001 n° 98-43.326).

2/ Portée de l’obligation de consultation du CSE 

Avant l’instauration du CSE par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 décembre 2017, l’employeur devait consulter les délégués du personnel en cas d’inaptitude professionnelle mais également non professionnelle.

En effet, la loi « Travail » (n° 2016-1088 du 08-08-2016) avait étendu aux cas d’inaptitude d’origine non professionnelle l’obligation de consultation des délégués du personnel préalablement aux propositions de reclassement (C. trav. art. L. 1226-2).

Pour autant, les sanctions du non-respect de l’obligation de consultation n’étaient pas identiques dans les deux cas.

En matière d’inaptitude professionnelle, l’irrégularité résultant du défaut de consultation des délégués du personnel était sanctionnée par une indemnité prévue par l’article L. 1226-15 du Code du travail, égale au minimum à 12 mois de salaire (Cass. soc. 07-05-1997 n° 94-41.697).

En revanche, en cas d’inaptitude non professionnelle, le Code du travail était muet quant à la sanction applicable.

Depuis l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsque le licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié inapte (dont celles relatives à la consultation du CSE), le salarié a droit à une indemnité d’au moins 6 mois de salaire, quelles que soient son ancienneté ou la taille de l’entreprise (C. trav. art. L. 1226-15 et L. 1235-3-1).

En cas d’inaptitude non professionnelle, le Code du travail ne prévoit toujours pas la sanction applicable au défaut de consultation du CSE.

L’intérêt de l’arrêt du 30 septembre 2020 (n° 19-11974) réside dans le fait qu’il se prononce clairement sur la question :

– « La méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l’employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. »

Ainsi, dans une telle situation, le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse s’applique (c. trav. art. L. 1235-3).

L’arrêt statuait sur la consultation des délégués du personnel mais sa solution est naturellement transposable au CSE, puisque les problématiques sont similaires.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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Le compte privé Facebook : mode de preuve licite en matière de licenciement

Le compte privé Facebook : mode de preuve licite en matière de licenciement 1707 2560 sancy-avocats.com

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La Cour de cassation (Cass. soc. 30-09-2020, n° 19-12.058) vient de juger que le droit à la preuve peut justifier la production en justice d’éléments extraits du compte privé Facebook d’un salarié portant atteinte à sa vie privée, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

1/ Les faits 

Une salariée, engagée à compter du 1er juillet 2010 en qualité d’export Area Manager par la société Petit Bateau (ci-après « la Société »), a été licenciée pour faute grave par lettre du 15 mai 2014.

La Société lui reprochait d’avoir manqué à son obligation de confidentialité en publiant, le 22 avril 2014, sur sa page Facebook, une photographie de la nouvelle collection printemps/été 2015, présentée exclusivement aux commerciaux de l’entreprise :

« Le mardi 22 avril 2014, vous avez assisté à la présentation de la collection Printemps/Eté de 2015 qui sera en vente dans nos magasins d’ici un an (…). »

« Nous sommes alertés sur le fait que, ce même jour, vous avez publié une photographie de la nouvelle collection sur votre compte de réseau social Facebook, ce dont nous avons pu nous rendre compte par nous-même (…). »

« En divulguant cette photographie, vous avez violé votre obligation contractuelle de confidentialité inscrite à l’article 12 de votre contrat de travail (…). Le caractère confidentiel des collections à venir vous a en tout état de cause rappelé par un courrier de votre manager (…). »

La salariée contestait le bien-fondé de son licenciement en affirmant que la photo n’avait été mise en ligne que sur sa page Facebook et uniquement auprès de ses amis, arguant d’un procédé déloyal pour accéder à sa page personnelle, d’une intrusion abusive et illicite dans sa vie privée et de l’absence de trouble au sein de l’entreprise.

La Cour d’appel de Paris (CA Paris, 12-12-2018, n° 17/08095) l’a déboutée de ses demandes, considérant que :

– Ses « amis » Facebook étaient plus de 200, dont des professionnels de la mode travaillant auprès d’entreprises concurrentes, « ce qui dépasse la sphère privée » ;

– La salariée ne pouvait garantir l’absence de diffusion dans un cercle encore plus large par ses « amis » dans un secteur très concurrentiel où l’employeur justifie d’agissements de contrefaçon ;

– La Société n’avait commis aucun fait illicite ou procédé déloyal d’atteinte à la vie privée, ayant été informée de cette diffusion par un des « amis » de la salariée travaillant au sein de l’entreprise.

Dans son arrêt du 30 septembre 2020, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé à l’encontre de la décision de la Cour d’appel, retenant les motifs suivants :

– Si, en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, l’employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve, la Cour d’appel, qui a constaté que la publication litigieuse avait été spontanément communiquée à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook de Mme X…, a pu en déduire que ce procédé d’obtention de preuve n’était pas déloyal.

– Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

– La production en justice par l’employeur d’une photographie extraite du compte privé Facebook de la salariée, auquel il n’était pas autorisé à accéder, et d’éléments d’identification des « amis » professionnels de la mode destinataires de cette publication, constituait une atteinte à la vie privée de la salariée.

– La Cour d’appel a constaté que, pour établir un grief de divulgation par la salariée d’une information confidentielle de l’entreprise auprès de professionnels susceptibles de travailler pour des entreprises concurrentes, l’employeur s’était borné à produire la photographie de la future collection de la société publiée par l’intéressée sur son compte Facebook et le profil professionnel de certains de ses « amis » travaillant dans le même secteur d’activité et qu’il n’avait fait procéder à un constat d’huissier que pour contrecarrer la contestation de la salariée quant à l’identité du titulaire du compte.

– En l’état de ces constatations, la Cour d’appel a fait ressortir que cette production d’éléments portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires.

2/ Les précédents jurisprudentiels 

L’arrêt du 30 septembre 2020 est inédit en ce que, pour la première fois, la Cour de cassation admet que l’employeur se prévale d’informations extraites d’un compte privé Facebook au soutien du licenciement d’une salariée.

Sans nier l’atteinte à la vie privée en résultant, la Cour considère que l’intérêt légitime de l’employeur peut justifier une telle entorse, sous réserve :

– que les éléments de preuve aient été recueillis loyalement ;

– que l’atteinte à la vie privée soit proportionnée au but poursuivi par l’employeur ;

– que la production des éléments soit indispensable à l’exercice du droit de la preuve.

Dans un arrêt du 12 septembre 2018 (n° 16-11.690), la chambre sociale de la Cour de cassation avait jugé que des propos litigieux diffusés sur Facebook, accessibles uniquement « à des personnes agréées par une salariée et peu nombreuses » (groupe fermé composé de 14 personnes) relevaient d’une conversation de nature privée ne caractérisant pas une faute grave.

En l’occurrence, la salariée avait été licenciée pour avoir adhéré à un groupe Facebook intitulé « extermination des directrices chieuses. »

Il sera intéressant de savoir si la Cour de cassation entend maintenir cette jurisprudence, qui semble beaucoup plus protectrice de l’intérêt des salariés.

Précédemment, la Cour (Cass. soc. 20-12-2017, n°16-19.609) avait été conduite à statuer sur la question de savoir si l’employeur pouvait consulter la page Facebook du salarié.

Dans cet arrêt, elle avait jugé que l’employeur porte une atteinte déloyale et disproportionnée à la vie privée du salarié en accédant au contenu de son compte Facebook sans y être autorisé, au moyen du téléphone portable professionnel d’un autre salarié.

En l’espèce, l’employeur, à la recherche de preuves dans le cadre d’un litige prud’homal, avait téléchargé des informations du compte Facebook d’une salariée partie au litige à partir du téléphone portable professionnel d’un autre salarié, les deux étant des contacts Facebook.

L’employeur avait alors été condamné par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence à payer des dommages-intérêts à la salariée en réparation de l’atteinte à sa vie privée.

La Cour de cassation avait rejeté le pourvoi de l’employeur, en ces termes :

– « Ayant relevé que le procès-verbal de constat d’huissier [établi à la demande de la société] rapportait des informations extraites du compte Facebook de la salariée obtenues à partir du téléphone portable d’un autre salarié, informations réservées aux personnes autorisées, la cour d’appel a pu en déduire que l’employeur ne pouvait y accéder sans porter une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée de la salariée ; que le moyen n’est pas fondé. » 

Ainsi, la Cour utilisait déjà les deux critères repris dans l’arrêt du 30 septembre 2020 : le caractère proportionné ou non de l’atteinte à la vie privée et le caractère loyal ou non de la preuve ainsi obtenue grâce à Facebook.

Les juges du fond étant régulièrement appelés à statuer sur ces questions (ex. CA Lyon 24-03-2014, n° 13-03463 ; CA Besançon 15-11-2011, n° 10-02642 ; CA Reims 15-11-2017, n° 16/02786,…), la Cour de cassation devrait probablement se prononcer à nouveau.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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Entretien préalable au licenciement : le recours à la visioconférence est-il possible ?

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Dans le contexte pandémique actuel, le législateur a pu – occasionnellement – autoriser le recours à la visioconférence, comme pour la tenue des réunions du CSE. Aucune disposition spécifique n’a été édictée concernant l’entretien préalable au licenciement. La jurisprudence est partagée, comme l’illustre un arrêt récent.

1/ L’entretien préalable physique est la règle 

Selon l’article L. 1232-2 du Code du travail :

– « l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. »

Le Code n’apporte pas de précisions sur les modalités de déroulement de l’entretien préalable (physique, téléphonique, par visioconférence…), prescrivant seulement que :

– « Au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié » (C. trav art. L. 1232-3, al. 1) ;

– « Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise » (C. trav art. L. 1232-4, al. 1).

NB. Ces articles sont relatifs au licenciement pour motif personnel. Ceux applicables au licenciement pour motif économique sont rédigés dans des termes similaires (cf. C. trav. art. L. 1233-11 ; C. trav. art. L. 1233-13). 

Ainsi, aucune disposition n’exige formellement que l’entretien préalable se tienne physiquement et la notion d’« audition » n’implique d’ailleurs pas une rencontre.

Cela est d’autant plus vrai que le Code du travail est muet sur le lieu de l’entretien préalable.

Or, dans de nombreuses hypothèses (salarié en congés, employeur malade, contexte pandémique, expatriation, télétravail,…), les parties souhaitent parfois que l’entretien préalable se déroule par le biais d’une visioconférence.

D’ailleurs, certains salariés sont réticents à se rendre à l’entretien préalable, souvent source de stress et de tensions, en particulier dans un contexte de souffrance au travail. 

Compte tenu de l’absence de dispositions impératives dans le Code du travail, il est permis de penser que la jurisprudence aurait pu accepter des solutions alternatives à l’entretien physique.

Or, les juridictions du fond sont divisées sur le sujet et la Cour de cassation ne s’est, quant à elle, jamais explicitement prononcée.

2/ La jurisprudence est divisée sur le sujet 

Dans un arrêt désormais ancien du 14 novembre 1991 (Cass. soc. 14-11-1991, n°90-44.195), la Cour de cassation a posé pour principe « qu’une conversation téléphonique ne saurait remplacer l’entretien préalable. » 

Depuis cette date, les technologies de communication ont considérablement évolué mais la Cour de cassation n’a pas été appelée à trancher la question de la visioconférence. 

Dans un arrêt du 7 janvier 2020 (CA Grenoble 7-1-2020 n°17/02442), la Cour d’appel de Grenoble a statué sur la régularité d’un entretien préalable qui s’était déroulé en visioconférence à l’aide du logiciel Skype.

Condamnant l’employeur à des dommages-intérêts en raison de l’irrégularité de la procédure, la Cour a retenu les motifs suivants :

– Il ne ressort pas des dispositions réglementaires d’application des articles L. 1232-2 et L. 1232-3 du code du travail que l’entretien préalable à licenciement peut se dérouler par visioconférence ;

– Il est constant qu’en matière pénale, l’usage de la visioconférence est autorisé ;

– Cependant, cette mise en œuvre est expressément prévue et encadrée par la loi ;

– Le code du travail ne comprend aucune disposition permettant de déroger au principe d’une rencontre physique.

Dans un arrêt antérieur, la Cour d’appel de Rennes (CA Rennes 11-5-2016 n°14/08483) avait admis le recours à la visioconférence à la condition que les deux parties acceptent ce procédé :

– « L’employeur qui, tenu par ses propres nécessités d’organisation, a accepté de mener l’entretien préalable par visioconférence, ne peut se voir reprocher d’avoir, de façon fautive, négligé les contraintes du salarié. »

La Cour d’appel de Bourges a récemment statué en sens inverse (CA Bourges 15-11-2019 n°18/00201).

Précédemment, la Cour d’appel de Reims (CA Reims 11-9-1996 n° 94-2532) était allée jusqu’à juger qu’un entretien téléphonique entre le salarié et l’employeur ne vicie en rien la procédure de licenciement, dès lors que le salarié a été régulièrement convoqué, qu’il n’a volontairement pas participé à l’entretien et que cette formalité n’est prévue que dans son seul intérêt.

Dans un arrêt récent (CA Versailles 4-06-2020, n° 17/04940), la Cour d’appel de Versailles a admis le recours à la téléconférence dans les termes suivants :

– Même s’il est de principe que l’entretien se tienne en présence physique des parties, les circonstances de l’espèce, le statut d’expatriée de la salariée et sa localisation à Dubaï, expliquent la décision de l’employeur de recourir à un entretien à distance via une téléconférence ;

– Ces modalités ne constituent pas une irrégularité de procédure dès lors que les droits de la salariée ont été respectés, que celle-ci a été en mesure de se défendre utilement.

Ainsi, sans remettre en cause le principe de l’entretien physique, la Cour d’appel admet que des circonstances exceptionnelles justifient le recours à la visioconférence, sous réserve des droits de la défense.

A cet égard, la Cour a pris soin de relever que les droits de la salariée avaient été respectés :

– « Tel a été le cas en l’espèce, ainsi que cela résulte du compte rendu d’entretien rédigé par M. C (pièce 27 de la salariée). Celui-ci indique en effet dans ce document que l’entretien a duré une heure, que les prises de parole de M. A et de Mme Y, dont le contenu précis est reproduit, ont fait l’objet d’observations et d’interrogations de sa part, Mme X ayant indiqué qu’elle ne souhaitait pas intervenir, qu’elle réservait sa réponse pour une date ultérieure. »

En conclusion, il serait utile que la Cour de cassation apporte une réponse claire aux employeurs et aux salariés, ainsi qu’aux praticiens du droit du travail, sur ce sujet rencontré au quotidien.

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Licenciement économique : motivation de la rupture du contrat de travail et CSP

Licenciement économique : motivation de la rupture du contrat de travail et CSP 2560 1707 sancy-avocats.com

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Dans les entreprises de moins de 1000 salariés n’appartenant pas à un groupe d’au moins 1000 salariés, l’employeur est tenu de proposer un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) aux salariés visés par un licenciement économique. La motivation de la rupture du contrat de travail, dans un tel cas, donne lieu à une abondante jurisprudence.

1. Brefs rappels sur l’exigence de motivation de la rupture en cas d’adhésion au CSP

L’employeur est tenu de proposer, lors de l’entretien préalable ou à l’issue de la dernière réunion du comité social et économique (CSE), le bénéfice du CSP à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique.

Lorsque le licenciement pour motif économique donne lieu à un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), cette proposition est faite après la notification par l’autorité administrative de sa décision de validation ou d’homologation.

L’adhésion du salarié au CSP, qui doit intervenir dans un délai de 21 jours, emporte rupture du contrat de travail « du commun accord des parties » (C. trav. art. L. 1233-67).

Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis ni indemnité de préavis, ouvre droit à l’indemnité de licenciement ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu’aurait été l’indemnité de préavis si elle avait correspondu à une durée supérieure à deux mois.

Par ailleurs, le salarié, dont la durée légale du préavis est inférieure à deux mois, perçoit dès la rupture du contrat de travail une somme d’un montant équivalent à l’indemnité de préavis qu’il aurait perçue en cas de refus.

Le fait que le contrat de travail soit rompu « du commun accord des parties » ne signifie pas que l’employeur soit dispensé de motiver la mesure de licenciement économique.

En effet, la Cour de cassation juge que l’employeur doit en énoncer le motif économique (Cass. soc. 22-9-2015 n° 14-16.218) :

– soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement,

– soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement,

– soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du CSP, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation.

Cette solution n’est pas novatrice puisqu’elle s’appliquait à la convention de reclassement personnalisé (CRP), dispositif auquel a succédé le CSP le 1er septembre 2011 (Cass. soc. 27-5-2009 n° 08-43.137).

Il est donc acquis, pour tous les praticiens du droit du travail, que le salarié doit avoir eu connaissance du motif de la rupture, par écrit, avant son adhésion au CSP.

Ceci étant, la jurisprudence récente fourmille d’exemples illustrant que cette solution, pourtant claire, n’est pas toujours si aisée à mettre en œuvre en pratique.

2. Illustrations pratiques

2.1. Salarié refusant de recevoir le document d’information de l’employeur

En premier lieu, il se peut que le salarié refuse de recevoir, en mains propres contre décharge, le document établi par l’employeur et contenant l’ensemble de la motivation de la rupture.

Dans une telle hypothèse, la Cour de cassation (Cass. soc. 31-5-2017 n° 16-11.096) considère que, sauf fraude, le seul refus du salarié auquel il est proposé d’accepter un CSP de se faire remettre en mains propres le document de notification du motif économique de la rupture du contrat de travail ne permet pas de considérer que l’employeur a satisfait à son obligation de notifier ces motifs avant toute acceptation par le salarié du CSP.

En l’espèce, le salarié avait refusé le document présenté par son employeur, lui demandant un envoi par lettre recommandée avec AR. L’employeur le lui avait adressé le jour même mais, le lendemain matin, avant 8 heures, le salarié avait adhéré par e-mail au CSP…

Pour la Cour de cassation, le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse, les magistrats précisant que « l’employeur avait l’entière maîtrise de la procédure de licenciement et toute latitude pour assurer la remise au salarié d’un document écrit explicitant les motifs de licenciement économique avant que ce dernier n’accepte le contrat de sécurisation professionnelle. »

Il est donc vivement conseillé à l’employeur d’exposer le motif économique de la rupture dans la lettre de convocation à l’entretien préalable à l’éventuel licenciement.

2.2. Salarié informé par l’envoi d’un compte-rendu de réunion avec les représentants du personnel

La Cour de cassation (Cass. soc. 13-6-2018 n° 16-17.865) a pu juger que l’employeur remplit son obligation d’informer le salarié, avant son adhésion au CSP, du motif économique de la rupture du contrat de travail, dès lors que ce dernier a été destinataire d’un e-mail, comportant le compte-rendu d’une réunion avec le délégué du personnel relative au licenciement pour motif économique envisagé.

A l’appui de sa décision, la Cour note que ce compte-rendu énonçait les difficultés économiques invoquées ainsi que les postes supprimés, dont celui du salarié.

2.3. Salarié en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle

Une attention toute particulière doit être apportée à la situation du salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

En effet, l’adhésion au CSP, qui constitue une modalité du licenciement pour motif économique, ne caractérise pas l’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la maladie ou à l’accident (Cass. soc. 14-12-2016 n° 15-25.981).

Il appartient donc à l’employeur de préciser le ou les motifs non liés à l’accident du travail ou à la maladie professionnelle pour lesquels il se trouve dans l’impossibilité de maintenir le contrat de travail (exigence de l’article L. 1226-9 du Code du travail).

Cette jurisprudence a été réaffirmée dans un arrêt récent (Cass. soc. 27-5-2020 n° 18-20.142).

2.4. Salarié informé du motif de la modification de son contrat de travail 

Lorsqu’un document écrit a été remis au salarié lors de la procédure de modification de son contrat de travail, précisant le motif économique de cette modification, mais qu’aucun écrit énonçant la cause économique de la rupture ne lui a été remis ou adressé au cours de la procédure de licenciement et avant son acceptation du CSP, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 27-5-2020 n° 18-24.531).

Cet arrêt, qui peut sembler sévère, reprend une ancienne jurisprudence développée au sujet de la CRP (Cass. soc. 18-3-2014 n° 13-10.446).

2.5. Redressement judiciaire de l’entreprise 

Lorsque l’administrateur procède au licenciement d’un salarié d’une entreprise en redressement judiciaire, en application de l’ordonnance du juge-commissaire autorisant des licenciements économiques présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable et fixant le nombre des licenciements ainsi que les activités et les catégories professionnelles concernées, la lettre de licenciement doit comporter le visa de cette ordonnance (Cass. ass. plén. 24-1-2003 n° 01-40.194).

Un arrêt récent statue sur l’articulation entre cette règle bien établie et les exigences de motivation applicables en cas d’acceptation du CSP.

Ainsi, la Cour de cassation (Cass. soc. 27-5-2020 n° 18-20.153) considère que les informations données au salarié, au jour de son adhésion au CSP, doivent nécessairement renvoyer à l’ordonnance du juge-commissaire, à défaut de quoi son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

 

Xavier Berjot
Avocat Associé

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Négociation de départ du cadre expatrié : l’assiette de calcul des indemnités de rupture

Négociation de départ du cadre expatrié : l’assiette de calcul des indemnités de rupture 2560 1975 sancy-avocats.com

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La détermination de l’assiette de calcul des indemnités de rupture du cadre expatrié est un sujet délicat. En effet, celui-ci perçoit souvent des primes et indemnités d’expatriation diverses (primes d’installation, différentiel de niveau de vie, indemnité d’éloignement, etc.). Or, ces gratifications peuvent représenter une part significative de la rémunération globale.

1. Les hésitations jurisprudentielles

A défaut de texte applicable, la jurisprudence a été conduite à statuer sur les éléments de salaire à prendre en compte dans le calcul de référence de la rémunération du salarié expatrié.

Pour la Cour de cassation, devait être retenu le salaire d’expatriation, exclusion faite des indemnités représentatives de frais (Cass. soc. 26-11-1996 n° 93-43.644) :

« Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir condamné à payer au salarié une indemnité de préavis et une indemnité de congés payés afférents au préavis, alors, selon le moyen, que la cour d’appel a constaté que la mission du salarié au Japon était terminée lorsque la rupture du contrat de travail est intervenue; qu’il en résultait nécessairement que si l’intéressé avait exécuté son préavis, il ne l’aurait pas effectué au Japon. 

Mais attendu que le salarié ne pouvant être contraint d’effectuer son préavis dans les conditions nouvelles imposées unilatéralement par l’employeur et entrainant une modification de son contrat dans un élément jugé essentiel, la cour d’appel a pu décider qu’il pouvait prétendre à une indemnité compensatrice de préavis calculée sur le dernier salaire qu’il avait perçu. »

Toutefois, dans certaines hypothèses, la Cour de cassation considérait que les primes correspondant à des sujétions et avantages liés au séjour à l’étranger, bien que constituant des éléments de salaire, devaient être exclues.

Tel était le cas, par exemple, en présence d’un licenciement prononcé plusieurs mois après le retour en France du cadre expatrié (Cass. soc. 26 janvier 1983 inédit, non publ.).

La jurisprudence n’était donc pas fixée puisque des éléments de salaire pouvaient ou non être intégrés dans l’assiette de calcul des indemnités du cadre expatrié.

Les mêmes hésitations se rencontraient au sujet du préavis, la Cour de cassation retenant les solutions suivantes :

– Le salarié ne pouvant être contraint d’effectuer son préavis dans les conditions nouvelles imposées unilatéralement par l’employeur et entraînant une modification de son contrat de travail dans un élément jugé essentiel, il peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis calculée sur le dernier salaire d’expatriation (Cass. soc. 26-11-1996 n° 93-43.644).

– Le salarié détaché en Iran puis rapatrié et licencié alors que son détachement a pris fin depuis plusieurs mois, ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis calculée sur le salaire qu’il percevait à l’étranger (Cass. soc. 26 janvier 1983 inédit, non publ.).

L’incertitude résidait donc dans le fait que les indemnités pouvaient être exclues de l’assiette de calcul en fonction de la période s’écoulant entre la date du retour en France et la date du licenciement.

2. Les solutions actuelles

Dans un arrêt du 11 janvier 2006 (Cass. soc. 11-1-2006 n° 04-41.652), la Cour de cassation a jugé que la part « locale » de la rémunération versée à l’agent expatrié devait être prise en compte dans le calcul de l’indemnité de licenciement lui revenant.

Cette décision ajoute que le fait que l’agent expatrié ait été réglementairement obligé de revenir en France pour les seuls besoins et pour la durée de la procédure de licenciement ne peut avoir pour effet de le priver des éléments de rémunération liés à son expatriation, en fonction desquels doit être évaluée l’indemnité de licenciement.

Ainsi, la Cour de cassation tient compte du salaire global du cadre expatrié, et non d’un « salaire de référence France. »

Cette jurisprudence a une large portée, puisqu’elle s’applique alors même que le salarié a été mis à la disposition d’une filiale étrangère.

A titre d’exemple, dans une affaire où le salarié avait travaillé pour une filiale suisse, la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel ayant déduit que le montant des indemnités de préavis, de congés payés afférents au préavis, et de licenciement, dues par la société mère qui l’avait licencié, devait être déterminé sur la base du salaire d’expatriation (Cass. soc. 27-10-2004 n° 02-40.648).

Cette jurisprudence a été réaffirmée dans un arrêt récent (Cass. soc. 17-5-2017 n° 15-17.750) :

– « M. D., engagé le 1er janvier 1989, avec reprise d’ancienneté à compter du 1er août 1988, en qualité d’ingénieur par la Société des Pétroles Shell, après avoir travaillé au sein d’une société du groupe Shell à Singapour selon avenant du 24 mars 2005 dans le cadre d’un détachement, puis avoir été engagé localement à compter du 1er juin 2008 par la société Shell eastern trading LTD dans le cadre d’une expatriation, laquelle a pris fin le 30 juin 2011, a été rapatrié par la Société des Pétroles Shell. »

– « Lorsque la société mère ne réintègre pas le salarié après son licenciement par la filiale étrangère, les indemnités de rupture auxquelles le salarié peut prétendre doivent être calculées par référence aux salaires perçus par celui-ci dans son dernier emploi. »

Il est donc acquis que les indemnités de rupture auxquelles peut prétendre le salarié, au titre de son licenciement prononcé par la société mère après que la filiale a mis fin à son détachement, doivent être calculées par référence aux salaires qu’il a perçus dans son dernier poste.

Cette jurisprudence est fondée sur l’article L. 1231-5 du Code du travail :

– « Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein. 

Si la société mère entend néanmoins licencier ce salarié, les dispositions du présent titre sont applicables. 

Le temps passé par le salarié au service de la filiale est alors pris en compte pour le calcul du préavis et de l’indemnité de licenciement. »

La solution semble étonnante dans la mesure où la société mère n’est pas à l’origine du licenciement du salarié expatrié.

Toutefois, la Cour de cassation considère qu’en cas de détachement ou d’expatriation, la société mère reste, d’une certaine manière, « coemployeur » de l’intéressé.

Enfin, la jurisprudence adopte la même solution à l’égard de l’indemnité de préavis.

En ce sens, la Cour de cassation a pu juger que l’indemnité conventionnelle de préavis doit être calculée sur la base du salaire qu’aurait perçu le salarié s’il avait continué à travailler, soit celui perçu à l’étranger (Cass. soc. 11-5-2005 n° 03-43.027).

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Licenciement pour inaptitude : attention à la motivation !

Licenciement pour inaptitude : attention à la motivation ! 2560 1707 sancy-avocats.com

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Dans un arrêt du 3 juin 2020 (n°18-25.757), la Cour de cassation rappelle que ne constitue pas l’énoncé d’un motif précis de licenciement l’inaptitude physique du salarié, sans mention de l’impossibilité de reclassement.

1/ Rappels sur l’inaptitude du salarié 

L’inaptitude – professionnelle ou non-professionnelle – peut être prononcée par le médecin du travail lorsque l’état de santé (physique ou mentale) du salarié est devenu incompatible avec le poste qu’il occupe (C. trav. art. L. 1226-2 et L. 1226-10).

Avant de prendre cette décision, le médecin du travail doit :

– réaliser au moins un examen médical du salarié,

– procéder (ou faire procéder) à une étude de son poste de travail et de ses conditions de travail,

– indiquer la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée,

– procéder à un échange, par tout moyen, avec l’employeur.

Lorsqu’il constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible alors que l’état de santé du salarié justifie un changement de poste, le médecin du travail peut déclarer ce dernier inapte à son poste de travail.

L’avis d’inaptitude fait peser sur l’employeur une obligation de reclassement du salarié inapte, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (C. trav. art. L 1226-2 et L 1226-10).

NB. Les propositions de reclassement doivent prendre en compte, après avis du CSE, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

Néanmoins, l’employeur peut procéder au licenciement du salarié s’il est en mesure de justifier :

– de son impossibilité de lui proposer un emploi compatible avec son état de santé,

– ou du refus par le salarié de l’emploi proposé.

L’employeur peut également licencier le salarié si l’avis d’inaptitude mentionne expressément que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (C. trav. art. L 1226-2-1 et L 1226-12).

2/ Exigences de motivation du licenciement pour inaptitude 

L’inaptitude du salarié ne constitue pas, en soi, un motif de licenciement. En effet, ce n’est qu’à défaut de possibilité de reclassement (quelle qu’en soit la cause) que l’employeur peut légitimement procéder au licenciement.

Il s’agit d’une véritable condition de validité du licenciement pour inaptitude, qui doit nécessairement se traduire, d’un point de vue formel, dans la rédaction de la lettre de licenciement.

A titre d’exemples :

– Ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude d’un salarié, dans la mesure où la lettre de licenciement vise non pas l’inaptitude et l’impossibilité de reclasser l’intéressé, mais seulement le refus de la proposition de reclassement (Cass. soc. 23-5-2017 n° 16-13.222).

– Ne constitue pas l’énoncé d’un motif précis de licenciement l’inaptitude physique du salarié, sans mention de l’impossibilité de reclassement (Cass. soc. 9-4-2008 n° 07-40.356).

A l’inverse, si la lettre de licenciement mentionne que cette mesure est fondée sur le refus du salarié d’une affectation conforme aux préconisations du médecin du travail et sur l’absence de tout poste disponible, le licenciement est justifié (Cass. soc. 1-3-2017 n° 15-24.710).

Dans l’arrêt du 3 juin 2020 (n°18-25.757), l’employeur soutenait que constitue l’énoncé d’un motif suffisamment précis de licenciement, l’inaptitude physique du salarié accompagnée de la mention de recherches de reclassement par l’employeur n’ayant pas abouti, et le contraignant à procéder au licenciement.

Il ajoutait que la référence à des recherches de reclassement qui n’ont pas abouti et qui le contraignent à licencier induit nécessairement l’impossibilité de reclassement, la réalité et le respect de l’obligation légale pouvant être précisés et discutés devant le juge prud’homal.

La Cour de cassation n’a pas suivi son argumentation, retenant les motifs suivants :

– Il résulte des articles L. 1226-2 et L. 1232-6 du code du travail, en leur rédaction applicable en la cause, que ne constitue pas l’énoncé d’un motif précis de licenciement l’inaptitude physique du salarié, sans mention de l’impossibilité de reclassement.

– La cour d’appel, qui a constaté que la lettre de licenciement visait l’inaptitude du salarié et le refus par celui-ci d’une proposition de poste, en a exactement déduit qu’en l’absence de mention de l’impossibilité de reclassement dans cette lettre, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conclusion, la Cour de cassation fait une interprétation stricte des dispositions de l’article L. 1232-6, alinéa 2 du Code du travail selon lesquelles l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre envoyée au salarié.

La rédaction de la lettre de licenciement pour inaptitude reste un exercice délicat, sans compter les « pièges » liés au respect de la procédure préalable au licenciement, imposant notamment la consultation du CSE et l’envoi d’une lettre au salarié pour lui faire part de l’impossibilité de le reclasser…

Xavier Berjot
Avocat Associé

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