Articles par :

Xavier Berjot

Prime de partage de la valeur : l’essentiel

Prime de partage de la valeur : l’essentiel 6336 9504 sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

La loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a créé la prime de partage de la valeur (PPV). Ce dispositif de faveur, applicable au 1er juillet 2022, se substitue à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa). 

1/ Modalités de mise en place 

Les entreprises de toutes tailles peuvent mettre en place une PPV, soit en concluant un accord d’entreprise ou de groupe soit en instituant une décision unilatérale.

En cas d’accord, celui-ci doit être conclu selon les modalités énumérées au I de l’article L. 3312-5 du Code du travail, c’est-à-dire selon celles prévues pour les accords d’intéressement.

En cas de décision unilatérale, l’employeur doit consulter préalablement le CSE, lorsqu’il existe.

Il convient de noter que la loi ne prévoit pas que la décision unilatérale ne peut intervenir que dans l’hypothèse d’une impossibilité de conclure un accord collectif.

2/ Salariés éligibles

Le montant de la PPV ainsi que, le cas échéant, le niveau maximal de rémunération des salariés éligibles et les conditions de modulation du niveau de la prime selon les bénéficiaires doivent être définis par l’accord ou la décision unilatérale.

Sous cette réserve, la PPV peut être versée à tous les salariés, ou uniquement à ceux dont la rémunération n’excède pas un certain plafond fixé par l’accord ou la décision unilatérale.

La mise en place de la PPV doit aussi bénéficier aux intérimaires mis à disposition de l’entreprise concernée, à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l’accord ou de signature de la décision unilatérale.

L’entreprise de travail temporaire doit alors la verser aux intérimaires éligibles, selon les conditions et les modalités fixées par l’accord ou la décision unilatérale de l’entreprise utilisatrice.

3/ Critères de modulation

Le montant de la PPV peut être modulé en fonction de critères limitativement énumérés par la Loi :

– rémunération ;

– niveau de classification ;

– présence effective pendant l’année écoulée ;

– durée de travail prévue au contrat en cas de temps partiel ;

– ancienneté dans l’entreprise.

Les congés maternité, paternité, adoption et éducation des enfants sont assimilés à des périodes de présence effective pour la détermination du montant de la PPV.

Ainsi, ces congés ne peuvent pas avoir pour effet de réduire le montant de la PPV.

Les critères de modulation doivent obligatoirement être listés dans l’acte de mise en place de la PPV (accord ou décision unilatérale selon le cas).

Une modulation intervenant au moment du versement de la PPV serait illicite et les conditions d’exonérations pourraient être remises en cause.

4/ Conditions d’exonération

 L’exonération s’applique aux salariés liés par un contrat de travail et aux intérimaires mis à disposition de l’entreprise utilisatrice :

– à la date de versement de la prime ;

– à la date de dépôt de l’accord ;

– ou à la date de la signature de la décision unilatérale précisant les modalités de versement de la prime.

Le montant maximal de la prime bénéficiant de l’exonération est de 3.000 € par an et par salarié.

Autrement dit, la prime peut être d’un montant supérieur mais sa fraction excédentaire est exclue du régime social et fiscal de faveur.

La limite est portée à 6.000 € pour les entreprises ayant mis en place un dispositif d’intéressement ou de participation.

Le dispositif de faveur est différent selon la rémunération des salariés.

4.1. Rémunération annuelle inférieure à trois fois le Smic annuel

Sur la période du 1er juillet 2022 au 31 décembre 2023, la prime versée aux salariés ayant perçu, au cours des 12 mois précédant son versement, une rémunération inférieure à trois fois la valeur annuelle du SMIC, est exonérée de toutes les cotisations et contributions sociales patronales et salariales, dont la CSG et la CRDS.

Dans cette situation, le forfait social n’est pas dû.

La prime est également exonérée d’impôt sur le revenu.

4.2. Rémunération annuelle au moins égale à trois fois le Smic annuel

Pour les primes versées entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023 et primes versées à compter du 1er janvier 2024, l’exonération de cotisations et contributions sociales patronales et salariales ne porte pas sur la CSG-CRDS.

La prime est assujettie à forfait social dans les conditions applicables à l’intéressement pour les entreprises qui en sont redevables.

La prime n’est pas exonérée d’impôt sur le revenu.

Quelle que soit la période de versement de la prime et le montant de la rémunération du salarié, l’exonération porte également sur les participations à l’effort de construction ainsi que sur les taxes et contributions liées à l’apprentissage et la formation.

5/ Principe de non-substitution

La PPV ne peut se substituer à aucun des éléments de rémunération, au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, qui sont versés par l’employeur ou qui deviennent obligatoires en application de règles légales, contractuelles ou d’usage.

Elle ne peut non plus se substituer à des augmentations de rémunération ni à des primes prévues par un accord salarial, par le contrat de travail ou par les usages en vigueur dans l’entreprise, l’établissement ou le service.

Le respect de cette règle est une des conditions d’application du régime d’exonération.

6/ Modalités déclaratives

La prime peut être versée depuis le 1er juillet 2022, en une ou plusieurs fois, dans la limite d’une fois par trimestre, au cours de l’année civile.

Les services de l’Urssaf ont communiqué sur les modalités déclaratives de la PPV, qui sont les suivantes (source : urssaf.fr) :

Le code type de personnel (CTP) à utiliser pour la déclaration de la prime est le CTP 510 (CTP à 0 %, sans incidence sur le montant des cotisations dues par l’employeur).

Le CTP 260 est à utiliser pour déclarer la CSG et la CRDS sur les montants de prime non exonérés.

Le CTP 012 est à utiliser pour déclarer le forfait social dû sur les montants de prime perçus par les personnes employées dans des entreprises de 250 salariés et plus, et dont la rémunération est supérieure ou égale à 3 Smic.

Si le montant versé dépasse 3 000 € ou 6 000 €, la partie qui excède le seuil de 3 000 € ou 6 000 €, en fonction des cas, est soumise à cotisations et contributions sociales.

Ce dépassement doit être déclaré dans les conditions habituelles avec les CTP courants (CTP 100…).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Partager ?

Licenciement pour inaptitude et faute de l’employeur

Licenciement pour inaptitude et faute de l’employeur 2560 1707 sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Le licenciement pour inaptitude, d’origine professionnelle ou non, est motivé par l’inaptitude du salarié et l’impossibilité de le reclasser. Toutefois, la rupture est sans cause réelle et sérieuse, voire nulle, si l’inaptitude a pour origine un manquement de l’employeur.

1/ L’inaptitude consécutive à un accident du travail

Pour la Cour de cassation, est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que celle-ci était consécutive « à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée. »

Tel est le cas du salarié victime d’un accident du travail alors que l’employeur n’a pas respecté l’obligation de sécurité à laquelle il est soumis (Cass. soc. 3-5-2018 n° 17-10.306).

La juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 3-5-2018 n° 16-26.850).

L’employeur ne peut donc pas soutenir qu’une telle action serait du ressort du tribunal judiciaire, car liée à l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail.

La Cour de cassation avait déjà jugé qu’en présence d’une telle faute de l’employeur, le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse, et ce même si l’employeur a respecté son obligation de reclassement (Cass. soc. 26-9-2012 n° 11-14.742).

2/ L’inaptitude causée par un harcèlement moral

Est nul le licenciement en lien avec une inaptitude ayant pour seule origine un état dépressif réactionnel aux agissements de harcèlement moral dont le salarié avait été la cible (Cass. soc. 13-2-2013 n° 11-26.380).

Cette solution s’applique même si l’avis d’inaptitude n’évoque pas le harcèlement mais constate seulement l’aptitude de la salariée à un poste de reclassement « au sein de l’administration commerciale de l’entreprise, sans indication de lieu ni des raisons justifiant l’inaptitude au poste initial. »

En d’autres termes, il appartient au juge du fond, en fonction des éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis par les parties, de déterminer s’il existe un lien suffisant entre le harcèlement moral et l’inaptitude du salarié.

Cette jurisprudence rejoint celle développée par la Cour de cassation au sujet du licenciement pour absence prolongée ou absences répétées.

Ainsi, l’employeur ne peut pas se prévaloir de la perturbation du fonctionnement de l’entreprise causée par l’absence prolongée du salarié lorsque cette dernière est la conséquence du harcèlement moral dont l’intéressé avait été victime (Cass. soc. 11-10-2006 n° 04-48.314).

Dans de telles situations, la nullité du licenciement est encourue sur le fondement de l’article L. 1235-3-1 du Code du travail, visant le harcèlement moral et sexuel.

Par ailleurs, l’article L. 1152-3 du Code du travail prévoit expressément que toute rupture du contrat du travail qui résulte d’un harcèlement moral est nulle.

Le barème Macron n’est donc pas applicable en l’occurrence.

3/ L’inaptitude liée à l’absence de prise en compte des préconisations du médecin du travail

Constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse la rupture du contrat notifiée par l’employeur qui n’a pas pris en considération les propositions du médecin du travail en vue du reclassement de l’intéressé à la suite de la déclaration de son inaptitude (Cass. soc. 17-12-2003 n° 01-44.444).

De même, l’absence de prise en compte des préconisations du médecin du travail entraînant une aggravation de l’état de santé du salarié, et conduisant à son inaptitude définitive, prive son licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 17-10-2012 n° 11-18.648).

L’employeur doit être particulièrement vigilant concernant le suivi médical des salariés.

A titre d’exemple, l’absence de visite de reprise à la suite d’un précédent arrêt de travail constitue un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en lien avec l’inaptitude du salarié constatée ultérieurement et prive de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude (Cass. soc. 11-12-2013 n° 12-22.248).

4/ Le cas du salarié protégé

Il n’entre pas dans le champ de contrôle de l’inspecteur du travail, saisi d’une demande d’autorisation de licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé, d’apprécier les causes de l’inaptitude médicalement constatée (CE, 20-11-2013 n° 340.591).

Cette solution a été rappelée par l’administration dans le guide relatif aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés de septembre 2019 (mis à jour en décembre 2021).

Il en résulte qu’une décision administrative autorisant ou refusant le licenciement d’un salarié sur ce point serait entachée d’illégalité (CAA Nantes, 14-4-2011 n° 09NT01319).

En revanche, le salarié protégé reconnu inapte et licencié après autorisation de l’inspecteur du travail, qui invoque un lien entre son licenciement pour inaptitude et un manquement de l’employeur, peut saisir le Conseil de prud’hommes de ce chef (CE, 20-11-2013 n° 340.591).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Partager ?

Précision des motifs du licenciement : pas d’information obligatoire du salarié

Précision des motifs du licenciement : pas d’information obligatoire du salarié 2560 1707 sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

La Cour de cassation (Cass. soc. 29-6-2022, n° 20-22.220) vient de juger qu’aucune disposition n’impose à l’employeur d’informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés. Cette décision offre l’occasion de rappeler les règles applicables à cette procédure particulière.

1. Une procédure au bénéfice des deux parties

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d’État (C. trav. art. L. 1235-2, al. 1).

La procédure de précision des motifs du licenciement peut donc être actionnée tant par l’employeur que par le salarié.

Sur le plan pratique :

– Dans les 15 jours suivant la notification du licenciement, le salarié peut, par lettre recommandée avec AR ou remise contre récépissé, demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement.

– L’employeur dispose d’un délai de 15 jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s’il le souhaite (il s’agit d’une simple faculté pour lui).

– S’il le désire, il communique alors ces précisions au salarié par lettre recommandée avec AR ou remise contre récépissé.

– Dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, l’employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement.

Cette procédure est applicable aux licenciements pour motif personnel (C. trav. art. R. 1232-13) et pour motif économique (C. trav. art. R. 1233-2-2).

Rappelons que le Conseil d’Etat a validé le décret n°2017-1702 du 15 décembre 2017 relatif à la précision des motifs du licenciement.

En effet, il a considéré que ce texte n’est pas entaché d’incompétence négative pour ne pas avoir prévu que l’employeur doit informer le salarié de son droit de demander que les motifs de sa lettre de licenciement soient précisés (CE 4e-1e ch. 6-5-2019 n° 417299).

2. Les enjeux de la précision des motifs du licenciement

La procédure de précision des motifs du licenciement étant une faculté, l’employeur comme le salarié doivent s’interroger sur l’intérêt de l’actionner ou pas, en fonction des circonstances.

2.1. Cas du salarié

Selon l’article L. 1235-2 du Code du travail : 

A défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande de précision, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.

Autrement dit, le licenciement n’est pas sans cause réelle et sérieuse en raison d’une motivation insuffisante, si le salarié n’a pas fait jouer son droit de demande de précision.

Le salarié peut donc avoir intérêt à solliciter une information complémentaire auprès de l’employeur, sous peine de se priver de la faculté d’obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 juin 2022, une salariée n’avait pas actionné la procédure de précision des motifs.

Devant le Conseil de prud’hommes puis la Cour d’appel, elle estimait que la lettre de licenciement ne faisait pas état de motifs matériellement vérifiables.

Or, la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel d’avoir retenu que la lettre de licenciement répondait à l’exigence légale de motivation.

D’un autre côté, si une lettre de licenciement est entachée d’un vice de motivation (et non pas d’une simple insuffisance), le salarié prend un risque à solliciter des précisions.

En effet, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (C. trav. art. L. 1235-2 et L. 1235-3). 

2.2. Cas de l’employeur 

Pour sa part, l’employeur peut avoir intérêt à préciser le motif de licenciement dans deux situations particulières :

– De sa propre initiative :

Il se peut que l’employeur ait procédé au licenciement personnel ou économique du salarié sans motiver suffisamment la lettre de licenciement, soit en raison de l’urgence, soit en raison d’un défaut de conseil.

Dans cette situation, l’employeur a droit à une « seconde chance » en pouvant compléter sa lettre de licenciement dans le délai de 15 jours à compter de sa notification.

 – Sur demande du salarié :

Si le salarié sollicite des précisions sur les motifs de son licenciement, il est souvent recommandé, à l’employeur, d’accéder à cette requête.

En effet, « la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement » (C. trav. art. L. 1235-2, al. 2).

Ainsi, l’employeur a intérêt à répondre à la sollicitation du salarié si la lettre de licenciement est imprécise.

A défaut, il court le risque de fragiliser le bien-fondé du licenciement, alors même que le salarié l’invitait à régulariser une insuffisance de motivation.

À l’inverse, si l’employeur a particulièrement soigné la rédaction de la lettre de licenciement, il peut se contenter de répondre au salarié qu’il n’a aucune précision particulière à lui apporter.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Partager ?

Harcèlement moral et enquête : pas de monopole pour le CSE

Harcèlement moral et enquête : pas de monopole pour le CSE 1707 2560 sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Le Code du travail ne prévoit aucune règle particulière s’agissant des modalités de l’enquête interne que l’employeur doit diligenter en cas de harcèlement moral. La jurisprudence en détermine progressivement les contours. Tel est le cas d’un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. soc. 1-6-2022, n°20-22.058).

1/ L’obligation de mettre en place une enquête interne en cas d’allégations de harcèlement moral

L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en menant notamment des actions de prévention des risques professionnels (C. trav. art. L. 4121-1), avec une attention particulière portée aux risques liés au harcèlement moral, au harcèlement sexuel et aux agissements sexistes (C. trav. art. L. 4121-2).

L’article L. 1152-4 du Code du travail le rappelle expressément : « l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. »

En cas d’un harcèlement moral avéré, l’employeur engage sa responsabilité civile (et même pénale), s’il n’a pas pris les mesures adéquates visant à prévenir et à faire cesser de tels agissements.

Ainsi, la Cour de cassation a pu juger que, l’employeur n’ayant entrepris aucune enquête sérieuse devant l’importance d’un conflit opposant le salarié à son responsable hiérarchique, en dépit de signalements, a manqué à son obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité du salarié victime de harcèlement (Cass. soc. 9-7-2014, n° 13-16.797).

La Cour de cassation (Cass. 27-11-2019, n°18-10.551) considère même que l’absence d’enquête interne, après la révélation d’un harcèlement, constitue une violation par l’employeur de son obligation de prévention des risques professionnels qui cause un préjudice à l’intéressé, même en l’absence de harcèlement.

A l’inverse, l’employeur qui a pris les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et, notamment, a mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral, ne manque pas à son obligation de sécurité (Cass. soc. 1-6-2016, n° 14-19702).

En pratique, lorsque le salarié signale des faits susceptibles de caractériser un harcèlement moral, l’employeur doit nécessairement organiser une enquête interne, afin d’établir :

– La matérialité et la preuve des faits ;

– Leur qualification au regard de la définition du harcèlement moral.

Il est rappelé, à cet égard, que le harcèlement moral est défini par l’article L. 1152-1 du Code du travail en ces termes :

– « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

2/ Les modalités de l’enquête interne sur le harcèlement moral

L’article L. 1154-1 du Code du travail prévoit que lorsque survient un litige relatif notamment au harcèlement moral, « le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. »

Le texte ajoute qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme ensuite sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Ces dispositions sont applicables en cas de litige prud’homal et aucune règle légale n’existe en amont, pour réglementer les modalités de l’enquête interne.

Dans un arrêt du 8 janvier 2020 (Cass. soc. 08-01-2020, n°18-20.151), la Cour de cassation a censuré un arrêt de la Cour d’appel de Lyon ayant jugé que « pour répondre à l’exigence d’exhaustivité et d’impartialité, l’enquête interne diligentée par l’employeur devait consister à entendre la totalité des collaborateurs du salarié. »

Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel ne pouvait exclure la preuve du harcèlement moral au motif que seule la moitié des collaborateurs avait été entendue.

En pratique, il est recommandé à l’employeur d’auditionner le salarié affirmant avoir subi un harcèlement moral, en lui offrant la possibilité d’être assisté par un salarié, représentant du personnel ou non.

Si le représentant légal de l’entreprise ne conduit pas l’enquête en personne, il doit veiller à ce que le collaborateur qui en a en responsabilité ne soit pas impliqué dans la situation dénoncée par le salarié.

En effet, comme le juge la Cour de cassation (Cass. soc. 21-6-2011, n°10-11.690) au sujet de l’entretien préalable au licenciement, la participation d’un délégué du personnel aux côtés de l’employeur, alors qu’il existait un différend important entre ce délégué et le salarié, caractérise un détournement de l’objet de l’entretien ouvrant droit à la réparation du préjudice subi.

Outre l’invitation de l’auteur du signalement, l’employeur doit logiquement auditionner le salarié présumé auteur des faits, en lui offrant la même possibilité d’assistance.

Il est recommandé que les entretiens donnent systématiquement lieu à l’établissement d’un compte-rendu écrit signé par toutes les personnes présentes.

En revanche, il est déconseillé d’organiser une confrontation entre les salariés dans la mesure où celle-ci peut être génératrice d’une situation de stress incompatible avec la prévention des risques psycho-sociaux.

La question se pose, enfin, de savoir si le CSE doit être associé à l’enquête portant sur le harcèlement moral.

L’arrêt du 1er juin 2022 répond à cette question par la négative.

Dans cette affaire, un salarié avait été licencié pour faute grave à la suite d’un harcèlement moral.

La Cour d’appel avait jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse, refusant de tenir compte de l’enquête diligentée par l’employeur, au motif que celui-ci n’y avait pas associé le CHSCT (en place à l’époque).

La Cour de cassation censure cet arrêt au visa de l’article 455 du Code de procédure civile, rappelant que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions.

Ainsi, pour la Haute juridiction, la Cour d’appel ne pouvait pas rejeter le compte-rendu d’enquête au motif que celle-ci n’avait pas été confiée au CHSCT, mais à la direction des ressources humaines.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme, par ailleurs, sa jurisprudence selon laquelle l’employeur n’a pas à interroger tous les salariés appartenant au service dans lequel travaille le salarié impliqué.

En l’espèce, a été jugé indifférent le fait que huit personnes seulement avaient été interrogées, sur les vingt composant le service et sans que soient connus les critères objectifs ayant présidé à la sélection des témoins.

En conclusion, notons que le CSE n’est pas dépourvu de toute prérogative en matière de harcèlement, puisqu’il dispose d’un droit d’alerte spécifique.

En effet, si un membre élu du CSE constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur (C. trav. art. L. 2312-59).

Le texte précise que cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Partager ?

Dispense de reclassement du salarié inapte : pas de consultation du CSE

Dispense de reclassement du salarié inapte : pas de consultation du CSE 2560 1709 sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Dans un arrêt du 8 juin 2022 (Cass. soc. 8-6-2022, n° 20-22500), la Cour de cassation vient de juger que la dispense de reclassement du salarié inapte, émise par le médecin du travail, exonère l’employeur de son obligation de consulter le CSE. La décision était attendue.

1/ Rappel des dispositions relatives à l’obligation de consulter le CSE 

Lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (C. trav. art. L. 1226-2 : inaptitude non-professionnelle ; L. 1226-10 : inaptitude professionnelle).

Le texte ajoute que cette proposition prend en compte, après avis du CSE lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

L’employeur peut être exonéré de son obligation de reclassement si le médecin du travail mentionne expressément, dans son avis, que « tout maintien du salarié serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » (C. trav. art. L. 1226-2-1 et L. 1226-12).

Dans un tel cas, l’employeur demeure-t-il tenu de consulter le CSE ?

La réponse à cette question n’est pas évidente puisque la Cour de cassation considère que, dès lors qu’un salarié a été déclaré inapte, l’employeur est tenu de consulter le CSE, y compris si aucun poste de reclassement ne peut lui être proposé (Cass. soc. 30-09-2020, n° 19-16488).

Il est donc permis de penser que la consultation du CSE s’impose même en cas de dispense de reclassement par le médecin du travail.

Les juridictions du fond ont d’ailleurs été partagées sur le sujet. 

2/ Hésitations jurisprudentielles 

Dans un arrêt du 3 avril 2018, la Cour d’appel de Riom (CA Riom 3-4-2018 n° 16/01261) a jugé que :

– L’article L. 1226-2-1 dispense l’employeur de procéder à une recherche de reclassement dès lors que le médecin du travail indique que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

– En conséquence, la consultation du CSE n’est pas fondée et, en tout état de cause, dès lors qu’aucune disposition ne prévoit de sanction, le salarié doit être déboutée de sa demande tendant à voir dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel de Paris (CA Paris 2-12-2020 n° 14/11428) avait également statué en ce sens, considérant que l’avis du CSE est inutile, dès lors que l’inaptitude est totale, que le reclassement est impossible et que le comité n’a « pas compétence pour remettre en cause l’appréciation du médecin du travail son éventuel avis ne pouvant se borner qu’à ce constat. »

D’autres Cours d’appel avaient adopté une position diamétralement opposée, comme la Cour d’appel de Bourges, pour laquelle :

– La consultation du CSE constitue une garantie substantielle pour le salarié et le Code du travail ne prévoit pas expressément de dispense à cette consultation pour le cas dans lequel tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.

– Ainsi, en l’état actuel du droit positif, il revient à l’employeur de saisir le CSE pour avis, au moins pour l’informer du contenu de l’avis du médecin du travail qui impose de procéder au licenciement pour inaptitude (CA Bourges 18-6-2021 n° 20/00883).

Postérieurement, les juridictions du fond ont continué de se diviser, certaines jugeant impérative la consultation du CSE (CA Amiens 14-4-2021 n° 19/07875 ; CA Bourges 19-11-2021 n° 21/00153), d’autres n’y voyant pas une formalité obligatoire ou substantielle (ex. CA Lyon 5-11-2021 n° 19/01393 ; CA Aix-en-Provence 9-4-2021 n° 19/18292).

3/ Décision de la Cour de cassation 

Dans son arrêt du 8 juin 2022 (Cass. soc. 8-6-2022, n° 20-22500), la Cour de cassation juge clairement que l’employeur n’a pas à solliciter l’avis du CSE lorsque le médecin du travail a estimé que le reclassement du salarié est impossible.

La Haute juridiction a statué au visa des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du Code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Pour elle, il résulte du premier de ces textes que lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, et cette proposition doit prendre en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise.

La Cour ajoute que, selon le second de ces textes, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.

Les magistrats en tirent pour conclusion que lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur, qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas l’obligation de consulter les délégués du personnel.

Si la décision a été rendue sous l’empire de l’institution des délégués du personnel, elle s’applique naturellement au CSE.

De même, elle concerne tant l’inaptitude professionnelle que non-professionnelle.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Partager ?

La nullité du licenciement motivé par une attestation en justice du salarié

La nullité du licenciement motivé par une attestation en justice du salarié 2560 1707 sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

La Cour de cassation (Cass. soc. 18-5-2022, 20-14.783 ; 20-14.842) vient de le rappeler : le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié dans le cadre d’une instance judiciaire est atteint de nullité.

1/ La décision de la Cour de cassation

Dans cette affaire, deux salariés d’une entreprise de sécurité avaient été licenciés pour avoir, entre autres motifs, manqué de loyauté en délivrant une attestation de moralité en faveur d’un mineur, ayant relevé appel d’une condamnation pour des faits de violence commis sur un de leurs collègues.

Le licenciement avait été jugé bien-fondé par la Cour d’appel, estimant que les attestations produites dans le cadre du procès pénal avaient été établies environ 3 semaines après la notification d’une mise en garde qui leur avait été adressée à chacun et que la rédaction de l’attestation était manifestement le résultat d’une initiative conjointe et concertée des deux salariés.

La décision est cassée par la Cour de cassation, considérant qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d’une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié dans le cadre d’une instance judiciaire, est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur.

La Cour de cassation avait déjà été conduite à affirmer que toute personne étant tenue d’apporter son concours à la justice, le témoignage d’un salarié devant un tribunal ne peut, sauf abus, constituer une faute ou une cause de licenciement (Cass. soc. 23-11-1994 n° 91-41.434).

La Cour d’appel de Paris avait apporté une précision à cette jurisprudence, soulignant que la remise d’une attestation par un salarié ne peut en aucun cas constituer une faute permettant la mise en œuvre d’une mesure disciplinaire, dès lors que cette pièce n’a pas fait l’objet d’un dépôt de plainte pour faux témoignage (CA Paris 25-3-2004 n° 02-38025).

En définitive, seule la caractérisation d’un abus du salarié témoignant en justice peut permettre, à l’employeur, de procéder à son licenciement.

2/ Les conséquences de la nullité du licenciement

2.1. La réintégration du salarié

Lorsque son licenciement est nul, le salarié a le droit de réclamer sa réintégration dans son emploi (Cass. soc. 21-6-2017 n°15-21.897).

Il s’agit d’une simple option et le salarié n’est tenu ni d’accepter la réintégration proposée par l’employeur, ni de la solliciter (Cass. soc. 16-2-1987 n°84-42.569).

En cas de nullité du licenciement, l’employeur est tenu de faire droit à la demande de réintégration du salarié (Cass. soc. 14-2-2018 n°16-22.360), dès lors qu’aucune impossibilité d’y procéder n’est établie (Cass. soc. 25-2-1998 n°95-44.019).

La réintégration implique de restaurer le salarié dans son poste ou, à défaut, dans un emploi équivalent (Cass. soc. 26-5-2004 n° 02-41.325).

L’obligation de réintégration ne s’étend pas toutefois au groupe auquel appartient l’employeur (Cass. soc. 9-7-2008 n°07-41.845).

Le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre la rupture et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (Cass. soc. 3-7-2003 n°01-44.522).

Il s’agit d’une indemnité dite « d’éviction », selon les termes adoptés par la jurisprudence.

Celle-ci, soumise à cotisations sociales, doit tenir compte des revenus de remplacement (allocations Pôle Emploi, indemnités journalières de sécurité sociale, etc.) perçus par le salarié entre son licenciement et sa réintégration (Cass. soc. 16-10-2019 n°17-31.624).

Par exception, le salarié a droit à une réparation forfaitaire, correspondant aux salaires afférents à la période comprise entre son licenciement et sa réintégration, sans déduction des revenus qu’il a pu percevoir pendant cette période, lorsque la nullité du licenciement résulte de l’atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement protégée.

Tel est le cas, par exemple, du licenciement motivé par les activités syndicales du salarié (Cass. soc. 2-6-2010 n°08-43.277), par sa participation à une grève (Cass. soc. 2-2-2006 n°03-47.48) ou par son action en justice (Cass. soc. 21-11-2018 n°17-11.122).

La nullité du licenciement motivé par la délivrance d’une attestation en justice doit suivre le même régime, puisque la Cour de cassation vise l’atteinte à une « liberté fondamentale. »

2.2. Les sanctions en l’absence de réintégration

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois (C. trav. art. L. 1235-3-1).

Pour la Cour de cassation, le salarié a droit, d’une part, aux indemnités de rupture et, d’autre part, à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, au moins égale à 6 mois de salaire quelles que soient son ancienneté et la taille de l’entreprise (Cass. soc. 30-11-2010 n°09-66.210).

Les indemnités de rupture sont, classiquement, l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle (C. trav. art. L1235-3-1) et l’indemnité compensatrice de préavis, due au salarié même s’il est dans l’impossibilité physique d’exécuter son préavis (Cass. soc. 5-6-2001 n°99-41.186).

Quant à l’indemnité pour rupture illicite, celle-ci n’est pas plafonnée et son montant est souverainement apprécié par le juge du fond (Cass. soc. 18-12-2000 n°98-41.608).

Ainsi, le barème « Macron » prévoyant une indemnité encadrée par des planchers et des plafonds, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, n’est pas applicable en cas de nullité du licenciement (C. trav. art. L1235-3-1).

Enfin, le salarié protégé peut solliciter, outre les indemnités de licenciement, de préavis et de rupture illicite, une indemnité pour violation du statut protecteur.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Partager ?

Partenariat SANCY X TUTORECA

Partenariat SANCY X TUTORECA 1080 1080 sancy-avocats.com

| SANCY X TUTORECA |

@SANCY et @Tutoreca concilient leurs forces afin d’apporter une solution à 360° qui permet de simplifier la gestion de vos salariés !

Sancy – société d’avocats – accompagne les acteurs de l’entreprise dans la gestion du contrat de travail, de sa conclusion à sa rupture, parmi d’autres services.

Tutoreca décompose chaque métier de l’Hôtellerie et de la Restauration, en tutoriels de 3 minutes, riches en infographies, avec des conseils et astuces concrets partagés par ses experts reconnus dans leurs domaines de compétences respectifs.

Les clients Tutoreca ont accès aux services d’avocats de Sancy à prix réduits, afin de bénéficier d’un accompagnement quotidien en droit du travail.

La gestion et la formation de vos salariés est désormais simple, fluide et accessible.

Nos experts vous accompagnent dans tous vos projets.

L’équipe Tutoreca et Sancy développent ensemble un nouveau service qui vous sera présenté prochainement ; alors restez à l’écoute !

Découvrez nos offres sur wwww.tutoreca.fr ou contactez Léa pour une démonstration : lea@tutoreca.fr.

#tutoreca #liberezlepotentieldevotreequipe #restauration #hotel #elearningchr #formation #contrat #avocat

Nullité du licenciement : l’hypothèse de l’indemnité d’éviction

Nullité du licenciement : l’hypothèse de l’indemnité d’éviction 2560 1707 sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

En cas de nullité du licenciement, le salarié qui demande sa réintégration peut prétendre au paiement d’une indemnité qualifiée « d’éviction. » Son montant varie en fonction de plusieurs paramètres.

1/ Le principe : la réparation du préjudice subi par le salarié 

Le salarié dont la rupture du contrat de travail est nulle, et qui sollicite sa réintégration, a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre la rupture du contrat et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (Cass. soc. 12-2-2008 n° 07-40.413).

Tel est le cas, par exemple, lorsqu’un licenciement est consécutif à l’annulation d’un plan de sauvegarde de l’emploi (Cass. soc. 3-7-2003 n° 01-44.522), à un harcèlement moral (Cass. soc. 14-12-2016 n° 14-21.325) ou, encore, à un accident du travail (Cass. soc. 25-1-2006 n° 03-47.517).

Les revenus de remplacement perçus par le salarié doivent être déduits de l’indemnité d’éviction due par l’employeur (Cass. soc. 16-10-2019 n° 17-31.624).

Ainsi, le préjudice du salarié dont le licenciement est déclaré nul doit être évalué en tenant compte des revenus qu’il a pu tirer d’une autre activité professionnelle pendant la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration (Cass. soc. 14-2-2018 n° 16-22.360).

De même, il convient de déduire, de l’indemnité d’éviction, les allocations d’assurance-chômage servies par Pôle Emploi au salarié (Cass. soc. 14-12-2016 n° 14-21.325).

Enfin, ce dernier ne peut prétendre, à la fois, au paiement des indemnités de rupture et de l’indemnité d’éviction (Cass. soc. 11-7-2012 n° 10-15.905).

Attention : selon la Cour de cassation, le juge n’a pas à déduire du montant de la somme allouée à l’intéressé en réparation du préjudice subi entre son licenciement et sa réintégration le revenu de remplacement qu’il a perçu durant cette période, dès lors que cette déduction ne lui était pas demandée (Cass. soc. 16-11-2011 n° 10-14.799).

Il appartient donc à l’employeur, en cas de litige, de solliciter du salarié, sous le contrôle du juge, qu’il fournisse tous les justificatifs de ses revenus de remplacement.

Par ailleurs, le salarié qui présente tardivement sa demande de réintégration, de façon abusive, n’a droit, au titre de cette nullité, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective (Cass. soc. 13-1-2021 n° 19-14.050).

Cette jurisprudence a pour objet de faire échec à la démarche du salarié qui chercherait à retarder sa demande de réintégration pour obtenir la somme la plus élevée possible.

Au-delà de ces cas particuliers, précisons que l’indemnité d’éviction, étant versée à l’occasion du travail, entre dans l’assiette des cotisations sociales (Cass. soc. 16-10-2019 n° 17-31.624).

Elle doit donc donner lieu à l’émission d’un bulletin de paie ainsi qu’au prélèvement des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu.

2/ L’exception : la réparation forfaitaire au bénéfice du salarié 

le salarié est éligible à une réparation forfaitaire, indépendante du préjudice subi et correspondant aux salaires couvrant la période comprise entre son licenciement et sa réintégration, sans déduction des revenus qu’il a pu percevoir pendant cette période, lorsque la nullité résulte de l’atteinte portée à une liberté fondamentale constitutionnellement protégée.

A titre d’illustrations, la Cour de cassation a pu considérer que :

– Dès lors qu’il caractérise une atteinte à la liberté, garantie par la Constitution, qu’a tout homme de pouvoir défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, même s’il a reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période (Cass. soc. 2-6-2010 n° 08-43.277).

– Méconnaît la liberté fondamentale d’agir en justice l’employeur qui licencie un salarié en raison d’une action en justice introduite ou susceptible de l’être, ce qui ouvre droit à une indemnité d’éviction forfaitaire (Cass. soc. 21-11-2018 n° 17-11.122).

– La salariée dont le licenciement est nul pour discrimination liée à sa grossesse a droit au paiement d’une indemnité égale aux salaires qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration dans l’entreprise, sans déduction des revenus de remplacement perçus (Cass. soc. 29-1-2020 n° 18-21.862).

Cette jurisprudence, qui présente le caractère d’une sanction, est susceptible de s’appliquer à toutes les hypothèses dans lesquelles est en cause l’atteinte à une liberté fondamentale ou constitutionnelle.

C’est ainsi qu’elle a pu jouer en présence de licenciements notifiés pendant des faits de grève (Cass. soc. 2-2-2006 n° 03-47.481) ou en cas d’atteinte à la liberté d’expression (CA Versailles 18-6-2020 n° 18/03264).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Partager ?

« Barème Macron » : validation par la Cour de cassation

« Barème Macron » : validation par la Cour de cassation 2560 1707 sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Les décisions étaient très attendues. Dans deux arrêts du 11 mai 2022 (n° 21-14.490 et n° 21-15.247), la chambre sociale (statuant en formation plénière) de la Cour de cassation valide le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit « barème Macron. »

1/ Le contexte juridique

Depuis l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, l’indemnité allouée au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse est encadrée par des planchers et des plafonds.

Le montant de l’indemnité mise à la charge de l’employeur varie entre des montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau figurant à l’article L. 1235-3 du Code du travail.

Cette indemnité, exprimée en mois de salaire brut, dépend de l’ancienneté du salarié et du nombre de salariés dans l’entreprise (moins de 11 ou 11 et plus).

En pratique, en cas de licenciement abusif, les salariés ont perdu un potentiel d’indemnisation devant le Conseil de prud’hommes, du fait de cet encadrement légal.

A titre d’exemple, dans une entreprise de plus de 11 salariés, l’indemnité allouée au salarié de 9 ans d’ancienneté est comprise entre 3 et 9 mois de salaire brut.

Or, auparavant, le salarié pouvait prétendre à un montant minimum de 6 mois et l’indemnité n’était pas plafonnée.

Pour rappel, le « barème Macron » n’est pas applicable dans certains cas considérés comme graves (ex. nullité du licenciement en lien avec un harcèlement moral ou sexuel, en violation du statut des salariés protégés, consécutif à une mesure discriminatoire, etc.).

2/ Un dispositif décrié

Très vite, le barème « Macron » a été contesté par plusieurs Conseil de prud’hommes (ex. CPH Troyes 13-12-2018, n° 18/00036 ; CPH Lyon 21-122018, n° 18/01238 ; CPH Montpellier 17-5-2019, n° 18/00152 ; CPH de Grenoble, 22 juillet 2019, n° RG 18/00267).

D’autres Conseils de prud’hommes, au contraire, ont décidé d’appliquer le barème Macron (ex. CPH Le Mans 26-09-2018, n° 17/00538 ; CPH Paris 27-03-2019, n° 18/07046).

Les Cours d’appel ont également été partagées sur le sujet, certaines écartant le dispositif (CA Paris, 16-3-2021, n° RG 19/08721 ; CA Grenoble, 30-9-2021, n° RG 20/02512), d’autres retenant son application par principe mais pas dans tous les cas (CA Paris, 30 octobre 2019, RG n° 16/05602 ; CA Reims, 25 septembre 2019, RG n° 19/00003).

L’argumentation des adversaires du « barème Macron » consiste principalement à soutenir que les dispositions du Code du travail encadrant l’indemnité à la charge de l’employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse sont contraires :

– à l’article 10 de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), selon lequel l’indemnité versée dans ce cas doit être adéquate ou prendre toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ;

– à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui consacre le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

L’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est également invoqué par certains justiciables.

3/ La sécurisation du barème 

Le Conseil d’État a rapidement considéré que le barème Macron ne contredisait pas la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) ni la Charte sociale européenne (CE 7-12-2017, n° 415243).

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, à l’occasion de l’examen de la loi de ratification des ordonnances « Macron », a estimé le barème conforme à la Constitution (CC, décision n° 2018-761 DC du 21-03-2018).

En juillet 2019, la formation plénière de la Cour de cassation s’est réunie pour examiner deux demandes d’avis, émanant des CPH de Louviers et de Toulouse, au sujet de la conformité du barème aux conventions internationales.

Dans l’avis n°15013 du 17 juillet 2019 (le plus complet), la Cour de cassation a considéré que :

– Le barème est compatible avec l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT, compte tenu de la marge d’appréciation laissée aux États et de l’ensemble des sanctions prévues par le droit français en cas de licenciement injustifié ;

– L’article 24 de la Charte sociale européenne n’est pas d’effet direct en droit français dans un litige entre particuliers, compte tenu de la marge d’appréciation importante laissée aux États.

Les avis de la Cour de cassation (environ une dizaine par an) ne sont pas obligatoires car ils n’emportent pas autorité de la chose jugée.

L’article L. 441-3 du Code de l’organisation judiciaire dispose en effet que « l’avis rendu ne lie pas la juridiction qui a formulé la demande. »

En définitive, en dépit des tentatives visant à « sauver » le barème, le débat restait entier et c’est la raison pour laquelle les Cours d’appel en appréciaient librement l’application.

La position de la Cour de cassation, sur le fond et non plus sur avis, était donc très attendue.

4/ La position de la Cour de cassation

Dans ses arrêts du 11 mai 2022, la Cour de cassation considère que :

– Le barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n’est pas contraire à l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail.

– Le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de cette convention internationale.

– La loi française ne peut faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui n’est pas d’effet direct.

À l’appui de sa position, la Cour de cassation considère que le droit français permet une indemnisation raisonnable du licenciement injustifié.

Rappelant l’article 10 de la Convention de l’OIT relatif aux licenciements injustifiés, la Cour de cassation affirme que :

– « Cette notion de licenciement « injustifié » correspond, en droit français, au licenciement « sans cause réelle et sérieuse », mais aussi au licenciement « nul » – un licenciement est « nul » s’il est prononcé en violation d’une liberté fondamentale, en lien avec une situation de harcèlement moral ou sexuel, décidé de manière discriminatoire… 

Or, l’indemnisation des licenciements nuls n’est pas soumise au barème. 

Ainsi, le barème non seulement tient compte de l’ancienneté du salarié et de son niveau de rémunération, mais son application dépend de la gravité de la faute commise par l’employeur.  

Au regard de la marge d’appréciation laissée aux États et de l’ensemble des sanctions prévues par le droit français en cas de « licenciement injustifié », la Cour de cassation juge le barème compatible avec l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT. » (Communiqué de la Cour de cassation).

Il appartiendra désormais aux juridictions du droit communautaire et européen de se prononcer, si elles sont saisies de cette question par des justiciables.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Partager ?

Temps de déplacement des salariés itinérants : quelles contreparties ?

Temps de déplacement des salariés itinérants : quelles contreparties ? 2560 1707 sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Dans un arrêt récent (Cass. soc. 30-3-2022, n° 20-17230), la Cour de cassation a été appelée à se prononcer sur la question épineuse de l’indemnisation des temps de déplacement des salariés itinérants.

1/ Rappel des principes applicables

Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif (C. trav. art. L. 3121-4).

Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière.

La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail ne doit entraîner aucune perte de salaire.

a. Déplacements domicile / lieu habituel de travail

Le temps de trajet entre le domicile et le lieu « habituel » de travail ne constitue pas, en soi, un temps de travail effectif (Cass. soc. 13-1-2006, n° 04-45.542).

Il en résulte que ce temps n’entre pas en compte dans le calcul de la durée du travail, et n’a pas à être rémunéré ou indemnisé.

Il en va de même du trajet retour du salarié, c’est-à-dire de son lieu de travail à son domicile.

Attention : par exception, le temps de déplacement accompli lors de périodes d’astreinte fait partie intégrante de l’intervention elle-même, et doit donc être décompté et rémunéré comme du temps de travail effectif (Cass. soc. 31-10-2007, n° 06-43.834).

b. Déplacements domicile / lieu d’exécution du contrat de travail

L’article L. 3121-4 du Code du travail vise le déplacement professionnel vers un lieu qui n’est pas le lieu de travail « habituel » du salarié.

Dans un tel cas, sous réserve de dispositions conventionnelles ou d’usages plus favorables :

– Ce temps de déplacement n’entre pas dans le décompte de la durée du travail, en particulier pour l’application de la législation sur les heures supplémentaires (majorations, contingent annuel et contrepartie obligatoire en repos) ;

– Il n’a pas à être rémunéré, sauf s’il coïncide avec l’horaire de travail ;

– Dans l’hypothèse où il excède le « temps normal de trajet » entre le domicile et le lieu « habituel » de travail, seule une contrepartie sous forme de repos ou sous forme financière (ex. une indemnité de trajet) doit être prévue.

Les contreparties sont déterminées par accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par accord de branche.

À défaut d’accord, l’employeur les définit unilatéralement, après consultation du CSE (C. trav. art. L. 3121-7 et L. 3121-8).

2/ Problématiques liées aux salariés itinérants

Pour les salariés itinérants (chauffeurs, livreurs, techniciens de maintenance, etc.), qui n’ont pas de lieu de travail habituel, la question se pose de savoir ce qu’il faut entendre par « temps normal de trajet. »

Pour la Cour de cassation (Cass. soc. 22-6-2011, n° 10-12.920), le « temps normal de trajet » se détermine par référence à celui d’un travailleur type se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel.

Un arrêt du 7 mai 2008 avait précisé que le temps normal de trajet s’apprécie « dans la région concernée » (Cass. soc. 7-5-2008, n° 07-42.702).

Dans une décision plus récente, la Cour de cassation a indiqué que, pour les salariés itinérants, le temps de déplacement quotidien entre le domicile et les sites du premier et du dernier client doit faire l’objet d’une contrepartie quand il dépasse un trajet normal (Cass. soc. 30-5-2018, n° 16-20.634).

En pratique, à défaut de précisions dans la convention collective, il revient à l’employeur de définir un temps de trajet moyen entre le domicile et le lieu de travail (ex. 45 min. en Ile-de-France).

Dans son arrêt du 30 mars 2022, la Cour de cassation apporte des précisions sur la notion de « lieu habituel de travail » du salarié itinérant, considérant qu’il s’agit de son agence de rattachement :

– « La cour d’appel a, d’abord, énoncé, à bon droit, que la circonstance que certains salariés des sociétés de l’UES ne travaillent pas habituellement au sein de leur agence de rattachement ne dispense pas leur employeur de respecter à leur égard les dispositions de l’article L. 3121-4 du code du travail. »

– « Elle a, ensuite, appréciant la situation d’un salarié itinérant, défini le lieu habituel de travail comme étant le lieu où se situe son agence de rattachement si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon à ce que le temps de trajet ainsi déterminé soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d’un salarié dans la région considérée. »

Par là même, la Cour de cassation a rejeté l’argumentation de l’employeur, qui affirmait que l’agence de rattachement du salarié ne pouvait constituer son lieu de travail habituel, puisqu’il ne s’y rendait presque jamais.

En conclusion, précisons que la Cour de cassation a également approuvé la Cour d’appel ayant condamné l’application, par l’employeur, d’un système de « franchise » permettant de ne pas indemniser 2 heures de déplacement :

– « Dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve, elle a estimé que les compensations accordées par la société Sopra Steria Group étaient déconnectées de ces temps normaux de trajet, la « franchise », c’est-à-dire le temps de déplacement excédentaire non indemnisé, de près de 2 heures étant trop importante. »

Si le système de la franchise n’est pas condamné en tant que tel, il est soumis à l’appréciation des juges du fond.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

Vous avez une question en droit du travail ?
Vous recherchez une information ?
Vous souhaitez travailler avec nous ?

Partager ?

Privacy Preferences

When you visit our website, it may store information through your browser from specific services, usually in the form of cookies. Here you can change your Privacy preferences. It is worth noting that blocking some types of cookies may impact your experience on our website and the services we are able to offer.

Click to enable/disable Google Analytics tracking code.
Click to enable/disable Google Fonts.
Click to enable/disable Google Maps.
Click to enable/disable video embeds.
Nous utilisons des cookies afin de vous offrir la meilleure expérience sur notre site. En savoir plus sur notre politique de confidentialité.