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Référé prud’homal : le domaine de compétence

Référé prud’homal : le domaine de compétence 2048 2560 sancy-avocats.com

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La compétence de la formation de référé du Conseil de prud’hommes est définie aux articles R. 1455-5 et suivants du Code du travail. Ces textes étant rédigés dans des termes généraux, la jurisprudence a pour mission de déterminer leurs cas d’application.

1/ Les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend

Dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des Conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend (C. trav. art. R. 1455-5).

Selon ce texte, deux conditions cumulatives doivent être réunies :

– L’existence d’une situation d’urgence ;

– L’absence de contestation sérieuse ou l’existence d’un différend.

Cette dernière condition mérite d’être clarifiée : en présence d’un différend, des mesures de référé peuvent être prononcées en dépit de l’existence d’une contestation sérieuse.

L’analyse de la jurisprudence établit que les situations suivantes sont susceptibles de relever de la compétence du juge des référés :

– En présence de faits de harcèlement sexuel non sérieusement contestables, le juge des référés a le pouvoir d’annuler la rupture du contrat qui repose sur des faits prohibés par l’article L. 1153-2) du Code du travail (CA Paris 18-1-1996 n° 95-7026).

– Lorsque la réalité du changement d’affectation d’un salarié est établie, celui-ci ayant été privé des responsabilités qu’il exerçait auparavant, son refus d’accepter cette modification caractérise le différend et autorise le juge des référés à ordonner des mesures conservatoires de remise en état (CA Paris 22-5-1996 n° 96-3064).

– L’employeur ayant la charge de rapporter la preuve que le salarié dont il envisage la mise à la retraite anticipée remplit les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein, et cette preuve ne pouvant résulter que d’un relevé de carrière que le salarié est seul à pouvoir détenir, il existe un motif légitime d’ordonner en référé la communication de ce document à l’entreprise (Cass. soc. 13-5-2009 n° 08-41.826).

A l’inverse, la compétence du juge des référés a été écartée dans les hypothèses visées ci-dessous :

– Il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de référés de prononcer, sauf dispositions l’y autorisant, la nullité d’un contrat. Encourt donc la cassation l’arrêt statuant en matière de référé et décidant dans son dispositif qu’une transaction était nulle (Cass. soc. 14-3-2006 n° 04-48.322).

– Le juge des référés ne peut pas ordonner la délivrance d’un certificat de travail, de bulletins de paie et d’une attestation Pôle emploi, sans répondre aux conclusions de l’employeur contestant l’existence même d’un contrat de travail (Cass. soc. 9-7-2014 n° 13-16.813).

– L’imputabilité de la rupture d’un contrat de travail, à la suite de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, n’est pas du ressort de la juridiction de référé (Cass. soc. 11-5-2005 n° 03-45.228).

2/ Les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite

La formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (C. trav. art. R. 1455-6).

Les mesures susvisées n’exigent pas la constatation d’une situation d’urgence, dès lors que l’existence d’un trouble manifestement illicite et / ou d’un dommage imminent supposent nécessairement cette situation.

Ainsi, pour la Cour de cassation, même en présence d’une contestation sérieuse, le juge des référés peut prendre l’une des mesures conservatoires prévue à l’article R. 1455-6 du Code du travail (Cass. soc. 3-7-1986 n° 83-45.048).

En revanche, fort logiquement, il n’y a plus lieu à référé lorsque le trouble allégué a disparu à la date où statue le juge (Cass. soc. 26-6-1991 n° 88-17.936).

Le demandeur peut se prévaloir d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent notamment dans les situations suivantes :

– Une retenue sur salaire en raison d’une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations contractuelles constitue une sanction pécuniaire proscrite par l’article L. 1331-2 du Code du travail. Une telle mesure justifie la compétence du juge des référés prud’homal afin de faire cesser le trouble manifestement illicite qui en résulte (Cass. soc. 20-2-1991 n° 90-41.119). 

– Le refus de l’employeur de payer la contrepartie financière de la clause de non-concurrence sans reprocher au salarié aucun acte de concurrence constitue une inexécution flagrante de la clause contractuelle et caractérise un trouble manifestement illicite. Dès lors, le juge des référés est compétent pour libérer le salarié de la clause de non-concurrence et mettre fin au trouble ainsi constaté (Cass. soc. 22-2-2000 n° 98-43.005).

– L’impossibilité pour le salarié protégé dont l’autorisation administrative de licenciement est annulée d’obtenir sa réintégration constitue un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés doit mettre fin, même en présence d’une contestation sérieuse (Cass. soc. 20-4-2017 n° 15-25.401).

En sens inverse : 

– Le juge des référés n’a pas le pouvoir de trancher le fond du litige en prononçant l’annulation d’une sanction disciplinaire (Cass. soc. 23-3-1989 n° 86-40.053).

– Lorsque la nullité du licenciement n’est pas encourue, le juge des référés n’a pas le pouvoir d’ordonner l’arrêt de la procédure ni la poursuite du contrat de travail (Cass. soc. 31-3-2004 n° 01-46.960).

En conclusion, rappelons que l’article 145 du Code de procédure civile permet d’ordonner, sur requête ou en référé, les mesures d’instruction légalement admissibles, lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, est applicable en matière prud’homale.

La Cour de cassation a précisé que, lorsqu’il statue en application de l’article 145 du Code de procédure civile, le juge des référés n’est pas soumis aux conditions relatives à l’urgence ni à l’absence de contestation sérieuse (Cass. ch. mixte 7-5-1982 n° 79-11.814).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Groupe de sociétés : qui peut signer la lettre de licenciement ?

Groupe de sociétés : qui peut signer la lettre de licenciement ? 2560 1440 sancy-avocats.com

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« Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception » (C. trav. art. L. 1232-6). Cette règle pose fréquemment des difficultés dans les groupes de sociétés.

1/ Le DRH « groupe » peut procéder au licenciement des salariés des filiales

Pour la Cour de cassation, le DRH d’une société mère n’est pas une personne étrangère à la filiale et peut recevoir mandat pour procéder au licenciement d’un salarié passé au service de cette dernière (Cass. soc. 15-12-2011 n° 10-21.926).

Dans un arrêt précédent, la chambre sociale avait même considéré que le DRH d’une société mère peut recevoir mandat pour procéder à l’entretien préalable et au licenciement d’un salarié employé par l’une des filiales, sans qu’il soit nécessaire que la délégation de pouvoir soit donnée par écrit (Cass. soc. 23-09-2009 n° 07-44.200).

Au soutien de leur décision, les juges avaient retenu les motifs suivants :

– « La Cour d’appel, qui a constaté que la lettre de licenciement avait été notifiée par le directeur des ressources humaines de la société mère, laquelle était étroitement associée à la gestion de la carrière des salariés cadres de ses filiales, a légalement justifié sa décision. »

En effet, aucune disposition n’exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit, celle-ci pouvant parfaitement être tacite et découler des fonctions du salarié procédant au licenciement (Cass. ch. mixte 19-11-2010 n° 10-10.095).

Ainsi, la lettre de licenciement signée par un adjoint du responsable des ressources humaines en charge de la gestion du personnel est valable, celui-ci agissant au nom de l’employeur (Cass. soc. 28-09-2010 n° 09-41.450).

Cette jurisprudence s’applique également au licenciement du salarié d’une filiale, par le directeur général de la société mère (Cass. soc. 13-6-2018 n° 16-23.701) :

– « Mais attendu qu’ayant relevé que le salarié avait été licencié par le directeur général de la société mère qui supervisait ses activités, en sorte qu’il n’était pas une personne étrangère à la société Oxbow France, la cour d’appel en a exactement déduit que le licenciement était régulier, quand bien même aucune délégation de pouvoir n’aurait été passée par écrit. » 

Enfin, la Cour de cassation a été conduite à préciser qu’est valable la lettre de licenciement signée par l’adjoint du DAF de la holding d’un groupe destinée au salarié d’une société de ce groupe (Cass. Soc. 12-7-2016 n° 14-22.386). 

2/ Le DRH d’une filiale ne peut pas notifier son licenciement au salarié d’une autre filiale 

Dans un arrêt du 20 octobre 2021 (Cass. soc. 20-10-2021 n° 20-11485), la Cour de cassation vient de juger que la DRH d’une filiale ne peut pas licencier le directeur général (DG) d’une autre filiale où elle n’exerce pas ses fonctions de DRH.

Dans cette affaire, le DG d’une filiale avait été licencié par la DRH d’une autre filiale, mandatée par le président de la filiale qui avait engagé le salarié.

Ce dernier avait contesté le bien-fondé de son licenciement, affirmant que la DRH, signataire de la lettre, ne disposait pas du pouvoir pour la signer puisqu’elle accomplissait ses missions dans une filiale autre que celle qui était son employeur.

La Cour d’appel avait donné raison au DG, estimant que la lettre de licenciement avait été signée par une personne étrangère à l’entreprise qui ne pouvait recevoir délégation de pouvoir pour procéder au licenciement.

La Cour de cassation approuve cette solution, considérant que :

– « La finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement. »

Pour autant, les juges semblent curieusement ne pas exclure totalement que le DRH d’une filiale puisse procéder au licenciement du salarié d’une autre filiale du groupe.

En effet, l’arrêt relève qu’il n’était pas démontré que la gestion des ressources humaines de la société employant le DG relevait des fonctions de la DRH de la société de l’autre filiale, ni que cette dernière exerçait un pouvoir sur la direction de la filiale.

Dans un arrêt du 23 juin 2017, la Cour d’appel d’Aix en Provence (n° 15/066147) avait été appelée à statuer sur le sujet.

En l’espèce, la DRH d’une filiale avait reçu délégation du représentant d’une autre filiale du groupe l’autorisant à exercer sa mission de gestion du personnel sur les salariés de cette filiale.

Pour les magistrats, la DRH, qui n’était pas employée de la société mère mais d’une autre filiale, devait être considérée comme une personne étrangère à la filiale employeur du salarié. 

3/ La sanction liée au défaut de qualité du signataire

Dans un arrêt du 2 octobre 2002 (Cass. soc. 2-10-2002 n° 00-41.801), la Cour de cassation a jugé que l’irrégularité pouvant affecter la procédure de licenciement, y compris au titre du mandat donné à un tiers pour la conduire, ne peut suffire à priver de cause la décision de licencier.

Cette irrégularité de procédure ouvrait droit, pour le salarié, à une indemnité ne pouvant être supérieure à un mois de salaire (C. trav. art. L. 1235-2).

Cette jurisprudence n’est plus d’actualité, la Cour de cassation considérant désormais que l’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive cette mesure de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 30-9-2010 n° 09-40.114).

Cette solution est constamment réaffirmée depuis cette date (ex. Cass. soc. 6-7-2011 n° 09-71.494 ; Cass. soc. 25-3-2015 n° 13-23.556 ; Cass. soc. 26-4-2017 n° 15-25.204).

Dans une telle hypothèse, le salarié est éligible à une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau de l’article L. 1235-3 du Code du travail (« barème Macron »).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Indemnité de non-concurrence : pas de réduction par le juge

Indemnité de non-concurrence : pas de réduction par le juge 2560 1707 sancy-avocats.com

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Le juge peut-il réduire le montant de la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence ? Non, répond la Cour de cassation dans un arrêt du 13 octobre 2021 (Cass. soc. 13-10-2021 n° 20-12059). Cette décision contraste avec la jurisprudence relative à la nullité des clauses prévoyant une indemnité de non-concurrence dérisoire. 

1/ L’indemnité de non-concurrence ne doit pas être dérisoire

Depuis un important arrêt du 10 juillet 2002, la clause de non-concurrence du contrat de travail ne prévoyant pas de contrepartie financière est nulle (Cass. soc. 10-07-2002 n° 00-45.135) :

– « Attendu qu’une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives. »

Postérieurement, la Cour de cassation a été conduite à préciser que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence doit être suffisante.

Ainsi, une contrepartie financière « dérisoire » équivaut à une absence de contrepartie (Cass. soc. 15-11-2006 n° 04-46.721).

Dans cet arrêt, la clause était d’une durée de deux ans et la contrepartie représentait, au total, l’équivalent d’un 10ème de la rémunération (soit 2,4 mois).

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé, pour sa part, que dès lors que la contrepartie financière fixée au contrat de travail est supérieure au minimum imposé par la convention collective applicable, elle ne peut en aucun cas être considéré comme dérisoire et que la clause de non-concurrence est donc valable (CA Aix-en-Provence 23-5-2014 n° 12/18274).

En dehors de ces règles de principe, il n’existe pas de montant minimum applicable d’une manière générale.

Le montant de l’indemnité de non-concurrence dépend principalement de la contrainte que fait peser la clause sur le salarié (par rapport au secteur géographique, à la durée de la clause, aux activités interdites,…).

En présence d’une contrepartie financière dérisoire, le juge ne peut pas substituer son appréciation à celle fixée par les parties et, après avoir décidé de l’annulation de la clause, accorder au salarié la contrepartie qu’il estime justifiée (Cass. soc. 16-5-2012 n° 11-10.760).

En revanche, la stipulation, dans le contrat de travail, d’une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue (Cass. soc. 1-2-2011, n° 09-40.542).

La question se pose en des termes différents en présence d’une indemnité de non-concurrence que l’employeur estime trop importante.

2/ L’indemnité de non-concurrence n’est jamais excessive 

Dans son arrêt du 13 octobre 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence n’est pas une clause pénale, dans la mesure où :

– Elle a la nature d’une indemnité compensatrice de salaire stipulée en conséquence de l’engagement du salarié de ne pas exercer, après la cessation du contrat de travail, d’activité concurrente à celle de son ancien employeur ;

– Elle ne constitue pas une indemnité forfaitaire prévue en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle.

En l’espèce, un ingénieur développement avait démissionné de son poste le 21 mars 2016, saisissant ensuite le Conseil de prud’hommes pour obtenir le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence prévue à son contrat de travail.

Le Conseil des prud’hommes avait accédé à sa demande tout en réduisant le montant de l’indemnité de non-concurrence.

Saisie du litige, la Cour d’appel de Toulouse (6 décembre 2019, n°18/01451) avait condamné l’employeur à verser au salarié la totalité de la somme prévue, soit 79.968 € bruts.

Dans son pourvoi, l’employeur soutenait que la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence « est bien une clause pénale que le juge a la faculté de modérer ou d’augmenter. »

Cette argumentation n’est pas suivie par la Cour de cassation, refusant de considérer que le montant de l’indemnité de non-concurrence peut être réduit par le juge.

La Cour de cassation avait déjà statué en ces termes, jugeant que l’indemnité compensatrice étant la contrepartie de l’obligation de ne pas faire imposée au salarié, elle ne constitue pas une clause pénale susceptible d’être révisée par le juge en application de l’article 1152 du Code civil (Cass. soc. 4-7-1983 n° 80-41.906).

En conclusion, signalons que constitue au contraire une clause pénale la disposition visant à fixer forfaitairement la somme qui sera due à l’employeur en cas de violation de l’obligation de non-concurrence.

En effet, comme le juge la Cour de cassation, l’indemnité contractuellement convenue en cas de non-respect de la clause de non-concurrence, étant une clause pénale, peut être réduite par le juge en application de l’article 1152, alinéa 2, du Code civil (Cass. soc. 3-5-1989 n° 86-41.634).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Convention de forfait-jours : le suivi est indispensable

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Dans un arrêt du 13 octobre 2021 (n° 19-20.561), la Cour de cassation rappelle que toute convention de forfait-jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

1/ les conditions de validité de la convention de forfait-jours

La mise en place de conventions individuelles de forfait (en heures ou en jours) sur l’année implique la conclusion d’un accord d’entreprise ou, à défaut, de branche, qui détermine (C. trav. art. L. 3121-63 et L. 3121-64) :

– Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ;

– La période de référence du forfait, qui peut être l’année civile ou toute autre période de 12 mois consécutifs ;

– Le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de 218 jours s’agissant du forfait-jours ;

– Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;

– Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait.

Par ailleurs, la forfaitisation de la durée du travail doit toujours faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit (dans le contrat de travail ou un avenant) (C. trav. art. L. 3121-55) :

Concernant plus spécifiquement les conventions de forfait-jours, l’accord d’entreprise où l’accord de branche doit déterminer les modalités selon lesquelles :

– L’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;

– L’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;

– Le salarié peut exercer son droit à la déconnexion des outils numériques.

Enfin, à défaut de stipulations conventionnelles relatives aux modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail du salarié, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue si (C. trav. art. L. 3121-65, I-1° et 2°) :

–  L’employeur établit un document de contrôle mentionnant la date et le nombre de journées ou demi-journées travaillées (ce document peut être établi par le salarié sous sa responsabilité) ;

–  L’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

– L’employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail (qui doit être raisonnable), l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

2/ La nullité du forfait-jours en l’absence de suivi de la convention

Dans un arrêt du 29 juin 2011 (Cass. soc. 29-6-2011 n° 09-71.107), la Cour de cassation a jugé que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

De nombreux accords d’entreprise ou de branche ont ainsi été invalidés au motif qu’ils n’offraient pas, sur ce point, de garanties suffisantes aux salariés.

La loi « Travail » n° 2016-1088 du 8 août 2016 a procédé à la sécurisation juridique des conventions individuelles de forfait, prévoyant que l’insuffisance de l’accord collectif peut être supplée par l’employeur (cf. § 1 ci-dessus).

À ce jour, les modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail du salarié sont déterminées soit par un accord d’entreprise ou de branche, soit par l’employeur.

Dans les deux cas, la convention de forfait jours doit faire l’objet d’un suivi concret et effectif.

Ainsi, un accord collectif organisant le recours aux forfaits en jours sans prévoir de suivi effectif et régulier du temps de travail du salarié par la hiérarchie, permettant de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable de travail, est inopposable aux salariés (Cass. soc. 5-10-2017 n° 16-23.106).

Le suivi de la convention peut consister dans la mise en place d’un système auto-déclaratif, à condition qu’un contrôle effectif soit opéré par le supérieur hiérarchique du salarié sur le document relatif à ses jours et à sa charge de travail (Cass. soc. 17-12-2014 n° 13-22.890).

Dans l’arrêt du 13 octobre 2021, un cadre bancaire avait signé une convention de forfait-jours le 29 juin 2006, en application de la convention collective nationale du Crédit agricole.

Le salarié avait démissionné le 11 avril 2016, puis avait saisi le Conseil de prud’hommes, sollicitant la requalification de sa démission en prise d’acte aux torts de son employeur et la nullité de sa convention de forfait en jours.

Le 5 juin 2019, la Cour d’appel de Poitiers a débouté le salarié de ses demandes, relevant que la convention de forfait-jours signée entre les parties prévoyait notamment qu’en cas de situation durable d’amplitude journalière forte de travail, un point serait fait avec la hiérarchie pour rechercher des moyens d’y remédier.

La Cour de cassation a censuré cette analyse, s’attachant non aux stipulations de la convention individuelle de forfait mais aux dispositions de la convention collective.

En l’occurrence, celle-ci prévoyait que :

– Le nombre de jours travaillés dans l’année était d’au plus 205 jours pour un droit complet à congés payés ;

– Un suivi hebdomadaire s’assurait du le respect des règles légales et conventionnelles en matière de temps de travail, notamment le respect du repos quotidien de 11 heures ;

– Un bilan annuel permettait d’effectuer le contrôle des jours travaillés et des jours de repos.

Or, pour la Cour de cassation, la convention collective n’instituait pas un suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.

Dès lors, les dispositions conventionnelles n’étaient pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer que le travail du salarié fasse l’objet d’une bonne répartition dans le temps.

Pour ces motifs, la convention de forfait-jours a été annulée.

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Forfait mobilités durables : comment le mettre en œuvre ?

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L’employeur peut acquitter, sous la forme d’un « forfait mobilités durables », tout ou partie des frais engagés par ses salariés pour les trajets domicile-travail au moyen d’un mode de transport alternatif. Ce dispositif est très avantageux.

1/ Conditions d’application 

L’article L. 3261-3-1 du Code du travail prévoit que l’employeur peut prendre en charge, dans les conditions prévues pour les frais de carburant, tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail grâce aux modes de transport suivants : 

– Le vélo, avec ou sans assistance électrique ;

– Le covoiturage en tant que conducteur ou passager ;

– Les transports publics de personnes (autres que ceux concernés par la prise en charge obligatoire des frais d’abonnement) ;

– L’engin de déplacement personnel motorisé ou non ;

– Les autres services de mobilité partagée.

Créé par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, le dispositif a pour but d’encourager le recours à un mode de déplacement alternatif à la voiture.

Le forfait mobilités durables concerne tous les employeurs du secteur privé et bénéficie à tous les travailleurs : salariés en CDI ou CDD, intérimaires, apprentis, stagiaires, salariés à temps partiels, salariés exerçant sur plusieurs lieux de travail.

Bien entendu, lorsque l’employeur prend en charge des frais engagés par le salarié dans le cadre du forfait mobilités durables, il doit en faire bénéficier, selon les mêmes modalités, tous les salariés remplissant les conditions d’éligibilité.

S’agissant des salariés à temps partiel, le Code du travail prévoit que si celui-ci est employé pour un nombre d’heures inférieur à la moitié de la durée du travail à temps complet, il bénéficie d’une prise en charge calculée à due proportion du nombre d’heures travaillées par rapport à la moitié de la durée du travail à temps complet (C. trav. art. R. 3261-14).

2/ Montant et cumul

Le forfait mobilités durables est exonéré d’impôt sur le revenu et de toute cotisation et contribution d’origine légale ou conventionnelle dans la limite de 500 € par salarié et par an (c. séc. soc. art. L. 136-1-1, III, 4e, e ; CGI art. 81,19 ter, b).

Il est cumulable avec la prise en charge obligatoire des frais de transports publics ou de services publics de location de vélos.

Cependant, l’avantage résultant du cumul de ces deux prises en charge n’est exonéré d’impôt et de cotisations sociales que dans la limite (par salarié) de 600 € par an ou du montant de la prise en charge obligatoire des frais de transports publics si elle excède ce montant (loi 2021-1104 du 22-8-2021, art. 128 ; CGI art. 81,19 ter, b modifié).

Le forfait mobilités durables prend la forme d’une allocation forfaitaire qui est versée sous condition de son utilisation effective conformément à son objet.

Cette condition est réputée remplie si l’employeur recueille, pour chaque année civile, auprès des salariés bénéficiant de ce forfait, un justificatif de paiement ou une attestation sur l’honneur relatifs à l’utilisation effective d’un ou de plusieurs des modes de transport inclus dans ce forfait (C. trav. art. R. 3261-13-2).

3/ Mise en place dans l’entreprise

Le montant, les modalités et les critères d’attribution de la prise en charge des frais sous forme d’un forfait mobilités durables sont déterminés par accord d’entreprise ou inter-entreprises ou, à défaut, par accord de branche (C. trav. L. 3261-4).

En l’absence d’accord, l’employeur peut prévoir la prise en charge des frais exposés dans le cadre du forfait mobilités durables par décision unilatérale, après consultation du CSE s’il existe.

Les partenaires sociaux ou, à défaut, l’employeur, définissent librement les modalités de prise en charge du forfait mobilités durables.

Comme l’a indiqué le Ministère de la Transition écologique, ces modalités sont naturellement différentes selon le mode de transport concerné :

– Pour le vélo ou le vélo assistance électrique :

  • Un montant forfaitaire conditionné à une pratique du vélo ;
  • Un montant forfaitaire par kilomètre parcouru (chaque salarié aura donc un forfait différent

selon le nombre de kilomètres réalisés) ou par nombre de jours de pratique ;

  • Une participation aux dépenses réelles (achat ou location de vélos, achat d’accessoires de sécurité, frais d’entretien et de réparation, etc.) ;

– Pour le covoiturage :

  • Un montant forfaitaire conditionné à une pratique du covoiturage ;
  • Une prise en charge des frais engagés dans le cadre du partage des frais entre le conducteur

et les passagers ;

– Pour les engins de déplacement personnels en location ou libre-service :

  • Une prise en charge des frais de location.

– Pour les véhicules en autopartage :

  • Une prise en charge des frais de location.

– Pour les transports en commun :

  • Participation à l’achat des titres de transports, hors abonnement.

4/ Exemples de clauses d’accords d’entreprises

Le contenu de l’accord d’entreprise visant à mettre en place le forfait mobilités durables dépendant de la négociation entre l’employeur et les organisations syndicales (ou le CSE voire les salariés).

Voici quelques exemples de dispositions pouvant être incluses dans ce type d’accords :

Sur les bénéficiaires :

« Tous les salariés de l’entreprise, ayant plus de 6 mois d’ancienneté, quel que soit leur contrat de travail (CDI, CDD, contrat d’apprentissage ou de professionnalisation) en bénéficient, à l’exception de ceux disposant d’un véhicule de fonction, ainsi que de ceux dont le départ de la société est prévu dans les 3 mois suivant la dépense, lorsqu’il s’agit d’achat d’un vélo ou d’une trottinette.

Les salariés à temps partiel avec une durée du travail supérieure à 50% bénéficient du Forfait Mobilités Durables à hauteur du même montant que les salariés à temps plein. Les salariés à temps partiel avec une durée du travail inférieure ou égale à 50% bénéficieront d’une prise en charge proratisée. »

Sur les conditions d’attribution :

« Le mode de transport donnant lieu au versement du forfait mobilités durables est le vélo personnel, soit mécanique soit à assistance électrique.

Les trajets éligibles dans le cadre de cet accord concernent uniquement ceux effectués les jours de présence sur le lieu de travail habituel. Ils correspondent à la distance la plus courte entre la résidence habituelle du salarié et le lieu de travail du salarié.

Ce forfait n’est cumulable ni avec la prise en charge obligatoire de 50% du titre de transport par l’employeur ni avec la participation de 50% au stationnement sur la voie publique. »

Sur le montant :

« L’ensemble des salariés entrant dans le champ d’application du présent accord bénéficie d’un forfait mobilités durables annuel de 300 €.

Conformément aux dispositions de l’article R. 3261-14 du code du travail, un salarié à temps partiel pour un nombre d’heures égal ou supérieur à la moitié de la durée du travail à temps complet bénéficie du même montant de forfait qu’un salarié à temps complet. Le salarié à temps partiel, employé pour un nombre d’heures inférieur à la moitié de la durée du travail à temps complet bénéficie d’une prise en charge calculée à due proportion du nombre d’heures travaillées par rapport à la moitié de la durée du travail à temps complet.

Aucun prorata ne sera calculé pour réduire ce montant en fonction des absences, quel qu’en soit le motif.

Le versement de ce forfait est exonéré d’impôt sur le revenu, de cotisations de sécurité sociale et de CGS/CRDS. »

Sur les modalités de versement :

« Pour l’ouverture de ses droits au forfait mobilités durables, le salarié doit remettre chaque année, à l’employeur, un justificatif de paiement et/ou une attestation sur l’honneur relatifs à l’utilisation effective d’un ou plusieurs des moyens de déplacement susvisés.

L’allocation forfaitaire est versée mensuellement avec le bulletin de salaire sous réserve du respect des modalités de prise en charge et dans la limite de 500 euros par an.

En cas d’absence du salarié, le versement du forfait reste dû tant qu’au moins un trajet domicile-lieu de travail a été effectué dans le mois. Dans le cas contraire, il est suspendu. »

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Le prêt de main d’œuvre : itinéraire d’un assouplissement

Le prêt de main d’œuvre : itinéraire d’un assouplissement 2560 1707 sancy-avocats.com

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Longtemps considéré comme une pratique illicite, le prêt de main d’œuvre ne cesse de s’étendre, au fur et à mesure de réformes successives. Si le marchandage reste interdit, nombreuses sont les hypothèses où le prêt de salarié est autorisé.

1/ Le principe : l’interdiction du prêt de main d’œuvre à titre lucratif 

L’article L. 8241-1 du Code du travail pose pour principe que « toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite. »

Est ainsi visée l’interdiction de la pratique, occasionnelle ou non, consistant dans la location de main d’œuvre à titre exclusif et onéreux.

A titre d’exemple, caractérise le but lucratif du prêt de main-d’œuvre la Cour d’appel ayant relevé que le travail effectué par les salariés de la société était facturé à une autre entreprise en fonction du « temps passé » (Cass. crim. 16-5-2000, n° 99-85.485).

Les opérations à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre sont prohibées, y compris entre des sociétés fonctionnant comme une entité unique (Cass. crim. 9-9-2020 n° 18-82.746).

A l’inverse, selon le dernier alinéa de l’article L. 8241-1, une opération de prêt de main-d’œuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.

Sont donc autorisées les conventions tripartites selon lesquelles le salarié une entreprise sera mise à la disposition d’une autre entreprise pendant une durée déterminée, moyennant une refacturation « à l’euro l’euro » (cf. § 2 ci-dessous).

Par ailleurs, par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 8241-1, une entreprise peut mettre à disposition de manière temporaire ses salariés auprès d’une jeune ou d’une petite ou moyenne entreprise, afin de lui permettre d’améliorer la qualification de sa main-d’œuvre, de favoriser les transitions professionnelles ou de constituer un partenariat d’affaires ou d’intérêt commun (C. trav. art. L. 8241-3, I, al. 1.).

Ce dispositif a pour objectif de faciliter le prêt de main-d’œuvre entre une grande entreprise et une start-up ou une PME.

Enfin, l’interdiction de la location de main d’œuvre à titre lucratif ne s’applique pas aux opérations réalisées dans le cadre (C. trav. art. L. 8241-1, al. 2) :

– Des dispositions du Code du travail relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins ;

– Des dispositions de l’article L. 222-3 du Code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives ;

– Des dispositions du Code du travail relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs.

Dans la mesure où l’interdiction du prêt de main d’œuvre à titre lucratif ne vise que les opérations effectuées à titre exclusif, le prêt de salarié, même onéreux, est autorisé à l’occasion d’opérations plus vastes telles que la sous-traitance.

Parallèlement à l’interdiction du prêt de main d’œuvre à titre lucratif, le Code du travail prohibe le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail (C. trav. art. L. 8231-1).

A la différence du prêt de salarié à titre lucratif, le marchandage n’implique pas que l’opération prohibée portant sur la main-d’œuvre ait un caractère exclusif (Cass. soc. 17-9-2008 n° 07-42.292).

A titre d’exemple, constitue un délit de marchandage la mise à disposition de salariés, dès lors (Cass. crim. 25-4-1989 n° 88-84.222) :

– que ceux-ci relèvent de la seule subordination juridique et technique des entreprises utilisatrices, agissant comme véritables employeurs ;

– que la société sous-traitante est rémunérée par les sociétés utilisatrices en fonction, non des travaux effectués par elle, mais des heures de travail accomplies par les salariés ;

– qu’elle a eu pour effet de causer un préjudice aux salariés intéressés (salaires inférieurs au minimum conventionnel, absence de droit au repos compensateur,…).

2/ L’exception : l’autorisation du prêt de main d’œuvre à titre non lucratif

Selon l’article L. 8241-2, al. 1 du Code du travail, les opérations de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif sont autorisées.

Une opération de prêt de main-d’œuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.

Ainsi, une Cour d’appel constatant que la société prêteuse justifiait avoir facturé à la société utilisatrice au titre de la salariée, qui exerçait des activités identiques de secrétariat sous la dépendance des mêmes supérieurs hiérarchiques, 3/8e de son salaire pour un prêt de personnel à 3/8e de temps sans en retirer de profit, en déduit exactement que l’opération n’avait pas un but lucratif (Cass. soc. 29-10-2008 n° 07-42.379).

Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert (C. trav. art. L 8241-2, al. 3 à 6) :

– L’accord du salarié concerné ;

– Une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice, qui en définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse ;

– Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.

L’entreprise prêteuse et le salarié peuvent convenir que le prêt de main-d’œuvre sera soumis à une période probatoire au cours de laquelle il peut y être mis fin à la demande de l’une des parties.

Cette période probatoire est d’ailleurs obligatoire lorsque le prêt de main-d’œuvre entraîne la modification d’un élément essentiel du contrat de travail (C. trav. art. L. 8241-2, al. 15).

La cessation du prêt de main-d’œuvre à l’initiative de l’une des parties avant la fin de la période probatoire ne peut, sauf faute grave du salarié, constituer un motif de sanction ou de licenciement.

Dans un souci de protection des travailleurs, le législateur offre des prérogatives aux représentants du personnel en matière de prêt de main d’œuvre.

En particulier :

– Le CSE de l’entreprise prêteuse est consulté préalablement à la mise en œuvre d’un prêt de main-d’œuvre et informé des différentes conventions signées (C. trav. art. L. 8241-2, al. 12).

– Le CSE de l’entreprise utilisatrice est informé et consulté préalablement à l’accueil de salariés mis à la disposition de celle-ci dans le cadre de prêts de main-d’œuvre (C. trav. art. L. 8241-2, al. 14).

Pendant la période de prêt de main-d’œuvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l’entreprise prêteuse n’est ni rompu ni suspendu.

Le salarié continue donc d’appartenir au personnel de l’entreprise prêteuse ; il conserve le bénéfice de l’ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s’il avait exécuté son travail dans l’entreprise prêteuse.

De même, la mise à disposition ne peut affecter la protection dont jouit le salarié en vertu d’un mandat représentatif (C. trav. art. L. 8241-2, al. 10).

Les salariés mis à disposition ont accès aux installations et moyens de transport collectif dont bénéficient les salariés de l’entreprise utilisatrice (C. trav. art. L. 8241-2, al. 8).

À l’issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail ou un poste équivalent dans l’entreprise prêteuse sans que l’évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt (C. trav. art. L. 8241-2, al. 7).

Dans le contexte de la crise sanitaire liée au Covid-19, la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 a voulu faciliter le recours au prêt main d’œuvre, en prévoyant notamment les mesures suivantes :

– Une même convention peut porter sur la mise à disposition de plusieurs salariés ;

– L’avenant au contrat de travail signé avec chaque salarié mis à disposition peut se contenter de définir un volume horaire hebdomadaire et non des horaires précis ;

– L’information / consultation des CSE de l’entreprise prêteuse et de l’entreprise utilisatrice peuvent avoir lieu a posteriori et non plus en amont.

La loi a même prévu que la condition d’un but non lucratif est réputée remplie lorsque l’intérêt de l’entreprise utilisatrice le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19 et qu’elle relève de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique.

La loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 a prolongé ce dispositif de souplesse jusqu’au 30 septembre 2021.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Le burn-out : maladie professionnelle ?

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Le burn-out est généralement défini comme un syndrome d’épuisement physique, émotionnel et mental lié à une dégradation du rapport d’un salarié à son travail. Ce trouble psychosocial peut, sous certaines conditions, être reconnu comme une maladie professionnelle.

1/ Un syndrome non désigné dans les tableaux règlementaires 

Par principe, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau (CSS art. L. 461-1, al. 2).

Ainsi, les maladies pouvant être prises en charge au titre de la législation professionnelle sont énumérées dans des tableaux numérotés, créés par des décrets en Conseil d’Etat.

Il existe 3 catégories de tableaux selon la nature des maladies :

– Les maladies présentant des manifestations morbides d’intoxication aiguë ou chronique (CSS art. L. 461-2, al. 1) ;

– Les infections microbiennes (CSS art. L. 461-2, al. 2) ;

– Les affections résultant d’une ambiance ou d’attitudes particulières (CSS art. L. 461-2, al. 3).

Pour être prise en charge au titre de maladie professionnelle, l’affection dont est atteint le salarié doit être expressément mentionnée dans un tableau.

Or, le burn-out ne figure dans aucun tableau de maladies professionnelles.

Pour autant, ce syndrome d’épuisement professionnel peut, dans certains cas particuliers, être reconnu comme une maladie professionnelle.

En effet, le Code de la sécurité sociale prévoit que l’origine professionnelle d’une maladie peut, le cas échéant, être reconnue par la CPAM, à l’issue d’une procédure fondée sur une expertise individuelle :

– même si la victime ne remplit pas les conditions fixées par les tableaux visés ci-dessus ;

ou si son affection ne figure dans aucun tableau.

La reconnaissance du burn-out au titre d’une maladie professionnelle peut intervenir dans la seconde hypothèse, après une expertise individuelle.

2/ Un syndrome pouvant être qualifié de maladie professionnelle sur expertise individuelle

Peut être reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles (CSS art. L. 461-1, al. 4 et R. 461-8) :

– lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime ;

– et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux au moins égal à 25 %.

Ces dispositions de droit commun sont applicables aux affections psychologiques, dont le syndrome d’épuisement professionnel.

La loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi a amélioré la reconnaissance du caractère professionnel des pathologies psychiques en inscrivant, au niveau législatif, la possibilité de reconnaître ces pathologies en tant que maladies professionnelles, sur la base d’une expertise individuelle effectuée par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Les comités peuvent s’entourer de « tout avis médical ou technique » qu’ils estiment nécessaire à l’instruction du dossier.

En application de la loi, le décret n° 2016-756 du 7 juin 2016 prévoit, s’agissant des affections psychiques, que le comité fait appel à l’avis d’un médecin spécialiste ou compétent en psychiatrie chaque fois qu’il l’estime utile.

Ces dispositions ont permis aux salariés de faire reconnaître plus aisément le burn-out comme maladie professionnelle.

Ainsi, selon l’Assurance-maladie (Accidents du travail et maladies professionnelles en entreprise : quel bilan 2019 ? – 20/10/2020) :

– « Les troubles psychosociaux (dépressions, burn out…) continuent leur hausse, qu’ils soient reconnus en maladie professionnelle (+ 6 %) ou en accident du travail (+ 20 000 cas). En cause : le mal être au travail ou l’agression d’un salarié en contact avec le public. »

La jurisprudence fournit des exemples de situation d’épuisement professionnel ayant été reconnues au titre d’une maladie professionnelle, voire d’un accident du travail :

CA Paris, Pôle 6 – chambre 13, 14 mai 2021 (n° 18/10518) :

– « Le 13 février 2015 Mme X a formé une demande de reconnaissance du caractère professionnel d’un syndrome dépressif. Suite à l’avis favorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Paris en date du 13 avril 2016, la caisse a reconnu le caractère professionnel de cette dépression. »

CA Paris, Pôle 6 – chambre 13, 8 janvier 2021 (n° 18/04145) :

– « Il résulte de ce qui précède que la caisse établit, autrement que par les affirmations de l’assuré, que M. Y a été victime d’une altération brutale de son état psychique, présentant un burn out aigu, survenu aux temps et lieu de travail, faisant immédiatement suite à un entretien de nature disciplinaire auquel il avait été convoqué par son employeur. »

Cour d’appel de Versailles, 15e chambre, 29 avril 2020 (n° 17/05960) :

– « Mme X a été placée en arrêt de travail le 19 mai 2014, prolongé jusqu’à la déclaration d’inaptitude du 26 juin 2019, en raison d’un burn out, ou épuisement professionnel, reconnu comme maladie professionnelle par la CPAM en octobre 2015. »

En conclusion, rappelons que, lorsque le salarié est atteint d’une maladie non mentionnée dans un tableau, la caisse primaire (CPAM) ne peut reconnaître l’origine professionnelle de la maladie qu’après avoir recueilli l’avis d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Ce comité, composé d’experts médicaux, a pour mission de statuer sur le lien de causalité entre la maladie et le travail habituel de la victime.

Son avis se fonde sur un dossier préalablement constitué par la CPAM et s’impose à cette dernière.

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Pass sanitaire : la procédure de suspension du contrat de travail en pratique

Pass sanitaire : la procédure de suspension du contrat de travail en pratique 1707 2560 sancy-avocats.com

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La loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a prévu une procédure de suspension du contrat de travail relative aux salariés devant détenir un pass sanitaire valable et dans l’incapacité de le présenter au 30 août 2021. Quelle procédure appliquer en pratique ? 

1/ Rappel des dispositions légales

À compter du 30 août 2021, les salariés des entreprises de transport public de longue distance et des établissements recevant du public doivent détenir un pass sanitaire.

Pour les salariés de moins de 18 ans, cette obligation s’impose à compter du 30 septembre 2021.

De même, les salariés, bénévoles, prestataires, intérimaires, sous-traitants qui interviennent dans les établissements où le pass sanitaire est demandé aux usagers sont concernés par l’obligation de le présenter, sauf lorsque leur activité se déroule :

– dans des espaces non accessibles au public ;

– en dehors des horaires d’ouverture au public.

Le pass sanitaire consiste en la présentation numérique ou papier d’une preuve sanitaire, parmi les trois suivantes :

– Le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid‑19 ;

– Un justificatif de statut vaccinal concernant la Covid‑19 ;

– Un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid‑19.

La loi prévoit aussi la possibilité de présenter un document spécifique en cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination.

Si le salarié en CDI ou en CDD n’est pas en mesure ou refuse de présenter un pass sanitaire valable, deux solutions sont envisageables :

– Soit le salarié choisit d’utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels (JRTT, congés familiaux,…) et / ou des jours de congés payés pour couvrir la période pendant laquelle il ne peut pas travailler ;

– Soit l’employeur lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de son contrat de travail.

Cette suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis.

Lorsque la situation se prolonge au-delà d’une durée équivalente à 3 jours travaillés, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation.

Pour davantage d’informations sur le sujet : Pass sanitaire : les conséquences pour les salariés.

2/ Formalisme à appliquer

Aucune disposition particulière n’est prévue par la loi s’agissant du formalisme que doit respecter l’employeur lorsqu’un salarié se présente sans pass sanitaire valable.

Pourtant, il est essentiel de mettre en place des procédures écrites et précises, afin d’éviter toute contestation.

a. La pose des congés payés

En premier lieu, si l’employeur l’accepte, le salarié peut poser des jours de congés payés ou d’autres jours de repos conventionnels afin de ne pas perdre de rémunération durant la période pendant laquelle il ne peut pas travailler.

En ce cas, il est nécessaire que l’employeur vérifie le solde du compteur de congés payés du salarié, sauf à lui accorder des congés par anticipation.

Sur le plan formel, il est conseillé de conclure avec le salarié une convention prévoyant les dispositions suivantes :

– Rappel que le salarié a l’obligation de détenir un pass sanitaire afin d’accéder à aux locaux de l’entreprise ;

– Indication selon laquelle le salarié a refusé ou a été dans l’incapacité de présenter un pass sanitaire valable ;

– Précisions sur les dates de congés et la nature des congés posés par le salarié ;

– Rappel que son compteur de congés payés sera déduit du nombre de jours correspondant ;

– Rappel qu’à l’issue de ses congés, le salarié retrouvera son poste de travail à condition de présenter un pass sanitaire valable et qu’à défaut, il se verra notifier, le jour même, la suspension de son contrat de travail.

La convention doit évidemment être signée par les deux parties.

b. La notification de la suspension du contrat de travail

Cette formalité intervient lorsque le salarié se présente à son poste sans pass sanitaire valable, qu’il ait utilisé ou non, précédemment, des jours de congés (cf. § a. ci-dessus).

Il est rappelé que l’employeur à l’obligation légale de suspendre le contrat de travail jusqu’à ce que le salarié régularise sa situation.

Afin d’éviter toute contestation, il est vivement conseillé de notifier la suspension du contrat de travail par lettre remise en mains propres contre décharge ou par lettre recommandée avec AR, si le salarié refuse la remise de la lettre.

Dans ce dernier cas, l’employeur a intérêt à notifier la suspension du contrat de travail verbalement, devant un témoin, et de rappeler dans sa lettre recommandée que le salarié a refusé la remise de la lettre en mains propres.

Bien entendu, la lettre doit rappeler la date à laquelle le contrat de travail est suspendu.

Il est également conseillé de prévoir :

– Que la suspension du contrat de travail s’accompagne de l’interruption du versement du salaire et prendra fin dès que le salarié produira les justificatifs requis ;

– Qu’aucun congé payé ni droit légal ou conventionnel lié à la notion de travail effectif ne pourra être généré durant cette période ;

– Que, si la situation se prolonge au-delà de 3 jours travaillés, l’employeur devra convoquer le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation.

c. La convocation à l’entretien destiné à examiner les moyens de régulariser la situation du salarié

Comme le ministère du Travail l’a précisé :

– « Aucune disposition particulière n’est prévue s’agissant des modalités de convocation du salarié à l’entretien ayant pour objet d’examiner les moyens de régulariser sa situation. Pour autant, un certain formalisme pourra utilement être respecté afin de limiter toute contestation de forme en convoquant le salarié suspendu par tout moyen conférant date certaine à cette convocation. »

Par ailleurs, le ministère recommande de réaliser l’entretien en présentiel, dans un lieu non soumis à l’obligation de présentation du pass sanitaire ou, à défaut, à distance en visio-conférence.

Formellement, la convocation peut être envoyée par lettre recommandée avec AR et contenir les mentions suivantes :

– Rappel que le salarié a l’obligation de présenter un pass sanitaire valable afin d’accéder à aux locaux de l’entreprise ;

– Rappel que, depuis une période correspondant à 3 jours normalement travaillés, il est dans l’incapacité de présenter un pass sanitaire valable ;

– Objet de l’entretien : examen des moyens de régulariser la situation du salarié ;

– Date, heure et lieu de l’entretien. En cas d’entretien en visio-conférence, prévoir d’envoyer au salarié les informations de connexion.

– Rappel que la loi ne permet pas au salarié d’être assisté lors de l’entretien (l’employeur peut cependant en décider autrement).

Il n’existe pas de délai légal entre la présentation de la convocation par La Poste et la tenue de l’entretien. Il est recommandé de laisser s’écouler un délai de 5 jours ouvrables.

d. Le compte-rendu de l’entretien

Comme le ministère du Travail l’a justement indiqué : « il est recommandé de retracer par écrit le déroulé de l’entretien et les éventuelles décisions qui seraient arrêtées à son issue. »

Le compte-rendu de l’entretien peut être envoyé au salarié par lettre recommandée avec AR, étant précisé que l’employeur ne doit respecter aucun délai particulier entre la tenue de l’entretien et l’envoi du compte-rendu.

Bien entendu, les termes du compte-rendu dépendent de la teneur de la réunion et des échanges entre les parties.

A titre d’exemple, les points suivants peuvent être utilement abordés ou récapitulés :

– Rappel de l’objet de l’entretien ;

– Rappel que la suspension du contrat de travail s’accompagne de l’interruption du versement du salaire et ne permet pas d’acquérir des congés payés ou tout autre droit légal ou conventionnel lié à la notion de travail effectif ;

– Invitation du salarié à détenir un pass sanitaire valable afin de régulariser sa situation (cf. § 1. ci-dessus) ;

– Invitation du salarié à s’informer sur la Covid-19 et l’importance du pass sanitaire (ex. https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus) ;

– Constat selon lequel il est impossible de repositionner le salarié sur un autre poste non soumis à l’obligation du pass sanitaire ;

– A l’inverse, affectation temporaire du salarié à un poste non soumis à cette obligation (un avenant devant alors être conclu) ;

– Instauration du télétravail jusqu’à la régularisation de la situation du salarié ;

– Etc. 

3/ Cas particuliers

Les exemples proposés ci-dessus ne sont listés qu’à titre indicatif et l’employeur doit toujours être vigilant, notamment en présence de cas particuliers.

A titre d’illustration, pour les représentants du personnel, le ministère du Travail a précisé :

– « La suspension du contrat de travail d’un représentant du personnel est sans effet sur ses mandats. Il peut continuer à les exercer. Pour concilier la liberté syndicale et le respect des obligations prévues par la loi, l’employeur peut aménager les modalités d’exercice du dialogue social, notamment en facilitant les échanges à distance. »

Par ailleurs, le contrat de travail du salarié (protégé ou non) ne peut être suspendu que si l’exercice de son activité professionnelle est rendu impossible.

Comme le ministère du Travail l’a indiqué :

– « le salarié est soumis à l’obligation vaccinale ou la production du pass sanitaire uniquement pour des lieux ou activités relevant du champ défini par la loi. La suspension du contrat de travail du salarié refusant de produire ses justificatifs ne vaut que pour les lieux pour lesquels ses justificatifs sont exigés, au prorata du temps de travail que le salarié aurait dû effectuer dans ces lieux. »

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Faute inexcusable de l’employeur : le régime de droit

Faute inexcusable de l’employeur : le régime de droit 1706 2560 sancy-avocats.com

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Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit peuvent prétendre à une indemnisation complémentaire. La preuve de la faute inexcusable leur incombe, sauf dans certains cas. La Cour de cassation (Cass. 2e civ. 8-7-2021 n° 19-25.550) vient d’en fournir une illustration.

1/ La preuve de la faute inexcusable

L’employeur a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en mettant en œuvre, notamment (C. trav. art. L. 4121-1) :

– Des actions de prévention des risques professionnels ;

– Des actions d’information et de formation ;

– La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Pour sa part, la jurisprudence considère que l’employeur est tenu, vis-à-vis des salariés, d’une obligation de sécurité dont il doit assurer l’effectivité (Cass. soc. 20-3-2013 n°12-14.468).

Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il incombe à la victime (le salarié ou ses ayants droit) de prouver que l’employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel elle était exposée, n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (Cass. 2e civ. 8-7-2004 n° 02-30.984).

A titre d’exemple, rejette à bon droit la demande de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur l’arrêt qui relève que l’accident causé par une pelleteuse est survenu « alors que le godet était en position “route” bien que la pelle ait été à l’arrêt, que le salarié n’a pas précisé quel dispositif de sécurité était manquant ou défectueux, et qu’il est établi que la pelle était régulièrement entretenue, faisant ainsi ressortir que l’employeur ne pouvait avoir conscience du danger (…). » (Cass. soc. 12-12-2002 n° 01-20.030).

Par exception, le bénéfice de la faute inexcusable est « de droit » pour le ou les travailleurs victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’eux-mêmes ou un représentant du personnel au CSE avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé. (C. trav. art. L. 4131-4).

La faute inexcusable « de droit » signifie que le salarié ou ses ayants droit n’ont pas à établir la preuve de la faute inexcusable, son bénéfice étant automatique.

2/ L’arrêt du 8 juillet 2021

Un salarié d’une entreprise de sécurité a été victime d’une agression sur son lieu de travail le 7 octobre 2011, prise en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).

Quelques jours avant son agression, la secrétaire de l’entreprise avait trouvé, dans la boîte aux lettres, un courrier anonyme, destiné au salarié, mentionnant « dégage ou on te crève », que ce dernier avait transmis par email du même jour à son employeur.

Après son licenciement pour inaptitude, la victime a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (aujourd’hui : le pôle social du tribunal judiciaire) aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Sa demande a été rejetée par le tribunal des affaires de sécurité sociale et la Cour d’appel de Toulouse (CA Toulouse 22-11-2019 n° 16/02034).

La Cour a retenu, au soutien de sa décision, que les conditions posées par l’article L. 4131- 4 du Code du travail n’étaient pas réunies et qu’il incombait en conséquence au salarié de rapporter la preuve de la faute inexcusable, en établissant que son accident présentait un lien avec une faute commise par son employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité.

S’agissant du courrier anonyme, la Cour a considéré que sa transmission à l’employeur ne caractérisait pas davantage une alerte donnée à l’employeur, portant sur une exposition de sa personne à un risque d’agression physique.

L’arrêt est censuré par la Cour de cassation, aux motifs suivants :

– « En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la victime avait transmis à son employeur une lettre de menaces reçue dans un contexte de fortes tensions internes à l’entreprise, de sorte qu’elle avait signalé à celui-ci le risque d’agression auquel elle était exposée, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. »

3/ Les enseignements

Il résulte de la décision de la Cour de cassation que le signalement d’un risque à l’employeur, par le salarié ou un représentant du personnel, quelle qu’en soit la forme, permet à la victime de bénéficier du régime de la faute inexcusable de droit.

La Cour de cassation (Cass. soc. 17-7-1998 n° 96-20.988) avait déjà statué en ce sens s’agissant d’un risque lié à une installation (escalier) :

« Mais attendu qu’après avoir rappelé les dispositions de l’article L 231-8-1 du Code du travail, selon lesquelles le bénéfice de la faute inexcusable est de droit pour le salarié ayant signalé à l’employeur un risque qui s’est matérialisé, les juges du fond ont constaté que la chute de M. Bignon avait été provoquée par le caractère glissant des marches de l’escalier, dépourvu en outre de main courante, et que cette situation dangereuse pour les usagers avait été signalée par l’intéressé à l’association ATE, son employeur ; que, par ces seuls motifs, la cour d’appel a légalement justifié sa décision. »

 Cette jurisprudence invite l’employeur à la plus grande vigilance lorsque des signalements ou des alertes sont émis par des salariés, notamment en matière de risques psycho-sociaux.

A titre d’exemple, la dénonciation d’un harcèlement moral par un salarié, au moyen d’un email adressé à l’employeur ou à un représentant du personnel au CSE, peut suffire à constituer le signalement mentionné à l’article L. 4131-4 du Code du travail.

Rappelons que la faute inexcusable de l’employeur peut emporter des conséquences financières significatives.

En effet, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire (CSS. art. L. 4132-1).

En particulier, la faute inexcusable ouvre droit à une majoration de la rente versée par la CPAM (ou à une majoration du capital) (CSS. art. L. 452-2, al. 1, 2, 3 et 5 et R. 452-2).

Par ailleurs, en complément de la majoration de rente, la victime a le droit de demander à l’employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle (CSS. art. L. 452-3, al. 1).

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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Pass sanitaire : les conséquences pour les salariés

Pass sanitaire : les conséquences pour les salariés 1707 2560 sancy-avocats.com

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La loi relative à la gestion de la crise sanitaire a été adoptée définitivement le 25 juillet 2021. Après la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 2021, elle a été publiée au JO du 6 août 2021 et s’applique dès le 7 août 2021, sous réserve de certaines mesures différées dans le temps.

1/ Qu’est-ce qu’un pass sanitaire ?

Le pass sanitaire (orthographié « passe » sanitaire dans la loi) a été initialement instauré par la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

Cette loi avait prévu sa mise en place pour la période du 2 juin au 30 septembre 2021, délai qui est porté au 15 novembre 2021 par la nouvelle loi.

Le pass sanitaire consiste en la présentation numérique (via l’application TousAntiCovid) ou papier, d’une preuve sanitaire, parmi les trois suivantes :

– Le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid‑19 ;

– Un justificatif de statut vaccinal concernant la Covid‑19 ;

– Un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid‑19.

La loi prévoit aussi la possibilité de présenter un document spécifique en cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination.

Toutes les personnes vaccinées peuvent récupérer leur attestation de vaccination sur le site Internet de l’Assurance Maladie.

Le certificat de vaccination peut être scanné grâce à un QR Code, pour l’importer et le stocker sur le smartphone, grâce à TousAntiCovid (mon Carnet).

La présentation du pass sanitaire peut se faire sous format papier ou numérique.

2/ Quels sont les salariés concernés par le pass sanitaire ?

À compter du 30 août 2021, les salariés des entreprises de transport et des établissements recevant du public devront détenir un pass sanitaire.

En effet, la présentation du pass sanitaire peut être imposée aux personnes souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou d’une collectivité d’Outre-mer, ainsi qu’aux salariés intervenant dans les services de transport concernés.

Par ailleurs, le gouvernement est autorisé par décret à imposer le pass sanitaire au public et aux personnes (dont les salariés) intervenant dans certains lieux, établissements, services ou événements où sont exercées les activités suivantes :

– activités de loisirs ;

- activités de restauration commerciale ou de débit de boissons, à l’exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire ;

– foires, séminaires et salons professionnels ;

- sauf en cas d’urgence, services et établissements de santé, sociaux et médico‑sociaux, pour les seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements ainsi que pour celles qui y sont accueillies pour des soins programmés ;

– déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux au sein de l’un des territoires mentionnés ci-dessus, sauf en cas d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif requis ;

– sur décision motivée du représentant de l’État dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux, au‑delà d’un seuil défini par décret et dans des conditions garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu’aux moyens de transport.

3/ Quelles conséquences en l’absence de passe sanitaire ?

Lorsqu’un salarié en CDI ou en CDD ne présente pas son pass sanitaire et s’il ne choisit pas d’utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés, ce dernier lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de son contrat de travail.

Cette suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis.

Lorsque la situation se prolonge au-delà d’une durée équivalente à trois jours travaillés, l’employeur convoque le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation.

Le projet de loi prévoyait que l’employeur pouvait procéder à la rupture du CDD ou du contrat de mission pour défaut de présentation du pass sanitaire.

Toutefois, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions du texte aux motifs suivants :

– « en prévoyant que le défaut de présentation d’un « passe sanitaire » constitue une cause de rupture anticipée des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail qui est sans lien avec l’objectif poursuivi. »

4/ Quelles obligations pour les salariés soignants ?

 Doivent être vaccinés contre la Covid-19, sauf contre-indication médicale reconnue, les personnes exerçant leur activité dans :

– les établissements, centres ou maisons de santé, publics ou privés ;

- les centres et équipes mobiles de soins aux personnes en situation de précarité ou d’exclusion ;

- les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexe ;

- les centres de lutte contre la tuberculose et les centres d’information, de dépistage et de diagnostic du VIH et des infections sexuellement transmissibles ;

- les services de prévention et de santé au travail et les services de médecine préventive des étudiants ;

- les établissements et services sociaux et médicaux-sociaux, à l’exception des travailleurs handicapés accompagnés dans le cadre d’un contrat de soutien et d’aide par le travail ;

- les résidences et habitats collectifs recevant notamment les personnes âgées ou handicapées, les jeunes travailleurs ou les travailleurs migrants.

Sont également concernés par l’obligation vaccinale :

– les professionnels de santé, les psychologues, les psychothérapeutes, les ostéopathes et chiropracteurs ne travaillant pas dans un des établissements visés ci-dessus et les personnes travaillants dans les mêmes locaux que ces derniers ;

- les personnes exerçant l’activité de transport sanitaire (ambulanciers…) ;

- les personnels des services d’incendie et de secours (sapeurs-pompiers, marins-pompiers, personnels des associations de sécurité civile…) ;

- les prestataires de services et des distributeurs de matériels médicaux ;

- les professionnels employés par un particulier-employeur attributaire de l’allocation personnalisée d’autonomie ou de la prestation de compensation du handicap.

Les listes ci-dessus peuvent être adaptées par décret en fonction, notamment, de l’évolution de la situation épidémiologique.

L’obligation vaccinale s’applique à partir du 15 septembre 2021 ou du 15 octobre 2021 pour les soignants ayant déjà reçu une première dose de vaccin.

Lorsque l’employeur constate qu’un salarié ne peut plus exercer son activité, il l’informe sans délai des conséquences qu’emporte cette interdiction d’exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation.

Le salarié qui fait l’objet d’une interdiction d’exercer peut utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés.

A défaut, son contrat de travail est suspendu.

La suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l’exercice de son activité.

Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté.

Pendant cette suspension, le salarié conserve cependant le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit.

 

Xavier Berjot
Avocat associé
xberjot@sancy-avocats.com

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