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Xavier Berjot

Assiette de calcul des indemnités de rupture : le sujet des primes

Assiette de calcul des indemnités de rupture : le sujet des primes 2560 1707 sancy-avocats.com

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Par principe, tous les éléments de salaire entrent en compte dans l’assiette de calcul des indemnités de rupture (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de congés payés, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, etc.). En revanche, la question est plus incertaine s’agissant des primes.

1/ Le principe : les primes font partie de l’assiette de calcul

Les primes et gratifications présentent un caractère obligatoire pour l’employeur lorsqu’elles sont prévues par le contrat de travail ou les conventions et accords collectifs de travail, ou encore lorsqu’elles ont été instituées par un engagement unilatéral de l’employeur ou un usage.

Dans ces situations, elles présentent le caractère d’un salaire et doivent être prises en compte à chaque fois qu’il convient de déterminer un salaire de référence ou une moyenne des salaires (souvent, sur la base des 12 ou des 3 derniers mois).

Ainsi, lorsqu’elle est payée en exécution d’un engagement unilatéral de l’employeur, une prime constitue un élément de salaire et est obligatoire pour l’employeur dans les conditions fixées par cet engagement, peu important son caractère variable (Cass. soc. 28-10-1997, n° 95-41.873).

De même, un bonus attribué au salarié chaque année, sans exception, depuis plus de 10 ans et dont seul le montant annuel est variable et discrétionnaire, doit être inclus dans l’assiette de calcul de l’indemnité légale de licenciement (Cass. soc. 28-01-2015, n° 13-23.421).

Une solution identique s’applique a fortiori lorsque la prime revêt une nature contractuelle, même si elle ne présente pas un caractère de fixité.

Comme le considère la Cour de cassation, une prime prévue par le contrat de travail ou par un avenant est obligatoire, même si son versement n’est pas constant, et même si son montant, subordonné à des éléments non déterminés à l’avance avec certitude, ne revêt pas un caractère de fixité (Cass. soc. 1-7-1997, n° 94-41.856).

2/ L’exception : la prime discrétionnaire est exclue de l’assiette de calcul

A l’inverse, une gratification dont l’employeur fixe discrétionnairement les montants et les bénéficiaires et qui est attribuée à l’occasion d’un événement unique n’a pas le caractère de salaire au sens des dispositions applicables en matière d’indemnités de rupture et ne doit pas être prise en compte dans l’assiette de calcul des indemnités de rupture et de l’indemnité minimale due en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 14-10-2009, n° 07-45.587).

Tel est le cas, par exemple, de la prime versée sur décision de l’employeur à certains cadres ayant contribué aux bons résultats de l’entreprise en 2016, au nombre desquels figurent ceux qui ont permis l’obtention d’un important marché, dont le montant et les bénéficiaires étaient fixés discrétionnairement par l’employeur (Cass. soc. 6-7-2022, n° 21-11.118).

Cependant, la seule qualification de « prime discrétionnaire » ne suffit pas à l’exclure de l’assiette de calcul des indemnités de rupture, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 juillet 2023 (Cass. soc. 5-7-2023, n° 21-16.694).

En l’espèce, les bulletins de paie du salarié établissaient qu’il avait régulièrement perçu un bonus chaque année, au mois d’avril, dès l’exercice 2008/2009 et pendant 7 ans.

Pour la Cour d’appel (CA Paris, 16-3-2021, n° 18/13652), ces éléments faisaient ressortir que le bonus, malgré la qualification de « discrétionnaire » qui lui avait été donnée par l’employeur, n’était pas exceptionnel et constituait bien un élément de la rémunération globale du salarié.

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel qui a « exactement déduit son intégration à l’assiette de calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents à la somme due à l’intéressé au titre de ce bonus pour 2015/2016, de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’indemnité pour manquement à l’obligation de respect de la priorité de réembauche. »

Avocat associé
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Absence de fixation d’objectifs = paiement du variable

Absence de fixation d’objectifs = paiement du variable 2560 1153 sancy-avocats.com

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Dans un arrêt du 7 juin 2023 (n° 21-23232), la Cour de cassation rappelle que, lorsque la rémunération variable dépend d’objectifs définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, à défaut de fixation desdits objectifs, la rémunération variable doit être payée intégralement.

1/ Les objectifs fixés unilatéralement par l’employeur

Selon la Cour de cassation, les objectifs d’un salarié peuvent être définis par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction (Cass. soc. 22-05-2001 n° 99-41.838).

Lorsque les objectifs sont ainsi déterminés par l’employeur, celui-ci ne dispose pas d’une liberté totale.

Au contraire, dans un souci de protection du salarié, la jurisprudence encadre le pouvoir de direction de l’employeur.

En effet, les objectifs fixés doivent être réalisables (Cass. soc. 2-12-2003 n° 01-44.192), à défaut de quoi il ne peut être reproché au salarié de ne pas les avoir atteints (Cass. soc. 13-01-2009 n° 06-46.208).

Par ailleurs, les objectifs doivent être portés à la connaissance du salarié en début d’exercice (Cass. soc. 2-03-2011 n° 08-44.978), l’intéressé devant nécessairement connaître, à l’avance, les modalités de détermination de son salaire.

A titre d’exemple, les objectifs peuvent être fixés trimestriellement, à condition que le salarié les connaisse avant le début de chaque trimestre.

Enfin, tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français (C. trav. art. L. 1321-6).

Ainsi, des objectifs définis dans une langue étrangère sont inopposables au salarié (Cass. soc. 29-06-2011 n° 09-67.492) sauf si une traduction en français est rapidement diffusée (Cass. soc. 21-09-2017 n° 16-20.426).

2/ Les conséquences de l’absence de fixation des objectifs

L’inexécution, par l’employeur, de son obligation de fixer avec le salarié les objectifs dont dépend la partie variable de la rémunération est susceptible de constituer, en raison de l’importance des sommes en jeu, un manquement empêchant la poursuite du contrat de travail justifiant sa résiliation aux torts de l’employeur (Cass. soc. 19-11-2014 n° 13-22.686).

La Cour de cassation avait déjà statué en ce sens dans un arrêt du 29 juin 2011 (Cass. soc. 29-06-2011 n° 09-65.710) :

– « Lorsque le contrat de travail prévoit que la rémunération variable dépend d’objectifs fixés annuellement par l’employeur, le défaut de fixation de ces derniers constitue un manquement justifiant une prise d’acte de la rupture par le salarié. »

Par ailleurs, lorsque le salarié est placé dans l’impossibilité d’atteindre ses objectifs par la faute de l’employeur, la Cour de cassation a pu considérer que le préjudice subi est réparé par l’octroi de dommages-intérêts et non par le versement du montant de la prime perçue l’année précédente (Cass. soc. 05-04-2012 n° 11-10.405).

Enfin, le salarié est éligible à l’intégralité de sa rémunération variable annuelle si l’employeur met fin à son contrat de travail, même en cours de période d’essai, dès lors qu’il n’existe aucun élément concret de calcul, d’objectifs actuels ou passés et de période de référence pour le versement de la prime (Cass. soc. 10-07-2013 n° 12-17.921).

L’arrêt du 7 juin 2023 s’inscrit dans le fil de cette jurisprudence de la Cour de cassation, fondée à la fois sur l’article 1134 du Code civil (« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ») et L. 1221-1 du Code du travail (« Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter »).

Dans un arrêt récent (Cass. soc. 25-11-2020 n° 19-17.246), la Cour de cassation avait déjà décidé que, lorsque la part variable de la rémunération prévue au contrat de travail dépend de la réalisation d’objectifs fixés unilatéralement par l’employeur et que celui-ci s’abstient de préciser au salarié les objectifs à réaliser dans les conditions prévues entre les parties, la totalité de cette rémunération variable est due et cette dernière doit donc être versée à hauteur du bonus cible maximum.

3/ La modification unilatérale des objectifs

Par principe, le paiement de la partie variable de la rémunération constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié (Cass. soc. 8-01-2002 n° 99-44.467).

Ainsi, est illicite la modification de l’assiette de la rémunération prise en compte pour le calcul de la partie variable du salaire, couplée à la réduction du secteur d’activité du salarié (Cass. soc. 15-11-2006 n° 04-44.910).

Tel est également le cas de la limitation de la zone géographique de prospection d’un commercial de nature à amoindrir son potentiel commercial et à influer sur le montant de la partie variable de sa rémunération, assise sur le chiffre d’affaires généré (Cass. soc. 10-04-2013 n° 12-10.193).

Pour des raisons d’adaptation au marché, le contrat de travail peut cependant contenir une clause de variabilité de la rémunération dans le temps.

Cette clause présente un intérêt pour le salarié occupant un poste commercial, dont la rémunération peut difficilement être figée à l’embauche et doit pouvoir être adaptée à l’évolution de la politique commerciale de l’entreprise et au marché sur lequel elle évolue.

Pour la Cour de cassation, la clause de variation du salaire est licite si elle remplit trois conditions cumulatives :

– être fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur (Cass. soc. 17-10-2007 n° 05-44.621) ;

– ne pas faire porter le risque de l’entreprise sur le salarié (Cass. soc. 2-07-2002 n° 00-13.111) ;

– ne pas avoir pour effet de réduire la rémunération en-dessous des minima légaux et conventionnels (Cass. soc. 2-07-2002 n° 00-13.111).

Avocat associé
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Salariée enceinte : l’annulation du licenciement

Salariée enceinte : l’annulation du licenciement 2560 1707 sancy-avocats.com

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La salariée n’a pas l’obligation de prévenir l’employeur de son état de grossesse. Ce dernier peut donc être conduit à procéder à son licenciement dans l’ignorance de son état. Une telle rupture est nulle.

1/ L’annulation du licenciement

Le licenciement d’une salariée est annulé lorsque, dans un délai de 15 jours à compter de sa notification, l’intéressée envoie à son employeur, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte (C. trav. art. L. 1225-5).

Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour une faute grave non liée à l’état de grossesse ou par l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement (C. trav. art. L. 1225-4, al. 2).

NB. Ce dispositif protecteur est également offert aux parents adoptants sur le point d’accueillir un enfant au foyer (C. trav. art. L. 1225-39).

En cas de licenciement, le certificat médical justifiant que la salariée est enceinte est adressé par lettre recommandée avec avis de réception (C. trav. art. R. 1225-2).

Cependant, la lettre recommandée avec avis de réception n’est prescrite que pour des raisons de preuve et ne constitue pas une règle de fond.

La Cour de cassation considère, en effet, que l’envoi par la salariée, dans les formes prévues par le Code du travail, d’un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de l’accouchement ne constitue pas une formalité substantielle (Cass. soc. 7-11-2006, n° 05-42.413).

En revanche, l’envoi d’un certificat médical, ou de tout document équivalent, est essentiel pour bénéficier du dispositif protecteur.

Une Cour d’appel ne peut donc pas juger que la rupture du contrat de travail d’une salariée enceinte ayant informé l’employeur de sa grossesse s’analyse en un licenciement nul sans constater l’envoi à l’employeur d’une pièce médicale relative à l’état de grossesse allégué dans le délai légal (Cass. soc. 13-6-2018, n° 17-10.252).

2/ Le calcul du délai de 15 jours

L’article L. 1225-5 du Code du travail impose à la salariée de prévenir l’employeur dans un délai de 15 jours à compter de la notification de son licenciement, pour justifier de sa grossesse et, ainsi, obtenir l’annulation de la rupture.

Les formalités sont réputées accomplies au jour de l’expédition de la lettre recommandée avec avis de réception (C. trav. art. R. 1225-3).

Attention : le délai de 15 jours n’est pas un délai de procédure au sens de l’article 1033 du Code de procédure civile, mais un délai préfix ne peut être ni interrompu, ni suspendu (Cass. soc. 17-6-1971, n° 70-40.357).

Par ailleurs, le délai dans lequel la salariée licenciée doit envoyer à l’employeur un certificat médical justifiant de son état de grossesse pour obtenir l’annulation de son licenciement court à compter du jour où cette mesure a effectivement été portée à la connaissance de l’intéressée (Cass. soc. 3-12-1997, n° 95-40.093).

Ce délai étant exprimé en jours, le jour de la notification ne compte pas en application des dispositions de l’article 641, alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile (Cass. soc. 16-6-2004, n° 02-42.315).

 3/ La portée du dispositif protecteur

L’envoi à l’employeur, qui ignore que la salariée est enceinte, du certificat médical justifiant de son état de grossesse n’a pas pour effet de suspendre le licenciement pour lui faire prendre effet à l’issue de la période de protection, mais entraîne sa nullité de plein droit (Cass. soc. 20-11-2001, n° 99-41.507).

Il en résulte que la salariée qui justifie de sa grossesse dans les 15 jours de son licenciement doit être réintégrée (Cass. soc. 14-12-2016, n° 15-21.898).

L’employeur a donc l’obligation de rétablir la salariée dans son emploi précédent ou de lui proposer un emploi similaire.

Pour la jurisprudence, la salariée peut refuser la réintégration proposée si elle intervient tardivement.

En effet, pour la Cour de cassation, si, après avoir reçu notification par la salariée licenciée de son état de grossesse, l’employeur revient tardivement sur sa décision de licencier (1,5 mois, en l’espèce), l’intéressée n’est pas tenue d’accepter la réintégration proposée (Cass. soc. 15-12-2015, n° 14-10.522).

Dans une telle situation, il appartient à l’employeur de mettre en œuvre une procédure de licenciement (Cass. soc. 3-2-2010, n° 08-45.105).

Le fait pour ce dernier de considérer la salariée comme démissionnaire s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A l’inverse, en cas de nullité d’un licenciement notifié pendant la grossesse, la salariée ne peut pas prétendre au paiement des indemnités pour rupture illégitime si elle a refusé sa réintégration offerte à diverses reprises par l’employeur (Cass. soc. 4-11-1988, n° 86-42.669).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Charge de travail et obligation de sécurité de l’employeur

Charge de travail et obligation de sécurité de l’employeur 2560 1707 sancy-avocats.com

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A défaut de prendre en compte la charge de travail du salarié lors des entretiens annuels, l’employeur manque à son obligation de sécurité. Telle est la solution que la chambre sociale de la Cour de cassation vient de retenir dans un arrêt du 13 avril 2023 (n°21-20.043).

1/ Les faits

Un salarié occupant le poste de « Global key account manager » est licencié le 24 avril 2015 et engage une procédure devant le Conseil de prud’hommes concernant l’exécution et la rupture de son contrat de travail.

Il est débouté de l’intégralité de ses demandes par la Cour d’appel de Paris, par un arrêt rendu le 5 mai 2021 (n° 19/00464), aux motifs suivants :

– Bien que son supérieur lui ait envoyé de nombreux e-mails lui demandant d’accomplir certaines tâches, les délais fixés lors des demandes initiales étaient raisonnables.

– Les messages envoyés tard le soir ou pendant les week-ends correspondaient au rythme de travail de sa supérieure hiérarchique et ne nécessitaient pas de réponse immédiate.

– Lorsque le salarié était en congé au moment de la réception d’un e-mail, il bénéficiait d’un délai supplémentaire pour y répondre.

– Les éléments présentés lors des débats ne démontraient pas un rythme de travail excessif de la part de l’intéressé.

– A deux occasions, sa supérieure lui avait indiqué qu’en cas d’incapacité à effectuer certaines tâches, il devait le signaler et qu’elle lui offrait expressément son aide.

– L’employeur n’avait pas reçu d’information spécifique de la médecine du travail concernant l’état de santé du salarié.

– Le salarié a présenté un certificat médical de son psychiatre, indiquant faire l’objet d’un suivi pour un trouble depuis 8 ans, qui s’est aggravé en février 2015 et a nécessité un arrêt de travail de février à juillet 2015.

– En conclusion, pour la Cour d’appel, il ressort de ces éléments que ce seul certificat médical, mentionnant un état de santé préexistant du salarié, ne permet pas d’attribuer à l’employeur la responsabilité de l’état de santé de l’intéressé.

2/ La solution de la Cour de cassation

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris est cassé au visa de l’article L. 4121-1 du Code du travail.

Il résulte de ce texte que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers le salarié, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

La Cour de cassation rappelle que l’employeur ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail :

– Des actions de prévention des risques professionnels ;

– Des actions d’information et de formation ;

– La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ;

– Le respect de principes généraux de prévention.

En effet, ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés l’employeur justifiant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail (Cass. soc. 25-11-2015, n° 14-24.444).

En l’espèce, l’employeur ne justifiait pas avoir mis en œuvre des entretiens annuels au cours desquels étaient évoquées la charge de travail du salarié et son adéquation avec sa vie personnelle.

Un compte rendu d’entretien en date du 26 avril 2013, dénommé « évaluation de la performance 2012 », était certes versé aux débats mais ne contenait aucune mention relative à la charge de travail.

L’originalité de l’arrêt réside dans le fait que celui-ci n’a pas été rendu au sujet d’une convention de forfait en jours sur l’année.

A cet égard, l’article L. 3121-60 du Code du travail dispose que « l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail. »

L’accord collectif autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié (C. trav. art. L. 3121-64, II-1°).

À défaut de stipulations conventionnelles relatives aux modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail du salarié, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue si (C. trav. art. L. 3121-65, I-1° et 2°) :

– L’employeur établit un document de contrôle mentionnant la date et le nombre de journées ou demi-journées travaillées (ce document peut être établi par le salarié sous sa responsabilité) ;

– L’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires.

En définitive, il appartient à l’employeur, quel que soit le dispositif d’aménagement du temps de travail applicable au salarié, de s’assurer que la charge de travail de ce dernier n’est pas excessive.

Xavier Berjot
Avocat associé
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Suspension de l’obligation vaccinale des salariés-soignants : modalités de réintégration

Suspension de l’obligation vaccinale des salariés-soignants : modalités de réintégration 2560 2560 sancy-avocats.com

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Un décret n° 2023-368 du 13 mai 2023 (JO du 14) relatif à la suspension de l’obligation de vaccination contre la covid-19 des professionnels et étudiants suspend l’obligation de vaccination des soignants, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé du 29 mars 2023. Les modalités de leur réemploi avaient été anticipées par une instruction ministérielle du 2 mai 2023.

1/ Le décret

Le décret est pris en application du IV de l’article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dans sa rédaction résultant de l’article 4 de la loi n° 2022-1089 du 30 juillet 2022 mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la covid-19.

Le texte est bref puisqu’il prévoit seulement que :

« L’obligation de vaccination contre la covid-19 prévue par l’article 12 de la loi du 5 août 2021 susvisée est suspendue. »

Pour rappel, l’article 12 de la loi du 5 août 2021 dispose que doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19, les professionnels de santé (ainsi que les étudiants et élèves) listés par le texte.

Le décret entre en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 15 mai 2023.

2/ Le principe de réemploi des salariés-soignants

Une instruction ministérielle du 2 mai 2023 (DGOS/RH3/RH4/RH5/2023/63) explicite les conditions dans lesquelles les agents et salariés des établissements de santé, suspendus à la suite de la mise en place de l’obligation vaccinale contre la covid-19, doivent être réemployés à compter de l’entrée en vigueur du décret.

En effet, la levée de l’obligation vaccinale implique la réintégration des professionnels suspendus jusqu’alors, au regard d’une absence de respect des conditions de l’obligation vaccinale.

Comme le Gouvernement l’a rappelé dans l’instruction :

– « Il appartient dès lors aux employeurs de donner la possibilité aux personnels concernés de reprendre une activité professionnelle. »

A titre préalable, il est rappelé que lorsque le contrat de travail des salariés des établissements privés de santé et médicosociaux ayant refusé de se conformer à l’obligation vaccinale a été suspendu, la durée de cette suspension n’est pas assimilable à une période de travail effectif.

En conséquence, aucun congé payé « ni droit légal ou conventionnel » ne peut être généré durant cette période.

3/Les modalités de réintégration des salariés-soignants

3.1. Initiative de la reprise d’activité

Le réemploi des salariés soignants de droit privé (soumis au Code du travail) emporte les conséquences pratiques suivantes :

– La fin de la suspension du contrat de travail est effective dès l’entrée en vigueur du décret, c’est-à-dire au 15 mai 2023.

La reprise de la relation contractuelle et donc de la rémunération doit donc reprendre à partir de cette date.

Il revient à l’employeur de contacter le salarié suspendu pour lui signifier la fin de la suspension du contrat de travail.

Concrètement, l’employeur doit inviter le salarié à reprendre son poste de travail et fixer une date de reprise effective du travail.

– Le salarié dont le contrat de travail est suspendu peut également contacter son employeur pour lui signifier son intention de reprendre son poste de travail.

Selon l’instruction, ces premiers contacts doivent permettre au salarié et à l’employeur de fixer une date de reprise du travail et de déterminer sur quel poste peut s’effectuer cette reprise, en recherchant les meilleures conditions de reprise du travail.

3.2. Poste de réemploi

A l’issue de la suspension de l’obligation vaccinale, l’employeur a l’obligation de réintégrer le salarié à son poste initial ou, dans le cas où cela est impossible, dans un emploi considéré comme équivalent, c’est-à-dire sans modification du contrat de travail.

L’instruction précise qu’est considérée comme une modification du contrat de travail :

– « la modification d’au moins un des éléments suivants : la rémunération, le volume de la prestation de travail, la fonction du salarié, l’organisation du travail et éventuellement le lieu de travail. »

En l’absence de dispositions particulières dans le Code du travail, la jurisprudence de la Cour de cassation a été conduite à statuer sur le sujet, en fonction des divers éléments du contrat de travail (fonctions, durée de travail, salaire, etc.).

Ainsi, la rémunération contractuelle d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que l’employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié (Cass. soc. 18-5-2011 n° 09-69.175).

De même, la durée contractuelle du travail, base de calcul de la rémunération, constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié (Cass. soc. 31-3-1999 n° 97-41.819).

S’agissant des fonctions, la Cour de cassation considère que la qualification d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord (Cass. soc. 7-7-2004 n° 02-44.734).

En revanche, dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut changer les conditions de travail d’un salarié.

En effet, pour la jurisprudence, la circonstance que la tâche confiée à l’intéressé soit différente de celle qu’il effectuait antérieurement ne caractérise pas une modification du contrat de travail, dès l’instant où elle correspond à sa qualification (Cass. soc. 10-5-1999 n° 96-45.673).

3.3. Réponses à trois interrogations pratiques

L’instruction ministérielle répond à trois problématiques auxquelles les acteurs des ressources humaines risquent d’être confrontés.

3.3.1. Le poste précédemment occupé par le salarié est-il disponible ?

L’employeur peut réintégrer le salarié suspendu sur son poste (poste disponible, ou poste occupé par un CDD de remplacement).

Si le poste du salarié suspendu est vacant, le salarié peut reprendre son ancien poste.

Si le salarié suspendu a été remplacé pendant son absence par un salarié en CDD de remplacement à terme imprécis, ce type de contrat a pour terme la fin de l’absence de la personne remplacée.

Dans ces conditions la réintégration du salarié absent met un terme au CDD.

Si le salarié suspendu a été remplacé pendant son absence par un salarié en CDD à terme précis non échu à la date de fin de suspension, le terme de ce CDD ne peut être que celui prévu au contrat.

Deux solutions s’offrent alors à l’employeur :

– Soit la rupture anticipée d’un commun accord du CDD du salarié remplaçant (le salarié permanent peut alors reprendre son poste initial) ;

– Soit l’affectation du salarié permanent à un autre poste de travail équivalent dans l’établissement, au moins le temps que le CDD de remplacement arrive à expiration.

L’employeur peut réintégrer le salarié sur un autre poste de même niveau (autre poste vacant)

Si le salarié dont le contrat de travail a été suspendu a été remplacé par un salarié en CDI, l’employeur propose au salarié à réintégrer un poste équivalent à celui qu’il occupait avant la suspension.

Le salarié refuse de réintégrer son poste

Dans l’hypothèse d’un départ définitif du salarié remplacé (par exemple, une démission), son absence se transforme en départ définitif.

3.3.2. Le salarié est-il en capacité de reprendre son poste ou un poste équivalent ?

Si le salarié est sans activité au moment de la réintégration, il peut reprendre son poste initial ou un poste équivalent.

Si le salarié occupe un poste auprès d’un autre employeur, dans le cadre d’un CDD conclu pendant la période de suspension :

– La rupture d’un commun accord de ce CDD avec l’autre employeur peut être une solution pour que le salarié réintègre son poste permanent rapidement ;

– Si un accord entre le salarié et l’autre employeur est impossible à trouver, sous le contrôle du juge, le salarié peut toutefois se prévaloir de la reprise de son CDI et rompre ainsi unilatéralement et de manière anticipée le CDD conclu avec cet autre employeur.

Si le salarié à réintégrer occupe un poste auprès d’un autre employeur, dans le cadre d’un CDI conclu pendant la période de suspension, il peut présenter sa démission à son nouvel employeur.

Un commun accord est à rechercher entre ce dernier et le salarié afin que le préavis ne soit pas exécuté et que le salarié réintègre son poste le plus rapidement possible.

3.3.3. Le salarié refuse la réintégration sur le poste proposé par l’employeur

Si le salarié refuse de reprendre son poste initial ou un poste équivalent, et que ce refus n’est pas justifié, il reviendra aux deux parties de trouver une solution pour mettre un terme à la relation de travail.

La voie de la rupture conventionnelle individuelle peut être un mode de rupture adéquat, manifestant le commun accord du salarié et de l’employeur de mettre un terme au CDI.

L’instruction ne précise pas que le refus du salarié d’un simple changement de ses conditions de travail constitue en principe une faute qui peut justifier un licenciement disciplinaire (Cass. soc. 10-10-2000 n° 98-41.358).

3.4. Effets de la suspension sur la carrière du salarié suspendu

L’instruction ministérielle rappelle que le contrat de travail du salarié a été suspendu pour non-respect de l’obligation vaccinale.

Durant cette période, la rémunération du salarié n’a pas été maintenue.

De plus, cette période n’est pas prise en compte dans l’ancienneté e, n’étant pas assimilé à du travail effectif, elle ne donne pas droit à congés payés.

Enfin, la réintégration « n’ouvre pas droit à un rattrapage des salaires, primes et avantages. »

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Harcèlement moral : la Cour de cassation renforce la protection du salarié

Harcèlement moral : la Cour de cassation renforce la protection du salarié 1707 2560 sancy-avocats.com

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Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation (Cass. soc. 19-4-2023, n° 21-21053) vient de décider que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut pas être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié ces faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation.

1/ Le régime de protection

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (C. trav. art. L. 1152-1).

En complément de ce texte, le Code du travail prévoit qu’aucune personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire d’une sanction, d’un licenciement ou, encore, d’une mesure discriminatoire (C. trav. art. L. 1152-2).

Le dispositif protecteur prévoit, enfin, que « toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul. »

A titre d’exemple, est nul le licenciement s’inscrivant dans le contexte d’agissements de harcèlement moral subis par le salarié et motivé par une faute grave artificiellement invoquée, dans le seul but de faire échec à la prohibition de la rupture du contrat de travail par l’employeur au cours d’une période de suspension du contrat de travail (Cass. soc. 11-2-2015, n° 13-26.198).

De même, une Cour d’appel annule, à bon droit, un licenciement après avoir constaté que le harcèlement moral était caractérisé et que le comportement reproché au salarié était une réaction aux agissements dont il avait été victime (Cass. soc. 29-6-2011, n° 09-69.444).

2/ Le déclenchement de la protection

Avant l’arrêt du 19 avril 2023, la Cour de cassation considérait que le salarié ne pouvait bénéficier de la protection légale contre le licenciement tiré d’un grief de dénonciation de faits de harcèlement moral que s’il avait lui-même qualifié les faits d’agissements de harcèlement moral (Cass. soc. 13-9-2017, n° 15-23.045).

Ainsi, pour bénéficier de la protection contre les agissements répréhensibles qu’il dénonçait, le salarié devait revendiquer expressément, formellement, la qualification de harcèlement moral.

Pour autant, la protection n’était pas absolue et était refusée au salarié ayant connaissance du caractère fallacieux des faits qu’il dénonçait ou prétendait avoir subi.

A titre d’illustration, constitue une faute grave le fait, pour un salarié, de dénoncer de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l’entreprise et de se débarrasser de son supérieur hiérarchique (Cass. soc. 6-6-2012 n° 10-28.345).

Dans le même sens, est justifié le licenciement d’un salarié ayant invoqué un harcèlement moral de mauvaise foi, alors qu’il refusait de rendre des comptes à sa hiérarchie, faisait preuve d’un comportement insolent, et entretenait une attitude de dénigrement envers l’entreprise (Cass. soc. 7-5-2014 n° 13-14.344).

Postérieurement, la Cour de cassation énonçait que l’absence éventuelle, dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié avait relaté des agissements de harcèlement moral n’était pas exclusive de la mauvaise foi de l’intéressé, laquelle pouvait être alléguée par l’employeur devant le juge (Cass. soc. 16-9-2020, n° 18-26.696).

Dans son arrêt du 19 avril 2023, la Cour de cassation considère désormais que :

– « Le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce. »

En l’espèce, une salariée, licenciée pour faute grave, avait adressé, au conseil d’administration d’une association, une lettre pour dénoncer le comportement d’un supérieur, en l’illustrant de plusieurs faits ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

Pour la Cour de cassation, ayant estimé que la mauvaise foi de la salariée n’était pas démontrée, la Cour d’appel en a déduit à bon droit que le grief tiré de la relation par l’intéressée d’agissements de harcèlement moral emportait à lui seul la nullité du licenciement.

L’arrêt du 19 avril 2023 constitue donc un revirement, comme l’ont d’ailleurs expliqué le conseiller rapporteur et l’avocat général ayant traité cette affaire.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Le licenciement pour fin de chantier

Le licenciement pour fin de chantier 2560 1707 sancy-avocats.com

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Le contrat de chantier (ou d’opération) est un contrat de travail ayant pour objet la réalisation d’un ouvrage ou de travaux précis, mais dont la durée ne peut pas être préalablement définie avec exactitude, étant liée à un chantier considéré. La fin du chantier permet à l’employeur de procéder au licenciement du salarié pour ce motif. 

1/ Rappels sur le contrat de chantier 

Une convention ou un accord collectif de branche étendu peut fixer les conditions dans lesquelles il est possible de recourir à un contrat conclu pour la durée d’un chantier ou d’une opération (C. trav. art. L. 1223-8).

La convention ou l’accord collectif doit alors fixer (C. trav. art. L. 1223-9) :

– La taille des entreprises concernées ;

– Les activités concernées ;

– Les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat ;

– Les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement accordées aux salariés ;

– Les garanties en termes de formation pour les salariés concernés ;

– Les modalités adaptées de rupture de ce contrat dans l’hypothèse où le chantier ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée.

A défaut de convention ou d’accord collectif, ce contrat peut être conclu dans les secteurs où son usage est habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession qui y recourt au 1er janvier 2017 (principalement le secteur du BTP et de la construction navale).

La particularité du contrat de chantier ou d’opération réside dans le fait qu’il est conclu pour une durée indéterminée (C. trav. art. L. 1223-8, al. 3).

La durée de la période d’essai du contrat de chantier ou d’opération est identique à celle prévue pour les CDI classiques (C. trav. art. L. 1221-19), sauf dispositions particulières de la convention collective.

Au-delà, le Code du travail ne prévoit aucune règle particulière sur le contenu du contrat de chantier (durée de travail, préavis, etc.).

2/ Rupture du contrat de chantier

La rupture du contrat de chantier ou d’opération, qui intervient à la fin du chantier ou une fois l’opération réalisée, repose sur une cause réelle et sérieuse (C. trav. art. L. 1236-8).

Ainsi, une Cour d’appel ne saurait condamner l’employeur au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans rechercher si les conditions tenant à l’existence de contrats de chantier et à leur fin n’étaient pas réunies (Cass. soc. 16-11-2005, n° 04-44.743).

La rupture du contrat de chantier ou d’opération est soumise aux dispositions relatives au licenciement pour motif personnel (articles L. 1232-2 à L. 1232-6, du chapitre IV, de la section 1 du chapitre V et du chapitre VIII du titre III du Code du travail).

Le licenciement pour fin de chantier ne relève donc pas des dispositions du Code du travail applicables au licenciement pour motif économique.

Comme l’administration l’a précisé depuis longtemps, ne sont pas soumis à la procédure de licenciement pour motif économique les licenciements pour fin de chantier – quel que soit le secteur d’activité – qui revêtent un caractère normal selon la pratique habituelle et l’exercice régulier de la profession considérée, sauf dérogation déterminée par accord collectif (Circ. DE-DRT 46 du 1-10-1989).

Dans tous les cas, si une convention ou un accord collectif prévoit des procédures particulières en cas de licenciement pour fin de chantier ou d’opération (ex. la consultation du CSE), ces règles s’imposent à l’employeur.

Le bien-fondé du licenciement prononcé en raison de la survenance de la fin d’un chantier est subordonné à l’existence, dans le contrat de travail, d’une clause précisant que le contrat est conclu pour un ou plusieurs chantiers déterminés (Cass. soc. 6-2-2001, n° 98-45.649).

En d’autres termes, il est fondamental de pouvoir déterminer avec précision le ou les chantiers pour lesquels le salarié a été engagé.

En revanche, l’achèvement d’un chantier constitue une cause de licenciement si le contrat a été conclu pour la durée de ce chantier, peu important qu’une durée estimée de ce chantier ait été mentionnée dans le contrat et que cette durée ait été dépassée (Cass. soc. 15-11-2006, n° 04-48.672).

Enfin, pour la Cour de cassation, la résiliation de la mission confiée à l’employeur par un client dans le cadre d’un contrat d’assistance technique ne peut pas constituer la fin de chantier permettant de justifier la rupture du contrat de travail du salarié embauché spécialement pour l’exécution de cette mission (Cass. soc. 9-5-2019, n° 17-27.493).

Le salarié licencié à l’issue d’un contrat de chantier ou d’opération peut bénéficier d’une priorité de réembauche en CDI de droit commun, si la convention ou l’accord collectif de branche étendu qui permet de recourir à ce type de contrat le prévoit (C. trav. art. L. 1236-9).

La convention ou l’accord doit alors fixer le délai et les modalités d’exercice de ce droit.

En conclusion, précisons que lorsque les compressions d’effectifs, par leur nature ou leur ampleur exceptionnelle, dissimulent des motifs économiques et comportent notamment le licenciement d’un personnel permanent (encadrement, spécialistes) appelé à opérer sur des chantiers successifs, celles-ci sont soumises à la procédure de licenciement pour motif économique (Circ. DE 46 du 1-10-1989).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Vidéosurveillance des salariés : les conditions de mise en place

Vidéosurveillance des salariés : les conditions de mise en place 1709 2560 sancy-avocats.com

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Dans un arrêt du 8 mars 2023 (Cass. soc. 8-3-2023, n° 21-17.802), la Cour de cassation rappelle que l’utilisation d’images de vidéosurveillance, obtenues de manière illicite, est parfois possible. Cette décision offre l’occasion de revoir les conditions de mise en place de la vidéosurveillance dans l’entreprise.

1/ La vidéosurveillance dans les lieux de travail ouverts au public

Le recours à la vidéosurveillance dans les lieux de travail ouverts au public (restaurant, cinéma, supermarché,…) est régi par les articles L. 251-1 et suivants du Code de la sécurité intérieure.

Les textes prévoient plusieurs cas de recours à la vidéosurveillance, notamment pour assurer la sécurité des personnes et des biens lorsque ces lieux sont particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol ou sont susceptibles d’être exposés à des actes de terrorisme.

L’installation d’un tel dispositif est subordonnée à une autorisation du préfet et, à Paris, du préfet de police, donnée après avis d’une commission départementale présidée par un magistrat du siège ou un magistrat honoraire.

L’autorisation implique que le public soit informé de manière claire et permanente de l’existence du système de vidéosurveillance et de l’autorité ou de la personne responsable.

Par ailleurs, le CSE doit être informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre de la vidéosurveillance, dans la mesure où celle-ci permet un contrôle de l’activité des salariés (C. trav. art. L. 2312-38, al. 3).

Enfin, chaque salarié doit être individuellement informé, conformément à l’article L. 1222-4 du Code du travail selon lequel :

– « Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. »

2/ La vidéosurveillance dans les lieux de travail non ouverts au public

Le recours à la vidéosurveillance doit respecter le principe énoncé à l’article L. 1121-1 du Code du travail selon lequel nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

La mise en œuvre d’un système de vidéosurveillance doit nécessairement respecter ce principe de proportionnalité, ce qui signifie qu’elle doit s’effectuer de façon adéquate, pertinente, non excessive et strictement nécessaire à l’objectif poursuivi.

Ainsi, la vidéosurveillance ne peut avoir pour seul but de contrôler l’activité professionnelle des salariés.

A titre d’exemple, la surveillance vidéo constante d’un salarié qui exerce son activité seul en cuisine constitue une atteinte disproportionnée à sa vie personnelle (Cass. soc. 23-6-2021, n° 19-13.856).

Par ailleurs, le CSE doit être informé et consulté préalablement – et les salariés individuellement informés – dans les conditions susvisées (cf. § 1).

Les salariés doivent également être prévus de l’existence de dispositifs de vidéosurveillance sur les sites tiers où ils interviennent.

La Cour de cassation considère, en effet, que l’employeur ne peut pas être autorisé à utiliser, comme mode de preuve, les enregistrements d’un dispositif de vidéosurveillance installé sur le site d’une société cliente, si les salariés n’ont pas été préalablement informés de l’existence de ce dispositif (Cass. soc. 10-01-2012, n° 10-23.482).

En principe, il est interdit de licencier un salarié pour un vol découvert au moyen d’une vidéosurveillance illicite (Cass. soc. 20-9-2018, n° 16-26.482).

Dans l’arrêt du 8 mars 2023, la Cour de cassation tempère cette jurisprudence, prescrivant qu’en présence d’une preuve illicite, le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci.

Ainsi, si la production des enregistrements litigieux est indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur, et que celui-ci ne dispose pas d’un autre moyen de preuve, les images de vidéosurveillance peuvent être produites en justice.

3/ La durée de conservation des images

L’employeur doit définir la durée de conservation des images issues des caméras, qui doit être en lien avec l’objectif poursuivi par la vidéosurveillance.

En principe, cette durée ne doit pas excéder pas un mois.

Selon la CNIL, en règle générale, conserver les images quelques jours doit suffire, sauf circonstances exceptionnelles, à effectuer les vérifications nécessaires en cas d’incident et permet d’enclencher d’éventuelles procédures disciplinaires ou pénales.

Si de telles procédures sont engagées, les images sont alors extraites du dispositif (après consignation de cette opération dans un cahier spécifique) et conservées pour la durée de la procédure.

En tout état de cause, la durée maximale de conservation des images ne doit pas être fixée en fonction de la seule capacité technique de stockage de l’enregistreur.

4/ Les exigences liées au RGPD

Les personnes concernées (salariés, fournisseurs, clients,…) doivent être informées, au moyen de panneaux affichés en permanence, de façon visible, dans les lieux concernés, que le lieu est placé sous vidéoprotection.

L’information doit comprendre a minima, outre le pictogramme d’une caméra :

– Les finalités du traitement installé ;

– La durée de conservation des images ;

– Le nom ou la qualité et le numéro de téléphone du responsable/du délégué à la protection des données (DPO) ;

– L’existence de droits « Informatique et Libertés » ;

– Le droit d’introduire une réclamation auprès de la CNIL, en précisant ses coordonnées ;

– La base légale du traitement ;

– Les destinataires des données personnelles, y compris ceux établis en dehors de l’UE ;

– Enfin, s’il y en a, les informations complémentaires qui doivent être portées à l’attention de la personne (prise de décision automatisée, profilage, etc.).

Ces informations sont prévues par l’article 13 du RGPD (Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).) et l’article 104 de la loi « Informatique et Libertés ».

Si l’employeur a désigné un DPO, celui-ci doit être associé à la mise en œuvre du dispositif.

La désignation d’un délégué est obligatoire pour :

– Les autorités ou les organismes publics, à l’exception des juridictions dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles ;

– Les organismes dont les activités de base les amènent à réaliser un suivi régulier et systématique des personnes à grande échelle ;

– Les organismes dont les activités de base les amènent à traiter à grande échelle des données dites « sensibles » ou relatives à des condamnations pénales et infractions.

Enfin, le système de vidéosurveillance doit être inscrit au registre des activités de traitement tenu par l’employeur.

Le registre est prévu par l’article 30 du RGPD et participe à la documentation de la conformité.

Ce document doit transcrire la réalité des traitements de données personnelles de l’entreprise et permettre d’identifier précisément :

– Les parties prenantes (représentant, sous-traitants, co-responsables, etc.) qui interviennent dans le traitement des données ;

– Les catégories de données traitées ;

– A quoi servent ces données, qui accède aux données et à qui elles sont communiquées,

– Combien de temps elles sont conservées ;

– Comment elles sont sécurisées.

5/ La vidéosurveillance dans les lieux non accessibles aux salariés

L’installation d’un dispositif de vidéosurveillance destiné à assurer la protection de pièces ou locaux non accessibles aux salariés n’est soumise à aucune condition particulière.

A titre d’exemple, l’employeur est libre de mettre en place des procédés de surveillance des entrepôts ou autres locaux de rangement dans lesquels les salariés ne travaillent pas (Cass. soc. 31-01-2001, n° 98-44.290).

Si un salarié accède malgré tout à un tel local, l’employeur peut se prévaloir des éléments recueillis au moyen de ce système de vidéosurveillance pour établir la preuve des faits reprochés à l’intéressé, comme un vol ou une dégradation de matériel (Cass. soc. 19-4-2005, n° 02-46.295).

Par conséquent, dans cette hypothèse, l’employeur n’a ni à informer ni à consulter les représentants du personnel ni à informer les salariés.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Protection de la salariée enceinte : les modalités d’information de l’employeur

Protection de la salariée enceinte : les modalités d’information de l’employeur 2560 1709 sancy-avocats.com

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La salariée enceinte est protégée contre la rupture de son contrat de travail, dès que l’employeur a été informé de sa grossesse. Quelles sont les modalités de cette information ? Quelle est sa portée ?

1/ Rappels juridiques sur la protection de la salariée enceinte

Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté (C. trav. art. L. 1225-4, al. 1).

L’article L. 1225-4 du Code du travail n’est pas seulement applicable au licenciement mais aussi à la rupture anticipée du CDD.

La Cour de cassation considère, en effet, que les dispositions du Code du travail relatives à l’interdiction de résilier le contrat de travail d’une salariée en cas de maternité sont applicables aux salariées liées par un CDD, sans faire obstacle à l’échéance du terme (Cass. soc. 10-11-1993, n° 89-45.472).

Le Code du travail prévoit d’ailleurs que la protection accordée à la salariée enceinte ne fait pas obstacle à l’échéance du CDD (C. trav. art. L. 1225-6).

En revanche, la salariée dépourvue d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ne peut pas bénéficier des dispositions légales protectrices de la femme enceinte interdisant ou limitant les cas de licenciement (Cass. soc. 15-3-2017, n° 15-27.928).

Cette solution s’explique dans la mesure où l’interdiction d’employer un salarié étranger sans titre de travail, résultant de l’article L. 8251-1 du Code du travail, est d’ordre public et n’admet donc aucune exception.

Enfin, les dispositions du Code du travail relatives à l’annulation du licenciement d’une salariée en état de grossesse, en cas de connaissance postérieure par l’employeur de cet état, ne sont pas applicables à la rupture de la période d’essai (Cass. soc. 21-12-2006, n° 05-44.806).

Selon l’article L. 1225-70 du Code du travail, la rupture prononcée en méconnaissance de la protection accordée aux femmes enceintes est nulle.

La rupture du contrat de travail en méconnaissance de ces règles peut donner lieu à l’attribution de dommages-intérêts, en plus de l’indemnité de licenciement.

Dans cette hypothèse, l’employeur doit verser le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité (C. trav. art. L. 1225-71).

Par exception à la règle de protection dont bénéficie la salariée enceinte, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de la salariée non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement (C. trav. art. L. 1225-4, al. 2).

2/ Modalités pratiques d’information de l’employeur

Le Code du travail prévoit que, pour bénéficier de la protection de la grossesse et de la maternité, la salariée remet contre récépissé ou envoie par lettre recommandée avec avis de réception à son employeur un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement ou la date effective de celui-ci, ainsi que, s’il y a lieu, l’existence et la durée prévisible de son état pathologique nécessitant un allongement de la période de suspension de son contrat de travail (C. trav. art. R. 1225-1).

Les formalités d’information prescrites par ce texte sont réputées accomplies au jour de l’expédition de la lettre recommandée avec avis de réception de la salariée (C. trav. art. R. 1225-3).

Pour la Cour de cassation, l’envoi par la salariée, dans les formes prévues par le Code du travail, d’un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de l’accouchement ne constitue cependant pas une formalité substantielle (Cass. soc. 7-11-2006, n° 05-42.413).

En d’autres termes, l’intéressée peut prouver par tous moyens que l’employeur avait connaissance de son état de grossesse lorsqu’il a procédé à son licenciement.

Ainsi, ont été jugées comme satisfaisantes les modalités d’information suivantes de l’employeur :

– La production de témoignages (Cass. soc. 4-2-1988, n° 86-40.044) ;

– La réception, par l’employeur, d’un avis de prolongation d’arrêt de travail portant la mention « repos supplémentaire maternité » (Cass. soc. 3-6-1997, n° 94-40.841) ;

– Un appel téléphonique de l’inspecteur du travail avisant l’employeur de sa grossesse (Cass. soc. 27-9-1989).

Il est donc acquis que les règles de forme prévues par le Code du travail ne conditionnent pas le droit de la salariée à la protection, et ne constituent qu’un élément de preuve, en cas de litige avec l’employeur.

Cette solution s’impose puisque la règle de protection de la salariée enceinte bénéficie d’un support légal (C. trav. art. L. 1225-4, al. 1) tandis que les modalités d’information de l’employeur ne sont prévues que par un décret (C. trav. art. R. 1225-1).

D’ailleurs, rappelons que le licenciement d’une salariée doit être annulé lorsque, dans un délai de 15 jours à compter de sa notification, l’intéressée envoie à son employeur un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte (C. trav. art. L 1225-5).

Ici encore, ces dispositions protectrices ne s’appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour une faute grave non liée à l’état de grossesse ou par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Déclaration d’inaptitude : pas de licenciement pour un autre motif

Déclaration d’inaptitude : pas de licenciement pour un autre motif 2560 1707 sancy-avocats.com

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La Cour de cassation (Cass. soc. 8-2-2023, n° 21-16.258) vient de rappeler que lorsque le salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail, les dispositions d’ordre public des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, même s’il a engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause. 

1/ Les règles relatives à l’inaptitude sont d’ordre public 

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte, l’employeur ne peut procéder à son licenciement que s’il est dans l’impossibilité de lui proposer un poste de reclassement ou en cas de refus du salarié du poste proposé, ou si le médecin du travail a expressément indiqué que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement (C. trav. art. L. 1226-2-1 et L. 1226-12).

Pour la Cour de cassation, les dispositions du Code du travail relatives à l’inaptitude sont d’ordre public.

Ainsi, l’employeur ne peut valablement pas invoquer l’absence prolongée causant une désorganisation du service au soutien du licenciement d’un salarié déclaré inapte à l’issue d’un arrêt de travail pour maladie (Cass. soc. 5-12-2012, n° 11-17.913).

De même, doit être censurée la décision de la Cour d’appel admettant la légitimité du licenciement pour faute grave (Cass. soc. 20-12-2017, n° 16-14.983) ou pour motif économique (Cass. soc. 14-3-2000, n° 98-41.556) d’un salarié déclaré inapte.

Les exceptions à cette jurisprudence de principe sont peu nombreuses.

En ce sens, la Cour de cassation considère que l’employeur qui procède à un licenciement économique en raison de sa cessation d’activité n’est pas tenu d’appliquer la procédure spéciale de licenciement prévue pour les salariés déclarés inaptes par le médecin du travail (Cass. soc. 15-9-2021, n° 19-25.613).

De même, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut valablement être conclue avec un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail (Cass. soc. 9-5-2019, n° 17-28.767).

2/ L’arrêt du 8 février 2023

Un salarié, occupant le poste de Responsable de secteur, est convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre du 24 janvier 2017, l’entretien devant se tenir le 7 février 2017.

A l’issue d’une visite de reprise du 6 février 2017, le médecin du travail déclare le salarié inapte à son poste en un seul examen, précisant que son reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe n’est pas envisageable.

Par lettre du 16 février 2017, l’employeur procède au licenciement du salarié pour faute lourde.

Contestant son licenciement, le salarié est débouté par la Cour d’appel de Grenoble (arrêt du 11 mars 2021).

Pour les magistrats, le fait que l’inaptitude définitive du salarié à occuper son emploi ait été constatée par le médecin du travail le 6 février 2017 ne privait pas la Société de se prévaloir d’une faute lourde de son salarié au soutien du licenciement, qu’elle avait estimé devoir prononcer à l’issue de la procédure disciplinaire engagée le 24 janvier précédent.

Le pourvoi en cassation du salarié rappelle que lorsqu’à la suite d’un arrêt de travail, un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à occuper tout poste dans l’entreprise au terme d’une seule visite médicale de reprise, les règles d’ordre public relatives au licenciement du salarié inapte non reclassé s’appliquent, ce qui exclut que le salarié déclaré inapte puisse faire l’objet d’un licenciement disciplinaire postérieurement à l’avis d’inaptitude.

La Cour de cassation retient son analyse et censure la Cour d’appel, posant pour principe que lorsque le salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail, les dispositions d’ordre public des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, même s’il a engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause.

Cette décision peut sembler sévère car elle va jusqu’à faire échec au licenciement, même en présence de faits très graves commis par le salarié.

Par ailleurs, cette solution s’applique même si la procédure disciplinaire a été engagée antérieurement à la déclaration d’inaptitude.

La jurisprudence est cependant claire.

En l’espèce, après la déclaration d’inaptitude du salarié, l’employeur aurait dû renoncer à la procédure disciplinaire pour se tourner vers la procédure de licenciement pour inaptitude.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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