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Xavier Berjot

Burn-out, harcèlement, mal-être au travail : comment gérer sa sortie de l’entreprise ?

Burn-out, harcèlement, mal-être au travail : comment gérer sa sortie de l’entreprise ? 1707 2560 sancy-avocats.com

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Lorsque la relation de travail se détériore entre l’employeur et le salarié, il n’est parfois plus possible, pour ce dernier, de reprendre son poste. Son état de santé psychologique et/ou physique est si dégradé que la perspective de retourner dans l’entreprise lui devient insupportable. Quelles sont ses solutions de sortie ?

1/ la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est l’acte selon lequel le salarié met fin au contrat en cas de manquements suffisamment graves de l’employeur qui empêchent la poursuite de la relation contractuelle (Cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-23634).

Le plus souvent, la prise d’acte est matérialisée par une lettre recommandée avec AR, que le salarié adresse à l’employeur et qui mentionne les motifs sur lesquels elle s’appuie. La prise d’acte a pour effet de rompre immédiatement le contrat de travail, sans préavis.

Ce mode de rupture présente toutefois un inconvénient majeur.

En effet, la prise d’acte n’ouvre pas droit à l’assurance-chômage, sauf si le salarié parvient à la faire requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse devant le Conseil de prud’hommes.

Or, s’il perd son procès, la prise d’acte est requalifiée en démission ! Le salarié ne bénéficie donc d’aucune indemnisation, sauf éventuellement à l’issue de 2 ou 3 ans de procédure, et s’il gagne le litige…

Pour cette raison, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est une solution que je ne conseille jamais à mes clients. Mes 20 ans d’expérience professionnelle m’ont convaincu que cette solution est mauvaise.

2/ La résiliation judiciaire du contrat de travail

La résiliation judiciaire peut être définie comme l’action par laquelle le salarié demande au Conseil de prud’hommes de prononcer la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur pour des motifs graves empêchant la poursuite de la relation de travail (Cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-21372 et n° 12-35040).

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce (comptez parfois, ici encore, 2 à 3 ans de procédure…).

De la même manière que la prise d’acte, la résiliation judiciaire est un pari très risqué.

En effet, elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si le juge adopte les arguments du salarié.

En revanche, si le juge estime que les manquements reprochés à l’employeur ne justifient pas la rupture du contrat de travail, il doit débouter le salarié de sa demande, ce qui implique la poursuite du contrat de travail !

Par ailleurs, le salarié est contraint de rester à son poste jusqu’à l’issue de la procédure, ce qui est intenable psychologiquement.

3/ L’abandon de poste

Certains salariés, lorsqu’ils se sentent désespérés, abandonnent purement et simplement leur poste en espérant faire l’objet d’un licenciement qui leur permettra de bénéficier de l’assurance-chômage.

Dans une telle situation, l’employeur peut en effet procéder au licenciement pour faute grave du salarié, ce qui permet à ce dernier de s’inscrire à Pôle Emploi.

Cependant, il convient de préciser que le licenciement pour faute grave prive le salarié de son indemnité de licenciement et de son indemnité de préavis.

La faute grave peut donc être très pénalisante pour le salarié, surtout si son ancienneté est importante.

Par ailleurs, en présence d’un abandon de poste, l’employeur n’a aucune obligation de licencier le salarié.

Il peut en effet se contenter de suspendre le versement de son salaire, et ce sans limite de temps.

Le salarié se retrouve donc dans une véritable impasse car il devient prisonnier de son contrat de travail sans percevoir aucun salaire.

4/ Le licenciement pour inaptitude

L’inaptitude médicale peut être prononcée par le médecin du travail, dès lors qu’il constate que l’état de santé du salarié est devenu incompatible avec le poste qu’il occupe et qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail n’est possible.

En présence d’un avis d’inaptitude, l’employeur a l’obligation de rechercher un poste de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail.

Si ce dernier a expressément mentionné sur l’avis d’inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur n’est pas tenu de rechercher une solution de reclassement (C. trav. art. L.1226-2-1).

Le licenciement du salarié est donc possible.

L’inaptitude présente cependant plusieurs inconvénients.

Tout d’abord, le salarié n’a aucune garantie que le médecin du travail prononcera à son égard un avis d’inaptitude, ce qui peut conduire à une situation de blocage.

Par ailleurs, en matière d’inaptitude, le salarié perd son indemnité de préavis.

C’est uniquement si l’inaptitude du salarié est liée à une maladie professionnelle ou à un accident du travail que celui-ci perçoit une indemnité équivalente au préavis (C. trav. art. L.1226-14).

3/ Le départ négocié

Les mots « départ négocié » désignent l’accord selon lequel l’employeur et le salarié règlent les conséquences de la rupture du contrat de travail, dans un contexte pré-litigieux.

Sur le plan pratique, en contrepartie d’une indemnité, le salarié renonce à engager une action devant le Conseil de prud’hommes.

Le départ négocié peut prendre différentes formes : rupture conventionnelle suivie ou non d’une transaction, licenciement suivi d’une transaction, licenciement indemnisé au moyen d’une indemnité forfaitaire de conciliation, dommages-intérêts distincts, etc.

Tous ces dispositifs permettent à la fois de rompre le contrat de travail et de bénéficier d’une indemnisation.

Pour un salarié en souffrance, quelle qu’en soit la raison (burn-out, harcèlement, mise au placard, modification du contrat de travail, etc.), le départ négocié est l’option la plus intéressante.

Grâce à l’intervention d’un avocat en droit du travail, le salarié met toutes les chances de son côté pour bénéficier d’une indemnisation maximale.

En effet, un avocat en droit du travail expérimenté sait identifier tous les leviers de négociation nécessaires (surcharge de travail, amplitude horaire majeure, convention de forfait-jours illicite, violation du contrat de travail, etc.).

L’objectif est de bénéficier d’une multitude d’atouts face à l’employeur.

En outre, l’intervention d’un avocat en droit du travail offre au salarié un accompagnement complet : relecture de projets d’emails, validation d’un entretien annuel d’évaluation, conseils sur l’attitude à adopter face à une remarque de l’employeur, etc.

L’employeur est finalement poussé à recourir à son avocat et des négociations peuvent alors s’engager dans un cadre apaisé.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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BORE-OUT : la Cour d’appel de Paris s’en saisit

BORE-OUT : la Cour d’appel de Paris s’en saisit 2560 1709 sancy-avocats.com

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A l’inverse du burn-out, qui peut être défini comme une fatigue intense, une perte de contrôle et l’incapacité à aboutir à des résultats au travail, le bore-out correspond à un syndrome d’épuisement professionnel par manque de travail. Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 2 juin 2020 (n°18/05421) se saisit de cette notion.

1/ Les faits 

Un salarié avait été engagé par la société X, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er décembre 2006, en qualité de responsable des services généraux.

Placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 16 mars 2014, le salarié n’a jamais plus repris ses fonctions.

La société X a finalement procédé à son licenciement pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et nécessitant son remplacement définitif, par lettre recommandée avec AR du 30 septembre 2014.

Selon jugement du 16 mars 2018, le Conseil de prud’hommes de Paris a condamné la société X pour licenciement nul et harcèlement moral.

C’est dans ce contexte que la Cour de Paris a eu à connaître du litige.

Le salarié se plaignait d’un harcèlement moral en invoquant, principalement, les faits suivants :

- Une pratique de mise à l’écart caractérisée par le fait d’avoir été maintenu pendant les dernières années de sa relation de travail sans se voir confier de réelles tâches correspondant à sa qualification et à ses fonctions contractuelles ;

- Le fait d’avoir été affecté à des travaux subalternes relevant de fonctions « d’homme à tout faire » ou de concierge privé au service des dirigeants de l’entreprise ;

- La dégradation de ses conditions de travail, de son avenir professionnel et de sa santé du fait de ces agissements ;

- Le bore-out auquel il avait été confronté faute de tâches à accomplir.

La Cour d’appel de Paris a suivi l’argumentation du salarié à l’appui des motifs suivants, exprimant ainsi ce qu’est le syndrome du bore-out :

– Sa mise à l’écart lors de la mise en place de la plate-forme logistique de la société X à Criqueboeuf en 2010 est attestée par un témoin ;

– Une de ses anciennes collègues atteste dans ces termes : « Il me demandait très régulièrement si je n’avais pas du travail à lui confier pour qu’il se sente utile et utilise ses compétences comme on aurait dû les utiliser. Il a été mis à l’écart, utilisé et mis dans un placard pour qu’on l’empêche de mettre son nez dans la gestion des dépenses liées aux événements et aux voyages. » ; 

– Un autre témoin fait état du fait qu’au cours des deux dernières de collaboration, il a vu le salarié « sombrer petit à petit dans un état dépressif, au fur et à mesure qu’il se trouvait placardisé », évoquant que ce dernier aurait été isolé pour avoir voulu dénoncer un abus de biens sociaux et qu’il n’avait plus bénéficié de la possibilité d’organiser les séminaires des différents départements.

En outre, des échanges d’emails établissent que la victime était réduite, sur ses heures de bureau, à configurer l’Ipad du PDG, à s’occuper de la réparation de la centrale vapeur ou se rendait à son domicile pour accueillir le plombier…

Ce bore-out a eu des répercussions sur l’état de santé du salarié, puisque les agissements répétés, ce vide, ont dégradé ses conditions de travail et sa santé et ont été à l’origine d’une crise d’épilepsie à bord de son véhicule, le 16 mars 2014, et d’un état de profonde dépression.

Beaucoup de proches témoignaient de la dégradation progressive de l’état de santé de leur ami, en lien avec sa situation au travail.

Comme le rapporte l’un d’eux : « il en avait marre de ne rien faire à part des formations sans évolution. Il ne servait que de bouche-trou et cette situation le rendait très dépressif à tel point qu’il parlait de plus en plus de se suicider. »

La Cour d’appel a retenu de ces données circonstanciées que le salarié établissait la matérialité de faits précis et concordants à l’appui d’un harcèlement répété et que, pris dans leur ensemble, ces faits permettaient de présumer un harcèlement moral que l’employeur ne parvenait pas à contester. 

2/ Les précédents jurisprudentiels

Le bore-out correspond à une mise à l’écart ou à une « placardisation » que de nombreuses juridictions ont déjà condamnées.

A titre d’illustrations, ont été jugées constitutives d’un harcèlement moral les situations suivantes :

– L’installation d’un salarié dans un local exigu, sans outils de travail et dépourvu de chauffage décent, avec interdiction faite à ses collègues de lui parler et mise en doute de son équilibre psychologique (Cass. soc. 29-6-2005, n°03-44.055) ;

– Le fait de priver un salarié d’affectation précise, régulièrement et pour des périodes prolongées, aux fins de l’isoler du reste de la communauté de travail (Cass. soc. 24-1-2006, n° 03-44.889) ;

– Le fait pour un supérieur hiérarchique d’appliquer envers son adjoint une stratégie de mise à l’écart consistant à ne plus lui donner de travail et à le priver d’informations, en ne le rendant plus destinataire de notes, courriels et courriers qui auraient dû normalement lui être adressés, dans des conditions susceptibles d’altérer sa santé physique ou mentale (Cass. crim. 14-5-2013, n° 12-82.36) ;

– La « mise au placard » d’une secrétaire de direction qui n’était plus informée des déplacements de l’encadrement, ni des visites des clients, ni des projets ; ne participait plus aux réunions, perdant progressivement tous ses dossiers et se trouvant contrainte à une inactivité forcée, les cadres de direction ne lui confiant pas de travail et ne lui adressant quasiment jamais la parole (CA Nancy 31-10-2008, n°07-675).

Ces décisions n’évoquent pas la notion de bore-out, qui est apparue plus récemment en jurisprudence, sous l’impulsion des plaideurs.

C’est ainsi que, dans un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 24 janvier 2020 (n°2020/35), cette notion a été citée (mais pour être écartée) :

« (…) si l’exécution de ses missions par la salariée, qui au cours de la relation de travail n’a jamais alerté son employeur sur une situation de harcèlement en raison notamment d’un éventuel ‘bore out’, a été affectée par des aléas administratifs et commerciaux qui ne sont pas inhabituels dans la promotion immobilière, de tels changements n’ont pas eu pour objet ni pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel (…). » 

La même situation s’est produite devant la Cour d’appel d’Orléans (CA Orléans, 16-07-2019, n°16/02412) :

– « En l’état de ces pièces, M. D C n’apporte pas d’élément permettant de considérer que l’employeur l’aurait écarté de l’entreprise, privé de ses fonctions et outils de travail, placé en situation de ‘bore out’. »

Sans prétendre à l’exhaustivité, citons enfin un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 24 juin 2016 (n°13/20777) ayant considéré que :

– « la salariée, qui ne met en évidence aucun syndrome de type « bore-out », ne justifie pas de l’état de délaissement dans lequel elle se serait trouvée du fait de son employeur, la société X, durant la période de gestion transitoire de l’agence jusqu’en décembre 2011. »

En définitive, l’originalité de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris tient au fait que celle-ci adopte la notion de bore-out dans ses motifs, en retenant clairement l’argumentation du salarié qui s’en prévalait.

3/ Les pistes de prévention 

L’employeur a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en mettant en œuvre, notamment (C. trav. art. L. 4121-1) :

– Des actions de prévention des risques professionnels ;

– Des actions d’information et de formation ;

– La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Des principes généraux de prévention sont, en outre, listés à l’article L. 4121-2 du Code du travail.

Pour sa part, la jurisprudence considère que l’employeur est tenu vis-à-vis des salariés d’une obligation de sécurité dont il doit assurer l’effectivité (Cass. soc. 20-3-2013, n°12-14.468).

En matière de harcèlement moral, la responsabilité de l’employeur ne peut être écartée que s’il a mis en œuvre toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et a mis fin au harcèlement dès qu’il en a été avisé (Cass. soc. 1-6-2016, n°14-19.702).

S’agissant du bore-out, l’INRS a, depuis plusieurs années, préconisé des pistes de prévention (Crédits : Valérie Pezet-Langevin, INRS, revue Hygiène et sécurité du travail, 06/2017) :

– L’enrichissement du poste consiste à inclure dans l’exécution de la (ou des) tâche(s) élémentaires des tâches d’un niveau de complexité supérieure ;

– L’élargissement du poste consiste à accroître la variété de tâches élémentaires ;

– Si l’ennui est dû à un manque ou à une perte de sens, il doit pouvoir être identifié dans le cadre de l’évaluation des risques psychosociaux (…) ;

– Les situations de « mise au placard » ne doivent en aucun cas exister ou perdurer dans l’entreprise.

Comme l’exprime Mme Pezet-Langevin, « l’objectif est de surmonter l’ennui en offrant une opportunité de progrès, l’ensemble de ces mesures permettant également de répondre à l’obligation de l’entreprise en matière de formation professionnelle : assurer l’adaptation des compétences des salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi (gestion de « l’employabilité »). »

C’est un travail collectif que les acteurs des ressources humaines doivent réaliser, dans un contexte ou le bien-être au travail et l’image employeur sont au cœur des préoccupations des entreprises.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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Réouverture des restaurants, cafés et bars : les enjeux vis-à-vis du personnel

Réouverture des restaurants, cafés et bars : les enjeux vis-à-vis du personnel 2560 1730 sancy-avocats.com

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Comme l’a annoncé le Premier ministre Edouard Philippe le 28 mai, les restaurants, cafés et bars vont pouvoir rouvrir à compter du mardi 2 juin, dans tous les départements mais avec des restrictions, notamment à Paris. Dans tous les cas, les acteurs du secteur doivent assurer la sécurité du personnel.

Remarque préalable : le présent article ne traite pas de la question des règles applicables à la clientèle. 

1/ Actualiser le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)

La mise à jour du DUERP doit être réalisée notamment lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité et lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie (C. trav. art. R. 4121-2).

Le Covid-19 impose évidemment l’actualisation du DUERP et son défaut de mise à jour engage la responsabilité de l’employeur, sur le terrain de la faute inexcusable voire sur le terrain pénal.

L’évaluation  des  risques doit viser à identifier les situations de travail pour lesquelles les conditions de transmission du Covid-19 peuvent se trouver réunies (même lieu de vie, contact direct à moins d’un mètre lors d’une toux, d’un éternuement, mains non lavées, etc.).

Le DUERP doit s’adapter à chaque unité de travail (ex. « la cuisine », « le service en salle ou en terrasse », « les services administratifs », « l’approvisionnement des matières premières », etc.).

2/ Mettre en place un plan de continuité d’activité (PCA)

Ce document n’est pas prévu par le Code du travail mais il est pourtant essentiel.

Son objectif est de permettre la reprise des activités des restaurants, cafés et bars en entreprenant les actions suivantes :

– Définir les principales dispositions  à respecter pour assurer la continuité du service en sécurité pour les salariés, les clients, les fournisseurs, etc.

– Anticiper un éventuel arrêt en sécurité du service et organiser les tâches essentielles qui doivent pourvoir être maintenues.

– Assurer une reprise partielle en sécurité en période de déconfinement progressif.

– Anticiper la reprise en sécurité de l’activité pour pouvoir redémarrer rapidement.

– Prévoir le retour d’expérience de la crise.

Le PCA est très important, notamment pour les professionnels du secteur HCR qui n’auraient pas encore élaboré un DUERP.

3/ Respecter les mesures préconisées par l’UMIH (Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie) 

Le 28 mai 2020, l’UMIH et ses syndicats associés ont mis à disposition un guide sanitaire CHRD (« cafés, hôtels, restaurants et discothèques »), à l’image de nombreux autres secteurs professionnels.

Des préconisations très pertinentes ont été retenues pour assurer la sécurité du personnel, notamment celles-ci :

– Assurer une information et communication de qualité avec les personnels.

– Associer étroitement les instances représentatives s’il en existe, CSE et CSSCT en particulier.

– Désigner un référent Covid-19 chargé de prévention, par exemple, qui peut coordonner les mesures à mettre en œuvre et à faire respecter.

– Organiser des réunions régulières voire quotidiennes avec le personnel pour faire connaitre les consignes et obtenir l’adhésion (en respectant la distance minimale de 1m), ou assurer un contact téléphonique. Les réunions à l’air libre doivent être privilégiées.

– Présenter l’organisation exceptionnelle des tâches avant chaque prise de poste.

– Rappeler aux personnels la nécessité d’éviter de se toucher le visage avec ou sans gants et sans nettoyage préalable des mains.

– Il est recommandé également de questionner les salariés lors de la prise de poste pour s’assurer de la bonne connaissance des mesures.

– Porter une attention particulière aux salariés fragiles.

– Refuser l’accès – avec le port d’un masque chirurgical – en cas de symptômes de maladie, en particulier toux, température, perte d’odorat et/ou du goût.

– Privilégier les modes de transport individuels. En cas d’utilisation des transports en commun : respect de la distance minimale de 1m et lavage des mains obligatoire à l’arrivée dans l’entreprise. 

4/ Revoir et ajuster l’organisation du travail 

Par nature, le secteur HCR implique une certaine polyvalence. Comme l’indique l’article 34 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 :

– « L’organisation du travail tient compte de la nécessité d’emplois utilisant la plurivalence et la pluri aptitude des salariés.

Chaque employé participe aux travaux communs, et peut être amené à effectuer des travaux annexes tenant compte du caractère spécifique de chacun des établissements l’activité de service ayant cette particularité de devoir, avant tout, s’adapter aux besoins du client. »

Ainsi, comme le recommande à juste titre l’UMIH, les mesures suivantes peuvent utilement être adoptées :

– Ajuster les plages horaires en fonction de l’évolution de l’activité, de l’ouverture hebdomadaire, en tenant compte des contraintes du personnel et du renforcement des mesures d’hygiène.

– Travailler autant que possible en équipes fixes.

– Partager strictement les équipes de travail afin d’éviter l’infection d’un collaborateur et, par la suite, la mise en quarantaine de tout le personnel…

– Préparer et adapter les procédures des salariés en fonction de cette nouvelle organisation. 

5/ Renforcer les mesures d’hygiène 

L’UMIH souligne qu’il est impératif de rédiger ou de renforcer le plan de nettoyage et de désinfection avec périodicité et suivi des locaux, des surfaces de travail, des équipements de travail, des outils, des poignées de portes et boutons, de la zone de paiement, des matériels, de tout objet et surface susceptible d’avoir été contaminé (en contact avec les mains), des équipements de travail commun, collectifs (machines à café, etc.).

Des mesures concrètes sont prévues parmi lesquelles :

– Par sécurité en cas de fermeture prolongée, rincer la tuyauterie d’eau froide pendant au moins 5 minutes. La température de l’eau chaude doit être relevée à l’endroit le moins favorable : 55 °C (action de prévention légionnelles).

– Si la climatisation ne peut pas être supprimée, prévoir le nettoyage des filtres et son entretien régulier.

– Afficher visiblement toutes les informations utiles au client et notamment signaler la distance de sécurité sociale ou les limitations du nombre de personnes.

– Prévoir l’approvisionnement permanent des consommables (produits de nettoyage et de désinfection, papier sèche-mains, masques, gants,  sur-blouses …) et mettre en place une gestion des stocks en conséquence.

– Suivant la configuration des locaux, organiser des flux distincts entre l’entrée et la sortie des clients.

– Eviter tout ce qui peut être touché par des clients successifs (livres, journaux, menus réutilisables, salières, poivrière, condiments…).

– Marquer/signaler la distance sociale aux endroits stratégiques.

6/ Associer le comité social et économique (CSE) 

Quelle que soit la taille de l’établissement, le CSE a un rôle à jouer à l’occasion de la réouverture des restaurants, cafés, bars, etc.

En effet, dans les établissements d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés, les membres du CSE contribuent à promouvoir la santé, la sécurité et les conditions de travail et réalise des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel (C. trav. art. L. 2312-5, al. 2).

Et, dans les établissements de plus de 50 salariés, le CSE doit être informé et consulté sur les sujets relevant de l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle ainsi que sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav. art. L. 2312-8).

7/ Vérifier les règles spécifiques à chaque activité CHRD 

Les hôtels, restaurants, traiteurs, cafés, établissements de nuit, bowlings, loisirs indoor et thalassos font face à des problématiques communes mais connaissent évidemment des spécificités.

A titre d’exemple, les contraintes sanitaires pesant sur les espaces de forme – fitness sont relativement lourdes, compte tenu de la promiscuité que ces espaces impliquent.

Les acteurs du secteur CHRD doivent donc identifier et appliquer toutes les règles sanitaires inhérentes aux activités qu’ils développent.

Pour ce faire, ils sont invités à se rendre sur le site Internet de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie : https://umih.fr/fr/.

 

Xavier Berjot
Avocat Associé

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COVID-19 : l’homologation des ruptures conventionnelles reprend son cours

COVID-19 : l’homologation des ruptures conventionnelles reprend son cours 2560 1706 sancy-avocats.com

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Un décret n° 2020-471 du 24 avril 2020 « portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’état d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de COVID-19 dans le domaine du travail et de l’emploi » (JO 25) met fin à une incertitude juridique qui pesait sur l’homologation des ruptures conventionnelles.

1/ L’incertitude : l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 

Afin de faire face aux conséquences de la propagation de la pandémie du COVID-19, les délais de certaines procédures administratives ont été suspendus par une ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

En effet, l’article 2 de l’ordonnance dispose :

– « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. »

L’article 1er I de l’ordonnance précise que sont inclus dans son champ d’application les délais arrivant à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, et le cas échéant, prorogé.

La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 du 23 mars 2020 a été publiée le 24 mars 2020 et prévoit, en son article 4, une durée de deux mois à compter de son entrée en vigueur.

Il est ainsi prévu que l’état d’urgence sanitaire se termine le 24 mai 2020.

L’ordonnance n° 2020-306 vise donc les délais qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 (sauf prorogation ultérieure de l’état d’urgence sanitaire).

L’article 1er II, précise que sont exclus du champ d’application de ce texte :

– Les délais et mesures résultant de l’application de règles de droit pénal et de procédure pénale, ou concernant les élections régies par le code électoral et les consultations auxquelles ce code est rendu applicable ;

– Les délais concernant l’édiction et la mise en œuvre de mesures privatives de liberté ;

– Les délais concernant les procédures d’inscription dans un établissement d’enseignement ou aux voies d’accès à la fonction publique ;

– Les obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du code monétaire et financier ;

– Les délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ou en application de celle-ci.

Enfin, l’article 1er III prévoit que sont incluses les mesures restrictives de liberté et aux autres mesures limitant un droit ou une liberté constitutionnellement garantie, sous réserve qu’elles n’entrainent pas une prorogation au-delà du 30 juin 2020.

Seule la matière pénale étant exclue des prévisions de l’ordonnance, celle-ci s’applique à toute la matière civile, commerciale, fiscale et sociale.

2. La position de certaines DIRECCTES 

Après la publication de l’ordonnance, beaucoup de praticiens du droit du travail et d’employeurs se sont interrogés sur le point de savoir s’il était toujours possible ou opportun de signer une rupture conventionnelle et d’en obtenir l’homologation.

Certaines Direcctes admettaient l‘homologation des ruptures conventionnelles et facilitaient même la démarche de l’employeur et du salarié en prononçant des homologations expresses.

D’autres Direcctes adoptaient la position suivante :

L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 a modifié les délais échus pendant la période d’urgence sanitaire.

Elle prévoit notamment la suspension des délais à compter du 12 mars, jusqu’au 24 juin 2020 (date fixée par l’ordonnance qui pourrait être avancée ou reculée), notamment pour tout acte ou formalité de manière générale prescrit par la loi ou le règlement sous peine de nullité ou sanction (article 1 et 2), et pour les décisions acquises implicitement en matière de procédure administrative (article 7).

Ainsi, concernant l’incidence en matière de rupture conventionnelle et, sous réserve de précisions futures données par l’administration du travail :

S’agissant du délai de rétraction de 15 jours calendaires courant à compter de la signature de la convention prévu à l’article L. 1237-13 du code du travail, il existe deux cas de figure :

– le délai de rétraction est écoulé avant le 12 mars, c’est-à-dire que la convention de rupture a été signée avant le 25 février 2020 (inclus). Dans ce cas, le droit de rétraction de chaque partie doit être regardé comme éteint et la procédure peut suivre son cours.

– le délai de rétraction n’est pas écoulé avant le 12 mars, c’est-à-dire que la convention de rupture a été signée après le 25 février (non inclus). Dans ce cas, ce délai est suspendu à date et recommencera à courir à l’issue du 24 juin 2020 (date qui pourra être avancée ou reculée en fonction de l’évolution de la situation).

S’agissant du délai d’instruction de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande d’homologation par la Direccte prévu à l’article L. 1237-14 du code du travail – commençant à courir le lendemain du jour ouvrable de réception et expirant au dernier jour ouvrable d’instruction à 24 heures -, il est également suspendu pour toutes les demandes d’homologation reçu après le 22 février 2020 (non inclus).

Les Direcctes en tiraient les conclusions suivantes :

– d’une part, pour les demandes effectuées après cette date, l’homologation n’est plus réputée acquise à l’issue du délai d’instruction de 15 jours. L’homologation tacite n’interviendra qu’à l’issue du délai qui recommencera à courir après le 24 juin 2020.

– d’autre part, toute convention signée après le 28 février 2020 (inclus), dont le délai de rétractation n’est donc pas échu au 12 mars 2020, ne pourra pas faire l’objet d’une acceptation expresse dans la mesure où les parties pourraient toujours se rétracter postérieurement au 24 juin 2020.

Cette position des Direcctes – certes juridiquement étayée- était susceptible de bloquer la conclusion des ruptures conventionnelles.

3/ Les apports du décret n° 2020-471 du 24 avril 2020 

Le décret dresse une liste de dérogations au principe de suspension des délais, fondées sur des motifs de sécurité, de protection de la santé, de sauvegarde de l’emploi et de l’activité, ainsi que sur des motifs de sauvegarde de l’emploi et de l’activité et de sécurisation des relations de travail et de la négociation collective.

Son article 1er dispose :

– « En application de l’article 9 de l’ordonnance du 25 mars 2020 susvisée, l’annexe au présent décret fixe les catégories d’actes, de procédures et d’obligations, dont les délais, suspendus à la date du 12 mars 2020 en application des articles 7 et 8 de la même ordonnance, reprennent leur cours, pour des motifs de sécurité, de protection de la santé, de sauvegarde de l’emploi et de l’activité, et de sécurisation des relations de travail et de la négociation collective. »

L’annexe prévoit expressément « l’homologation de la rupture conventionnelle », excluant tout doute sur le sujet.

Il est désormais acquis que le délai d’instruction de 15 jours ouvrables pour l’homologation expresse ou tacite des ruptures conventionnelles n’est pas suspendu.

Quant au délai de rétractation de 15 jours calendaires, rappelons que l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 précise que « les délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement (…) » ne sont pas affectés par les règles de prorogation des délais.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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COVID-19 : employeurs, anticipez votre reprise d’activité !

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Beaucoup d’entreprises s’interrogent sur les mesures qu’elles doivent adopter pour reprendre leur activité, dans ce contexte de crise sanitaire. La question se pose dans la perspective du déconfinement, prévu le 11 mai prochain, mais aussi aujourd’hui pour de nombreux acteurs économiques.

1/ Le respect des mesures édictées par les autorités et les branches professionnelles 

Comme le Gouvernement l’a rappelé, il incombe en premier lieu à l’employeur de :

– Procéder à l’évaluation des risques encourus sur les lieux de travail qui ne peuvent être évités en fonction de la nature du travail à effectuer ;

– Déterminer, en fonction de cette évaluation, les mesures de prévention les plus pertinentes ;

– Associer à ce travail les représentants du personnel ;

– Solliciter, lorsque cela est possible, le service de médecine du travail qui a pour mission de conseiller les employeurs et salariés et, à ce titre, de préconiser toute information utile sur les mesures de protection efficaces ;

– Respecter et faire respecter les gestes barrière recommandés par les autorités sanitaires.

Par ailleurs, lors d’une conférence de presse du 19 avril 2020, M. le Premier Ministre a indiqué que le télétravail était la règle impérative pour tous les postes le permettant et que les règles de distanciation, pour les emplois non éligibles au télétravail, devaient impérativement être respectées. 

Outre les mesures sanitaires prises par l’Etat, l’employeur doit vérifier celles qui sont édictées par la branche professionnelle dont relève l’entreprise.

A titre d’exemples :

– Dans le secteur du bâtiment, les partenaires sociaux, l’OPPBTP et l’Etat ont publié, le 2 avril 2020, un « Guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de construction » énonçant les mesures préventives urgentes à mettre en œuvre pour protéger les salariés et leur entourage de la contamination.

– Dans le secteur social et médico-social, la Direction générale de la cohésion sociale a établi une fiche, le 16 mars 2020, à l’attention des responsables d’établissements de soins. Cette fiche aborde des thèmes tels que l’organisation du travail en situation dégradée et la protection de la santé du personnel.

A défaut de suivre scrupuleusement toutes les mesures applicables à son secteur d’activité, l’employeur court le risque de voir sa responsabilité engagée.

A cet égard, la Cour de cassation considère que le salarié peut agir contre l’employeur sur le fondement des règles régissant l’obligation de sécurité et être indemnisé au titre de son préjudice d’anxiété face au risque de développer une pathologie grave, à condition de rapporter la preuve de ce préjudice (Cass. ass. plén. 5-4-2019 n° 18-17.442).

Cette jurisprudence, développée à propos de l’amiante, trouve naturellement à s’appliquer en présence du COVID-19.

En revanche, l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il a mis en œuvre les mesures de prévention requises (Cass. soc. 25-11-2015, n° 14-24.444).

En définitive, il est recommandé à l’employeur de formaliser le fait qu’il a pris connaissance de ces règles et qu’il les décline dans l’entreprise (cf. § 2, § 3 et § 4). 

2/ La mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) 

Selon l’article R. 4121-2 du Code du travail, la mise à jour du DUERP doit être réalisée notamment lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité et lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie.

A l’évidence, le COVID-19 impose l’actualisation du DUERP, dans l’objectif de limiter le plus possible les risques de propagation du virus COVID-19 sur le lieu de travail ou à l’occasion du travail.

Une ordonnance de référé du Tribunal judiciaire de Paris du 9 avril 2020 (N° RG 20/52223) rappelle cette exigence, à l’occasion d’une affaire ayant opposé La Poste et la Fédération SUD des activités postales et des télécommunications.

D’ailleurs, le défaut de mise à jour du DUERP engage la responsabilité de l’employeur, en particulier sur le terrain de la faute inexcusable.

Le Gouvernement a précisé que l’évaluation  des  risques doit viser  à identifier les situations de travail pour lesquelles les conditions de transmission du coronavirus COVID-19 peuvent se trouver réunies (même lieu de vie, contact direct à moins d’un mètre lors d’une toux, d’un éternuement, mains non lavées, etc.).

En pratique, le DUERP doit, pour chaque unité de travail (ex. « les commerciaux », « le secrétariat », « la chaine de production », etc.) :

– Décrire l’exposition au risque de COVID-19 : transmission par les gouttelettes (sécrétions invisibles, projetées lors d’une discussion, d’éternuements ou de la toux), contact des mains non lavées ou de surfaces souillées par des gouttelettes, etc.

– Décrire le risque : toux, fièvre, difficulté à respirer, perte de goût et de l’odorat, etc.

– Lister les mesures de prévention existantes : télétravail, fourniture de masques, de gel hydroalcoolique, de gants, affichage des gestes barrières dans tous les lieux de travail, établissement d’un plan de continuité d’activité (cf. § 3), etc.

– Analyser la fréquence et la gravité du risque : ces facteurs peuvent être évalués sur une échelle de 1 à 10 et sont évidemment variables selon les unités de travail.

N.B. Une note de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) du 23 mars 2020 détaille comment combiner la continuité de l’activité et la protection des travailleurs. 

3/ L’élaboration d’un plan de continuité d’activité (PCA) 

Le PCA n’est pas prévu par le Code du travail. Il s’agit pourtant d’un document essentiel, dont l’objectif est de permettre la poursuite des activités de l’entreprise dans un contexte dégradé.

A cette fin, le PCA doit :

– Définir les principales dispositions  à respecter pour assurer la continuité des interventions en sécurité des salariés, des clients, des fournisseurs, etc.

– Anticiper un arrêt en sécurité des interventions et organiser les tâches essentielles qui doivent être maintenues.

– Assurer une reprise partielle en sécurité en période de confinement.

– Anticiper la reprise en sécurité de l’activité pour pouvoir redémarrer rapidement.

– Prévoir le retour d’expérience de la crise.

Afin d’aider les entreprises à établir leur PCA lors de la pandémie de grippe A (H1N1) en 2009, une circulaire DGT 2009/16 du 3 juillet 2009 relative à la pandémie grippale explicitait les mesures de poursuite d’activité à adopter.

Cette circulaire avait été suivie d’un communiqué du Ministère du travail lisant ces 10 questions essentielles :

– Avez-vous pris contact avec le médecin du travail ou un organisme de prévention ?

– Avez-vous désigné une personne pour vous seconder, vous relayer en cas d’empêchement ?

– Avez-vous informé votre personnel sur les risques de la pandémie, les mesures de précaution et le PCA ?

– Avez-vous un stock de masques suffisant ainsi que du matériel d’hygiène et de nettoyage adapté ?

– Avez-vous identifié les fonctions et les personnes nécessaires à la continuité de l’activité ?

– Avez-vous recensé les coordonnées et les moyens de transport des salariés ?

– Avez-vous prévu d’adapter l’organisation du travail ?

– Avez-vous repéré et contacté des fournisseurs pouvant remplacer les fournisseurs habituels ?

– Avez-vous pensé à vos intervenants extérieurs : nettoyage, livreurs…

– Avez-vous repéré les principaux sites d’information sur le sujet et les numéros de téléphones utiles ?

Dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons, le ministère du Travail continue de se référer à cette doctrine administrative. Celle-ci constitue donc un référentiel utile, notamment pour les entreprises appartenant à une branche professionnelle n’ayant pas diffusé de recommandations particulières. 

4/ L’implication du comité social et économique (CSE) 

L’article L. 2312-5, alinéa 2 du Code du travail prévoit que, dans les entreprises d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés, la délégation du personnel au CSE contribue à promouvoir la santé, la sécurité et les conditions de travail dans l’entreprise et réalise des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel.

Les membres de la délégation du personnel du CSE sont reçus collectivement par l’employeur ou son représentant au moins une fois par mois (C. trav. art. L 2315-21, al. 1).

Si l’actualisation du DUERP ou l’élaboration d’un PCA n’imposent pas une information / consultation du CSE dans les entreprises de moins de 50 salariés, il est conseillé à l’employeur de l’y associer, compte tenu du contexte très particulier lié au COVID-19. 

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CSE doit être informé et consulté sur les sujets relevant de l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle ainsi que sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

En période de pandémie, le rôle du CSE revêt une importance significative, en particulier à propos des enjeux suivants :

– Les modifications de l’organisation du travail (ex. congés payés imposés) ;

– Les mesures de protection des salariés, des fournisseurs, des clients et des publics ;

– Le recours à l’activité partielle, au télétravail ;

– L’actualisation du DUERP et l’élaboration d’un PCA ;

– Etc.

Ces sujets imposent que les décisions de l’employeur soient précédées de l’avis (favorable ou défavorable) du CSE.

NB. L’employeur ne doit pas oublier d’envoyer l’ordre du jour des réunions à l’inspecteur du travail, au médecin du travail et à l’agent des services de prévention des organismes de sécurité sociale (C. trav. art. L. 2315-30).

D’un point de vue pratique, rappelons qu’une ordonnance du 1er avril 2020 a assoupli la visioconférence et admis le recours à la conférence téléphonique et à la messagerie instantanée pour l’ensemble des réunions du CSE (ord. 2020-389 du 1er avril 2020, art. 6, II).

Le décret n° 2020-419 du 10 avril 2020 relatif aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel pendant la période de l’état d’urgence sanitaire détaille les modalités de mise en œuvre de ces dispositifs. 

5/ L’information des salariés

L’information et/ou consultation du CSE ne dispense pas l’employeur de tenir les salariés informés de l’ensemble des conséquences professionnelles liées à la crise du COVID-19, tant avant qu’après une reprise d’activité.

En effet, cette crise bouleverse la relation de travail, avec l’instauration de dispositifs tels que le télétravail, l’activité partielle, les arrêts de travail pour personnes vulnérables, pour garde d’enfants, la prise imposée de jours de congés payés, etc.

Dans un contexte réglementaire en perpétuelle évolution (certains textes sont publiés au JO la nuit), le maintien d’une communication de qualité avec des salariés constitue un gage de confiance pour l’employeur.

La diffusion de notes de service par Intranet ou par email est recommandée, afin que chaque décision de l’employeur soit comprise par tous les collaborateurs.

Enfin, l’information des salariés est particulièrement importante dans une perspective de reprise d’activité, et ce même avant le 11 mai.

Ajoutons qu’afin d’assurer la mise en place effective des consignes sanitaires, l’employeur devra former ses salariés.

Ce n’est qu’à cette condition qu’une reprise sereine pourra intervenir.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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Ordonnance du Tribunal Judiciaire de Paris du 9 avril 2020 (RG n°20/52223)

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Vous pouvez télécharger ci-dessous l’ordonnance du Tribunal Judiciaire de Paris du 9 avril 2020 (RG n°20/52223), relative notamment à la nécessité de mettre à jour le DUERP dans le contexte de la crise sanitaire liée au COVID-19.

>>> l’Ordonnance <<<

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Coronavirus COVID-19 : le recours au chômage partiel

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Comme l’a annoncé le Premier Ministre Edouard Philippe, le samedi 14 mars 2020, le stade 3 du Coronavirus  COVID-19 impose la fermeture de tous les lieux accueillant du public non indispensable à la vie du pays : cinéma, bars, cinémas, discothèques. Dans ce contexte, les entreprises pourront recourir à l’activité partielle, appelée communément « chômage partiel » ou « chômage technique. »

1/ Définition de l’activité partielle

Selon l’article R. 5122-1 du Code du travail, l’employeur peut placer ses salariés en position d’activité partielle lorsque l’entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l’un des motifs suivants :

1° La conjoncture économique ;

2° Des difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en énergie ;

3° Un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ;

4° La transformation, restructuration ou modernisation de l’entreprise ;

5° Toute autre circonstance de caractère exceptionnel.

A l’évidence, le Coronavirus COVID-19 répond à cette définition, comme le Gouvernement l’a d’ailleurs reconnu.

2/ Salariés concernés

La réduction ou la cessation d’activité doit être temporaire et collective. Elle doit donc concerner tout un établissement ou une partie de celui-ci : unité de production, atelier, service, équipe chargée de la réalisation d’un projet, notamment en matière de prestations intellectuelles (Circ. DGEFP 12 du 12-7-2013).

Tous les salariés de l’entreprise ont vocation à bénéficier de l’indemnisation de l’activité partielle, y compris ceux à temps partiel et à domicile (Cass. soc. 22-6-1994 n° 89-42.461).

Il importe de préciser que l’activité partielle est une mesure collective, qui ne doit donc pas viser tel ou tel salarié particulier.

NB. Les salariés dont la durée du travail est fixée par forfait annuel en heures ou en jours ne peuvent pas bénéficier de l’activité partielle en cas de réduction de l’horaire de travail. Ils y ont droit en revanche en cas de fermeture temporaire de l’établissement, dès la première demi-journée de fermeture (Circ. DGEFP 12 du 12-7-2013). 

3/ Conséquences sur le contrat de travail

Lorsque les salariés sont placés en situation de chômage partiel, leur contrat de travail se trouve suspendu mais non rompu. Ainsi, sur les heures ou périodes non travaillées, les salariés ne doivent pas être sur leur lieu de travail, à disposition de leur employeur et se conformer à ses directives.

Le contrat de travail étant suspendu, les salariés perçoivent une indemnité compensatrice versée par leur employeur. Cette indemnité doit correspondre au minimum à 70 % de la rémunération antérieure brute et peut être augmentée par l’employeur. En cas de formation pendant l’activité partielle, cette indemnité est portée à 100 % de la rémunération nette antérieure.

Pour accompagner le versement de l’indemnité, l’employeur bénéficie d’une allocation forfaitaire cofinancée par l’Etat et l’Unédic correspondant à :

– 7,74 euros pour les entreprises de moins de 1 à 250 salariés ;

– 7,23 euros pour les entreprises de plus de 250 salariés.

Comme le Président de la République Emmanuel Macron l’a annoncé le jeudi 12 mars 2020, la prise en charge pourrait être améliorée :

« Un mécanisme exceptionnel et massif de chômage partiel sera mis en œuvre. Les premières annonces ont été faites par les ministres. L’État prendra en charge l’indemnisation des salariés contraints à rester chez eux. Je veux en la matière que nous inspirions de ce que les Allemands ont su mettre en œuvre avec un système plus généreux, plus simple que le nôtre. »

4/  Procédure de mise en place 

L’employeur adresse au préfet du département où est implanté l’établissement concerné une demande préalable d’autorisation d’activité partielle.

La demande précise (C. trav. art. R 5122-2) :

1° Les motifs justifiant le recours à l’activité partielle ;

2° La période prévisible de sous-activité ;

3° Le nombre de salariés concernés.

Elle est accompagnée de l’avis préalable du comité social et économique (CSE) en application de l’article L. 2312-17 du Code du travail.

La demande d’autorisation est adressée par voie dématérialisée dans les conditions fixées par l’article R. 5122-26 du Code du travail. 

L’information / consultation du CSE s’impose puisque celui-ci doit être consulté dès lors que des modifications importantes de l’organisation du travail sont envisagées (C. trav. art. L. 2312-8), avant toute demande de mise en place de l’activité partielle (C. trav. art. R. 5122-2) et également dans le cadre de la modification du document unique d’évaluation des risques (DUERP).

En pratique, toutes les demandes doivent être déposées sur le portail dédié https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/ avant le placement effectif des salariés en activité partielle.

S’il n’est pas possible d’anticiper les demandes d’activité partielle avant le placement des salariés en activité partielle, les employeurs doivent déposer leur demande d’activité partielle dans un délai raisonnable après le début de la période demandée.

5/ Décision de l’Administration

Le Code du travail prévoit que l’autorité administrative dispose de 15 jours maximum pour instruire la demande (C. trav. art. R. 5122-4) : 

– « La décision d’autorisation ou de refus, signée par le préfet, est notifiée à l’employeur dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la demande d’autorisation.  

La décision d’autorisation précise notamment les coordonnées bancaires de l’employeur.  

L’absence de décision dans un délai de quinze jours vaut acceptation implicite de la demande. 

La décision de refus est motivée.  

La décision du préfet est notifiée par voie dématérialisée à l’employeur. Celui-ci en informe le comité social et économique. »

A l’issue de ce délai et en l’absence de réponse de l’administration, la demande est réputée acceptée.

Le Gouvernement rappelle toutefois qu’il a été donné instruction de traiter prioritairement les demandes liées au Covid-19 afin de réduire fortement le délai effectif d’instruction.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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Harcèlement moral : quelle enquête interne ?

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Tenu par une obligation de sécurité de résultat, l’employeur doit diligenter une enquête interne lorsqu’un salarié affirme avoir subi des faits de harcèlement moral. Ce n’est qu’à cette condition qu’il peut s’exonérer de sa responsabilité.

1/ La nécessité d’une enquête interne en présence d’allégations de harcèlement moral

L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en menant notamment des actions de prévention des risques professionnels (C. trav. art. L. 4121-1), avec une attention particulière portée aux risques liés au harcèlement moral, au harcèlement sexuel et aux agissements sexistes (C. trav. art. L. 4121-2).

L’article L. 1152-4 du Code du travail le rappelle expressément : « l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. »

En cas de harcèlement moral avéré, l’employeur engage sa responsabilité civile (voire pénale) sur le fondement de ces textes, s’il n’a pas pris les mesures adéquates visant à prévenir et à faire cesser de tels agissements.

A l’inverse, l’employeur qui a pris les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et, notamment, a mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral, ne manque pas à son obligation de sécurité (Cass. soc. 01-06-2016 n° 14-19702).

NB. Les mesures visées à l’article L 4121-1 du Code du travail comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de pénibilité au travail, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

En pratique, lorsque le salarié allègue des faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, l’employeur doit nécessairement organiser une enquête interne, afin d’établir la matérialité et la preuve des faits ainsi dénoncés.

Cette démarche est d’autant plus importante que certains salariés peuvent éprouver un mal-être persistant au travail sans pour autant être victimes d’un harcèlement moral au sens strict.

En effet, le harcèlement moral s’entend d’agissements répétés « qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (C. trav. art. L. 1152-1).

A titre d’exemple, ne caractérisent pas un harcèlement moral les reproches et avertissements justifiés par les insuffisances et le comportement du salarié, peu important l’éventuel état d’anxiété de l’intéressé (Cass. soc. 06-01-2011 n° 09-71.045).

De même, la notification de plusieurs avertissements à un salarié dont l’employeur établit qu’ils étaient justifiés par des éléments objectifs ne peut être assimilée à un harcèlement moral (Cass. soc. 14-9-2010 n° 09-41.275).

Quels que soient les faits invoqués, la Cour de cassation (Cass. 27-11-2019, n°18-10.551) considère que l’absence d’enquête interne, après la révélation d’un harcèlement, constitue une violation par l’employeur de son obligation de prévention des risques professionnels qui cause un préjudice à l’intéressé, même en l’absence de harcèlement.

Il est ainsi acquis que toute allégation de harcèlement moral doit donner lieu à la mise en place d’une enquête interne.

2/ Les modalités de l’enquête interne portant sur le harcèlement moral

Le Code du travail ne prévoit aucune règle particulière s’agissant des modalités de l’enquête interne que l’employeur doit diligenter dans une telle situation.

L’article L. 1154-1 du Code du travail prévoit simplement que lorsque survient un litige relatif notamment au harcèlement moral, « le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. »

Le texte ajoute qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme ensuite sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’absence de règles légales précisant les modalités de l’enquête interne, il revient à la jurisprudence de dessiner les contours de l’obligation de l’employeur.

A titre préalable, soulignons qu’une enquête interne concluant à l’inexistence d’un harcèlement moral ne lie pas le juge (Cass. crim. 08-06-2010, n°10-80.570).

Il en va de même, à l’inverse, lorsque les conclusions de l’enquête révèlent une situation de harcèlement moral.

Dans un arrêt récent (Cass. soc. 08-01-2020 n°18-20.151), la Cour de cassation a censuré un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 29 juin 2018 ayant jugé que « pour répondre à l’exigence d’exhaustivité et d’impartialité, l’enquête interne diligentée par l’employeur devait consister à entendre la totalité des collaborateurs du salarié. »

Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel ne pouvait exclure la preuve du harcèlement moral au motif que seule la moitié des collaborateurs avait été entendue.

En pratique, il est recommandé à l’employeur d’inviter le salarié affirmant avoir subi un harcèlement moral à un entretien, en lui offrant la possibilité d’être assisté par un salarié, représentant du personnel ou non.

Si le représentant légal de l’entreprise ne conduit pas l’enquête en personne, il doit veiller à ce que le collaborateur qui en a en responsabilité ne soit pas impliqué dans la situation dénoncée par le salarié.

En effet, comme le juge la Cour de cassation (Cass. soc. 21-06-2011 n°10-11690) au sujet de l’entretien préalable au licenciement, la participation d’un délégué du personnel aux côtés de l’employeur, alors qu’il existait un différend important entre ce délégué et le salarié, caractérise un détournement de l’objet de l’entretien ouvrant droit à la réparation du préjudice subi.

Outre l’invitation du salarié « présumé victime » à un entretien, l’employeur doit recevoir le salarié « présumé coupable », en lui offrant la même possibilité d’assistance.

Il est recommandé que les entretiens donnent systématiquement lieu à l’établissement d’un compte-rendu écrit signé par toutes les personnes présentes.

En revanche, il est déconseillé d’organiser une confrontation entre les salariés dans la mesure où celle-ci peut être génératrice d’une situation de stress incompatible avec la prévention des risques psycho-sociaux.

Par ailleurs, l’employeur a tout intérêt à interroger, de manière formelle, les collaborateurs qui constituent l’environnement professionnel (proche ou moins proche) du salarié se plaignant d’un harcèlement moral.

La question se pose, enfin, de savoir si le CSE doit être associé à l’enquête portant sur le harcèlement moral. La réponse est en principe négative, dans la mesure où les attributions du CSE s’exercent au profit de la collectivité des salariés et non en faveur d’un salarié pris individuellement.

Cependant, le CSE bénéficie d’un droit d’alerte spécifique en matière de harcèlement moral.

En effet, si un membre élu du CSE constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur (C. trav. art. L. 2312-59).

Le texte précise que cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.

Lorsque le droit d’alerte est ainsi déclenché, l’employeur doit procéder sans délai à une enquête avec le membre du CSE et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à la situation.

En conclusion, rappelons que le Code du travail prévoit qu’une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause (C. trav. art. L. 1152-6).

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Index de l’égalité femmes-hommes : l’échéance approche !

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Toutes les entreprises d’au moins 50 salariés doivent calculer et publier leur index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, chaque année au 1er mars. Les entreprises de 50 à 250 salariés sont soumises à cette obligation, pour la première fois, au 1er mars 2020.

1/ Champ d’application

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, l’employeur doit publier, chaque année, des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer, selon des modalités et une méthodologie définies par décret (C. trav. art. L. 1142-8).

Le seuil d’effectif à prendre en compte s’apprécie au niveau de l’entreprise et non de l’établissement (Inst. DGT 2019-03 du 25-1-2019), selon les règles classiques de décompte prévues aux articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du Code du travail.

Les entreprises de plus de 1000 salariés ont dû publier et transmettre leur niveau de résultat au plus tard le 1er mars 2019.

A titre dérogatoire, celles de plus de 250 salariés à 1000 salariés ont eu la faculté de publier et de transmettre leur niveau de résultat au plus tard le 1er septembre 2019.

Pour les entreprises de 50 à 250 salariés, les dispositions relatives à la publication du niveau de résultat entrent en vigueur le 1er janvier 2020, étant précisé que ces entreprises doivent avoir publié et transmis leur niveau de résultat au plus tard le 1er mars 2020.

2/ Calcul des indicateurs de l’index

L’index se compose de 5 grands critères qui évaluent les inégalités entre femmes et hommes, dans les entreprises, sous la forme d’une note sur 100.

Pour les entreprises de plus de 250 salariés, les indicateurs sont les suivants :

1° L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d’âge et par catégorie de postes équivalents ;

2° L’écart de taux d’augmentations individuelles de salaire ne correspondant pas à des promotions entre les femmes et les hommes ;

3° L’écart de taux de promotions entre les femmes et les hommes ;

4° Le pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année de leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris ;

5° Le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.

Pour les entreprises de 50 à 250 salariés, les indicateurs sont les suivants :

1° L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d’âge et par catégorie de postes équivalents ;

2° L’écart de taux d’augmentations individuelles de salaire entre les femmes et les hommes ;

3° Le pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année suivant leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris ;

4° Le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.

Tous les indicateurs sont calculés et évalués selon un barème allant de 0 à 100 points.

Le niveau de résultat obtenu par l’entreprise au regard des est déterminé selon les modalités fixées aux annexes I et II du décret 2019-15 du 8 janvier 2019.

Les entreprises doivent obtenir une note minimale de 75 points sur 100, sous peine d’être contraintes de mettre en œuvre des mesures correctives et, le cas échéant, d’établir un plan de rattrapage salarial (C. trav. art. D. 1142-6 du Code du travail).

En fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance, un délai supplémentaire d’un an peut lui être accordé pour se mettre en conformité (C. trav. art. L. 1142-10, al. 2).

3/ Publication et transmission

Le niveau de résultat est publié annuellement, au plus tard le 1er mars de l’année en cours, au titre de l’année précédente, sur le site internet de l’entreprise lorsqu’il en existe un (et non pas sur un site intranet).

À défaut, il est porté à la connaissance des salariés par tout moyen (C. trav. art. D. 1142-4).

NB. L’Administration a précisé que l’obligation de publicité concerne uniquement la note globale de l’index, le détail des indicateurs étant réservé au CSE et aux services de l’inspection du travail (Actualité min. trav. du 14-2-2019).

A cet égard, les indicateurs et le niveau de résultat doivent être mis à la disposition du CSE, tous les 1er mars, au sein de la BDES (base de données économiques et sociales).

Les résultats doivent être présentés par catégorie socio-professionnelle, niveau ou coefficient hiérarchique (ou selon les niveaux de la méthode de cotation des postes de l’entreprise).

Ces informations sont accompagnées de toutes les précisions utiles à leur compréhension, notamment relatives à la méthodologie appliquée, la répartition des salariés par catégorie socio-professionnelle ou selon les niveaux de la méthode de cotation des postes de l’entreprise et, le cas échéant, des mesures de correction envisagées ou déjà mises en œuvre.

L’obligation d’information s’applique également dans les cas où certains indicateurs ne peuvent pas être calculés.

Dans ce cas, l’information du CSE est accompagnée de toutes les précisions expliquant les raisons pour lesquelles les indicateurs n’ont pas pu être calculés (C. trav. art. D. 1142-5, al. 1 et 2).

Enfin, toutes les informations susvisées doivent être transmises aux services du ministre chargé du travail selon un modèle et une procédure de télédéclaration (C. trav. art. D. 1142-5, al. 3).

En pratique, les entreprises doivent transmettre leurs indicateurs et leur note globale à la Direccte par le biais d’un formulaire en ligne, accessible sur le site du ministère du travail (https://index-egapro.travail.gouv.fr/). Le service Index Egapro permet en outre de calculer l’index femmes-hommes.

Le formulaire reprend les informations listées dans l’arrêté du 31 janvier 2019 définissant les modèles de présentation et les modalités de transmission à l’administration des indicateurs et du niveau de résultat en matière d’écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise (Actualité min. trav. du 14-2-2019).

En conclusion, signalons que les entreprises d’au moins 50 salariés sont soumises à une pénalité financière correspondant à 1 % de leur masse salariale à défaut (i) de publication de l’index de l’égalité femmes-hommes et (ii) de mesures correctives visant à réduire les écarts de salaire.

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Rupture conventionnelle antidatée = nullité

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Afin de gagner du temps, l’employeur et le salarié peuvent être tentés d’antidater le délai de rétractation applicable à la rupture conventionnelle. Il s’agit d’une pratique à éviter, comme l’illustre un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier (CA Montpellier 8-1-2020 n° 16/02955)…

1/ Le délai de rétractation est d’ordre public

A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation.

Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie (C. trav. art. L 1237-13, al. 3).

La notion de jours calendaires implique que chaque jour de la semaine est comptabilisé : le délai démarre au lendemain de la date de signature de la convention de rupture et se termine au 15ème jour à 24 heures.

Par exemple, pour une convention de rupture qui a été signée le 1er août, le délai de rétractation expire le 16 août à 24 heures (Circ. DGT 2008-11 du 22-7-2008).

Comme son nom l’indique, le délai de rétractation a pour objet de permettre aux parties de bénéficier d’une période de réflexion, après la signature de la rupture conventionnelle, pour éventuellement y renoncer.

Pour la Cour de cassation, aucune des deux parties ne peut renoncer au délai de rétractation, qui est d’ordre public.

C’est la raison pour laquelle l’absence de date de signature de la convention de rupture, ne permettant pas de déterminer le point de départ du délai de rétractation, entraîne la nullité de la rupture conventionnelle (Cass. soc. 27-3-2019 n° 17-23.586).

A l’inverse, une simple erreur de calcul du délai de rétractation dans la convention de rupture ne justifie pas son annulation si cette erreur n’a pas eu pour effet de vicier le consentement du salarié et si ce dernier a bien eu la possibilité de se rétracter (Cass. soc. 29-1-2014 n° 12-24.539).

Dans l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier, l’expert-comptable de l’employeur avait envoyé à son client, par e-mail, un formulaire Cerfa et une convention annexe de rupture conventionnelle, lui préconisant de les dater et signer avec le salarié.

Le jour de la réception du message, l’employeur avait transmis les documents au salarié, toujours par e-mail.

Or, les documents étaient antidatés de plus de 15 jours et le salarié pouvait en avoir la preuve facilement puisque l’e-mail de son employeur faisait date certaine…

Le formulaire Cerfa et la convention annexe avaient néanmoins été signés par les parties et envoyés à la Direccte pour homologation.

La rupture conventionnelle avait été homologuée par la Direccte de manière tacite, et le salarié avait ensuite contesté la rupture devant le Conseil de prud’hommes.

Les juges, constatant que les documents avaient été antidatés, ont annulé la rupture conventionnelle au motif que le délai de rétractation n’avait pas été respecté.

Compte tenu du caractère d’ordre public du délai de rétractation, le fait que le salarié avait signé les documents en connaissant pertinemment leur caractère antidaté est indifférent : la rupture est nulle.

2/ Les conséquences de la nullité de la rupture conventionnelle

Selon la Cour de cassation, lorsque la rupture conventionnelle est nulle, la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En pareil cas, le salarié peut solliciter l’indemnité compensatrice de préavis correspondant à son statut et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le quantum est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau figurant à l’alinéa 2 de l’article L. 1235-3 du Code du travail (barème « Macron »).

En revanche, le salarié ne peut pas prétendre à une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, compte tenu de l’inexistence d’un licenciement (Cass. soc. 9-7-2014 n° 13-18.696).

Enfin, lorsque la rupture conventionnelle est annulée, le salarié doit restituer à l’employeur l’indemnité de rupture conventionnelle qu’il a perçue.

Cette solution, retenue dans un arrêt de principe (Cass. soc. 30-5-2018 n° 16-15.273) est adoptée depuis par les juges du fond (CA Lyon 13-12-2013 n° 12-07260 ; CA Rennes 8-2-2013 n° 11-05356).

En pratique, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle fait l’objet d’une compensation judiciaire avec les sommes auxquelles l’employeur est condamné du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Tel était le cas dans l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier : le salarié avait été condamné à rembourser à l’employeur la somme de 1.850 € perçue à titre d’indemnité de rupture conventionnelle.

Pour sa part, ce dernier avait été condamné à verser au salarié diverses sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse puis une compensation avait été opérée par les juges.

Xavier Berjot
Avocat Associé

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